14 LA BELGIQUE. la tache azurée des linières; et cette mer aux vagues figées s'étend presque sans interruption, chaude, versicolore et diaprée, à travers toute la plaine flamande. L'’œil, habitué à se poser sur elle et journellement exposé à recevoir la sensation de ses beaux accords étoffés, finit par se sensibiliser et se complaire aux arcs-en-ciel de la palette. Ce qui paraitrait ailleurs anormal, cette prédestination coloriste de toute une race, s'explique ici rationnellement par la prodigalité des couleurs de la terre; cela se respire dans l'air aussi naturellement que les aromes du terroir et à la longue fait partie de l'organisme. [1 Particularités du caractère national. — Le goût du faste, — Ommegancks et kermesses. — La famille des géants. On sait le goût des Belges pour les étalages fastueux, les cortèges empanachés, les cavalcades composées de personnages brillants, les processions flamboyant de l'or des chasubles, et généralement pour tout ce qui délecte les yeux. Il est resté dans la nation comme une soif des prodigieuses bamboches parmi lesquelles S'égayait la cour de Bourgogne, retentissantes à la fois du bruit des musiques, du roulement des chars, du fr acas des tournois et des hilarités d’un populaire gorgé de cervoise. Encore au jourd'hui, une réjouissance publique un peu épicée ne va pas sans l'organisation d'un Ommeganck, en costumes de théâtre, avec hallebardes, pertuisanes, oriflammes et bannières, escortes de grands seigneurs relevant fièrement leurs manteaux sur le bout des rapières, sur des haquenées et attifées comme des chässes, de porte-étendards, de chevaux, de cl chevauchées de grandes dames huchées grouillis-grouillot de pages, de manants, O © @ iars, toute une friperie baroque et chamarrée à laquelle de beaux hommes et de belles femmes prêtent leurs larges c arrures et leurs ports de tète altiers. Lille, Douai, Valenciennes, dans la Flandre francaise, ont conservé ce goût de Ja pompe et de la représentation : le Gayant et les Incas, rue, au son des orchestres et des fanfares peut-être l'entrain général, 1 à de certains jours, y descendent par la > Comme un rappel vague des mythologies. Mais à Coopération de toutes les classes de la société, la débauche d'oripeaux sont-ils plus modérés que dans les villes belges. Bruxelles, Bruges, Gand, Malines ont luxe dans la mise en scène de leurs c le passé d poussé à ses dernières limites la profusion du ortèges historiques : c'est tout un siècle et tout un peuple déambulant, avec une splendeur de costumes inouie, parmi l'uniforme décor des cités modernes, une sorte de vision des àges ressuscités dans un déroulement de pourpres, de cuirasses, de Caparaçons, presque sans anachronismes sensibles, quelque chose comme l'épopée en travesti de l’humanité légendaire, mimée par le délire des foules immémorial. Même en temps ordinaire, les les villes, transmuées en héros d'un drame kermesses sont largement chômées : non seulement Mais Chaque quartier dans les villes a ses jours de liesses ; alors le travail Sinterrompt; les fermentations du boire et du manger surexcitent l'universelle gaieté ; avec un gros plaisir débridé on se porte aux prodigalités de la table, à l'ostentation de la dépense, à toute sorte de folies et de bravades. Et cette habitude de ripailles et de farces est si bien dans le caractère national qu'on l'apercoit à travers l'histoire, à l'occasion de ces Joyeuses Entrées où des géants et des monstres cireulaient sous des ares spacieux, décorés d'attributs et d'allégories.