EN DIVERS PAYS.

 

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hommes et des choses, regarde d’un air impassible en apparence ces
visiteurs. Il les voit se promener de côté et d'autre; mais, à mesure
que leur nombre augmente, il fait éplucher des légumes et plumer
des poulets, car il sait bien que tôtou tard chacun de ces insouclants
promeneurs finira par avoir recours à ses bons offices. Peu à peu,
en effet, tous se placent près des petites tables qui semblent avoir
été disposées par une main amicale tout exprès pour chacun d'eux,
et l'orchestre fait résonner ses trompettes, soupirer ses flûtes, ünter
ses timbales, mugir sa grosse caisse, et le cliquetis des verres, des
fourchettes, la voix vibrante du Kellner se mêlent aux mélodies de
Weber ou de Strauss. Les Bohèmes ont à un haut degré l'instinct et
le goût de la musique. Is se vantent d'avoir composé plus de chants
harmonieux que tous les autres peuples de l'Allemagne, et d’avoir
mieux que tout autre apprécié le cénie de Mozart. Mais si, dans un
concert, ils sabandonnent pleinement au charme idéal de cette lan-
oue immatérielle, de cet idiome surhumain des âmes qu'on ap-
pelle la musique, quand ils sont assis dans un café ou dans une
salle de restaurant, cette mème musique nest pour eux qu'un
agrément de plus dans leur agrément matériel, et nul suave ac-
cord ne peut les empêcher de faire grincer un couteau sur leur
assiette, ou d'appeler à haute voix un Kellner qui oublie de les
servir.

A l'extrémité de ce jardin si animé pendant les jours d'été, il est
un arbre solitaire dont les rameaux s’inclinent sur un banc rus-
tique. Que de fois j'ai été m'’asseoir là, à l'heure où l'ombre du soir,
en descendant sur la vieille cité de Prague, lui donnait un carac-
ière plus imposant. Il est des villes, telles que Naples et Constan-
tinople, qui sont comme les filles de la lumière, et qu'il faut voir
aux plus brillants rayons du soleil pour comprendre leur radieuse
beauté. Il en est dont la physionomie s’harmonise mieux à nos
regards avec un ciel nébuleux ou une teinte crépusculaire, Comme
celle d’une veuve avec un demi-deuil. Ce sont des veuves aussi,

des veuves d'un royal époux et d’un glorieux passé. Telle est
Venise sur ses lagunes; telle est Prague dans son muet bassin.

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