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AîfWEKS, Lundi fl 6 Octobre-
1843. - ML» S88,
1 à 2 •
On s'abonna: h Anvers au bureau
du PRRCUR.SJSUR, Bourse Anglaise
N.o 1040; en Belgique et à l’étrangw
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* O ^Octobre.
IIAlICCRATieiî M5J CIIIMIV ME FEB
hkm;i:-bieiêv%\. — *3 octobre.
Il était à peu près huit heures et demie quand les invités sont
arrives au port. Jusqu’au malin, on avait désespéré de pouvoir
donner la fête vénitienne, à cause des pluies continuelles et des
vents qui ne cessaient de souffler avec une violence extraordi-
naire. Cependant, quand on s'est aperçu que la pluie nous avait
probablement quitté pour tout le reste de la journée ainsi que
pour la nuit, on a repris l'espoir de réaliser cette partie du
programme des fêtes. Mais ces contrariétés devaient naturelle-
ment nuire aux préparatifs qui avaient été faits avec tous les
soins imaginables. Si toutes les dispositions prises primitivement
avaient pu être exécutées, nous aurions assisté, sans nul doute,
à quelque spectacle féerique et d'autant plus intéressant que
d’autres localités en Belgique ne pourraient jamais le rendre
avec l'éclat qu’on peut y donner à Anvers. Mais le mauvais temps
était venu déranger tous les calculs.
Le soir, le vent était encore très fort, ce qui a d’abord em-
Iléché une foule de petites embarcations de sillonner l’eau de
ong en large, et de donner à l'illumination toute l’extension
voulue. I)isons-le pourtant : malgré les obstacles, le spectacle
de la nuit vénitienne offrait encore un coup-d’œil charmant. •—
A gauche de la place Ste-Walburge, où était l’enceinte réservée,
on apercevait en premier lieu une canonnière de l'Etat, illumi-
née par une quantité considérable de lampions; les cornets du
Ier régiment de chasseurs à pied, étaient à bord. Eu face de cet-
te canonnière , le brigantin le Congrès avec une triple rangée
de lanternes et de verres de couleur. Un peu plus loin, une
autre canonnière de l'Etat, illuminée comme la première.
De minute en minute, un coup de canon parlait de l’un ou l’au-
tre de ces bâtiments.
La distance qui séparait ces bâtiments était assez large pour
que trois steamers pussent circuler constamment entre eux.—
Le premier bateau à vapeur qui attirait les regards, était le
Prince-Philippe portant à l’arrière un énorme transparent sur
lequel on lisait distinctement : Harmonie royale d'Anvers.
Brillamment illuminé, le Prince-Philippe avait à bord la mu-
sique de la Société et celui du 10“.® régiment de ligne, qui se
faisaient alternativement entendre. De temps en temps, uue
pièce de feu d’artifice élait tirée sur ce steamer.
Le second éliiiileSoho (steamer anglais), lançant continuel-
lement des pièces de feu d’artifice et s’illuminant de feux de
Bengale, tantôt rouges, tantôt verts, tantôt bleus, tantôt de
toutes ces couleurs mélangées. Ces teintes se réfléchissant sur
les navires, sur les eaux vivement agitées, et jusque sur une
partie des quais, produisaient le coup d’œil le plus fantastique.
C’est à la Compagnie générale de navigation, à laquelle appar-
tient le Soho, et qui avait envoyé un de ses agents de Londres
avec l’autorisation de faire les dépenses nécessaires pour con-
tribuer dignement à la fête, que nous avons dû ce beau spec-
tacle.
Le troisième steamer était celui du passage, la Ville d’Anvers.
Egalement illuminé à l'aide d'une multitude delampiouset de
verres de couleurs, il avait reçu à bord grand nombre des enfant*
des Ecoles communales qui,quelque temps auparavant, avaient
chanté à la Bourse. Il y avait quelque chose de saisissant quand
ces voix fraîches appuyées de plusieurs basses, s’élevaient pour
ainsi dire du sein des flots et mariaient leurs limpides accents
aux sifflements du vent et aux bruits sourds produits par la
marée. A différentes reprises, de vifs applaudissements sont
partis des quais, et quand la Ville d’Anvers est passée devant le
quai de la Grue (l'enceinte réservée), M. le baron d’Arnim lui-
même, ému de cette surprise, a agité son chapeau dans l’air et
a poussé trois fois le cri : hurrahl qui a été répété avec enthou-
siasme par tous les autres spectateurs.
Et à propos de ces enfants, il faut que nous fassions mention
ici d’une touchante cérémonie qui a eu lieu, le soir même de
cette journée mémorable. Après avoir quitté la Ville d’Anvers,
ils se sont rendus eu masse et spontanément, devant la demeure
de M. Bessems (rue Chapelle-de-Grâce), et ont donné à leur
Erofesseur une brillante sérénade vocale. C’était comme une
ymne de reconnaissance envers celui qui ne cesse de leur pro-
diguer les soins les plus assidus. M. Bessems, touché jusqu'aux
larmes, est venu lui-même remercier avec effusion ses chers
élèves. — Cet acte fait honneur, et aux sentiments affectueux
de ces enfams, et au professeur qui a su en mériter la vive ex-
pression.
Revenons au port. A neuf heures et demie environ, une fu-
sée partie d’une des canonnières, a été le signal d’uu magnifi-
que feu d’artifice dans lequel la pyrotechnie avait réuni tout ce
qui peut relever un pareil divertissement donné au milieu d’un
fleuve majestueux comme l’Escaut. C’était le bouquet de la Nuit
vénitienne. — Nous le répétons, cette partie de la fête aurait
pu être bien plus complète, si le temps l'avait permis ; car, tout
avait été préparé pour qu’il pût y avoir auprès de ces navires 20
à 25 canots garnis de lanternes chinoises, et 70 à 80 embarca-
tions de toute espèce, avec des hommes ou des enfants portant
des torches. La violence du vent et l’extrême agitation de l'eau,
n’ont pas permis d’ajouter sans danger cet agrément à la Nuit
vénitienne.
La fête de l’Escaut a été signalée par un incident assez singu-
lier. Un bateau à vapeur hollandais est arrivé au port, alors que
toute l’attention de la foule était encore captivée par le brillant
spectacle qu’elle avait sous les yeux. Aucune décoration, pas la
moindre illumination ne se remarquaient aux mâts du steamer.
Ou fait circuler, à ce sujet, le mot caractéristique qu’un per-
sonnage diplomatique aurait glissé dans l’oreille de son voisin :
« Les Hollandais n’ont pas illuminé et ils ont, aujourd'hui, de
bonnes raisons pour cela. » Ce mot, s’il est exact et s’il a été dit
par le personnage auquel on fait allusion, ne serait pas sans im-
portance; on pourrait même y voir un heureux présage pour
l’avenir.
Au momeut où la foule rentrait en ville, une nouvelle surprise
attendait les invités: la tour de la Cathédrale s’est tout à coup
illuminée par des feux de Bengale de diverses couleurs.L’impres-
sion produite par la vue de ce monument grandiose éclairé de
la sorte, se rendrait difficilement; l’étonnement et l'admiration
se partageaient l’espritdes milliers de spectateurs.
Le bal du Théâtre royal et celui de la Bourse, devaient clore
les fêtes de la journée. Parlons d'abord du bal aux allures aris-
tocratiques du Théâtre. Celui donné en l’honneur du peuple
souverain viendra après.
La salle présentait cet aspect magnifique dont le modèle a
été fourni, par la munificence d’un grand roi, â l’une des salles
du château de Versailles. Au milieu, une fontaine d’eau vive
jetait sa poussière étincelante vers les fresques du plafond.Tout
le rang des troisièmes loges, était décoré de belles guirlandes
de fleurs, auxquelles on avait suspendu d’élégants lustres do-
rés.—La,foule pas très nombreuse,mais appartenant à la classe
distinguée de la Société, a circulé jusqu’à une heure du matin;
on a dansé quelques quadrilles.
A la Bourse, c’était autre chose! La salle de festin avait été
subitement transformée en salle de danse. Des milliers de per-
sonnes se pressaient dans l’immensité de cette enceinte, et vers
minuit la foule y était tellement serrée qu’on avait de la peine
à se frayer un passage. On s’est amusé plus longtemps ici que
là-has, car à 3 heures du matin on y dansait encore.
Sur plusieurs points de la ville, on voyait des décorations et
des illuminatiofis. — L’hôtel-de-ville était resplendissant de
lumières, ainsi que tout le passage qui de là conduisait au
Théâtre: la Grand’Place, la Place Quintin-Metsys, la Place
Verte, le Marché-aux-Souliers, le Pontet la Place de Meir, la
rue des Tanneurs et la Place du Spectacle. — Sur la Place-
Verte, la statue de Rubens était entourée de huit figures re-
présentant quelques-uns des illustres confrères de notre grand
peintre, tels que Van Dyck, Jordaens, Otto-Venius, et d’autres.
— Une foule de transparents analogues à la circonstance, or-
naient les maisons.
Sur la Place du Spectacle, une façade était décorée et illu-
minée avec beaucoup de goût et un certain éclat. C’était celle
du Café des Arts où habite la Société dite Cercle Philadelphia.
Aux deux extrémités du second étage, on apercevait deux
transparents représentant l’un VEscaut, l’autre le Rhin.
Deux énormes festons descendaient de ces transparents et
venaient se réunir au-dessus d’uu troisième transparent placé au
milieu du premier étage et portant l’emblème de la Société
(deux mains qui s’étreignent). A droite et à gauche, des figures
allégoriques de grandeur naturelle. En haut de la façade, uue
espèce d’écusson laissait voir la date du 1er mai 1854.
La foule n’a cessé de circuler pendant une grande partie de
la nuit, dans toutes les rues où il se montrait des vestiges de la
fête.—Nul désordre n’a signalé cette belle journée dont An-
vers gardera longtemps sinon toujours le souvenir.
Ainsi s’est passée chez nous cettefête mémorable du 13 octo-
bre 1843, au milieu de laquelle deux cités importantes, Anvers
et Cologne, se sont si étroitement embrassées et ont signé le
pacte d’une alliance éternelle !
11 importe dans l’intérêt de la justice, que nous donnions ici
les noms des membres composant les trois commissions qui
avaient été désignées pour veiller aux préparatifs de la fête. On
a pu s’apercevoir dans le cours de notre récit, combien tous ces
messieurs ont mérité de la chose publique par l'intelligente ac-
tivité qu’ils ont déployée dans cette circonstance.
La commission du Banquet était composée de MM. Loos, Ch.
Pecher, de Baillet et Decock ; — celle de la Nuit vénitienne, de
MM. Pieron, Cateaux-Wattel, Eisen et Vanstratum; — celle du
Bal du Théâtre, de MM. Van Pelt,Vande Wiel, Jules Van Havre,
David et Devinck.
Nous citerons encore le nom de M. Jean Spring, entrepre-
neur d'armements de navires, qui a dressé la couverture de
la Bourse , travail immense et pour lequel M. Spring a employé
la voilure du trois-mâts belge Emmanuel , que M. De-
cock, propriétaire de ce bo«u navire, avait bien voulu mettre
à la disposition de la Chambre de Commerce. — D'après un
calcul approximatif, la masse de toile qui couvrait la Bourse,
pesait environ 12,000 kilogrammes. On peut se figurer dès-lors
quelles difficultés on a dû rencontrer, surtout pendant des
pluies battantes etudes coups de vent qui ressemblaient à des
ouragans, pour dresser cette voilure à l'état de dôme. M. Spring
a heureusement réussi, malgré tous les obstacles, à mener à
bonne fin son rude travail ; rien u’y manquait au dernier mo-
ment.
Voici le discours qui a été prononcé devant l'Entrepôt, après
les deux discours de MM. Legrelle et Deschamps, par M. Stem-
berger, bourgmestre de Cologne s
« En prenant, en ce moment solennel, la parole au nom de mes com-
patriotes rhénans, eten particulier au nom de la ville deCologne, j'obéis
au sentiment d’un devoir cher à nos cœurs, celui d’exprimer aux auto-
rités, au magistrat et au commerce réunis, et en général aux habitants
de la ville d’Anvers notre vive et profonde reconnaissance pourl’accueil
favorable dont nous nous trouvons honorés.
» Transportés presque par enchantement, dans l’espace de quelques
heures, des bords du tthin dans cette antique et célèbre cité, nous avons
sans doute pu ne pas nous apercevoir de la grande distance qui sépare
nos deux villes ; l’accueil que vous nous faites paraît devoir nous faire
oublier entièrement que nous ne sommes pas chez nous, tant cet ac-
cueil est plein d'amitié de grâce et de cordialité, tant nous nous trouvons
bien et heureux chez vous. Le soin que vous avez mis à nous entourer
de signes de souvenirs qui nous rappellent notre chère patrie, n’est que
trop propre pour causer et entretenir un pareil oubli.
» Si, en vérité, l’effet, et sans doute le premier et le plus noble but des
nouvelles voies desIcommunicaLions consiste à rapprocher les hommes
et les peuples, en le» rendant voisins, et par conséquent amis les uns
des autres, si les affections et les sentiments doux et bienfaisants de
voisinage doivent ainsi remplacer les préceptes sans doute bons et né-
cessaires, mais froids du droil des gens, bénissons en le ciel, qui a doué
l’homme du don précieux de l’intelligence, qui le mit à même de maîtri-
ser et de se rendre tributaire des forces et des éléments les plus opposés
entre eux, pour les faire servir à nos besoins et à nos intéréts, soit ma-
tériels, soit de l'ordre moral.
» J’ose espérer que ce ne sera pas en vain que dans cette occasion solen-
nelle et au milieu de cette illustre assemblée, j’aurai invoqué ce doux
nom de voisin et toutes les affections qui s’y rattachent, mais en échan-
geant, tel que j’ose vous le demander, ces douces dénominations, gar-
dons-nous de donner prise à des illusions.
» N’oublions pas que nous ne vivons pointdansun monde idéal,mais
que partout nous louchons à des réalités et à des intéréts matériels,
N’oublions pas que ce monde des intérêts réels exige l’échange mutuel
des services et des devoirs, exige avant toutes choses la réciprocité la
plus parfaite et la plus cordiale possible; que telle est surtout la devi-
se du monde commercial et par conséquent la nôtre.
» N’allons pas demander à notre bon voisin des services que nous
n’ayons mérités ou devancés par des services rendus de notre part, ou
que nous ne soyons prêts à rendre sitôt que l’occasion s’en sera présen-
tée.
nMais pardon, mille fois pardon, messieurs, si séduit et entraîné par des
sentiments et des réflexions bien pardonnables, sans doute, je m’écarte
trop loin du sujet qui m’a fait prendre la parole, celui de vous offrir nos
remercîments. Avant de la reprendre, je dois recourir à votre bonté et
à votre indulgence, pour m’excuser d’une omission, qu’on pourrait être
en bon droit de me reprocher. J’ai omis de parler de l’impression qu’a
dû nécessairement faire sur notre imagination elsurnolre esprit la vue
de ce réseau de voies de communications, que la Belgique a élé la pre-
mière sur le continent à établir sur une aussi grande échelle; je n’ai
rien dit de l’opportunité de celte grande conception par rapport au
temps qui l’a vu naître et se développer à travers des difficultés et des
obstacles sans nombre ; je n’ai fait qu’indiquer en passant la jonction
si longtemps et si ardemment désirée de l’Escaut au Rhin; enfin,
je me suis abstenu de vous entretenir des résultats immenses
que l’exécution de cette haute idée doit avoir pour l’avenir et la pros-
périté de votre beau pays, et dont nous ne pouvons peut-être entrevoir
aujourd’hui encore qu’une faible partie; j’ai dû laisser à des mains plus
habiles la tache de faire ce tableau ravissant, mais trop au-dessus de
de mes faibles moyens. Heureusement celte main habile ne nous a pas
manqué; qui, en vérité eût pu remplir plus dignement celle noble tà
che, que l’illustre orateur qui a lui-méme si puissamment contribué à
l’établissement dont nous célébrons l’inauguration ?
• Enfin, l’histoire est là pour constater et apprendre à la postérité re-
connaissante cet événement le plus remarquablede notre époque.C’est
elle qui déjà a transcrit sur ses pages impérissables et y a gravé en let-
tres d’or le nom auguste et chéri qui ne pourra jamais eu être séparé,
le nom de Léopold, votre Roi.
» Je reviens à mon sujet, au devoir de vous offrir nos remercîments
et les vœux de la plus parfaite et de la plus cordiale réciprocité. Veuillez
en agréer l’expression, toute faible qu’elle puisse paraître dans ma bou-
che, dans la persuasion intime qu’elle part du fond de nos cœurs.
» Je prie mes compatriotes de se réunir à moi pour la confirmer par
un triple vivat porté à noire loyale et bonne voisine, la Belgique, et à
notre chère sœur et alliée, la ville d’Anvers »
Nous rétablissons ici le discours de M. le gouverneur de la
province et tel qu’il a été prononcé au banquet. Hier, nous
n’avions pu qu’en reproduire le sens :
u Après les toasts qui viennent d’être portés et auxquels nous avons
applaudi avec enthousiasme, parce qu’ils avaient pourobjet cequenous
nous plaisons à entourer de notre plus profond respect et de notre
amour le plus sincère, il ne me sera peut-être pas facile, Messieurs, de
captiver un moment votre attention. Et pourtant j’ai accepté une mis-
sion que je tiensà rempliretà l’accomplissement de laquelle je voudrais
apporter tout ce que j’ai de sentiment dans le cœur et d’énergie dans
le caractère.
» Je viens porter un toast à nos convives allemands ! à la fraternité
des Allemands et des Belges! à la prospérité du commerce des deux pays !
» Ils sont déjà loin de nous, messieurs, ces temps où une ligne de
douanes placée entre deux populations les rendait jalouses, ennemies
l’une de l’autre, où la politique des gouvernements semblait avoir pour
but, avant toute chose, de nuire aux gouvernements limitrophes, où
l’on ne croyait pouvoir être riche que de la misère de son voisin.
» Grâce à la sagesse des rois, grâce aux progrès de la civilisation, à
cette politique fausse et égoïste a succédé une politique basée sur la
justice et qui a pour but le maintien de la paix et de la concorde entre
les nations. Aussi voyons-nous vivre dans les meilleures relations les
peuples qui semblaient avoir l’un pour l’autre le moins de sympathie.
» Plus que jamais, nous pouvons donc entrevoir l’époque où se réa-
liseront, enün, le rêve des poètes, la pensée des philosophes et l’espoir
de tous les gensde bien; l’époque où tous les hommes fraterniseront en-
semble, cette époque qu'entrevoyait déjà un des plus grands de l’Alle-
magne, l’immortel Schiller, lorsque dans un généreux enthousiasme il
S'écriait :
» Seyd um slungen, millionen !
• Diezen kust der ganzen welt.
» Alle menschen werden brüder (1).
• Qu’à partir d’aujourd’hui du moins, elle commence cette fraternité
entre les Allemands et les Belges, entre deux nations qui ont une origi-
ne commune, qui sont arrivées au même degré de civilisation, dont les
mœurs, les usages, les goûts, les intéréts ont tant de rapports, entre
deux nations qui ont le bonheur d’être gouvernées chacune par un Roi
qui serait leur chef, alors môme que les couronnesse décerneraient aux
plus dignes.
» Cette fraternité, rien ne saurait mieux l’établir et la cimenter que
ce chemin de fer que nous inaugurons, car il rendra faciles, fréquentes,
les relations entre les deux pays, et c'est en se voyant que les hommes
apprennent à s’aimer, à s’estimer.
n Mais si le chemin de fer est un immense bienfait sous le rapport
moral, les avantages qu’il produira sous le rapport matériel ne seront
pas moins grands.
» Vous le savez, messieurs, les questions de commerce se réduisent
en questions de transport. Eh bien, les marchandises de toute espèce
pourront désormaisêlre transportées d’un pays dansl’autre.de l’Escaut
au Rhin, du Rhin à l'Escaut,par des voies régulières, promptes, écono-
miques, et, si je ne m’abuse, les chemins de fer amèneront tôt ou lard
cet immense résultat, si désirable pour le commerce, de faire tomber les
lignes dédouanés.
» Croyez-en ma sincérité, messieurs, nos vœux sont les mêmes pour
le commerce de l’Allemagne et pour le commerce de la Belgique. Puisse-
t-ils prospérer à Cologne comme en Belgique, à Dusseldorf comme à
Bruxelles, à Aix-la-Chapelle comme à Liège.
« Messieurs, qui venez de passer la frontière de l’Allemagne pour venir
fêter avec nous un événement qui nous intéresse à un même degré,
merci de votre visite, demain nous vous la rendrons ; demain nous irons
réclamer chez vous cette hospitalité que nous sommes si heureux de
vous offrir aujourd'hui. Demain, j’en suis sûr, quelqu’un de vous ré-
pondra chez vous au toast que je porte et auquel s’associeront tous les
Belges.
n A nos convives allemandsl
* A la fraternité des A demande et des Belges I
» A la prospérité du commerce des deux pays I s
FÊTES DE LIÈGE. —- 14 OCTOBKE.
Liège est moins impressionnable que Gand et qu’Anvers où tout de-
vient occasion de fête. A Liège, le matin à onze heures, on se serait dif-
ficilement douté que l’une des plus importantes villes de la Belgique
allait s’unir aux populations de Bruxelles et d’Anvers, pour célébrer
l’achèvement de l’œuvre gigantesque accomplie en si peu d’années. Il
fallait même aller jusqu’au nouveau pont de là Boverie pour se con-
vaincre, en voyant une petite tente dressée à l’entrée du pont.quequel-
que chose d’extraordinaire allait se passer. Aucun préparatif dans les
rues, et la station du chemin de fer elle-même n’était décorée que de
trois drapeaux; on y voyait de plus deux compagnies du G« régiment
d’infanterie et sept gendarmes.
Il est vrai de dire que le conseil communal a refusé à la régence les
sept mille francs que M. le bourgmestre et MM. les échevins croyaient
nécessaire pour ajouter à ce que se proposaient de faire les actionnai-
res du pont de la Boverie et les membres de la société du Casino.
A trois heures, les autorités étaient réunies à la station dans une des
salles d’attente des voyageurs. Nous y avons vu M. le gouverneur de la
province, M. le président de la chambre de commerce,M. le général-ma-
jor de Zantis, M.le colonel Stevens, gouverneur militaire de la province,
M. le colonel Schlim, chef d’état-major delà division, le colonel de la
gendarmerie, plusieurs officiers supérieurs d’artillerie, et MM. les éche-
vinsde Liège et beaucoup d’ingénieurs en costume M. le bourgmestre
était allé à Anvers et n’estarrivé qu’avec le convoi (2).
Une députation des membres de la société du Casino, conduite par
(1) Que ne puis-je presser dans mes bras des millions de mortels !
Ce baiser à tout l’univers! Tous les hommes sont frères !
(2) A ce propos, nous devons rectifier une erreur contenue .dans le
compte-rendu de la fête d’Anvers ; nous avons dit hier qu’au nombre
des convives du banquet donné à la Bourse, figurait M. Tilman, bourg-
mestre de Liège;c’est M. Piercot qu’il fallait dire. |