GALANTE. 9 En effet, ce fut son premier dessein; mais, ayant fait réflexion que ces sortes de gens, étant sujets à beaucoup d'aventures, pourroient un Jour l'accuser, 11 le rompit pour prendre des mesures plus justes. La comtesse d'Olonne, qui découvroit tous les jours de plus en plus son inquié- tude, triomphoit cependant, faisant voir par à qu'une femme peut être touchée en même temps de deux grandes passions, puisqu'on vovoit en elle, dans un même degré, et le désir de vengeance et le soin de faire l'amour. Le marquis de Beuvron étoit toujours son tenant; mais, comme il lui falloit partager sa bonne fortune avec un nombre infini de gens de toutes sortes de conditions, Îe chagrin lui prit, et, pour se venger, il fut dire à la ma- réchale là pièce que si sœur Jui avoit faite. Il est aisé de comprendre l'embarras et la colère où elle se trouva à cette nouvelle, et l’on en peut juger par la résolution qu'elle prit. Quoique l'amour qu'elle avoit pour son fa- vori fût grand, aussi bien que le penchant à la débauche, néanmoins, le soin de sa propre vie allant beaucoup au delà, elle rompit toute sorte de commerce avec lui, Si bien qu'elle voulut qu'il sortit de sa maison. Plusieurs pourparlers précédèrent une déclaration si surprenante, afin de lui faire trouver la chose moins fàcheuse. Elle lui fit part mème de l'avis qu'elle avoit reçu, pour lui faire voir qu'il y avoit que la nécessité qui l'y obligeit; mas, soit qu'il crût que tout cela ne fût qu'un prétexte, ou que sa destinée l’entrainât dans le précipice où il tomba bien- {ôt, il lui demanda huit jours pour se résoudre; ce que ne lui ayant pu refuser, il divulgua pendant ce temps-là sa sortie, dont le maréchal ayaut été averti, 1l le fit passer du service de sa femme au sien, de peur que sa retraite ne le mit à couvert de la vengeance qu'il méditoit. La pensée que ce valet de chambre eut que sa présence réveilleroit des feux qui lui avoient été si agréables lui fit accepter le parti sans en avertir la maréchale. Ce qui étant venu à sa connoissance, elle en pensa mourir de