PROVINCE D'ANVERS. 147 cité commerciale se fait sentir à l’oscillation d’une foule cosmopolite courant aux affaires du pas diligent d'individus pour qui les minutes sont de l'or. Partout les écussons accrochés aux balcons signalent les consulats ; une forèt de hampes déborde sur les trottoirs, toutes prètes pour y suspendre les pavillons; et les grandes plaques de cuivre, les enseignes bariolées, l'étalage des firmes laissent deviner des magasins emplis d'ouvriers, des cours où se chargent les camions par centaines. des bureaux fourmillant de commis. Observez cependant les allées et venues de ce monde en travail : la fièvre n’est qu'apparente ; une activité régu- lière rythme les gestes et la démarche; l'habitude des grosses entreprises où chacun risque à tout bout de champ son avoir, une longue tradition de négoce et de spéculation main - Dessin de Alfred Hubert LES PORTES DE BERCHEM : ENTRÉE DES FORTIFICATIONS, SOLDATS DU TRAIN. tiennent l'affairement général dans un alme relatif; on comprend qu'avec de tels hommes les pertes et les gains sont prévus, que rien n'est laissé à l'aventure et qu'ils sauront réparer laborieusement les brèches faites à leurs fortunes, si la chance tourne contre eux. Le souvenir de mon premier séjour à Anvers remonte à une époque déjà lointaine. J'étais allé retrouver un ami, soumis aux dures épreuves du concours en loge ; il était peintre et convoitait le prix de Rome. La ville de Rubens et de Van Dyck a gardé, en effet, les privilèges de son ancienne gloire : son Académie des Beaux-Arts est demeurée le boulevard de la tradition des maitres ; et c’est chez elle encore que se cueille le vert rameau. Une auberge, sise au Marché au Lait, avait en ce temps, pour hôtes principaux, outre la petite bourgeoisie de province et les porte-marottes en tournée, des jeunes gens turbu-