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(ff. 1.)
ON S’ABOSTBfE
\ Anvers, au, bureau du
Précurseur, rue des Fagots
ïi. 1093, où se trouve une
boite aux lettres et où doi-
vent s’adresser touslesavis.
Eu Belgique et à Vetran-
ger , chez tou* les directeurs
des postes.
Pour toute la Hollande
chez T b. Lejeune Libraire
Bditeur à laHaye.
A Paris , à l’Offire-Cor-
rerpoc dance de Le pelle tier-
Bourgjin et coœpag*, rue
Notre-Dame des Victoires,
N. i8,ouon reçoit aussi le*
annonces.
AMERS, lituidi !» JAffVIEK. 1838.
(^roMème Arm#e.}
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PAIX.
tmEHTÉ.
JOURNAL POLITIQUE, COMMERCIAL , MARITIME ET LITTÉRAIRE.
ÉDITION DD SOIE.
ABOSTITEiaSTiT.
Par an . . . HO '•>
0 6 mois . . SO
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POUR LA BF.LGTQUK
Par 3 mois . . IH ff
POUR L'ÉTRANGER.
Par 3 mois . 20 fr«
Assrzs'osrGss.
25 centimes la ligne.
La quatrième page con-
sacrée aux annonce» , t*i
affichée à la bourse d’Anv^r
et à la bourse des princi
pale* villes de oommen
PRCôKÈÎ.
1er Janvier.
BULLETIN POLITIQUE.
L’empcrcur de toutes les Russies tient par dessus tout à ce que sa
noblesse ne puisse quitter l’empire sans sa permission. Il vient de pren-
dre des mesures sévères pour qu’à l’avenir les nobles ne puissent plus
s'inscrire sur la liste des négociants. Il parait que cette pauvre no-
blesse placée dans la cruelle alternative d’être aux arrêts dans- son pro-
pre pays ou de déroger en devenant commerçante, préférait ce dernier
parti. Elle se fesail inscrire sur ia liste des négociants afin de pouvoir
se procurer des passeports pour l’étranger sans avoir besoin de la per-
mission impériale. Le czar y a mis bon ordre. Heureux pays que la
noblesse comme le peuple ne peut aborder qu’en tremblant, habiter
sans courir le risque d’étre fusillé et quitter sans qu’à la frontière
d’honnêtes gendarmes (le gendarme pousse partout) ne vous prient de
reprendre avec eux le chemin de la Sibérie !
Le grand duc Michel si long-temps disgracié est rentré en faveur.
Le czar son frère lui confie dit-on le commandement de son armée de
réserve.
Le czar prend toutes les mesures nécessaires pour’stimuler le zèle
des officiers et marins qui composent la flotte de la mer Noire veillant
sur le blocus des côtes de la Cirçassie. Il a décrété par un ukase récent
que le service compterait comme campagne et que ia croix de Saint-
Georges sera accordée aux officiers el marins qui empêcheront les
bâtiments turcs ou autres de débarquer sur les côtes de Cirçassie.
La peste continue à Odessa; le nombre des victimes augmente cha-
que jour malgré les précautions de tout genre que l’on a mises en
usage.
Nous donnons aujourd’hui des détails plus circonstanciés'sur la dé-
claration d’indépendance de Rallia , où la révolution s’est opérée sans
effusion de sang. (Voir la rubrique.)
g Une certaine fermentation continue à régner dans plusieurs Villes
(lu nord de l’Allemagne. A Cassel, aussi bien qu’à Dresde les autorites
prennent des mesures pour empêcher tout rassemblement qui serait
occasionné par la présence de quelques-uns des profsseurs de Gœltin-
| gue arrivés dans ces deux villes.
La ville libre de Cracovie (nous axons dit il y a quelques jours de
quelle singulière liberté elle jouit) fait savoir que rien ne s’opposant
plus à la reunion de la diète, elle sera convoquée sous peu; mais que
les élections des fonctionnaires publics seront suspendues par la vo-
■ j.oxtè des puissances protectrices et que pour le moment elle se bor-
j lieraient à la nomination de trois juges de paix. .
On voit que les Protecteurs n’ont pas tardé a mettre en vigueur le
I réglement subversif de la constitution qu’ils ont publié il y a quelque
? temps el que nous avons reproduit dans nos colonnes.
Nous n’aurions rien à dire de l’Espagne si nous no trouvions dans le
courrier de Rordeaux une confidence assez extraordinaire. C’est le gé-
néral Gordova qui félicite le général Espartcro d’être à la tête des ar-
mées, au moment où la guerre civile va avoir uu terme puisque les
fiançailles ayant eu lieu entre le troisième fils du Roi des français et
: la jeune reine Isabelle, le jeune roi catholique entrerait dans la Pé-
ninsule le printemps prochain à la tête d’un corps de troupes fran-
çaises. (V. R.)
DES FABRIQUES DE SUCRE DE BETTERAVE
EN BELGIQUE.
IiEDR IKJIDEKOE ET IIE LEUR AVENIR.
(2me ARTICLE.)
Nous pensons avoir démontré dans un précédent article (1), que
la fabrication du sucre de betterave est contraire aux intéréts
généraux de l’afiricuiture ; quelle l’est également aux intérêts du
commerce : dans ce second article, dont nous avons dû retarder la
publication, pressés, comme nous l’avons été, par les événements
et par l’abondance des matières, notre intention est de prouver
qu’elle est contraire aux intéréts de l’industrie, aux intérêts du tré-
sor , et aux intéréts des consommateurs. Nous dirons dans un troi-
sième article quel peut être en Belgique l’avenir de cette industrie.
(l) voir le Précurseur du 19 décembre.
I^c®alâlcf©ia du H®réesi0*§ciir.
LE 31 DÉCEMBRE 1837.
LES ÉTRENNES.
Croyez-moi, c'est un art que Je
savoir donner.
Le jour de l’an approche; la grande affaire des étrennes occupe tons les
esprits, et imprime à notre ville, ordinairement un peu triste, une physiono-
mie particulière. Ce jour, qui sert ordinairement de terme â la plupart des
transactions sociales et administratives, pourrait, sous ce point de vue, deve-
nir l’objet d’une discussion plus ou moins ennuyeuse. Un moraliste ne manque-
rait pas de prendre son texte sur ie compliment et les visites d’usage au re-
nouvellement de l’année, et Dieu sait tout ce qu’il pourrait dire devrai, de
sage, d’admirable et d’ennuyeux, à propos de la flatterie, de. la dissimulation ,
de la bassesse ct de la cupidité , qui mettent en mouvement les quatre-vingt-
dix centièmes des gens que vous rencontrez alors sur votre chemin ! Pour
mot, observateur plus frivole et moins morose, j’envisage la chose avec
des yeux d’enfant, et je ne veux voir dans le jour de l’an que les
Etrennes. Cependant, comme on est convenu, quelque sujet que l’on traite,
plaisant ou sublime, de prendre la matière ab oro, et que l’érudition est au-
jourd’hui fort à la mode, je ne manquerai pas, pour faire parade de la mienne,
de citer Nonius Marcelin», de praprietala sermonum, lequel fait remonter
l’origine des étrennes à Tatius, roi des Sabins. Le premier jour de l’an (on ne
sait pas très positivement la date), on avait fait présent à ce prince, un peu
crédule, de quelques branches d’arbres consacrées à Strenno, déesse de la
force : ce qui lui parut de bon augure. Comme celte année fut pour lui très
heureuse, il autorisa par la suite l’établissement de cette coutume, et donna à
ces présents le nom de strennæ dont on â évidemment fait étrennes.
En puisant à la même source , je pourrais dire encore des choses fort cu-
rieuses sur les fêtes auxquelles cet usage donna lieu chez les Romains; sur
les présents, des dattes et de mie! qu’ils se faisaient à cstie occasion; sur les
étrennes que les chevaliers et le peuple donnaient à Auguste, et dont le pro-
duit servait à faire élever des statues à des dieux oubliés dans le Panthéon ;
mais cela me mènerait beaucoup trop loin.
Etymologie à part, je croirais plutôt que cette fête tire son origine de celle
que célébraient les Gaulois.au renouvellement de l’année, et pendant laquelle
ils se faisaient mutuellement de petits cadeaux de gui de chêne béni par les
Druides, en chantant une espèce de cantique qui avait pour refrain : .du gui
La fabrication, du sucre indigène est contraire aux intérêts de
l'industrie.
De ce que la fabrication du sucre indigène est contraire aux inté-
rêts du commerce, on doit inférer, comme conséquence naturelle et
rigoureuse, qu’elle est contraire aux intérêts de l’industrie, car ces
deux espèces d’intérêts s'enchaînent solidairement. Que la fabrica-
tion du sucre de betterave, grâce à l'immunité dont elle jouit, prenne
en Belgique’un développement tel, quelle s’empare du marché inté-
rieur et quelle entraîne la ruine des raffineries de sucre exotique, elle
n’ouvre â l’industrie belge aucun débouché nouveau pour l’écoule-
ment de ses produits divers. En effet la matière se récolte dans le
pays même el ne donne lieu par conséquent à aucun échange’indus-
triel, car elle ne fait pas dépasser à la consommation intérieure, à la
consommation naturelle et obligatoire ses limites normales; d'un
autre côté, par cela même que tous ses produits devraient être con-
sommés dans le pays, il est clair qu’ils n’entraineraient avec eux
l’écoulement d’aucun des produits de l’industrie belge, dans les ré-
gions étrangères. Ainsi donc, la fabrication du sucre indigène ne
procurerait à l’industrie nationale aucun débouché nouveau, et d’un
autre côté elle lui en ravirait un grand nombre de ceux qu’elle pos-
sède, de ceux que lui fournit le commerce des sucres exotiques, tant
bruts que raffinés. Quel que soit en effet le nombre des navires qui
partent directement du port d’Anvers, pour aller chercher du sucre
soit à la Havane, soit au Brésil, ou qui, après en avoir importé, ne
quittent pas la Belgique sur lest ; ce?nombre ne fut-il que de 50, de
30 même, ce sont toujours autant de navires qui emmènent, comme
matière à échange, des produits de l’industrie belge. Quel en serait
le nombre, si le suce de betterave avait tout envahi? il n’y en aurait
pas trois peut-être. Si l’on considère l’exportation, la différence de-
vient bien plus grande encore. On conçoit, ce que M. Mercier a eu
l’air de ne pas comprendre, c’est que le nombre des navires qui im-
portent du sucre est nécessairement beaucoup moins grand que le
nombre de ceux qui en exportent, attendu que le sucre forme en
général,à l’importation le changement complet, tandis qu’à l’expor-
tation il ne forme que la base du chargement. On peut estimer que
300 navires exportent du sucre, et à la faveur de celte exportation,
emmènent, soit vers le nord, soit vers l'orient, des produits de
l’industrie Belge. Combien de navires se livreraient encore au même
trafic , si le sucre exotique raffiné, qui est la base de leur charge-
ment , venait à leur manquer? Certes c’est être bien généreux que
de concéder cette faculté à cent navires ; ce qui augmenterait de
200 le nombre de ceux qui partent sur lest.jEt cela arriverait fata-
lement, si la fabrication envahissante,du sucre de betterave, entraî-
nait la ruine des raffineries de sucre exotique. L’industrie Belge
n’en acquerrait aucun débouché nouveau ; elle y perdrait en grande
partie ceux quelle a : dès lors n’est-il pas juste de dire que la fabri-
cation du sucre de betterave est contraire aux intérêts de l’industrie.
Celle fabrication est e'galenient contraire aux intérêts du trésor.
C’est un point qu’il est en quelque sorte inutile de démontrer, car
il est évident que si la production du sucre indigène fournit à la con-
sommation du pays 5 à 6,000.000 kilogrammess de sucre, c’est un
droit d’accise énorme qui échappe au trésor, et que les partisans
même les plus acharnés de cette industrie onf l’inconcevable iniquité
d’accuser les raffineries de dérober à la caisse publique. Que serait-
ce donc si cette production occupait, conjointement avec la fraude,
tout le marché intérieur? que produirait au trésor cette matière si
éminemment imposable? rien, absolument rien, puisqu’elle est
exempte de tout droit. Il pourrait même arriver quelle reçut le
drawback dû aux sucres exotiques. — On l’assujétirait à l’impôt,
dira-t-on. D’abord, ce ne serait pas sans une extrême difficulté qu’on
l’assujétirait à l’impôt, et vous verriez les mêmes hommes qui de-
mandaient un impôt élevé sur le sucre exotique, dans l’intérét du
peuple, afin de diminuer l’impôt sur le sel et de procurer sans doute
au peuple la jouissance de boire de l’eau salée, au lieu d’eau sucrée,
vous verriez ies'mêmes hommes, disons-nous, s’appuyer avec autant
de chaleur et de conviction sur les mômes motifs, pour demander
l’exemption de tout impôt en faveur du jeune sucre de betterave, de
ce sucre en tutèle, si paternellement protégé. D’un autre côté, faut-il
donc attendre que le mal soit à son comble, pour prendre soin de le
guérir? la production du sucre de betterave coûte maintenant au
trésor un million chaque année , sans aucune compensation : con-
vient-il d’attendre qu elle ait dévoré huit ou dix millions pour pren-
dre à son égard une mesure propice aux intérêts du trésor et con-
forme aux lois de l’équité ? Non certes, si loti a à cœur les intérêts
du trésor , on ne saurait trop se hâter, de soumettre à l’impôt une
industrie qui est entièrement contraire à ces intérêts , dans les con-
ditions qui lui ostété faites.
Cette industrie est d’ailleurs contraire aux intérêts des con-
sommateurs.
La fabrication du sucre de betterave est contraire aux intérêts
des consommateurs, non seulement en ce sens qu’entravant l’acti-
vité des raffineries de sucre exotique , elle tend à faire payer plus
cher qu’aujourd’hui les qualités de sucrequi servent principalement
à l’usage des classes les plus nombreuses de la société, car le prix
de ces qualités est en raison directe de l’activité des travaux et des
exportations ; elle est encore contraire à leurs intérêts , par ce que,
sans aucune compensation, elle fait retomber sur eux, comme
contribuables, le million d’impôt dont elle prive le trésor, et indi-
rectement elle ajoute ainsi lil0e au prix du sucre qu’ils emploient.;
elle leur est encore contraire, même en dehors de tout cela, pour
les objets les plus indispensables à la vie, car il résulte d’apprécia-
tions faites en France , que dans les départements, où la fabrication
du sucre indigène est le plus développée, la valeur des céréales et
des bestiaux acquière le plus d’élévation , sans que pour cela il y ait
accroissement de population. Il est facile au reste de comprendre
qu’il doit nécessairement en être ainsi, puisque la culture de la
betterave pour la fabrication du sucre, dévore beaucoup plus d’en-
grais quelle n’en produit, en augmente par conséquent le prix , et
donne an loyer des terres un accroissement de valeur qui ne peut
se solder que par un accroissement proportionnel de la valeur des
prodnits.
Il nous reste à prouver que cette industrie n’a pas d’avenir
en Belgique. Ce sera ie sujet d’un dernier article.
BÀIIIA. —- DÉCLARATION D’INDÉPENDANCE.
Extrait d’une lettre de Bahia du 11 novembre 7837.
Nous voici de nouveau en désordre. Il s'agit d’une révolution qtil a
éclaté ici le 7 courant. Elle a eu pour but de déclarer notre province
état libre et indépendant et de la constituer en république.
Ce changement s’estopéré sans aucune opposition et sans unegWftte
de sang versé; et jusqu’à ce moment, la tranquillité n’a pas été un ins-
tant troublée ; personne n’a élc insulté, et si e n’était la grande émi-
gration qui a lieu depuis le jour de ce mouvement, on ne s’apercevrait
î pas d’un changement aussi important.
Les chefs se conduisent avec assez de prudence; ils ont écarté, au-
tant que possible, les hommes des classes inférieures , ne s'appuyant
pour le moment que sur des gens à peu près recommandables. C'est
avec la participation de la troupe qu’à été consommée celte révolution
qui ne plait nullement au commerce, aux propriétaires, aux gens paci-
fiques et aux hommes à argent. Tous redoutent les suites de ce chan-
gement; aussi n’cst-il entre dans ce complot que des individus qui
ont besoin d’avancemeut. Aujourd’hui, ce sont des Caton; on ne parle
que de désintéressement, du bien de la patrie, etc., etc. 11 faudra voir
la suite. Nous ne pensons pas, du reste, que les chefs du mouvement
arrivent à jouir du fruit de leurs travaux. Voilà l’opinion qui se dé-
clare contre eux; aucun prestige ne les accompagne; une forle oppo-
sition se prépare; les nouvelles de l’intérieur sont favorables au gou-
vernement légal, et on dit qu’il va s’en former un provisoire en dehors
de la ville. Ainsi les révoltés n’auront plus en leur pouvoir que Bahia ,
que l’ori peut facilement réduire en la bloquant par terre et par mer.
Quelques personnes pensent qu’avant qu’on en soit venu là, les chefs
auront disparu, et il en sera de cette révolution comme des autres :
elle n’aura fait que paraître, effrayer et paralyser le commerce ; car
r an neuf l Ce qui explique à la fois les présents et les chansons du jour de
l’an.
Quoiqu’il en soit, je ne vois arriver ce jour-là sans éprouver quelque chose
du plaisir qu’il m'a procuré aux différentes époques de ma vie dont le cours se
trouve pour ainsi dire marqué par les étrennes. Les bonbon* me rappellent
ma première enfance ; les joujous, cét âge que l’on décore si improprement
du nom de l’âge de raison ; les almanachs, les livres m’indiquent mon adoles-
cence ; et ma jeunesse date, dans mes souvenirs, du temps où j’ai commencé
à donner des étrennes, avec plus de plaisir encore que je n’en avais aupara-
vant à en recevoir. Le bontemps que celui où je me croyais obligé de courir
pendant huit jours, de maison en maison, pour y distribuer avec profusion
une quantité de petits cadeaux achetés à grands frais, donnés avec prétention,
et la plupart du temps reçus avec indifférence!
1! y a bien long-temps que je ne reçois plus d’étrennes. que je n’en donne
plus qu’à mes enfants et à mes domestiques; mais tout désintéressé que je suis
encore sur le jour de l’an, je m’en réjouis encore par souvenir et par curiosité.
J’aime à courir les boutiques; dans tout autre temps il faut du moins avoir le
prétexte d’acbeter ; dans celui-ci, grâce à l’extrême politesse de quelques-uns
de nos marchands, les curieux sont reçus presque aussi bien que les acheteurs.
LE PREMIER JANVIER 1838.
LES SOUHAITS.
Minuit sonne, une nouvelle ère va commencer, et les douze mois qui vien-
nent de s'écouler sont rentrés dans le néant. Evanouie à jamais, l’année qui
vient de finir est un anneau détaché de ia chaîne du temps. Frappé de cet ar-
rêt inévitable, condition de notre passage éphémère sur la planète que nous
habitons, le moraliste s’arrête et jette un coup d’œii de regret sur le temps qui
n’est plus ; il le compare au sable écoulé du sablier ; il compte le nombre de
soleils qui se sont levés pour lui ; il cherche à se rappeler combien de fois il a
vu le printemps remplacer le triste hiver, et les fleurs et les feuilles parer une
terre desséchée et flétrie. Puisses regards se portent sur lui-même ; déjà les
grâces de la jeunesse s envolent, ses forces diminuent, et à quoi a-t-il employé
ce temps qui ne reviendra plus, ces dons précieux anéantis à jamais? À-l-il
été heureux ? A-t-il fait tout le bien qui dépendait de lui ? Il soupire et son
imagination ne ressaisit dans le passé que de vains projets et des espérances
évanouies.
Ces graves réflexions ne s’offrent point à la jeunesse dans des jours sembla-
bles à ceux-ci. A l’aurore delà vie, au moment où le voyage est à peine com-
mencé, le but ne se montre à ces jeunes esprits que sous l’aspect le plus
riant. Loin d'eux les méditations mélancoliques ! Ces joyeux passagers s’em-
barquent avec confiance,ils voguent avec intrépidité ; leur jeune imagination
ne voit qu'espérance et bonheur ; le vol rapide du temps ne les frappe point,
c’est pour eux un vieillard estropié qui se traine trop lentement au gré do
leur vivacité; sa faux inévitable leur paraît une béquille, et dans leur ardeur
impatiente, ils taxeraient de lenteur jusqu'à ia vitesse des coursiers du soleil.
Mais il me tarde de me conformer à l’usage et d’offrir à mes lecteurs , à dé-
faut d’étrennes plus substantielles, le tribut, on ne saurait plus économique ,
des souhaits que je forme pour leur bonheur et pour leurs plaisirs.
Comme la santé est le premier des biens, que beaucoup de gens sont tentés
de croire que la médecine est le plus grand des maux, et que pourtant long-
temps encore, on ne pourra se. passer de médecins , je souhaite que la fureur
d’écrire, qui les saisit de temps en temps, leur prenne dans l’année où nous en-
trons , attendu que le temps qu’ils perdront à leur bureau sera autant de ga-
gné pour leurs malades.
Je souhaite pour l'année prochaine, à mes abonnés-voyageurs, l'achève-
ment de tons les chemins de fer qui nous permettront decirculer dans la Bel-
gique aussi commodément qu’on circule aujourd’hui entre Anvers et Bruxelles.
.le souhaite aux amateurs de l’art dramatique qu’Anvers trouve un Directeur
actif et de bon goût pour son beau théâtre. Je leur souhaite des acteurs qui,
bien pénétrés de l’idée qu'ils exercent un art et non pas un métier, en étudient
les principes et les modèles.
Pour être juste envers tout le monde, je souhaite aux acteurs un public im-
partial, attcnlif, qui ne sc presse pas déjuger avant d’avoir entendu, et qui
ne siffle pas parce qu'il a résolu d’avance de ne pas applaudir.
Je souhaite que les journalistes soient affranchis de ce droit onéreux du
timbre qui prive nos lecteurs d’une infinité de documents curieux et inté-
ressants que nous sommes obligés de laisser de côté, pour ne pas les déguiser
en les morcelant.
Je souhaite au Commerce que la Chambre des représentants du pays enten-
de mieux les intérêts généraux qu’elle représente et que la leçon qu'elle
vient de recevoir lui profile; car, pour peu qu’elle ail de l’ont ar-nfopre, elle
ne doit pas approuver avec plaisir ce que la veille elle cm- désapprouvé.
Je souhaite à mon pays que ses ministres ne proposent plus des l'ois qu; font
passer de très-vilains quarts d’heures aux sept huitièmes de leurs administri».
Je souhaite enfin au Précurseur que ses intentions continuent à être ap-
préciées comme elles l’ont été jusqu’à ce jour. Ce souhait tout simple qu’il est
renferme tout. |