Full text |
(ff. e.)
AffVEStS , Samedi Ö JAfffflESt IMS.
(Troisième Année)
O BT S'ABONNE
A Anvers, au bureau du
Précurseur, rue <les Fagots,
n. 1095, où se trouve une
boîte aux lettres et où doi-
vent s’adresser touslesavis.
Eu Belgique et à l'etran-
ger, chez tous les directeurs
des postes.
Pour toute la Hollande
élu z 1h. Lejeune Libraire
Editeur à laHave.
A Paris , h l’Office-Oor-
reïpondance de Lepelletier-
Bourguin et compag» , rue
Notre-Dame des Victoires,
N. 18, ou ou reçoit aussi les
annonces.
FAIX.
»RECURSEttJI&
JOURNAL POLITIQUE, COMMERCIAL, MARITIME ET LITTÉRAIRE.
AB OSTÏffEBWEIffT.
Paraît . . . 60fi>
» 6 mois . . 30
* 3 » 15
POUR LA BELGIQUE.
Par 5 mois . • 18 ff
pour l'étranger.
Par 3 mois . 20 fr.
AW^OSÎCSS.
25 centimes la ligne.
La quatrième page con-
sacrée aux annonces , e»
affichée àla bourse d’Anver
et à la bourse des prinol
pales villes de commet*
LIBERTÉ.
PHCGB.ÈS,
6 Janvier.
BULLETIN POLITIQUE.
Jamais les correspondances etlesjournaux n’ont été plus ste’riles en
nouvelles de l’étranger. On semble fatigué de répéter chaque jour et à
heure dite , des choses qui n’offrent point l’at'rait de la nouveauté.
La Turquie réclame contre la France, se brouille et se raccomode
tour à tour avec l’Angleterre ou la Russie, suivant que le favori de
S. II. adopte les intérêts anglais ou Russes. _
L’Egypte est tiraillée par des guerres de frontières , des divisions
intérieures qui mettent Mehemet-Ali en courroux contre les consuls
accrédités auprès de lui et rendent ainsi sa position plus critiquer
En Grèce le roi Othon , digne fils de la Bavière, promulgue sur la
presse des lois si douces et si libérales que par le seul fait de leur adop-
tion tous les journaux de l’opposition ont cessé de paraître.
La Russie se fait battre à plate couture en Circassie et le czar fait
de nouvelles levées d’argent et d’hommes pour épuiser le trésor et
envoyer ses bienheureux sujets à... la mort.
Dans la Russie méridionale, si l’on est privé de la présence des trou-
pes concentrées sur un même point , on n’échappe à ce fléau destruc-
teur que pour vivre en compagnie d’un fléau plus terrible encore..
la peste. ,
L’Autriche et le souverain qui la gouverne , sont a la merci de l'in-
trigue et du savoir faire du prince.de Metternich et du général Ciam-
Martinitz qui se disputent leur royal maître, ou plutôt sa puissance ,
pour la plus grande prospérité de leur crédit et de leur famille.
Le Roi de Trusse ne paraît guère satisfait de la tournure qu’a donné
aux affaires du pays, son petit coup d’état contre l’archevêque de
Cologne. Son ambassadeur à Rome ne peut espérer un accueil gracieux
et dans cette position si difficile, il évitera sans doute toute manifes-
tation qui pourrait compromettre davantage les intérêts de l’Etat.
Que dire encore du rôi Ernest ? Il poursuit avec une opiniâtreté
toute britannique, rétablissement de sa toute-puissance.Est-ce-à-dire
pour cela que la constitution du Hanovre sera définitivement anéantie
de par la volonté du représentant le plus pur de toutes les aristocra-
ties possibles ? Quant à nous, nous ne l’avons jamais cru , nous ne le
croyons pas aujourd'hui davantage. Toute l’Allemagne s’est émue en
présence de ce coup d’état et la fermentation des esprits fort lente dans
ce pays, prend à la longue un tel caractère de haine et d’opiniâtreté
que nous ne crovons pas que l’ex-duc de Cumberland échappe à la
triste nécessité qui lui sera faite de se mettre en hostilité avec son peu-
ple ou défaire amende honorable en déchirant ses ordonnances liberti-
cides.
L’Angleterre est encore plongée dans les fêtes ; le parlement dine
et ne siège pas.
Pendant que ces nobles insulaires se livrent au repos , la presse
s'empare des affaires du Canada pour la pâture quotidienne. Loin de
gagner en clarté à cette unanimité de sentiments qui appellent sur
celte affaire l’attention des publicistes anglais , les nouvelles sont plus
confuses plus contradictoires que jamais; nous en sommes toujours à
une victoire suivie d’un échec des deux côtés ; mais ce qu’il y a de
sérieux dans tout cela , c’est que la presse anglaise ne dit pas, ou ne
dit qu’en biaisant, c’est que les volontaires affluent dans le camp des
insurgés et que ce sont les Etats-Unis d’Amérique qui fournissent ces
contingents. Est-ce d’accord avec le gouvernement américain ou sont-
ce des volontaires , volontaires ? Nous ne trancherons pas maintenant
cette question, mais nous rapportons le fait comme étant d’une haute
importance.
L’Italie est parfaitement tranquille, à la surface.
Les portugais ne font point parier d’eux comme leurs voisins, ces
nobles castillans qui passent des revues au Prado pendant que les
carlistes tournant TOgrono où se trouve alité le généralissime Espar-
tero , font faire une nouvelle pointe en Castille.
Dieu délivre ce beau pays de ses généraux, régents, prétendants ,
et surtout de cette chambre qui ne comprend ni sa mission ni son
importance !
Il n’y a non plus aucune nouvelle de France; le projet d’adressede
la chambre des pairs passera certainement tel qu’il a été proposé par-
la commission. Dans la séance du 3, une interpellation de M. Mole à
une allusion du discours de M. de Dreux JBresé , a donné au prince
FEUILLETON.
UN MARIAGE FAIT EN DOUBLE.
NOUVELLE.
C’est un souvenir de l’automne dernier. La saison des eaux était déjà fort
avancée. Les collines d’Uriage dépouillaient leur tunique verdoyante, et la
terre disparaissait sous un funèbre tapis de feuilles mortes et de rameaux tom-
bés. Nous ne gravissions plus après le dîner la tourelle gothique d’Uriage qui
domine, comme une fiére châtelaine , l’antique bourg de Vizilie. La bise pi-
quante du mois de septembre nous forçait déjà à chercher un abri dans le sa-
lon principal de la Maison des Bains. Un soir entre autres, la société était
réunie au grand complet. Je me plaçai selon ma coutume auprès du vieux
docteur M..., de Grenoble, mon compagnon de voyage et mon cicerone. Un
monsieur et une dame , récemment arrivés aux eaux d’Uriage , se dirigèrent
vers le piano pour chanter le beau duo du Barbier : Dunque io son.Dix
fois la porte s’ouvrit et se referma. Dix fois la dame recommença Dunque io
son, et fut obligée de s’arrêter.Enfin le calme sembla régnerdansl’assemblée,
et sur un signe de son cavalier, la cantatrice impatientée crut pouvoir abor-
der victorieusement sa première modulation ; mais le diable s’en mêlait : une
voiture retentit avec fracas dans la cour , ce fut le signal d’une nouvelle dé-
sertion. Malgré l’obscurité à peine blanchie par un rayon de la lune, le doc-
teur reconnut les voyageurs et s’écria :
— « Parbleu 1 voici M. le comte et Mme la comtesse de Marné. »
A ce nom, un mouvement général s'opéra dans dans les groupes du salon.
Les uns se levèrent, les autres échangèrent quelques mots à voix basse. L’exé-
cution du malheureux duc fut remise indéfiniment, et le docteur me quitta
pour aller à la rencontre des nobles hôtes dont l’arrivée produisait une sensa-
tion si universelle. Ils parurent sur le seuil. Il se fit de toutes parts un silence
curieux et attentif.
Le comte de Marné était âgé de vingt-six ans. Sa tête, abondamment cou-
verte de cheveux noirs gracieusement boudés, pouvait passer pour un type
accompli de beauté méridionale. Une pâleur maladive répandue sur tous ses
traits leur ôtait ce qu’ils avaient peut être de trop dur et de trop sévèrement
tranché. Sa taille était élancée et bien prise. La comtesse offrait, elle aussi,
un modèle de grâce et de poétique perfection. Ses grands yeux bleus avaient
nno expression de bonté mélancolique qui commandait le respect et la solli-
citude. On devinait, à son regard tristement voilé , à l'amertume de son sou-
rire, qu elle portait dans son cœur un chagrin profond dont sa bouche n’osait
trahir le secret.
royal présent àla séance, l’occasion de répondre aux attaques du noble
pair au sujet de son mariage. Cette réponse du prince, que nous avons
publiée hier, a produit à Paris une vive sensation, surtout parce que
le prince a mis sa famille sous la sauve-garde de la charte jurée par le
roi son père, et s’est exprimé sur la liberté des cultes avec convenance
et dignité.
Sous deux jours nous connaîtrons le projet d’adressede la chambre
des députés ; c’est alors que commencera une lutte vive et intéressan-
te que nous suivrons aussi avec attention.
RUSSIE.—St.-Petersbourg , 21 décembre.
Le grand-duc Michel et la grande-duchesse Hélène , son épouse ,
comptent se rendre à Londres aussitôt que la saison leur permettra de
se mettre en route. Ils passeront d’abord par Paris, où ils feront un
court séjour. Ce n’est que sur les instances pressantes de la grande-
duchesse Hélène, pour qu’il lui fût permis de voir son père, le princo
Paul de Wurtemberg, que l’empereur a donné son consentement à ce
que son frère et sa belle-sœur traversent la France.
ANGLETERRE. — Londres, 4 janvier.
Un conseil de cabinet a été tenu hier au Foreign-Offlce, auquel ont
assisté tous les ministres.
— Le comte Sébastiani ambassadeur de France, a travaillé hier au
ministère des affaires étrangères.
— La reine a fait hier dans le parc de Windsor une promenade à
cheval qui a duré deux heures.
— Les 11° et 73° régimens , qui reviennent de la Méditerranée,
s’embarqueront pour le Canada aussitôt leur arrivée. On ne sait encore
si l’on enverra dans ce pays un régiment de cavalerie ou seulement
quelques escadrons choisis de deux ou trois régimens.
ESPAGNE. — Madrid , 27 décembre.
( Correspondance particulière.)
La réponse du général Espartero est enfin connue ; il n’accepte pas le por-
tefeuille de la guerre parce qu'il lui faudrait quitter le commandement de
l'armée et qu’il croit être plus utile dans ce dernier poste. Du reste, ce refus
est accompagné des protestations du dévoùment le plus ardent et des assuran-
ces de fidelité et de loyauté. Il indique au choix du gouvernement le général
Latre comme pouvant remplir convenablement le ministère qui lui avait été
destiné.
Deux mois se sont écoulés déjà et les cortès n'ont pas encore achevé de se
constituer, car lé sénat discute encore son réglement intérieur.
Le fameux Cardero part pour l’armée.
Du 28. — La reine a passé en revue H escadrons nouvellement armés et
équipés. Ils sont destinés à protéger la Manche et l'Estramadure. Le général
Espartéro a refusé de faire partie du ministère. Le général Espinosa conser-
vera le portefeuille de la guerre. La représentation nationale se complète de
jour en jour.
HODVEM.ÏÏS DE ÎiA FRONÏIERE.
Bayonne, 1er janvier
Il paraît positif que l’expédition carliste s’est mise en marche le 27 décem-
bre seulement ; non sous le commandement de Basilio Garcia, comme on l’a-
vait dit, mais sous celui du curé Mérino, du marquis de la Bourda et de Zavala.
Elle semble se diriger sur Frias et Cilla Pcrlata; ce dernier point est celui
où Don Carlos repassa l'Ebre, le 24 octobre dérnier. Cette expédition se com-
pose de 9 bataillons d’infanterie de 5 à 600 hommes et de 4 escadrons. Il n'y
a pas dans ses rangs un seul basque ou un seul Navarrais. Le Prétendant va,
dit-on, revenir à Estella, malgré l’avis de ceux qui l'entourent et qui craignent
l’influence des Navarrais.
Il est probableque les carlistes marchent plus vite que Buerenset qu'Iriarte
et qu'ils traverseront la grande route de Vittoria à Madrid pour se rendre dans
la Sierra du côté de San-Léonardo, où Mérino les conduira; ils occuperont le
brigadier Aspiroz qui est de ce côté ; mais cette troupe mal organisée et mal
commandée, composée d’ailleurs de déserteurs, de prisonniers et de très jeu-
nes gens récrutés par force, se dispersera. Don Carlos restera en Navarre où
il se passera peu de choses, militairement parlant ; niais il y surviendra peut-
être des incidents occasionnés par le mécontentement de presque tous les chefs
destitués ou emprisonnés.
La Sentinelle de Pyrénées publie la nouvelle suivante :
« Une lettre de Saragosse, du 26, porte que le bruit courant dans cette ville
que la brigade Borso di Carminati avait eu une affaire avec les troupes de
Cabrera, dans laquelle celui-ci avait été battu et avait été obligé d’abandon-
ner une grande partie du bétail qu’il emmenait avec lui. »
— Un bulletin de Saragosse, du 28, donne les détails deeetta action. Le
para
Après avoir salué galamment le comte et la comtesse, le docteur revint pren-
dre sa place auprès de moi.
— « Quel est ce joli couple qui nous arrive ?lui demandai-je en me penchant
à son oreille. Eh quoi I vous ne le connaissez pas? — Non. — Vous ne savez
pas l’bistoire de ce beau jeune homme qui n’a eu qu'une passion dans sa vie
et qui pourtant a fait deux mariages d'amour ? —Point. — Qui a épousé deux
femmes sans avoir été veuf ? — Pas le moins du monde. — Et qu’on appelle à
Grenoble la huitième merveille du Dauphiné? — Encore moins ! — En ce cas,
voulez-vous le mot d e l’énigme ? — De grand cœur 1 mais je vous avertis, doc-
teur, que je me méfie du merveilleux. Gardez-vous de me faire un récit comme
ceux des Mille et une Nuits ou un conte fantastique dans le goût d’Hoffmann ;
je ne vous croirais pas. — C’est une histoire fortsimple, reprit-il, etquigagne
à être simplement racontée. » Et après avoir humé avec délices une prise de
macouba, il commença en ces termes :
« Le comte Alfred de Marnéappartientâunedes meilleures famillesduGe-
Yaudan. C’est en 1834, à Grenoble que je le rencontrai chez le duc de Lailly.
Il venait régulièrement à ses soirées, et lui faisait même des visites de jour as-
sez fréquentes. Le vieux duc avait une fille, à peine âgée de 18 ans; une ange de
douceur, de beauté et d’esprit. Alfred aimait Rosineet peut-être en était-il
aimé. Mais soit que la timidité, compagne inséparable d’une première passion,
comprimât l’élan de ses vœux , soit qu’il voulut laissera son amour le temps de
se fortifierai joua si bien l’indifférence et la froideur que chacun y fut trompé,
et que pendant fort long-temps M. de Lailly lui-même ne se douta de rien.
Cependant il fallut prendre un parti. Une fois bien sûr d’aimer Rosine, le pauvre
jeune homme ne s’était pas avisé de songer qu’aucune force humaine put l’em-
pèchcr de lui consacrer toute se vie,si Rosine voulait en accepter le sacrifice.
Le seul consentement dont il fut réellement inquiet était celui de la jeune
fille, et elle se montrait si bonne pour lui, elle lui souriait si doucement, que
la crainte d’un refus n’était pas même entrée dans ses prévisions. Il demanda
donc au duc la main de sa fille. Mais M. de Lailly, orgueilleusement drapé
dans sa double aristocratie de naissance et d’argent, ne trouva Alfred ni assez
riche ni assez noble. Il voulait que Rosine fût duchesse et que les 160,000 li-
vres de rente qu’il donnait à l’épouse fussent convenablement balancées par la
dot de l’époux. Or, Alfred ne remplissait aucune de ces conditions. Il essuya
donc un refus bien net et bien positif. Blessé dans sa plus chère affection, Al-
fred résolut d’obtenir Rosine malgré son père et s’applaudit même de pouvoir
être redevable de son bonheur au seul amour de Mlle de Lailly. Que vous di-
rai-je ? Iis eurent la force de fuir, et le duc se vit forcé de consentir. Le ma-
riage fut conclu sans bruit et sans appareil. C’est tout au plus si le duc daigua
assister à la consécration religieuse, qui eut lieu à minuit, dans le coin le plus
obscur de la chapelle du château, et, on peut le dire, en présence de Dieu
seul. J’ai été l’uuique témoin de celte union bizarre. Elle avait quelque chose
corps de cavalerie consistait en une compagnie du régiment del rey, sous les
ordres de Garrigo : ces braves se sont rendus maîtres de tout le convoi en peu
de minutes, et ont tué. ou fait prisonniers tous les hommes du 3e bataillon de
Cabrera, et une partie de la cavalerie rebelle.
— Les journaux espagnols nous donnent des nouvelles de l’ile de Cuba jus-
qu’au 2 novembre. On y avait nommé, par ordre du gouvernement, une junte
des personnes les plus distinguées de l’ile, chargée de présenter les réformes
qu’on croira nécessaires.
FRANCE. — Paris, 4 janvier.
CHRONIQUE BT ERUI7S SS BAI.OJS.
t'x mot mémorable de m. MOLÉ. — On nous a signalé un incident fort
curieux survenu au milieu des graves débats sur le projet d’adresse
dans l’intérieur de la commission. Il s’agit d’un mot de M. le prési-
dent du conseil qui ne peut manquer de faire fortune , non pas en
France seulement, mais en Europe. La discussion était engagée sur la
question d’Espagne entre M. MoléetM. Etienne. Celui-ci, homme d’es-
prit, homme de sens , n’hésitant pas d’ailleurs sur les devoirs qu’im-
pose à notre gouvernement le traité de la quadruple alliance, que l’in-
térêt de la France autant que son honneur lui commande d’exécuter ,
pressait vivement le ministre. M. le président du conseil, de son côté,
faisait de la stratégie diplomatique. Contre toutes les interpellations
trop directes ou trop embarrassantes , il se retranchait derrière la fo-
rêt de Grünewald.
Mais quel est donc, lui disait le député. le mystère effrayant que re-
cèle cette forêt ? On a dirigé subitement des troupes sur la frontière,
on a répandu des alarmes et préparé quelques additions aux chapitres
supplémentaires du budget ; mais qu’y a-t-il enfin ? Est-ce la guerre?
est-ce une menace contre la Belgique ? ou bien n’est-ii question que
d’urie coupe de bois et d’une querelle de gardes-forestiers ? — C’est
fort grave, répondit M. Molé sans sortir du vague de ces explications.
— Mais, répliquait M. Etienne, les gouvernemens de l’Europe, entre
lesquels règne un accord si touchant, n’ont-ils pas eu le tems d’arran-
ger cette affaire hollando-belge qui les occupe depuis sept années ? —
Ilélas ! non, c’est une question toujours en suspens. — Quand donc se
terminera-t-elle? — Je crains, à vrai dire, s’est écrié le ministre,
poussé à bout, qu’elle ne puisse se terminer que par un coup d'apo-
plexie. »
chronique, — II parait que le discours adressé an roi par M. Dupin
au nom de la chambre avait inspiré d’avance de vives alarmes aux
doctrinaires ; le ministère lui-même partageait cette préoccupation
inquiète, car on sait que l’orateur a l’habitude de rajeunir par la forme
les lieux-communs des complimens de bonne année: on craignait sur-
tout que le discours de M. Dupin ne fut une anticipation sur l’adresse,
et les doctrinaires se proposaient de faire des interpellations directes
au président, à la prochaine séance de la chambre, sur les passages
qui auraient blessé leur ombrageuse susceptibilité ; on prétend qu’ils
avaient la promesse d’être soutenus par le ministère dans cette deman-
de d’explications. Mais le discours de M. Dupin n’a pas eu cette fois
le privilège de soulever tant de colères : s’il n’a pas satisfait les doc-
trinaires, du moins il échappera encore cette fois à la solennité de leurs
anathèmes.
voitures dietz. — C’est aujourd’hui que doivent être faites en pré-
sence de la commission mixte, nommée par l’académie, des expérien-
ces pour apprécier les nouvelles voitures à 6 roues, articulées de l’in-
vention de M. Dietz, père. Il sera fait préalablement un examen da
mécanisme. On attellera ensuite 2 chevaux à un char-à-banc : 12 per-
sonnes y prendront place et seront conduites dans des rues pavées,afin
de faire reconnaître la douceur du mouvement de cette voiture. De re-
tour à l’atelier, on accrochera une 2e voiture à la première et les mê-
mes chevaux les traîneront chargées de 22 personnes. On accrochera
ainsi jusqu’à 3 voitures à la suite les unes des autres , traînées par 5
chevaux, elles manœuvreront en tous sens: elles marcheront en carré,
en zigzag, en rond, de manière à prouver qu’elles pourraient vaincre
toutes les difficultés de ce genre.
On ôtera successivement une, deux et trois roues d’un même wagon,
lequel continuera à marcher sur les trois roues restantes, une d’un
côté et trois de l’autre, sans qu’il y ait danger de verser ni même de
pencher, ce qui prouvera combien ces voitures offrent de sécurité.
le comte de castïllaxe. — M. le comte de Castellane est parti do
d’étrange et de solennel. Au point du jour, les deux mariés partirent en poste
pour Vareuil. petit village frontière du Dauphiné, où Alfred avait une pro-
priété. Le duc de Lailly adressa à son gendre un adieu sec et froid, et s’obstina
à ne point prononcer un mot de pardon. Il se fit violence sans doute, mais il
en vint à son honneur, triste victoire remportée sur lui-même et qui devait
produire de si tragiques résultats.
» Vingt-quatre heures après, le comte et la comtesse étaient installés à Va-
reuil. Là se dissipèrent peu à peu les mauvais souvenirs de Grenoble. Moi seul
je fus admis dans leur intimité, et en vérité je ne sais s’il serait possible au
poète le plus exigeant de rjiver un amour plus dévoué, un bonheur plus com-
plet. Six mois se passèrent ainsi. Alfred et Rosine vivaient paisiblement au
milieu de cette félicité limpide, dont pas une voix humaine, pas un événement
du dehors n’avait encore osé troubler l’harmonie, lorsqu’une catastrophe hor-
rible, effroyablement combinée par le hasaFd, vint tomber comme !a foudra
sur ces deux jeunes fleurs dont la tige s’élevait si joyeusement vers le ciel.
» Un soir, le jardinier du château prit le comte à part pour l'avertir, disait-
il, d'un événement qui intéressait son honneur. Alfred ne fit pas d'abord
grande attention aux airs mystérieux de Jérôme ; mais celui-ci insista, et Al-
fred le suivit jusqu’à l'extrémité du pare. Là . Jérôme s’arrêta , et désignant
un pavillon que le comte avait fait bâtir tout récemment, il affirma qu'un in-
connu y était entré la nuit précédente avec la comtesse de Marné. Si Alfred
eût mieux su modérer les transports de son âme. il eût regardé à deux fois
avant de croire à cette brutale dénonciation. Mais le coup avait porté. 11 était
doué d’une sensibilité surabondante qui le mettait d’un instant à l’autre à la
merci des passions les plus contraires. L’idée de la vengeance lui vint avec le
premier soupçon. Sa résolution fut aussitôt prise. Il prétexta un voyage, uns
affaire indispensable, et il partit. Rosine resta seule au château. Le lendemain,
aux approches de la nuit, Jérôme introduisit furtivement Alfred dans le parc.
Use blotit derrière une épaisse charmille et attendit inutilement l’espace d'une
grande heure.
» Enfin, au moment où la lune, se levant au-dessus des peupliers, commen-
ça à éclairer le ciel, une ombre noire lui apparut au loin, sur les marches de
l’escalier découvert de la maison. Il arma instructivement deux pistolets qu’il
tenait cachés sous son manteau. L’ombre approcha : c'était Rosine, Rosi-
ne plus calme et plus belle que jamais. Elle marchait doucement, sans préoc-
cupation, sans prendre garde au sifflement de la brise dans les feuilles et aux
bruits sinistres que faisaient entendre les oiseaux de nuit sur son passage.
Alfred chercha sur ses traits l’indice d’un trouble involontaire quel qu’il fût,
mais en vain. Elle allait tête levée et n'avait l’air ni de se cacher ni de fuir.
Elle poussa la porte du pavillon, le pavillon était vide. Elle s'assit sur un sofa
vis-à-vis la croisée ouverte et se mit à contempler le ciel. Peu à peu Alfred
perdait de sa colère ; ses préventions s’évanouissaient une à une devant cette |