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(Huülènié /Cnssée.)
LE PRECURSE
1843. — M.° 2%2.
ANVERS, Jeudi S® Août
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du PRÉCURSEUR, Bourse Anglaise
N.» 1010; en Belgique et à l’étranger
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AO Août.
NOTRE SITUATION.
Si nous avons vu apparaître dans quelques journaux français,
des articles d’un panégyrisnie rare pour le cabinet Nothomb,
articles dont la source a été si bien dévoilée qu’on montrait du
doigt l’officine où ils avaient été préparés, il est d’autres jour-
naux de ce pays qui agissant avec plus de logique, ne craignent
pas de mettre à nu le véritable état de notre situation politique
intérieure. L’article suivant que nous empruntons au Courrier
Français, trace un tableau aussi vrai qu’animé des affaires de la
Belgique, telles qu’elles sont sorties des derniers événements.
11 est à présumer cependant que le gouvernement, malgré tant
de salutaires avertissements qui lui arrivent de toutes parts,
n’en persistera pas moins dans son système déplorable, et qu’il
négligera tout-à-fait le moment opportun de sortir de la fausse
position où sou obéissance à un parti exclusif l’a placé.
Voici l’article du Courrier Français :
u Les élections qui viennent d’avoir lieu en Belgique ont été favora-
bles à l’opinion libérale. Ce parti a vu augmenter ses forces dans les
chambres pendant que le parti catholique voyait diminuer les siennes
et'perdait quelques-uns de ses membres les plus influents. Le ministère
belge comprendra-t-il enfin la pensée du pays et cessera-t-il de s’ap-
puyer sur i’opinion catholique que les électeurs repoussent ? Avec des
iniuistresqui voudraient gouverner selon le sentiment national, laques-
tion ne serait pas douteuse. Mais, en Belgique comme en France, l'im-
popularité du pouvoir est passée à l’état de dogme gouvernemental, et
l’on doit s’attendre à ce que SI. Nothomb et ses collègues ne devient pas
de leurs anciens errements.
L’amoindrissement que subit le parti catholique en Belgique, les
échecs que lui apporte chaque élection nouvelle montrent combien il
est dangereux pour les partis comme pour les gouvernements de ré-
pudier les idées de liberté qui ont fait leur force et de s’atteler par der-
rière au char du progrès pour le faire rétrograder. Le clergé et les
grands propriétaires de ce pays s’étaient acquis une juste et légitime
Influence en se mettant à la tète des hommes qui demandaient des ins-
titutions libérales. Ils s’étaient associés franchement aux répugnances
naliouales que soulevait la maison d’Orange , et lorsque éclata la révo-
lution de septembre, leur conduite fut pleine de courage et de patrio-
tisme. Aussi leur influence à cette époque fut toute-puissante, et s’ils
avaient persévéré dans cette ligne de conduite , il est probable qu’ils
n'auraient pas à déplorer aujourd’hui la défaite que constâte le résultat
des dernières élections.
Il n’en a pas été ainsi : loin de marcher dans le sens des idées libérales
qu’ils avaient proclamées moins par conviction que,pour renverser le
gouvernement protestant du roi Guillaume, ils les ont désertées après
la victoire. Ils croyaient leur influence assez forte sur la nation pour
qu’elle les suivit daos leur retraite mais la nation s’est éloignée d’eux;
aujourd’hui ils se trouvent isolés et malgré tous les avantages que donne
au clergé, aux grands propriétaires terriens et aux agents du gouver-
nement uneloièlectôralequi a accordé la plus grande partde l'influence
aux campagnes, le parti catholique voit décimer ses rangs et perd à
chaque élection les positions dont il se croyait le plus assuré.
Les partis conviennent rarement de leur faiblesse, et lorsqu’ils ne
réussissent pas, ils ne veulent pas chercher les causes de leurs échecs
dans la répulsion qu’inspirent leurs principes ; ils se rejettent d’ordi-
naire sur la trahison de leurs alliés. C’est ce qui arrive en ce moment
au parti catholique ; pour se consoler de ces disgrâces électorales, il les
attribue â la trahison du ministère. Le cabinet de Bruxelles ne sera pas
mécontent, nous le croyons, d’avoir vu rester sur le champ de bataille
des élections quelques-uns des chefs de l’opinion catholique dont l’im-
portance l’offusquait. Mais, à part cette petite satisfaction intérieure, il
n’a rien fait pour les faire échouer; et si le parti clérical voit diminuer
son influence dans les chambres comme dans le pays.il ne doit s’en
prendre qu’à lui-même. C’est à la sympathie qu'inspiraient ses doctri-
nes qu’il a dû sa puissance ; la sagesse la plus vulgaire lui aurait con-
seillé d'agir en les abandonnant, il devait perdre celle influence; et la
sagesse la plus vulgaire lui aurait conseillé d’agir autrement, s’il n’a-
vait pensé, dans son aveuglement, que l'importance personnelle de ses
membres suffisait pour maintenir la prépondérance qu’il avait acquise
dans les affaires du pays. En Belgique pas plus qu’ailleurs l’influeuce ne
réside dans les hommes, elle est toute dans les principes dont ils sont
la personnification, et lorsqu’ils désertent leurs opinions, alors leur in-
fluence décroit, leur popularité tombe, et ils ne se présentent au scrutin
que pour recevoir une humiliante exclusion.
Si le parti catholique n’avait eu à subir une défaite qu'aux élections
dernières, il pourrait espérer se relever dans une autre circonstance et
regagner par un de ces revirements de scrutin si communs dansles
gouvernements représentatifs tout le terrain qu’ila perdu, Mais l'échec
du parti clérical n’est pas un événement isolé ; il se lie à tous les mou-
vements électoraux qu’a amenés le jeu régulier de la constitution de
1850. Pendant que l'opinion libérale suivait une marche ascendante,
l'opinion catholique, au contraire, en suivait une progesssiveraent
décroissante, et sa décadence est à présent un fait constaté. Ce qui doit
enlever au parti catholique toute espérance de reprendre le dessus,
c'est que toutes les élections se sont faites sous des administrations fa-
vorables à ses idées, et que les ministères n’ont jamais rien épargné
pourfaire triompher ses horamespnaigré cet appui, ils ont échoué pour
•a plupart et ils auraient été tous exclus probablement si le pays avait
été livré à ses seules inspirations et si l’action du pouvoir n’avait con-
tribué à lui faire obtenir quelques succès partiels.
L'adhésion que la Belgique vient de donner à l’opinion libérale doit
engager ce parti à resserrer les liens qui l’unissent au pays par de com-
munes idées.Il n’oubliera pas que c’est en se séparant du sentiment na-
tional que le parti catholique a perdu sa popularité et son ascendant,
et que le pouvoir est assuré à ceux qui marchent avec la nation et sa-
vant la conduire en avant avec prudence mais avec courage. »
FEUILLETON DU PRÉCURSEUR.
SALON D’ANVERS.
— Premier article. —
L’ART ET LES ARTISTES.
Et d’abord, qu’on nous permette d’entamer ici une question grave,
essentielle, puisqu’elle touche, selon notre manière de voir, aux deux
péripéties de l’art — le progrès et la décadence.
Nous voulons parler de la multiplicité des expositions.
Cette multiplicité, et nous ne prenons pour guide que l’expérience,
Peut être regardée comme pernicieuse, comme entraînant l’art dans
une voie détestable. Voici pourquoi : La soif des succès faciles, la folie
de la renommée sont un mal de notre époque. Eh bien ! la publicité
commode et toujours sollicitante qui résulte pour l’artiste de ces expo-
tions continuelles, forge le dard qui vient aiguillonner sa vanité et le
tenir dans une agitation permanente. Cet état de chosesest également
funeste à l’art et à l’artiste : il empêche l’un de déployer largement ses
a*les, et ôte à l’autre ce calme patient, cette puissance méditative, cette
concentration en soi-méme qui enfantent les oeuvres grandes, durables.
Cn comprend aisément que nous ne faisons pas entrer en ligne de
compte, ces exceptions heureuses qui possèdent la force rare, — rare,
en effet, — pour repousser comme il convient la tentation qui se repro-
unit chaque année avec de nouvelles séductions. Nous nous arrêtons
culement à cette foule d’artistes pourlesquels une exposition ne signi-
•o autre chose que l’occasion de débiter un tableau — tout comme l’épi-
cier voisin vous débite son sucre et son café.
p-a r^su|fe~fl de là ■ Une chose fort simple et qui se remarque en
beneral à toutes les expositions qui nous tombent sous la main.
. Public, blasé par l’abondance des productions artistiques, plus ou
noms ennuyé de ces expositions fréquentes où les médiocrités abon-
TUR$?UIE.
CossTANTijiOPi.E, 10 juillet. — L’ambassadeur delà Porte à Paris areçu
l’ordre de réitérer les anciennes réclamations relativement à l’occupa-
tion d’Alger : ce n’est pas qu’on espère que cette démarche ail le moindre
succès pour le moment; mais on veut de temps en temps rappeler tout
ce que cette occupation a d'illégitime, afin de fixer sur ce point l’atten-
tion des autres puissances. Dans l’opinion des Turcs, le moment n’est
pas éloigné oü les Français, débarrassés d’Abd-el-Kader, tourneront
leurs regards vers la conquête de Tunis; alors, selon eux, la question
africaine changera de face, car ils espèrent avoir de leur côté non-
seulement l’Angleterre, mais les Etats italiens dont l’existence est me-
nacée,et l’Allemagne. (Gazette d’Augsboury )
RUSSIE.
Do Niémex, 51 juillet.— Dans les guerres du Caucase, les corps russes
qui ont principalement souffert,sont précisément ceux où l’on avait in-
corporé des Polonais, et comme ses pertes sont toujours remplacées
par de nouvelles levées, le nombre des jeunes gens diminue peu à peu
dans le royaume.
Les travaux de construction du chemin de fer de St.-Pélersbourg à
Moscou n’ont pas été poussés pendant cet été avec l’activité qu’on pou-
vait attendre dès le commencement de la belle saison ; on nous apprend
que contre-ordre a été donné aux Corps à qui l’on avait donné l’ordre
d’envoyer des compagnies de soldats pour être employés àces travaux,
et que même plusieurs divisiotis, qui étaient en marche pour s'y ren-
dre,sont allées prendre leurs quartiers dans les gouvernements du sud.
Des personnes bien informées prétendent que le séjour actuel du
prince Pierre Dolgorueki de Wiïtka, ne doit pas être considéré comme
un exil, mais comme purement volontaire de sa part. On raconte qu'im-
médiatement après son retour à St.-Pétersbourg, un auguste person-
nage l’avait fait mander auprès de lùi.etlui avait représenté que son livre
lui attirerait beaucoup d’inimitiés de la part des familles nobles , dont
l’origine était rapportée d’onè manière fâcheuse et même blessante pour
leurs membres, et que comme les deux capitales de l’empire étaient
principalement le siège de la noblesse la plus riche, à laquelle apparte-
naient ces familles, il serait prudent de sa part d’éviter au commence-
ment tout contact avec elles, afin de n'éprouver aucun désagrément.
Alors le prince, convaincu de la bonté de ces raisons, se serait décidé à
aller habiter Wiïtka, gouvernement dans lequel se trouve une grande
partie de ses biens de famille. (/•rankfurter-Journul.)
A 1.1. EM A G NE.
Wiesiuden, 5 août — S. M. le Roi des Belges est arrivé hier soir ici.
S. A. U. le prince de Prusse doit prochainement aussi venir prendre ici
les eaux.
Vienne, 2 août. — Le duc de Bordeaux, qui va rejoindre sa famille à
Kirsch berg, est arrivé ces jours-cià Vienne de l’Illy rie. (G. de Cologne )
Coblence, 5 août. — Listz, Thalbert, de Bériol, Frédéric Schneider,
sir Edouard Litton, Bulwèr et Geid, sont arrivés ici ces jours derniers,
et se trouvent encore ici pour la plupart. (Gaz. du Rhin et la Moselle.)
Carlsrude, 5 août. — Deux Busses de distinction s’étant baignés
avant-hier dans le ühin, près d'Iffegheim, en attendant le passage du
bateau à vapeur par lequel ils voulaient se rendre à Strasbourg, l’un
d’eux,le comte Alexandre de Hosse, de St.-Pétersbourg, âgé de '21 ans,
s’est noyé, et l’on n’a pas encore pu jusqu’ici retrouver son cadavre.
Quant à l’autre, on est parvenu à le sauver, lorsque, sur leurs cris:
« Au secours » on s’est empressé de venir avec une nacelle.
(franefur ter-Journal.)
ANGLETERRE.
Loxores, 7 août. — La Reine, le prince Albert, les princes de Saxe-
Cobourg et la princesse Clémentine sont toujours au château de Wind-
sor. Le roi de Hanovre ne s’embarquera pour reLourner sur le continent
qu’à la fin de la semaine prochaine. Le jour n’est pas encore déterminé.
S. A. K. le prince Alexandre des Pays-Bas est arrivé à Londres hier au
soir.
— M. John J. Bodkin, membre du Parlement pour le comté de Gal-
way, a été informé que son nom serait rayé de la liste des lieutenants-
députés du comté, pour avoir présidé le meeting en faveur du rappel
tenuàTuam. (Gawlejr-Cendicator.)
— La jarretière vacante par la mort du duc de Dorset a été conférée
au marquis d’Abercorn.
— M. O’Connell a tenu il y a quelques jours un grand meeting en fa-
veur du rappel à Tarbert ; le 5 août, il a présidé une de ces assemblées
à Baltingiass, comté de Wicklow, et dans la dernière assemblée de l’as-
sociation tenue à Dublin, il a annoncé qu’il avait reçu des invitations
pour onze meetings qui s'organisent sur divers points de l’Irlande.
— Les fermiers commencent à fournir les marchés de qualités plus
considérables de céréales, et ilen est résultéune baisse générale des prix.
Sur quelques points tels que Leeds et Wakefield, la baisse a été à 3 ou
4 schellings par quarler. La moisson se présente sous des auspices plus
favorables que la semaine dernière, mais les grains n’ont fait aucun
progrès sensible vers leur maturité.Ce quileur manque, c’est du soleil.
Quoiqu’il en soit, des quantités considérables de céréales sont achetées
sur les marchés étrangers pour l’approvisionnement de l’Angleterre.
— Clty-artlclc du Globe; quatre heures : Quoique les affaires aient
été peu importantes sur les fonds anglais, les prix se sont améliorés,
grâce au changement heureux de la température et à l’aspect plus fa-
vorable sous lequel le marché des grains se présente. Cons. 93 7|5, 94.
— Les affaires en spéculation ont été considérables sur les valeurs
étrangères. La baisse des fonds hollandais à la bourse d’Amsterdam et
les ordres de vendre exécutés à Londres pour compte des spéculateurs
hollandais, ont fait baisser de 3[4 p. c. le 2 1[2 p. c., qui est descendu à
52 3[4, 718.
La nouvelle de l’embarquement d’Espartero a fait hausser les fonds
espagnols 5 p. c. à 26 7|8, et quelques ventes ont été opérées à ce cours;
plus tard quelques ventes en réalisation de bénéfices ont provoqué une
réaction. Le fonds mexicain absorbe en grande partie l’attention des
spéculateurs, les remises arrivées par le dernier steamer suffisant au
paiement des dividendes échus.
dent et tuent le regard, le public, disons-nous, en est arrivé 5 ne plus
visiter les expositions que par habitude. On le voit promener, dans ces
longues salles tapissées de toiles et de panneaux, son indifférence et sa
distraction. Si, par hasard, une œuvre vraiment méritoire, vraiment
belle appelle son attention, alors il ressemble à peu près à l’enfant au-
quel on a prodigué les joujoux et pour lequel les nouveautés méritent
à peine l’attention d’un instant. Il en dérive nécessairement un anta-
gonisme entre les besoins de l’artiste et les dispositions de la foule : la
sympathie s’en va, une barrière se glisse entre l’intelligence de l’un et
l’intelligence de l’autre; en un mot, on ne se comprend plus. Il y a donc
souffrance, inquiétude d’un côté ; ennui, lassitude de l’autre, — discor-
dance pour tous deux. Les hommes sérieux s’en affligent, et s’efforcent
de jeter le poids de leur influence et de leur exemple dans la balance;
mais comment arrêter cette course au clocher dans le domaine de l’art,
course insensée où ceux qui ont du bon le perdent très souvent en vou-
lant arriver trop vite !
Nous devons donc déplorer vivement le renouvellement trop fréquent
des expositions, sousce rapport, que par là l’art tend chaque jour à s’as-
similer au métier, à devenir une pauvre routine et une triste spécula-
tion. Et l’on se tromperait fort si l’on s’imaginait que le véritableartisle
n’est point pénétré de ce principe : aussi bien le voit-on nullement se
presser pour décorer tel ou tel salon de ses productions ; il travaille avec
ce calme patient, çelte puissance méditative, cette concentration dans
sa propre pensée dont nous parlions tantôt. Pour lui, une exposition
est tout au plus un moyen, jamais un but. On s’est souvent plaint de
l’absence de quelques grands noms aux exhibitions d’élucubrations ar-
tistiques qui se succèdent avec une rapidité à tenir en haleine le plus
habile manieur de brosses. On a dit : Celui-là boude le public ; celui-ci
dédaigne de sc mesurer avec ses confrères ; un tel ne travaille pas ; tel
autre n’ose plus se mettre en évidence, crainte de chute. El ainsi de
suite. Mais en y songeant bien, nous sommes d’un avis tout contraire :
nous pensons que les artistes de cette trempe, n’exposent pas à chaque
Salon qui s’ouvre, parce qu’ils comprennent le danger dès productions
hâtives et que, chez eux, la conscience du talent, la foi de l’avenir, l’art
ESPAGNE.
On lit dans le Journal de Débuts:
Nous recevons les journaux de Madrid du 31 juillet et ceux de Barce-
lone de la même date.
Le gouvernement provisoire prend des mesures financières pour re-
médier à l’état effrayant de pénurie où M. Mendizabal a laissé le trésor
public. Un décret du 30 juillet rétablit toutes les contributions telles
qu’elles étaient avant la perturbation apporlée dans toutes les branches
de revenus parles mesures extravagantes du dernier ministre,quiavait
supprimé les impôts sans les remplacer. On sait que le budget espagnol
pour 1843 n’ayant pu être volé ù cause de la dissolution précipitée des
Cortès par le Régent, les contributions ont cessé d’être légalement exi -
gibles. Dans ce difficile état de choses, le gouvernement fait appel an
patriotisme de tous les Espagnols, persuadé que chacun d’eux sanc-
tionnera le décret en s’empressant d’acquitter ses contributions poul-
ie maintien des forces de l’Etat, pour le service sacré de la nation et de
la reine.
En outre, une circulaire signée par M. Lopez, comme président du
conseil, et par M. Ayllon, ministre des finances, est adressée aux juntes
des capitales de provinces dans le même but. On leur expose que ja-
mais le trésor public n’a été plus épuisé ni plus chargé d’engagements
indispensables à remplir; que la mobilisation de troupes nombreuses
sur tous les points, et principalement en Andalousie, exige de promp-
tes ressources ; enfin que l’urgence de tous les services publics récla-
me un concours général d'efforts et de sacrifices pour acheter et conso-
lider l’œuvre du salut commun. En conséquence, les juntes sont adju-
rées de déployer leur patriotisme et leur activité en Taisant exécuter le
décret sur les contributions, et de mettre aussitôt à la disposition dît
gouvernement tous les fonds disponibles. Elles devront aussi inviter les
personnes riches (las personas pudientes) à faire l’avance de sommes
remboursables sur le recouvrement qui va s’ouvrir. On a tout lieu de
croire que ces mesures auront de l’éfficacité, et que dans peu de jours
le gouvernement commencera à recevoir les fonds nécessaires pour
faire face aux besoins les plus urgents.
On continuede pourvoir aux grandes fonctions civiles ou militaires,
et chaque jour la Gazette de Madrid publie de nouvelles nomin nions
dans les divers départements ministériels ; elles ne portent que sur les
emplois principaux, et beaucoup d’entre elles sont des réintégrai ions
de fonctionnaires destitués par le gonvernement d’Espartero. Les hom-
mes de l’ancien parti modéré, bien loin d’envahir la situation, comme
on le prétendait,ne figurent que pour un tiers dans les nominations nou-
velles. Nous ne citerons que les promotions les plus importantes : le
lieutenant-général don José Manso est nommé capitaine-général de la
Vieille-Castille, à Valladolid ; le général Lopez-Banos, récemment pro-
mu au grade de lieutenant-général, est nommé capitaine-général de
l’Àragon, à Saragosse; le brigadier Ordonez. qui commandait en Anda-
lousie une des colonnes d'opérations contre Van Halen, vient d’être fait
raaréclial-de-camp et nommé gouverneur de Cadix. M. Olozaga est
nommé ministro, c’est-à-dire procureur-général du tribunal suprême
de justice, qui répond à notre Cour de cassation. M. Tovar est réta-
bli au consulat d’Espagne de Perpignan, et M. Urrulia à celui de Cette.
M. Solar est maintenu au consulat de Marseille.
On a des nouvelles de Madrid du 3 courant. Elles contiennent des dé-
tails pleins d’intérêt sur l’issue de la lutte engagée contre Espartero.
Ce n’est point dans la nuit du 25 au 26 que le siège de Séville a été
levé, comme nous l’avait annoncé le télégraphe, mais dans celle du 27
au 28. Le siège a duré vingt-et-un jours, et le bombardement dix jours;
1,600 projectiles ont été lancés sur la belle capitale de l’Andalousie. Le
chef politique, dans son rapport au gouvernement, dit à ce sujet :
« Nous avons de grandes pertes à déplorer; les rues sont encombrées
de ruines, et plus d’un édifice, dont la solidité avait bravé plusieurs siè-
cles, est aujourd’hui par terre ; mais enfin, nous avons vaincu et l’éten-
dard de la liberté flotte orgueilleusement au sommet de notre maguifi.
que giralda (nom donné à l’admirable tour de la cathédrale). »
Ce qui a pu donner lieu à l’erreur propagée par le télégraphe, c’es ï.
que l’ex-régent, de sa personne, était effectivement parti le 20 au ma -
lin, avec les trois ou quatre cents chevaux de son escorte d’élite. Les
nouvelles qu’il avait reçues de Madrid, le 23, et l’approche de Concha
lui avait ravisa dernière espérance, et il ne songeait plus qu’à gagner
Cadix, mais pour n’être pas inquiété dans sa retraite, pour assurer sors
salut personnel, ilavait ordonné de continuer le bombardement jusqu’au
27 au soir.
Le 28 au malin, le capitaine-général Figueras a annoncé la levée du
siège par une proclamation qui mérite d’ètre connue et que voici :
« Sévillans, l’ennemi se retire. Il a levé le camp dans l’obscurité de lu
nuit, et ses chefs fuient, emportant au front le sceau de l’exécration
publique.Vous avez essuyé un siège et un bombardement avec une telle
constance, avec un courage si héroïque, qu’on peut dire de vous que
vous avez rappelé les temps de Numance : Vous êtes dignes de l’admi-
ration du monde. Une ville ouverte et réputée indéfensable, s’est chan-
gée avec une promptitude merveilleuse en place forte; de pacifiques ci-
toyens sont devenus vétérans en un instant. Vous avez vu vos femmes
s’absenter, vos maisons s’écrouler, et rien n’a pu vous abattre,et Séville,
la reine du Bétis, jouit avec orgueil du triomphe qu’elle doit à ses en-
fants. Je vous avais dit que du haut des cieux descendrait le laurier qui
allait couronner vos tètes. Il esldescendu. Recevez-en mes félicitations.
Mais... C’est Dieu qui nous a donné la victoire. Courez, mes enfants,
courez à son temple pour lui en rendre grâces. Sans l’aide de Dieu,
qu’aurions-nous pu? Rien. Pour ce qui me touche, Sévillans, si les fati-
gues et la bonne volonté que j’ai consacrées à la défence de votre cité
ont quelque mérite, je m’en trouverai complètement récompensés!
vous conservez toujours un souvenir affectueux de l’homme qui, à une
époque aussi signalée, fut votre capitaeine-général. •
En même temps que cette proclamation se publiait dans la ville, une
forte colonne, sortie dès le matin, marchait à la poursuite de l'ennemi,
dont l'infanterie fuyait en désordre. Avant quela colonne d’avant-garde,
expédiée par le général Figueras, fût arrivée à mi-chemin de Séville à
Utrera, c’est-à-dire à trois lieues de Séville, elle avait atteint 12 ou 1,500
hommes de cette infanterie qui s’étaient unis à elle.
De son côté Concha, à la tête de 500 chevaux, courait droit sur Cadix
pourcouper au Régent, sa dernière retraite. Parvenu au pontde Suazo,
qui lie au continent l’ile de Léon dont l’extrémité opposée touche à
enfin, domine toutes les considérations possibles.
Mais faut-il accuser exclusivement les artistes du triste épanouisse-
ment d’œuvres de toutes sortes qui voient le jour à l’ouverture d’un
Salon ? Eh non ! les artistes n’ont fait que se précipiter tête baissée dans
la route que d’autres leur ont grandement ouverte. A l’heure qu’il est,
il n’est pas de localité si petite qu’elle soit d’ailleurs, quand elle porte
le nom de ville, qui n’ait au moins de temps en temps quelqu'exposilion
de tableaux. Ici, ce sont des sociétés de beaux-arts qui font un appel
aux artistes; là ce sont des institutions de bienfaisance qui se croient au-
torisées à imiter les sociétés de beaux-arts. On seconde merveilleuse-
ment ainsi la tendance funeste à pousser l’art dans les retranchements
du positivisme mercantile. Au lieu d’encourager et de soutenir de la
sorte les pas chancelants de l’artiste, on l’entraine, on l’excite jusqu'à
l’épuisement. Ceci nous explique pourquoi nous voyons celte foule de
talents rachitiques, dont l’avenir a été brisé dans la lutte écrasante
qu’ils ont voulu soutenir conlre la raison et le bon goût.
A présent que nous avons le cœur un peu net de celte question, nous
ne nous dissimulons pas la joie avec laquelle nous avons parcouru le Sa-
lon d’Anvers, à cause du grand nombre d'œuvres remarquables que
nous y avons rencontrées. L’Ecole flamande est en progrès, ou peut le
dire; tous nos artistes semblent avoir rivalisé de zèle et de talent pour
l’embellissement du Salon, et ont voulu prouver par là, sans doute,
qu’Anvers n’est pas tellement tombé bas, sous le rapport del'art,que les
Donquiblagues de la capitale ont bieu voulu le dire.Si notre exposition
triennale ne brille point par cette immense quantité de tableau x, elle
est remarquable par la qualité des œuvres qu’elle renferme et par les
grands noms qui s’y produisent, linons suffira de citer les Wappers,
les De Keyzer, lesVerboeckhoven, les Robbe, les Leys, les Debraekeleer,
les Dyckmans, les Deblock, les Génisson. les Jacob-Jâcobs, et tant d’au-
tres dont la réputation s’étend aujourd'hui au loin.
Ce n’est pas à dire pourtant que le Salon d’Anvers soit vierge de
toute toile médiocre : il en est, au contraire, dont la présence nous
élonne réellement et qui déparent la place qu’elles occupent. La com-
mission devrait, ce nous semble, se montrèr'plus sévère sur l’admission |