230 LA BELGIQUE. « Voici comment un poëte montois de beaucoup d’esprit a dépeint le monstre: Mais voici le dragon superbe, Monstre farouche et carnassier ; Un épiderme couleur d'herbe Couvre à demi son corps d'osier. Toujours ses ailes élargies Du sang des hommes sont rougies. Un éclair sombre et menaçant Jaillit sous sa prunelle bleue, Et des coups de sa large queue Il assomme au loin le passant. « En effet, la lutte a lieu sur la place, au milieu d’une foule immense qui encourage de ses clameurs le chevalier Saint- Georges et ses chin-chin, nom que le peuple a donné aux hommes d’armes et aux écuyers de ce preux chevalier. Le monstre est défendu par des diables noirs armés de bâtons au bout desquels sont attachées des vessies gonflées de vent. Des hommes sauvages, entièrement vêtus de feuilles de lierre, figu- rent dans la bataille. Sont-ce les faunes du marais desséché, ou la personnification des jacques de la féodalité ? Je l’ignore, et les savants n’en savent pas plus long que nous là-dessus. « À midi sonnant, arrive le chevalier monté sur un superbe coursier. Il est revêtu d’un justaucorps de buffle ; ses jambes sont garanties par des bottes de gendarme , et il porte fière- ment sur la tête un casque de dragon français du temps de l'Empire , quelque débris de Waterloo ! Il est armé d’une lance moyen âge, d’un bancal et d’une paire de pistolets d’arçon. La lutte commence ; le dragon , guidé par deux vi- goureux gaillards, promène sa formidable queue, longue de dix à douze mètres, de droite à gauche, renverse tout ce qui se trouve sur son passage. Pendant ce temps, les pompiers, figurant les gardes bourgeoises d’autrefois, entourent l'a- rene et exécutent un feu roulant. Les cloches sonnent à toute