PROVINCE D'ANVERS. 171 causé par l'ingratitude de ses concitoyens ne tarda pas à miner sa constitution robuste, et il mourut à peine âgé de trente-sept ans, expiant la gloire d'avoir laissé à ses compatriotes, outre plusieurs industries nouvelles, l'agrandissement, l'assainissement et l’embellissement de leur ville. Caractère de l’'Anversois. — La kermesse. — L'Ommegang. — Le carnaval. — Les «pepernotenv. — Les bals des Variétés. _— Amour des Anversois pour la danse. — Les guingucttes. — Le canotage. — Influence de l'exercice corporel ‘et de l'air de l'Escaut sur l'hygiène publique et le type de la population. — Beauté proverbialc de l’Anversois. — Les compagnons des Nations. — La nouvelle ville. Si nombre de monuments historiques de la grande cité ont disparu, l'Anversois a conservé, avec plus de ferveur et de religion que dans d'autres grands centres de la Belgique, ses mœurs, ses usages, son caractère et sa langue. C'est avec orgueil qu'il se prévaut toujours du surnom de Signor dont l'avaient décoré les reitres espagnols. Seigneur, il l'est demeuré par sa fortune matérielle, par ses trésors artistiques, par l'antiquité de ses origines. Vous ne trouverez si pauvre débardeur des quais qui n'ait conscience de l'importance de son rôle dans l'activité commerciale de la « Reine de l'Escaut ». L'accompagnement naturel de ce sentiment de sa propre dignité chez lAnversois est une sorte de retenue fière, qui se manifeste au premier abord par une froideur quelquefois décourageante. Peu liant, il ne se laisse pas facilement prendre aux apparences. L'habitude des affaires et la défiance qui s'ensuit lui font observer longuement les gens avant de s'abandonner. Mais, la glace rompue, le prudent marchand devient un ami sûr, souvent même un compagnon indulgent et jovial, d'un entrain qu'il ne semble dissimuler que pour le rendre plus désirable. La réputation d'égoisme qu'on lui a faite et qu'un méchant calembour a aidé à propager (l'Anversois «bon envers soi ») est une accusation gratuite, aussi contestable que le reproche de manquer de vivacité dans le tempérament et de générosité dans l'esprit. Ses festivals de musique, ses expositions de peinture, ses sociétés littéraires flamandes, ses chambres de rhétorique, pour ne parler que des manifestations intellectuelles collectives, infligent un démenti à ces préventions et à ces préjugés. Il est gai, au surplus, d'une gaité turbulente et frondeuse qui se révèle surtout dans les occasions de réjouissances publiques. IL faut avoir pris part à ses kermesses, à ses défilés de cavalcades burlesques, à la bouffonne procession de son historique «Ommegang» pour démêler d'avec le signor grave et distant qu'il affecte de paraître le boute-en-train hilare et goguelu caché en lui. Il n'est point à Anvers de véritable fête populaire sans une sortie de cavalcade ; et c'est chaque fois une orgie de formes et de couleurs, où le géant Druon Antigon, la Géante, des navires, des chaloupes, des chars, la célèbre baleine et les non moins célèbres dauphins évoluent dans d'étonnantes promiscuités. Dès le midi, le gros bourdon de Notre-Dame s'ébranle à pleines volées dans la cage dentelée que lui à sculptée le génie d’Appelmans. Aussitôt les rues se remplissent. Les ouvriers, les portefaix, les gens du port ont endossé leur sarrau bleu reluisant; la casquette en pointe sur le coin de l'oreille, leurs faces débarbouillées, bien qu'encore huileuses des crasses de la semaine, ils vont, tendant leurs nerveux jarrets sous des pantalons de velours bouffants. Les contadines venues du Polder ou de la Campine arborent encore les bonnets à dentelles et à fanfreluches, les chapeaux profonds comme des entonnoirs et garnis de longues brides elaquant au vent. C’est une foule bigarrée, versicolore,