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(M. 41.)
AMVERS, Jeudi 4 .ï AM VIER 1838.
(ÜEVolsièiaAC Amrfc)
Oïff 3’ABOJTKE
A Anvers, au bureau du
Ptèv.ursour, rue «les fagots,
n. iogô , où se trouve une
boîte aux lettres et où doi-
vent a adresser touslesavis.
En Belgique et d l'etran-
ger, chez tous lesdirecteurs
des postes.
Po'i-i toute lu Hollande
ch< z ’lh. tejeune Libraire
Editeur à laHaye
A Paris , h l'cffic*?-Cor-
respondance de Lepell ’tier-
Bourgain et eorapug*, rue
Notre-Dame des Victoire»,
N. i8,miou reçoit aussi les ,
ai.nonces.
FAIX. — MBSBTÈ.
LE IMtECt KSEI
JOURNAL POLITIQUE, COMMERCIAL, MARITIME ET LITTÉRAIRE.
EDITION DU SOIR.
ATI J
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La vjualrièiue page con-
sacrée aux aunonce» , e»
aificbéehla bourse d'Anvec
et à la b'.ur'C des priivei
pales ville» de coiumero
PROGRÈS.
4 Janvier.
BULLETIN POLITIQUE.
Nous avons par Constantinople des nouvelles d’Egypte. Méhemel*
Ali reprend toutes ses allures de despotisme; il rompt en visière avec
tes représentants de France et d’Angleterre qui depuis longtemps le re-
tenaient comme en tutelle et sous le prétexte de rechercher des fem-
mes arabes fugitives, les satelites de Mehemet-Ali pénètrent dans les
maisons des francs et s’y livrent à touté sorte d’excès.
Une nouvelle expédition se prépare pour la Syrie.
La peste a reparu à Smyrne.
Il en est de même à Odessa; les pestifiés transférés à l’hôpital mili-
taire de cette ville y sont mort bientôt après; la consternation règne à
Odessa. '
D’après nos correspondances de St.-Pétersbourgil paraitqued’après
ie travail auquel se sont livrés les astronomes russes pour reconnaître
les différences du niveau entre la mer Caspienne et la mer Noire, le
czara ordonné qu’au printemps prochain ou reprendra la canalisation
du Wolga et du Don, en exécution des projets de Catherine II qui
voulait unir les deux mers. C’est là une grande nouvelle et qui donne-
rait.à l’empire russe une grande prépondérance commerciale, car une
nouvelle roule serait offerte ainsi à cet état pour son commerce de la
Perse et même de la Chine.
Les affaires du Canada acquièrent de jour en jour une importance et
nn développement que les plus chauds partisans de l’émancipation des
peuples eussent à peine osé prévoir. L’insurrection du Haut-Canada,
annoncée d’abord sous des formes dubitatives et à laquelle on osait à
peine croire, tant l’influence de cet événement devait être décisive,est
maintenant pleinement confirmée ; elle procède avec l’aplomb, la ma-
turité et en même temps ia résolution qui sont un présage de succès.
Une assemblée s’est formée qui demande une constitution enréalité,
un gouvernement à hon marché , honnête et respectable, qui s’associe
aux actes de l’honorable Papineau et de ses frères du Bas-Canada et
qui veut que tout homme qui n'a pas une bonne carabine s'en procure
une, dernier et infaillible moyen d’affranchissement pour les peuples
o .primés, dernière sanction presque toujours indispensable pour com-
piler le triomphe de la justice et du droit.
C’est sans doute parce qu’ils ont compris la gravité de ces événe-
mens que les journaux anglais ont pris un langage beaucoup plus con-
venable en discutant les affaires du Canada. Malgré l’affectation d’in-
flexibilité que lord John Russell a cru devoir déployer dans son dernier
discours, les journaux se montrent beaucoup plus raisonnables ; ils re-
connaissent la justice des plaintes exprimées parles insurgés du Haut-
Canada ; iis avouent les infractions aux lois, les exactions, les dénis de
justice, les vexations que les Anglais ont fait peser sur ce peuple mal-
heureux ; ils accusent les gouverneurs anglais, sir John Colbourne et
sir Francis Head.
Evidemment il y a dans la presse anglaise un retour notable aux
idées d’humanité et de justice dont lord John Russell avait paru tenir
par trop peu de compte. Quelques-uns s’inquiètent du langage du
président des Etats-Unis ; tous sentent en un mot que la querelle en-
gagée dans les deux Canadas peut devenir un terrible embarras pour
l’Angleterre.
Les nouvelles delà Suisse sont peu .ûuportaEles.
Le grand conseil de Zurich, vient de fermer sa seconde délibération
sur les réformes à apporter à la constitution ; celle fois-ci il a adopté
dans son entier le projet de révision qu’il avait rejeté il y a six mois.
La nouvelle constitution, beaucoup plus démocratique que l’ancienne,
supprime les privilèges électoraux dont jouissait la capitale , et pro-
clame l’égalité politique de tous les citoyens. Voici quelques-unes de
ses dispositions les plus importantes : La ville de Zurich ne forme plus
qu’un cercle électoral. Chaque eerde envoie au grand conseil un dé-
puté par 1,200 âmes de population. Toute fraction au-dessus de C00
sera comptée pour le nombre entier. Le grand conseil élit à son tour
un député par 20,000 habitans.
Les journaux de France n’ont pas paru le 2 janvier 4 raison du
jour de l’àn; il y a done eu relâche dans la polémique de tous les jours
entre les doctrinaires, le tiers-parti et l’opposition.
FEUILLETON.
LE BIVOUAC ET LES MARAUDEURS.
Nous voilà dans une belle plaine, labourée par l’artillerie, piétinée par la
cavalerie ; il a plu tout le jour. C’est ici que nous allons coucher. L’ordre est
donné ; vingt boulines de ehaque compagnie sont envoyés dans les villages voi-
sins pour en rapporter du bois, de la paille et des vivres. Bieniôt un specta-
cle curieux s'oitre à nos regards. « La foire sera bonne, disent les soldais : les
marchands arrivent. » En elfet, de tous côtés, nous voyons accourir nos intré-
pides flibustiers chargésde sacs remplis de volailles, de paniers d'œufs, de
brochettes de pains enfilés par les baguettes de fusil. Les uns poussent devant
eux les moulons et les vaches, les bœufs et les cochons ; d’autres fout charrier
par des paysans mis en réquisition la paille et le bois. Aux ligures renfrognées
de ces derniers, aux interjections qui leur échappent, on voit bien qu’ils ne
sont pas contents ; mais leurs paroles sont étouffées par les cris des animaux et
par les rires des soldats.
Cependant les feux s’allument, les marmites commencent à bouillir, la nuit
vient, chacun a fait ses petites dispositions pour se mettre à l'abri; mais un ai-
de-de-camp, vrai troubie-fète. arrive au galop, et bientôt l’ordre, transmis de
la droite à la gauche, arrête nos projets, suspend nos préparatifs. 11 faut dé-
camper sans tambour ni trompette : nous allons coucher à quelques mille pas
plus loin. Les feux resteront allumés à l’endroit que nous quittons, nous en
ferons d’autres ailleurs, et l’ennemi croira que vingt mille hommes sont là,
tandis qu’il s'en trouve réellement dix mille. Cette manœuvre est sans doute
1res savante, mais elle n’est pas agréable aux dix mille hommes.
Soudain les marmites sont renversées, la viande qui commençait à bouillir
en est retirée fumante, on l'attache sur les bavresacs , entortillée dans un
bouchon de paille, et nous partons pour recommencer exactement ce que nous
venons de faire. On allume d’autres feux, et bientôt il n'y parait plus.
Lorsqu’on est au bivouac, en face de l’ennemi, chacun se couche tout ha-
billé, chacun dort, pour ainsi dire, les yeux ouverts ; il faut être prêt à tout
événement. Quelquefois il nous est arrivé de rester un mois sans ôter nos
bottes, ce qui ne laisse pas que d’être fort géant. Quelquefois aussi, lorsqu’on
était couché, l’envie nous prenait de déboutonner l'habit, et puis le pantalon;
on desserrait une boucle, et puis un autre , ensuite il fallait plus de temps
Pour remédier à ce petit désordre, que si l’on s’était complètement déshabillé.
Quand ia saison est froide, tout le monde se couche auprès du feu : mais on
sa grille d’un côté, taudis qu'on gèle de l’autre ; on a bien la ressource de se
retourner comme saint Laurent, mais ce n'est pas du tout commode.
DÉBIT DE BOISSONS DISTILLÉES.
On est généralement d'accord sur nn point. c’est que la consom-
mation des boissons distillées, acquiert dans une partie de l’Europe
un accroissement que l’on ne peut considérersansunecertainefrayeur.
On s’en est ému en Angleterre, en Allemagne et dans tout le Nord.
Sans être précisément le pays où l’usage des liqueurs alcooliques
soit le plus vulgaire, la Belgique, par suite de la fécondité de ses dis-
tilleries, fécondité malheureuse sous certains rapports, par suite du
bas prix des genièvres, par suite en memetems de l’abondance du
travail et de l’aisance des ouvriers, est une des contrées où cet usage
pernicieux tend à jeter dans les mœurs et dans les besoins populai-
res les racines les plus profondes. Cette observai ion a été faite de-
puis long-tems,par ceux qui s’appliquent à étudier les modifications
qui surviennent dans les habitudes, pour quelque motif que ce soit :
signalée par la presse, elle a éveillé l’inquiétude du gouvernement,
et M. le minisire des finances, pensant que le meilleur moyen de re-
fréner cette envahissante passion pour les boissons distillées, était
d’en augmenter la valeur vénale, a cherché à obtenir ce résultat. Il
a cru qu'il l’obtiendrait, en frappant le débit des boissons distillées
d’une contribution plus onéreuse et qui se percevrait par droit d’a-
bonnement. Il a présenté un projet de loi en conséquence. Ce projet
de loi, examiné par les différentes sections de la chambre, avec toute
l’attention que mérite une question d’une aussi haute moralité, n’a
pas obtenu et ne pouvait réellement pas obtenir l’assentiment de la
section centrale, parce qu’il n’était pas de nature à faire atteindre le
but que l’on se proposait.
En effet: le gouvernement avait commencé par se placer idéale-
ment entre deux écueils, et de ces deux écueils il n’a pas su éviter
celui-là précisément qui devait détruire tous les fruits de son projet
de loi. Le premier écueil était celui d’un mode de perception équita-
ble et productif, mais accompagné de recherches et d’investiga-
tions odieuses aux assujétis, mode de perception qui au reste assu-
rait le droit de consommation tel que le pouvoir législatif l'eût établi.
Le second écueil était celui d’un autre mode imposant le sacrifice
d’une partie des produits et s’écartant ainsi des principes d’une ri-
goureuse justice distributive, ayant à son tour, pour résultat, de
soustraire les redevables à des formalités gênantes : il a évité le
premier de ces écueils et avec raison, croyons nous, car les mesures
de ce genre ne sont plus en harmonie avec nos mœurs ; il s’est ar-
rêté au second, parce que, selon lui, le but de la loi était plutôt
moral que financier-, il a en conséquence cru devoir proposer un
droit d’abonnement uniforme , suivant les lieux, pour le [débit des
boissons distillées.
Selon nous, le gouvernement s’était mépris sur le principe même
de la législation à instituer,dès l’instant qu’il avait établi une distinc-
tion entre la portée morale et la portée financière du projet de loi
qu'il devait proposer. Ici en effet, chose bien rare, la morale et la
finance étaient, non seulement d’accord, mais enchaînées ensemble
par un lien indissoluble. Le projet de loi ne pouvait avoir un but
moral que par cela même qu’il avait un but financier ; il ne pouvait
avoir de résultat moral, s’il n’avait pas de résultat fmancier.C’était la
conséquence même de ce qu'on se proposait.Que voulait on ? que veut
on encore? diminuer, par l’accroissement du prix, la consommation
des boissons alcooliques. On le veut au nom de la morale, mais ce
point, on ne pourra l’atteindre, avec un système dont le premier effet
est d’imposer, sous le rapport financier, le sacrifice d'une partie des
produits, attendu que la conséquence inévitable, serait d’amener pré-
cisément une diminution de prix, dans différentes maisons du débit
qui naturellement s’efforceraient par-là de se créer une nombreuse
clientelle, afin de paralyser la contribution du droit d’abonnement.
Il ne saurait d’ailleurs y avoir d’abonnement uniforme, parce qu’en
; lui-même ce droit perdra de son uniformilé, suivant la quantité des
boissons distillées.
j La partie essentielle de tout cela a été très bien comprise..par la
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cher des vivres, à les faire cuire, à les manger. Ils se livraient au sommeil le
moins possible ; tout le temps du repos ils l’employaient à faire des fricassées,
des crêpes, des beignets. Comme les estomacs n’avaient pas assez de force pour
supporter cette pérennité de repas et de beuverie, il en résultait de nombreu-
ses qui remplissaient les hôpitaux de malades. A l'armée, l’abondance est
quelquefois plus nuisible que la disette.
Le suprême bonheur pour les soldats est de godaiüer ; je ne sais si ce mot
est français, n’importe, il rend ma pensée, et je le laisse. Ils préfèrent, en gé-
néral. cuisiner, friturer eux-mêmes, que d'avoir deux bons repas, bien servis
à des heures réglées. Dans les environs de Liutz, j’étais chez un fermier fort
riche avec toute ma compagnie ; notre hôte m’avait prié de maintenir la dis-
cipline dans sa basse-cour, promettant de fournir à mes soldats tout ce qui
leur serait nécessaire. Ils étaient couchés sur la paille dans une vaste grange,
et trois fois par jour on leur servait un repas copieux et fort bien préparé. Tout
en faisant ma ronde, je m’avisai de demander à ces gaillards-là s’ils étaient
contents de la manière dont on les traitait.
— Comme ça, dirent-ils ; pas trop.
— J’entends que vos repas soient bons et abondants : il est juste, après tant
de fatigue, d’avoir un peu de compensation.
— Nous n'avons pas trop à nous plaindre.... mais....
— Ce que l'on vous sert est-il mauvais ?
— Non.... mais....
— Est-ce que la quantité n’est pas suffisante ?
— Non.... mais....
— Mais... mais... voyons , expliquez-vous. Que vous a-t-on donné hier à
votre dîné ?
— La soupe, le bouilli, un plat de légumes, un rôti de mouton, nne salade,
du fromage, une bouteille devin par tête et le petit verre d’eau-de-vie.
— Diable I et vous n'ètes pas contents ?
— Pardonnez-moi, mon lieutenant... mais...
— Je souhaite que vous ne soyez jamais pius mal.
Un vieux caporal me dit alors :
— Ah ! pardi 1 vous êtes bien bon de chercher à contenter ces paroissiens-
là : vous leur donneriez des anges rôtis, qu’ils grogneraient encore.
Ils auraient préféré, sans aucun doute, en avoir moins, et préparer eux-
mêmes leurs repas. Ils enrageaient de voir des bœufs , des moutons , des pi-
geons et des poules tranquilles dans la basse-cour, et se reposant sur la foi des
traités. Ils auraient voulu les poursuivre à coups de fusil , à coups de sabre ,
tout tuer, tout fricasser eu un seul jour, et recommencer ensuite dans les vil-
lages voisins.
Un autre motif pousse cncorecertains soldats à s’occuper de ce qu'il leur
section centrale, lorsqu’elle dit par l’organe de son honorable rap-
porteur, après avoir montré le vice radical du projet de loi : « Il im-
porterait peu où la loi aurait pris sa source, et même que! pourrait
être l'impôt par sa nature, si le but qu’on s’est proposé, celui de faire
cesser un abus effrayant, était atteint par le projet ; mais est-il bien
démontré qu'un impôt de quotité à payer, sans égard à la consom-
mation, est dénaturé à faire diminuer I’usagedes boissons alcooliques?
Le droit d’abonnement sera, il est vrai, une forte contribution pour
celui qui débite peu; il ne sera guère onéreux pour celui qui débite
beaucoup : le premier pourra être forcé de cesser son commerce,
mais par cela même celui du second augmentera ; il n’y aura donc que
déplacement de débit, sans diminution de la consommation. Si cela
est, c’est une loi qui puisse réprimer afficacement l’usage des bois-
sons distillées qu’il faut admettre. Pour atteindre ce but, ce n’est
point le plus ou le moins grand nombre des débitans qui doit fixer
principalement notre attention, c’est la quotité du débit. C’est le ren-
chérissement de la matière imposée, qu’il faut amener, et non la ré-
duction des débitans; car à quoi vous aura servi l’impôt d'abonne-
ment, si tout en diminuant le nombre des délaillans, la consomma-
tion des liqueurs fortes reste la même? Vous aurez déplacé le détail
et rien de plus; ainsi, selon l’avis de votre section centrale, le seul
moyen efficace, c’estd'amener le renchérissement de la marchandise
et non la diminution des détaillons. Le meilleur moyen d’arriver à
ce résultat, c’est peut-être l’augmentation de l’impôt à la fabrication,
mais vous savez combien, Cette question est délicate, et c’est bien ici
le cas d’avouer que les lois financières sont très-difficiles à improvi-
ser , surtout lorsqu’on veut faire produire effet pour la morale pu-
blique. »
Comme la section centrale, nous croyons que le moyen le plus
efficace , ce serait l’augmentation de l’impôt à la fabrication, et com-
me elle aussi nous savons combien cette question est délicate, com-
bien les lois financières sont difficiles, nous ne dirons pas à impro-
viser , mais à organiser après de longues études et de mures combi-
naisons. Ce qui rend cette question si délicate , c’est que les mêmes
considérations s’appliquent à peu près également pour et contre les
distilleries; c’est que, si les distilleries sont, sous certains rapports,
des établissements pernicieux pour le peuple, elles sont pour
lui, sous d’autres rapports, des établissements de la plus haute
utilité, en quelque sorte, de nécessité première, conserver, aug-
menter même l’activité des distilleries, tout en augmentant à l’in-
l’intérieur la valeur de leurs produits, tel est donc legrand problème
à résoudre. Nous ne connaissons qu'un seul moyen d'arriver à cetle
solution, c’est d’une part d’augmenter l’impôt à la fabrication, et de
l’autre de favoriser l’exportation des produits. Cette chose est diffi-
cile, nous l’avouons, mais nous ne croyons pas qu’elle soit impossible.
ITALIE. — Rome, 21 décembre.
L’ambassadeur prussien et conseiller secret de légation, M. Bunsen,
est de retour ici depuis hier, pour reprendre ses fonctions. Le conseiller
du gouvernement, Bruggeman, de Coblence, est aussi arrivé ici auprès
de la légation prussienne. Ce dernier a fait son voyage en courrier.
HANOVRE. — Elbkrfelu, 23 décembre.
Nous apprenons par correspondance particulière de Hanovre que
le feldzengmeister comte vonderDecken, est désigné comme succes-
seur du généra! d’Alten, ministre de la guerre, qui a donné sa démis-
sion définitive; il ne resterait donc au ministère que deux ministres
de ceux qui ont prêté serment à la constitution et qui aussi se retire-
ront l’un après l’autre, sans faire de bruit, de crainte que leur retraite
ne produise un effet fâcheux dans le pays.
ANGLETERRE. — Londres, 2 janvier.
I! y a eu hier un grand diner au château de Windsor, où assistaient
la reine douairière, la duchesse de Kent, le duc et la duchesse de Su-
therland et un grand nombre de personnages de distinction.
— M. Stevenson, ambassadeur des Etals près notre cour, vient de
partir pour Paris. On pense que son absence ne sera pas longue.
Quand on se trouve en seconde ligne, alors on. peut se déshabiller, on a-
moins de précautions à prendre. Les ofiieiers ont des sacs de toile dans les-
quels ils se fourrent, et qui leur servent de draps. Comme les matelas et le lit
de plume se trouvent toujours remplacés par deux bottes de paille, le sac de
toile est bien pius agréable que les draps : la couture ne laisse rien pénétrer
dans l’intérieur. ,
Le moment du réveil au bivouac n’est jamais amusant : on a dormi, parce
qu’on était fatigué ; mais en se levant, les membres sont engourdis, les mous-
taches, semblables à des loufTes de luzerne, portent à ehaque poil des gouttes
de rosée ; les dents sont resserrées, il faut se frotter long-temps les gencives
pour y rétablir la circulation.
Ces petits inconvénients arrivent toujours, même lorsque le temps est beau,
mais lorsqu'il pleut, ou lorsqu'il fait froid, la situation se complique beaucoup;
et voilà pourquoi les héros ont la goutte et des rhumatismes.
Ceux qui n’ont pas fait la guerre ne pourront jamais se former une idée des
maux qu’elle entraîne après elle. Je n’en donnerai par une entière description,
elle dépasserait les bornes que je me suis prescrites. Je dirai seulement deux
mots sur notre vie au bivouac et sur le gaspillage qui se faisait à l'armée.
Nous vivions de ce que les soldats trouvaient, et ce n’était pas possible autre-
ment : nos marches si vives empêchaient nos magasins de nous suivre, quand
nous avions des magasins. Dans les pays riches, on apportait au camp vingt
fois pins de provisions qu’il n’était possible d'en consommer,le reste çe perdait.
Le soldat vit au jour le jour ; hier il manquait de tout, aujourd’hui, s’il est
dans l’abondance, il oublie les privations de la veille et ne s’inquiète point du
lendemain; il ne pense pas non plus que les jours suivants d’autres régiments
arriveront à la position qu’il va quitter, que, tout en prenant le nécessaire, il
serait bien de laisser quelque chose à ceux qui doivent survenir.... Pas du
tout : une compagnie de cent hommes a déjà tué deux bœufs, c’est suffisant :
on trouve encore quatre vaches, six veaux,douze moutons; tout est mis à mort
sans pitié, pour manger les langues, les rognons, les cervelles. On entre dans
une cave où vingt tonneaux présentent leur front de bataille imposant et ma-
jestueux ; on n’a point d’outils pour les mettre en perce, mais les soldats ne
sont jamais embarrassés : ils tirent des coups de fusil à travers, et bientôt vingt
fontaines de vin jaillissent de tonie part, aux grands éclats de rire des assis-
tants. Cent tonneaux seraient dans la cave, qu’on les percerait à la fois, car
enfin il faut pouvoir goûter le meilleur. Tout coule, tout se perd, et bien sou-
vent les ivrognes, buvant outre mesure, tombent et se noient dans les flots Je
vin qui remplissent la cave.
L’Autriche est un pays fertile en toutes choses; à chaque bivouac,nous lais-
sions de quoi nourrir un régiment pendant quinze jours. Les soldats, après
avoir marché toute ia journée, passaient encore une partie de la nuit à cher |