CHAPITRE IX. ou se revêtaient, au goût des propriétaires, de tons multiples et imprévus, quelquefois agréables et attestant le fonds na- tional de colorisme qui distingue l Anversois. Mais, depuis une vingtaine d'années, il semble que la dé- votion ait diminué dans la patrie du grand Pierre-Paul, en proportion inverse des progrès faits par le goût de la pro- preté, c’est-à-dire du blanchiment et de toutes les variétés connues du badigeonnage. Je me trompe pourtant : un bourg- mestre a fait un coup d'État contre les murailles et le choix des nuances dont il est permis de les affubler est l’objet d’une réglementation très-stricte. Les Anversoïs ont la liberté de a presse, mais non celle de la peinture, et ils doivent se confor- mer, dans l'habillement de leurs maisons, à la gamme licite de couleurs décrétées par le pouvoir municipal, et dont un spécimen est affiché ad oc à la maison de ville. Jai lieu de croire que ce choix somptuaire n’est pas des plus heu- reux , puisque le jaune de tous les tons , depuis le camari jusqu’à l'orange, est actuellement ce qui domine dans la pa- rure des habitations d'Anvers. Par contre, les madones et les Christs s’éclipsent, et ce n’est plus guère que dans la partie vraiment gothique dela ville, dans les fouillis de rues qui avoi- sinent le port etle grand bassin, que l’on voit scintiller encore la nuit à l'angle des carrefours ce gros œil rouge, indice et lampe votive de ces signes extérieurs de là piété catha- lique. On entre dans Anvers, à la descente du chemin de fer, par une belle porte relevée de trophées et d'armoiries, et l'on s'engage à peu près inévitablement dans la place de Meer qui vous conduit au centre et au cœur de la ville, selon la ci- vilisation et selon la topographie. Cette place de Meer n’est autre qu’une longue et spacieuse rue qui va toujours s’élar- gissant en manière d’entonnoir , jusqu’à ce qu’elle atteigne, en effet, au bout de son parcours, aux proportions d’une véritable place. Comme c’est là la grande artère de la ville et