PROVINCE D'ANVERS. 167 qu'il semble que la pioche n'ait osé s'en prendre à ses invulnérables assises : on est devant la Halle des Bouchers. Les chroniques disent la splendeur de cette grande maison corporative commencée en 1301 et achevée l'an suivant, d'après les dessins de l'architecte Herman de Waghemaekere. On n'a plus pour en juger que les proportions harmonieuses de ce quadrilatère construit en briques purpurines, avec ses pans encadrés de chainons en pierres de taille, ses tourelles hexagonales à elochetons s'aiguisant aux quatre coins, ses fenêtres ogivales découpées en meneaux flamboyants, et sur les deux façades latérales, l'élancement de son toit tailladé en gradins. L'âme en est partie, ce grand seizième siècle, avec ses magnificences et ses vicissitudes. Le Steen se dressant à l'entrée de la rue, la Halle des Bouchers dominant Ie til \ ni à \ il | | Dessin de Xavier Mellery. POESJENELLE KELDER (CAVE A POLICHINELLES }). la sortie; d'une part, la prison des tyrans espagnols; de l'autre, le palais d'une corporation opulente et libre; ici les guerres et les mercenaires espagnols inassouvis de pillage; là le commerce florissant et la prospérité matérielle récompensant un labeur constant, c'était, en ce bref espace, comme les douleurs et les gloires de toute une époque. La vie présente gardait ses droits à travers ces images du passé: l'éclat de rire du marin, du marchand, de l'homme du peuple connait comme un défi en ce quartier hanté de . visions tragiques, et ce nétait pas le seul rire qu'on y entendait. Un soir que j'arpentais une mince ruelle filant entre l'énorme mur de la Halle et un pâté de hautes maisons sans fenêtres, pareille à un de ces tortueux boyaux où Doré, dans ses caprices d’un chimérique moyen äge, suspend, au bout de tringles tordues, des panonceaux découpés en silhouettes