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1§13. - N.o 2.
Ai\TERS, I.umli 3 Janvier-
(Huitième 1 nuée.)
LE PRÉCURSEUR
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du PRÉCURSEUR, Bourse Anglaise
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2 Janvier.
GARANTIE DEN MHVmiM D'INTÉRÊT.
(Voir le Précurseur des 5 et 26 décembre.)
L’Etat quelles que soient à ce sujet les idées des hommes les
mieux intentionnés, l'Etat n’est point un spéculateur. L’Etat,
c’est le pouvoir suprême qui doit veiller à tous les intérêts et
qui n’en doit combattre aucun. L’Etat doit être le régulateur du
mouvement général et n’intervenir par le revenu général qu’alors
qu’il y a urgence d'utilité, et impossibilité d’exécution par au-
trui; c’est pour cela que nous soutenons qu’une opération avan-
tageuse doit être laissée aux particuliers alors que ceux-ci
peuvent la mener à bonne fin et ['entreprendre et l’exploiter
aux bénéfices de leur propre intérêt et de l’intérêt de tous.
C’est là notre système en ce qui concerne le fait matériel de
l'intervention du gouvernement dans les entreprises par asso-
ciation, qu’on appelle les grandes entreprises.
Mais nous avons aussi une antipathie profonde contre l’inter-
vention morale de l'Etat, qui cesse d'être une fiction dans cette
circonstance et devient chair et os, représenté qu’il est par des
minisires. Or, il nous semble contraire aux idées libérales de
nos jours et surtout à l’esprit de notre Constitution, de voir
l’Etat s’emparer de grandes entreprises de les remplir de ses
hommes à lui et de se créer ainsi un grand nombre d'applau-
disseurs quand même qui peuvent considérablement contrarier
l’esprit public dans ses développements réguliers. Tous les
gouvernants des pays constitutionnels n’ont point laissé gran-
dir pour rien le frivole esprit bureaucratique. Ils pensaient et
non sans raison, que l’indépendance sommeille souvent chez les
hommes quand leur intérêt est compromis,et chaque fois qu’une
personne est entrée dans la carrière administrative elle est de-
venue pour ainsi dire la créature de l’administration qui en
dispose. Il y a sans doute d’honorables exceptions, mais elles
fortifient la règle au lieu de la détruire. Nous ne voulons donc
point étendre infiniment le cercle d’influence du pouvoir, at-
tendu que rien n’engage mieux à abuser, que la faculté d’user.
Il y a une raison politique qui nous empêche de déléguer au
gouvernement le droit de se mettre le plus possible au lieu et
place des citoyens. Ce système conduirait d’ailleurs à la ruine
de toute grande affaire ou industrie, car l'Etat créerait un vé-
ritable monopole, attendu qu’il lui est indifférent de gagner ou
de perdre.
Nous ajouterons un dernier mot à nos précédentes observa-
tions et quiconvaincra, nous l’espérons, l'auteur de la brochure
contre la garantie d’un minimum d’intérêt.
Les associations qui se sont faites jusqu'ici et qui lui ont
inspiré les pages les plus noires de son petit livre,ne sont pas le
moins du monde comparables à la question que nous agitons en
ce moment.
Il s’agissait de créer des sociétés productrices dont le gou-
vernement ni personne ne pouvaient régler le placement de pro-
duits.
Des hommes qui jouissaient de la confiance publique s’étaient
mis à la tête de houillières ou de hauts-fournaux; il était évident
qu’il fallait des capitaux considérables; il était probable que ces
chefs apprécieraient convenablement la consommation. Toute
la surveillance que le gouvernement pouvait exercer consistait
à s’enquérir de la probité des hommes et de l’existence de la
chose.
Il n’en est sous aucun rapport de même quand il s’agit de
canaux ou de routes. Outre que le passé chargé d’agiotage peut
permettre au gouvernement d’exiger que l’émission d’actions
n’aura lieu qu’après l’achèvement des travaux, il peut encore
parfaitement prendre mille autres précautions qui l'empêche-
ront d’être compromis dans de mauvaises affaires patentes.
Un canal ou une route est un besoin social ou ne l’est pas;
c’est ce qu’on apprécie immédiatement par le nom qu’ils por-
tent.
Or, admettons que des particuliers entreprennent l’établis-
sement de cette voie et qu’ils demandent à l’Etat 3 ou 4 p. c.
de garantie — que faut-il d’abord, ne l’oublions pas, pour que
les capitaux se trouvent ? Il faut mille choses :
i° La certitude qu’il y a besoin de créer la voie ;
2° La certitude que cette voie rapportera au moins cinq
pour cent; car ce n’est point à coup sûr dans nos provinces qu’on
trouve beaucoup d’amateurs d’actions quelconques qui ne rap-
porteraient que 4 p. c. ;
3° La certitude qu’elle sera utile aux villes qu’elle doit entre-
lier, ou à la province qu’elle doit parcourir ;
4° La certitude que les riverains et les propriétaires ou com-
merçants prendront part dans cet intérêt commun ;
5° La certitude que le gouvernement aura pris toutes les pré-
cautions imaginables pour s’assurer delà bonté de l'entreprise,
puisque les Chambres auront chaque année à statuer sur lepart
complimentaire que l’Etat sera appelé à verser aux actionnai-
res si l’affaire va mal ;
6° La certitude que la faculté laissée au gouvernement ne dé-
générera point ces abus, car on sait toutes les lenteurs et toutes
les enquêtes qui accompagnent ces sortes de demandes et les
administrations spéciales.
Voilà donc des garanties suffisantes et qui ne peuvent ef-
frayer personne, même si les travaux demandés devaient s’éle-
ver à la somme de fOO millions et plus,comme l’affirme l’auteur
de la brochure.
Supposons, en effet, que cent millions de travaux se fassent
sur le sol belge dans le courant de cinq années. — Pendant la
durée des travaux, le gouvernement ne donnerait d’abord rien.
Les intérêts des capitaux seraient imputés sur le capital même,
cl grossiraient le total jusqu’au jour où l’on entrerait complè-
tement en possession des travaux achevés. Or, pendant ces
cinq années de travaux nouveaux, l’Etat aurait déjà perçu plus
de 10 millions de plus en impôts de toute nature que si on ne
faisait rien.
Admettons ensuite que le quart de tous ces travaux engage-
rait l’Etat, et, répétons-le, cela ne sera pas posssible après
toutes les précautions qu’on aura prises; mais acceptons l’hypo-
thèse.
Alors la Belgique aura pour cent millions de routes, canaux
et chemins de fers en plus. Elle aura augmenté son mouve-
ment d’affaires d’un quart ou d’un tiers peut-être. Les impôts
indirects, les contributions, la plus value que donneut les voies
faciles aux propriétés, tout cela rapporterait éuormement au
trésor et augmenterait les revenus actuels au moins d’uu 7me
ou d’un 8rae et tout cela pour la somme d’un seul million que
l’Etat devra payer pour 23 millions de travaux qui n’auraient
point répondu à l’attente des entrepreneurs.
Mais, en vérité, toute discussion cesse devant ce tableau qui
n’est absolument pas exagéré.
Du reste, les faits viennent plaider éloquemment en faveur
de notre système. L’Autriche, la Prusse viennent d'adopter, et
bientôt la France va les imiter. — Si les gouvernements abso-
lus, qui n’ont point de compte à rendre des impôts, ni en re-
cettes, ni en dépenses s’engagent à se charger dans un tel état
de choses, nous le répétons, des ministres responsables peuvent
donc bien mieux l’adopter, car leur intérêt, leur fortune peut-
être répondent de leur prudence, incessamment surveillés par
les Chambres et qui doit passer chaque année par une double
discussion et un double vote.
Qu’on ne s’arrête donc pas davantage aux petits inconvénients
du système ; il est large, il est fécond, il est infaillible poir le
développement de la prospérité nationale. On peut prendre
toutes les mesures de prudence et de sagesse que l’on voudra,
mais il n’est donné à personne d’en prévoir et d’en prédire au
juste les immenses bienfaits et les incalculables avantages.
Nous n’avons certes point tout dit sur cette question intaris-
sable et nous y reviendrons lorsque la discussion s’ouvrira à ce
sujet devant les Chambres.
SPEENDIDISSIHVS ORDO COI.OSEE CVICLIAMÆ.
» Djimilah est située à vingt-six lieues à l’ouest de Constantine, sur
c c“ndu,t de celle ville au Biban . et à neuf lieues à l’est de
setir. bile était comprise autrefois dans la Mauritanie silifienne, inter-
mediaireà la Numidieet à la Mauritanie césarienne». Un évêque y rési-
(tait, comme dans la plupart des villes de ces contrées. Les abords en
sont difficiles ; on n’y rencontre aucun indice de voie romaine: on y ar-
rive par des sentiers étroits sur le flanc de pentes rapides ; l’horizon y
est borné de toutes parts par des montagnes de couleur sombre, sou-
vent couvertes de neige pendant l’hiver.
» Les Romains semblentavoir concentré leurs jouissances dans la ville
elle-même; on y trouve un théâtre presque complet; tout auprès, deux
murailles elevées d’un temple quadrilatère ; plus loin , des fûts de co-
lonne d une grande dimension, des autels dé |a Victoire, des bas-reliefs,
des mosaïques, des inscriptions en grand nombre, etc.
» La partie la mieux conservée de l’arc de triomphe, la voûte du cin-
tre s est un peu déprimée, et la pierre qui en est la clef, retenue seule-
ment par une de ses extrémités, demeure suspendue et semble mena-
cer les visiteurs. Cette affaissement a déterminé ia chute de plusieurs
pierres qui gisent encore sur le sol.
« La hauteur du monument, tel qu’il est actuellement, est de 11 mè-
tres,et sa largeur de 11 mètres50cenlimètres; il est d’une seulearcade
de 6 métrés de hauteur et de 4 mètres de largeur. Deux pilastres decha-
que coté reposent sur un stylobate commun et encadrent les trumeaux,
qui sont creusés chacun d’une niche, destinée peut-être à des statues.
La frise est simple, Panique présente l’inscription gravée sur cinq
pierres, dont la première est tombée et se remarque encore sur le sol:
elle est brisée suivant sa longueur, d’où l'absence de plusieurs lettres de
chaque ligne.
» Sur la face interne du pilier gauche de l’arcade, en cherchant avec
attention, on découvrira deux lettres; c’est le chiffre du duc d’Orléans,
qu’il y grava lui-même lorsqu’il passa à Ojimitah, à la fin de 1859.
«Comme on voit.ee n’est pas par des dimensions gigantesques que ce
monumentfixe l’attention,mais parsa conservation,après quinze siècles
d’existence.marqués par de si grandes révolutions,et au milieu de peu-
plades barbares.Aujourd’hui qu’il devient le trophée de nos conquêtes
en Afrique, un nouvel intérêt s’y rattache.»
ESPAGNE.
On écrit de Perpignan, le 25 décembre :
« Jeudi derdier, une terreur panique s’était emparée des habitants
de la Junquère. D'après des rapports controuvés, les réfugiés barcelo-
nais, qui sont actuellement à Perpignan, devaient tenter un coup de
main sur la Junquère, et se diriger ensuite vers Olot, Figuères, etc.
Tout cela s’est borné à faire de l’enthousiasme espartérisle et à sonner
le tocsin. Les autorités ne sont pas étrangères à ce petit mou veinent de
commande, qui a été fait dans le but de donner le change sur les dis-
positons des esprits.
» Une dépêche avait annoncé que le parti modéré avait triomphé
dans les élections municipales à Barcelone. C’est une erreur. Les cham-
pions du parti modéré, comme les compromis du parti républicain,sont
en ce moment à Perpignan; le commun des électeurs, abandonné sans
direction à son propre instinct, a fait des choix dépourvus de couleur
politique plutôt que de nommer des hommes appartenant à la coterie
gouvernementale.
» On prépare à Barcelone la qninta (conscription) pour le 15 du mois
prochain. »
— Une circulaire du ministre delà guerre, mise le 18 à l’ordre du jour
de l’armée de Catalogne, reproche aux conseils de guerre l’indulgence
dont ils donnent quelquefois des preuves, et, dans l’intérêt de la disci-
dline, rappelle les conseillers à la stricte observance des réglements.
— On lit ce soir dans le Messager :
« Pergignan, le 20 décembre.
h Un décret du Régent, du 21, nomme le général Séoane capitaine-
général de Catalogne, en remplacement du général Van Halen. »
— Le Constilucional'tXu '24 publie l’ordre du jour dans lequel VanHalen
a pris congé des troupes. Il en résulte que c’est parce que Van Halen*
préféré rentrer dans la vie privée qu’il a été pourvu à son remplacement.
FRANCE.
Paris, 51 décembre. — Aujourd’hui, à une heure de l’après-midi, S.M.
la reine des Français, Mm» Adélaïde, la duchesse de Nemours et la prin-
cesse Clémentine’ sont allés rue de Courcelles, rendre visite à ia reine
Christine.
— Nous lisons ce soir dans le Moniteur parisien :
« Le gouvernement parait décidé à répondre sans retard aux vœux
qui lui sont adressés par les colonies, les porls de mer, et l’immense ma-
jorité des fabricants de sucre de betterave. Les représentants de ces
divers intéréts ont reçu l’assurance que le projet de loi dont nous avons
déjà fait connaître l’esprit, serait présenté aux chambres, dès le 10 jan-
vier. »
— On écrit de Lyon, 28 décembre :
« Hier, à peine rentré dans la geôle, Besson a demandé à conférer
avec son défenseur. lia annoncé immédiatement l’intention dese pour-
voir en cassation. » (Constitutionnel.)
— On écrit de Toulon :
« Le navire la Maria-Annetta, naviguant sous pavillon sarde, et dont
l’équipage était composé de marins espagnols, fut arrêté au mois de
janvier dernier par la corvette française la Blonde, capitaine Trehouart,
devant l’île Mayotte, sous la prévention de piraterie et de traite des
noirs, c’est-à-dire dans les mêmes circonstances que le Pocha.
» Le bâtiment et son équiquge ont été amenés à Toulon. On a mis le
séquestre sur le navire, et les hommes sont écroués en attendant leur
comparution devant le tribunal maritime. » (National.)
— Une explosion terrible a bouleversé hier soir, à cinq heures, le café
Muller, au coin des rues Saint-Paul et Saint-Antoine. Un des employés
du café, occupé à allumer un des becs de gaz de ia salle de billard, au
premier, a été renversé tout-à-coup par la chute du plafond, dans le-
quel se trouvaient placés des tuyaux de conduite. Les blessures graves
qu’il a reçues mettent sa vie en danger. Les soins les plus empressés lui
ont été prodigués par MM. O. Gellée, pharmacien, et le docteur Puel.
Il serait à désirer que l'administration établît un système desurveil-
lance actif qui prévint à l’avenir des accidents semblables trop souvent
répétés.
— Un vol a été commis ces jours derniers dans des circonstances fort
singulières. M. Bidou, ancien marchand de vin retiré, ruedu Faubourg
Saint-Jacques, s’apercevait depuis quelque temps qu’on lui dérobait du
vin dans sa cave. Une lettre anonyme lui apprend que, le jour indiqué,
on se propose de vider entièrement sa cave. Confiant dans cet avis, M.
Bidou se met en embuscade derrière des futailles, et, le pistolet à la main,
il attend ses voleurs. Cependant la nuit se passe, et personne ne parait.
Fatigué d’attendre, il retourne chez lui; mais on avait fait main basse
sur tout ce qui était dans son appartement : argenterie et bijoux.
Le Toulonnais publie la note suivante sur l’arc de triomphe de
Djimilah :
« La souscription qui s'est ouverte dans l’armée pour élever une sta-
tue équestre, en bronze, à la mémoire du duc d'Orléans, sur une place
d’Alger, ayant pris une grande extension, le ministre delà guerre vient
de décider qu’un monument semblable serait placé à Paris, et qu’en
outre l’arc de triomphe de Djimilah y serait transféré, suivant le désir
que le prince en avait exprimé au Roi lors de son passage avec l’armée
aux Portes-de-Fer.
» Djimilah est le nom que porte aujourd’hui une ancienne cité ro-
maine, qui s’appelait autrefois Cuiculum. Celte synonymie est établie
d’une manière incontestable par plusieurs inscriptions qui se trouvent
parmi les ruines, et qui renferment, entre autres, les expressions sui-
vantes :
SPRENDIDISS1MVS ORDO COEOXIÆ CVICVLTASORVM
» Ou bien encore:
la*» îles Marquises,
Après avoir inséré le rapport dans lequel M.l’amiral Dupetit-Thouars
rend compte de l’occupation des iles Marquises nous essaierons de dire
aujourd’hui quelles sont ces iles, quel a été leur passé, si toutefois elles
onl un passé, et enfin de quelle importance elles sont ou peuvent être
un jour pour la France.
Il ne faudrait sans doute pas remonter bien des années en arrière
pour revenir au temps où la Mer du Sud, avec ses magnifiques archipels,
était, même dans l’esprit des gens éclaires, une contrée du globe pres-
que fabuleuse, moitié réalité et moitié roman. Enfant on avait lu les
charmants récits du capitaine Cook et ceux de l’aimable Bougainville;
on savait qu’aux antipodes, sous un ciel d’une admirable pureté, sous
un climat enchanteur, se déployait une longue ceinture d’îlessur les-
quelles une nature prodigue nourrissait sans travail de voluptueuses
populations vivant dans l’état de simplicité primitive; on connaisssait
l’hisloire de ces matelots de la Bounty qui, captivés par les sirènes de
O’Taïti s’étaient révoltés contre leurs officiers, poussés par un irrésisti-
ble désir de venir achever leurs joursau milieu des faciles plaisirs qui les
avaient enivrés; mais hors de ces souvenirs qui se confondaient que
dans l’imagination avec les Aventures de Robinson Ci usoë et les Contes
des Mille et Une Nuits, qui est-ce qui, une fois entré dans la vie active,
avait vu appeler son attention sur l’Océan Pacifique ?
Aujourd’hui il en est autrement. Cette mer immense, qui baigne les
côtes de deux continents, sera dans un prochain avenir, ou plutôt est
déjà le centre où viennent aboutir désintérêts importants. Dans le Nord,
c’est la Russie qui organise et développe ses établissements de l’Amé-
rique et du Kamchalka, et qui jette, dit-on, des regards de convoitise
sur l’archipel des Sandwich, admirable et unique lieu de relâche entre
la Chine et les Etats-Unis. Dans l’est, ce sont les infatigables pionniers
de l’Amérique du Nord, qui sont déjà descendus des Montagnes Rocheu-
ses sur les bords de celte mer, que de leur côté les pêcheurs de Boston
et les armateurs de New-York sillonnent de leurs vaisseaux; lesinlé-
réts américains ont déjà pris dans ces parages un tel développement,
que, dans son rapport annuel, le ministre de la marine des Etats-Unis
conseillait naguère au Congrès de Washington d’y fonder un port et
d’occuper quelqu’un de ses archipels. A l'Ouest, c’est le Japon et l’im-
mense empire de la Chine, qui vient d'être ouvert au commerce, aux
rivalités des puissances maritimes, à leur ambition peut-être. Au Midi,
le Nouvelle-Hollande, plus connue jadis sous le nom de Botany-Bay
comme un exutoire où l’Angleterre déportait, sans espoir de retour, les
plus dangereux de ses criminels, est devenue une colonie riche et puis-
sante; c’est maintenant un nouveau monde que la race anglaise a entre-
pris de conquérir à la civilisation, et qu’elle attaque de vingt côtés à la
fois par des établissements qui jouissent déjà d’une merveilleuse pros-
périté. Plus loin c’est la Nouvelle-Zélande, où, depuis cinq ou six ans,
l’Angleterre encore a fondé sur dix points différents des villes dont la
population s’accroît chaque jour, Auckland, port Nelson, port Welling-
ton, port Nicholson, New-Plymouth, etc. A l’autre extrémité, c'est le
Chili, le Pérou, la Bolivie, dont les relations avec l'Europe vont sans
cesse en grandissant d’importance. Au centre enfin, se développent
toutes ces lies incessamment visitées parles baleiniers, dont l’industrie
est concentrée dans cette mer,occupées et assujetties chaque jour par
cette foule de missionnaires américains et anglais, dont les ambitieux
efforts ne semblent avoir encore en d’autrerésultat que d’assurer dans
les archipels la prépondérance politique du pays qui les avait envoyés,
en détruisant avec une épouvantable rapidité les populations qu’ils
étaient venus convertir.
Dans l’état actuel des choses, une centaine au moins de bâtiments
français,tant baleiniers que navires du commerce, franchissent tous les
ans lé cap Horn ou l’archipel delà Malaisie, et promènent le pavillon
français dans la mer du Sud. C’était déjà un motif suffisant pour enga-
ger notre gouvernement à s’établir dans cette mer, afin d’être toujours
à même d’y protéger les intérêts de ses nationaux; mais, en vue de l’a-
venir qui se prépare, c’était pour lui un devoir impérieux. Depuis deux
ans déjà il a fondé un établissement à Akaroa,sur la presqu’île de Banks,
dans la plus méridionale des deux iles qui composent le groupe connu
sous le nom de Nouvelle-Zélandejaujourd’hui nous apprenons qu’à l’au-
tre extrémité de la même mer une expédition, commandée par M. l’a-
miral Dupelit-Thouars, vient d’acheter aux chefs indigènes l’archipel
des îles Marquises, et en a fait une possession désormais française.
Le gouvernement avait mis à la disposition de M. DupelifThouars,
pour l’aider dans son entreprise,des forces imposantes. En effet, l’esca-
dre française, dite de la Mer du Sud, se compose aujourd’hui de deux
frégates ùe 50 canons , l'Atalante et la Reine Blanche, portant le pa-
villon de l’amiral, d’une rrégale de 46, la Thètis;de deux coï-Vettes à bat-
terie couverte, l’Embuscade et la Boussole; de deux corvettes simples,
la Triomphante et la Camille-, d’un brick V Adonis, et d’uné gnbarre, te
Bucéphale. Surces neuf bâtimentsde guerre on avait embarqué Un ba-
taillon d’infanterie de marine fort de presque 800 hommes, une compa-
gnie d’artillerie de marine, et une compagnie des équipages de ligne.
Ainsi les moyens dont pouvait disposer M. Dupelit-Thouars représen-
taient 260 canons et plus de 3.000 hommes marins, soldats ou artilleurs.
Enfin quatre grands bâtiments du commerce sont partis de Franco,
chargés de matériel pour le futur établissement.
Voici maintenant ce que nous avons pu recueillir dans les récits des
navigateurs sur cet archipel jusque-là assez ignoré; nous prendrons
surtout nos renseignements dans le récit d’une visite que M. Dùpefit-
Thouars lui-même lit à ces îles,’ sur la frégate Ut l énus, au mois d’août
1838. Après lui elles n’ont plus été visitées, aillant que nous le sachions
du moins, que par l’amiral d’Urvillè; mais la partie de son récit qui doit
rendre compte du séjour de l’Astrolabe et de la Zélée aux îles .Marquises,
le quatrième volume, n’a pas encore paru. ... .
Les îles Marquises se composent dedeux groupes bien distincts situés
dans une direction généraleduS.-E.au N.-O.;etlessontcomprises entre
les parallèles 7» 50’ et lü» 51’de latitude sud, et les 140» 59’ et 143» 6’de |