LA BELGIQUE. » Une supposition : si l'empereur, au lieu d'envoyer promener Grouchy et ses trente mille hommes, les avait eus sous la main, il gagnait la bataille... Mais cet homme génait Dieu... Et alors donc, les Français étant au nombre de septante-deux mille, quinze mille chevaux et deux cent quarante canons, les autres ayant cent cinquante-neuf canons et treize mille cavaliers, en tout, pour leur part, septante mille hommes, sans compter l'arrière-garde de Blücher, les trente mille Prussiens de Bulow qui attendaient le moment de prendre en flanc l'armée française, à onze heures trente-cinqg minutes le signal est donné... Les lignes se replient sur le château de Hougomont, d'où les Francais tirent par des trous faits dans le mur... À une heure, l'artillerie française commence son attaque sur le centre A une heure trente minutes, le général d'Erlon marche sur la Haye-Sainte, occupée par les alliés, mais c'est à trois heures seulement que le maréchal Ney s'en rend maitre. A quatre heures, les cuirassiers de Milhaut font une charge, qui est repoussée ; et, à cinq, une nouvelle charge dure pendant deux heures... Jamais on n'avait vu rien de pareil ; mais les alliés tenaient bon, et à cinq heures et demie les Français pliaient déjà partout... Plancenoit est pris alors par les Prussiens, Grouchy n'arrive pas, et tout à coup, la garde, commandée par Ney, forme le carré. L'ennemi l'entoure de toutes parts ; on lui crie de se rendre, mais elle refuse, et le général s'écrie : « La garde meurt et ne se rend pas! » A huit heures, le duc de Wellington, qui était resté tout le temps de la bataille sous son orme, s'ébranle enfin. » Napoléon est perdu : l'armée francaise fuit dans toutes les directions, repasse par Genappe, bouscule l'empereur, qui fuit avec ses soldats. Il en tomba trente et un mille: MONDES DES nee Ce les alliés, eux, avaient perdu vingt-deux mille hommes. » La lamentable antienne terminée, il ne reste plus qu'à sisoler, en se retraçant à soi-même, dans le silence de la pensée, le tableau de la bataille et de la déroute qui s'en suivit. La plaine se charge de l'amoncellement immobile des fumées déchirées par les paraboles des boulets. On revoit les grenadiers, hautes statures lentes, resserrer leur mur entamé de larges brèches béantes, tandis que les cuirassiers, pareils à une trombe, s'enfoncent dans les lignes ennemies, bousculées par le poitrail des chevaux et éventrées par la pointe des sabres. Un tourbillon emméle les régiments entiers, hachés, décimés. pantelants, ils ne forment bientôt plus, sous la mitraille. que des tronçons secoués de trépidations furieuses, jusqu'au moment où ces tronçons eux-mêmes, foudroyés par les décharges, disparaissent dans le naufrage de la mélée. La chair vivante saignant comme de la viande d'abattoir : les agonies en {as sous le galop éperdu des escadrons : là bas, La Haye-Sainte, Hougomont, D a Te à c à © ce - S À " \ * n Belle-Alliance, Plancenoiït, ressemblant à des ilots submergés, Où pourtant le massacre et l'extermination continuent : chaque pierre abritant un fusil qui crépite sans relâche et quand elle s'émiette, fracassée sous la volée des balles, une tête de soldat se vidant de ses moelles du même COUP ; {ous ces souvenirs reviennent et l'impression est écrasante, Elle redouble quand, descendu de la butte, on suit pas à pas, à travers le charnier aujourd'hui bouleversé par l'affouillement des charrues, les phases de la bataille, comme les stations d'un pèlerinage tragique marqué dun sang de héros. Je n'ai jamais longé 1 gé le petit sentier, filant parmi les cultures et qui mène aux terribles