PROVINCE D’ANVERS. 215 derniers mélés à des ascensions triomphales. Il y entassait tout ce qui bruit et luit, les cuirasses et les casques à cause des tons froids de l'acier, les simarres et les chapes à cause des tons chauds de l'or. les brocarts, les soies et les satins à cause de leurs froissements lumineux, les vases précieux aigrettés de bluettes, la robe blanche des chevaux, là rouge fourrure des lions, l'envolée elaquante des crinières, le frisson profond des chairs, une sorte de fermentation prodigieuse de nature morte débandée dans des tons capiteux de fleurs et de fruits. Un flot bouillonnant de vie sort de son œuvre, genèse jamais lassée, ayant toutes Îles LA VIERGE AU PERROQUET, D'APRÈS LE TABLEAU DE RUBENS AU MUSÉE D'ANVERS. formes, subissant toutes les métamorphoses, touffue et simple comme la nature. Il improvise dans une sorte de fureur sacrée ; il fait servir la terre, le ciel, la mer à ses inventions ; il prend à l'éclair son zigzag phosphorescent, à la nuit ses pénombres doucement étoilées, aux blés leurs rouissures de vieil or, à l'océan ses écaillements argentins de poissons, à la voûte astrale la féerie de ses bleus dans la brume et le topaze brülé de ses cuivres dans les apothéoses du couchant, à la création entière des images, des comparaisons, des pratiques qu'il adapte à ses évolutions grandioses de masses en mouvement. Ainsi il éveille dans l'âme des sensations qui bercent comme un songe ou remuent comme des coups de tonnerre.