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1878.
N° 10.
4e ANNÉE.
ABONNEMENTS
S’adresser rue de la Pompe, 5
BRUXELLES
administration
Boulevard du Hainaut, 74
Bruxelles
L’ÉMULATION
PUBLICATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
D’ARCHITECTURE
DE BELGIQUE
— DÉPOSÉ —
BUREAUX : RUE DE LA POMPE, 3, BRUXELLES
— DÉPOSÉ —
ANNONCES & RÉCLAMES
A FORFAIT
S’adresser rue de la Pompe, 3
BRUXELLES
DIRECTION—RÉDACTION
Rue des Quatre-Bras, 5
Bruxelles
— 61 —
Bruxelles, Octobre 1878.
— 62 —
— 63 —
SOMMAIRE
L’Exposition universelle de Paris. III. E. A. — Le Pan-
théon national. — Correspondance. — Concours. —
Faits divers.
L’Exposition universelle de Paris.
III
En sortant du palais du Trocadéro, vers les jar-
dins, le visiteur découvre l’ensemble pittoresque
des pavillons élevés par les diverses nations qui
ont pris part à cette grandiose fête de la paix et du
travail ; au delà, de l’autre côté de la Seine, des
jardins encore, ornés par les produits de l’industrie
et quelques œuvres d’art; au fond,la façade monu-
mentale de l’Exposition universelle.
N oublions pas de citer le pavillon des Eaux et
Forêts de France, ceux de la Tunisie, de la Perse,
de la Norwége et de la Chine, et le campanile
suédois. Il y a là pour l’architecte une source
d études et d observations précieuses. Citons encore
le pavillon espagnol et, au point de vue industriel,
le pavillon du Creuzot, l’épreuve en bronze de
la tête énorme de la statue de la Liberté à élever à
Philadelphie.
Voici la statue monumentale de la République
placée devant la façade principale du palais de l’ex-
position.
*
* *
Le palais de l’exposition occupe la superficie d’un
immense rectangle ayant à peu près 900 mètres de
longueur sur 400 mètres de largeur. Cette dernière
dimension est celle de la façade vers la Seine, que
nous avons appelée façade principale -, l’espace cou-
vert, indépendamment des annexes, représente donc
environ 36 hectares ; il est occupé par trois galeries
ayant toute la longueur du palais; ce sont les
galeries des machines, des beaux-arts et du travail.
La galerie des beaux-arts occupe le centre, elle est
séparée des deux autres par les expositions des
diverses industries françaises et étrangères, pro-
duits des colonies, etc.
*
* *
Ces trois galeries principales sont indiquées dans
la façade par trois pavillons de près de 45 mètres
de largeur dont les plans sont des carrés parfaits, et
qui se terminent tous trois par des coupoles appuyées
sur leurs pendentifs, c’est-à-dire percées de quatre
immenses verrières de forme cintrée et dont le plan
est vertical.
Les pavillons extrêmes sont reliés au pavillon
central par des galeries dont l’élévation est de
beaucoup inférieure. La masse de ces galeries est
divisée en un système de rectangles formés par les
poteaux et les traverses en fer. Au pavillon central
existe, vers l’extérieur, une sorte d’étage formant
un vaste balcon couvert.
L’ensemble de cet édifice a de la grandeur, mais
es formes générales ne produisent pas une impres-
sion en rapport avec les dimensions colossales,
Quelques-unes de ces formes, et notamment celle
des coupoles, ne sont pas heureuses; les lignes
sont brusquement rompues, peu constructives et
les détails, pour peu qu’il y en ait dont l’applica-
tion et les combinaisons pouvaient avoir un mérite
architectural, sont d un goût souvent douteux.
Contrairement à l’aspect général des construc-
tions métalliques, le palais de l’exposition est lourd
dans ses masses; les proportions manquent d’har-
monie, les lignes, quoique grandes, sont heurtées
et peu rattachées entre elles.
Certes, il est extrêmement difficile de donner
aux édifices de ce genre le caractère qui leur con-
vient, aussi, nous le répétons, c’est surtout par les
détails et certaines combinaisons que cette œuvre
colossale est attaquable; l’ensemble est imposant,
mais l’analyse atténue singulièrement cette im-
pression première, peut-être parce que l’on y
retrouve une préoccupation constante des formes
employées dans les constructions de pierre, surtout
parce que l’œil est blessé par des erreurs de pro-
portion.
* *
Il semble que les trois immenses coupoles aient
été la grande, la constante préoccupation de l’au-
teur de l’œuvre ; pénétrez dans les galeries et vous
serez frappés du défaut de relation qui existe entre
l’ossature générale et leur structure.
C’est certes l’œuvre d’un ingénieur savant, très-
habile; nous ne lui reconnaissons aucun des mé-
rites qui en auraient fait une œuvre d’art, un mo-
nument architectural.
Peut-être avons-nous admiré trop longtemps le
palais du Trocadéro, peut-être ne sommes-nous pas
encore suffisamment préparés aux formes brusques,
presque toujours sèches et froides, des construc-
tions métalliques.
Quittons donc cette partie de l’édifice et pour
compensation, et peut-être quelque peu par chauvi-
nisme, hâtons-nous de nous rendre vers l’extrémité
de la rue des Nations; c’est là que se trouve ce que
l’on appelle d’un consentement unanime la façade
belge.
* *
Disons, tout d’abord, que l’œuvre de notre com-
patriote, l’architecte E. Janlet, est placée on ne
peut plus défavorablement. Pour y arriver il faut
d’abord parcourir, sur une assez longue distance,
la rue des Nations dont le sol formé de gros gravier
est littéralement insupportable ; cette promenade
est un vrai pèlerinage agrémenté par la fatigue
que produit un sol qui se dérobe sous le pied, et le
grincement du gravier sous le soulier.
Enfin nous arrivons. Jusqu’ici l’avenue nous
avait paru suffisamment large pour les construc-
tions de l’Angleterre, de la Suède et de la Norwége,
de l’Italie, de l’Espagne, de l’Autriche et de la Rus-
sie, constructions généralement peu importantes.
La façade belge, au contraire, par ses dimen-
sions, est un vrai monument ; elle a 60 mètres de
longueur, 11 de hauteur dans les parties basses et
jusque 20 mètres aux pavillons.
Ce n’est guère qu’en s’adossant à la façade laté-
rale du palais de l’Exposition que l’œuvre peut être
étudiée, et encore est-il littéralement impossible
d’en embrasser l’ensemble ; il faudrait au moins 35
ou 40 mètres, c’est-à-dire plus du double de l’espace
existant, pour pouvoir l’apprécier, l’examiner
comme il convient.
*
* *
L’œuvre de M. l’architecte Janlet appartient par
le style à cette architecture appelée généralement
renaissance flamande, qui fait la préoccupation de
bon nombre de nos artistes modernes. Elle a eu les
honneurs de critiques nombreuses et les plus oppo-
sées, les uns y retrouvant les données et le senti-
ment du style Boromini, dit des jésuites, les autres
n’y voyant qu’un mélange de renaissance flamande
et de renaissance française, sans y reconnaître la
marque dominante d’aucun de ces deux styles.
Les uns regrettent que l’artiste se soit efforcé
de corriger, dans ce quelles ont de trop brutal,
certaines combinaisons, illogiques à coup sûr,
appartenant à la renaissance flamande ; les autres
s’arrêtent aux erreurs, aux non sens inhérents au
style lui-même.
Cela seul suffit pour prouver que ces critiques
passent d’un extrême à l’autre.
Nous ne retrouvons, dans cette composition archi-
tecturale, ni les éléments, ni le caractère du style
des jésuites; il suffit pour cela de se rappeler
l’église des Jésuites d’Anvers, l’œuvre du père
François Aguillon, de Bruxelles; les œuvres de
Coeberger, Augustins et Carmélites de Bruxel-
les, etc.
Quant à ce reproche de puriste classique, relatif
à l’emploi de frontons brisés offrant l’image ridicule
d’un toit qui s’est ouvert pour laisser passer un
buste, un vase ou un bilboquet, nous le croyons au
moins excessif. En effet, l’auteur de la façade belge
ne s’est permis cette licence, d’ailleurs exclusive-
ment décorative, que lorsqu’il s’est agi de frontons
qui ne peuvent faire supposer un toit, comme par
exemple à la porte du beffroi et à la petite porte de
l’aile gauche. Il a eu soin, à la première porte, de
donner assez de relief à la fenêtre qui la couronne
et forme avec elle un seul motif, pour que le fron-
ton qui termine cette fenêtre (fronton complet cette
fois) fût parfaitement l’indication de la couverture,
du toit réclamé. Quant à la petite porte, elle n’a
pas assez de saillie pour exiger tout ce soin.
Les enroulements qui violentent en effet les cor-
niches dans le style des jésuites ne jouent ici qu’un
simple rôle de terminaison ; des membres impor-
tants de moulures horizontales les rattachent à
l’ensemble et les petits obélisques terminaux ne
portent pas directement sur eux. C’est une simple
préoccupation de silhouette qui fit adopter ces
formes si généralement employées à l’époque de la
renaissance dans nos contrées et d’une façon beau-
coup plus illogique.
Cela dit examinons, sans toutes ces préoccupa-
tions, l’œuvre de M. l’architecte Janlet.
*
* *
La façade belge, bien qu’elle forme un ensemble
parfaitement homogène, présente une grande diver-
sité dans les éléments principaux dont elle est
composée. Elle n’offre pas cette sévère régularité,
cette symétrie absolue de l’art classique.
On pourrait dire qu’elle se compose de trois par-
ties distinctes : un beffroi, un pavillon monumen-
tal et une vaste habitation.
Le beffroi est à l’aile droite ; à peu près au centre
se trouve le pavillon principal relié aux ailes par
deux rangs de galeries supperposés, le rang supé-
rieur étant ouvert. Tout l’ensemble se compose
d’un rez-de-chaussée et d’un étage; les pavillons
sont terminés par un étage sous toit et par une sorte
de vaste lucarne, occupant la partie centrale du
pavillon principal.
Le beffroi s’élève de façon à dominer tout l’édi-
fice; il n’est relié que par son rez-de-chaussée,
dont les combinaisons rappellent celle de l’ensem-
ble; le premier étage domine; il est couronné par
l’étage de l’horloge, et son plan, carré, devient octo-
gonal à cet endroit. Les quatre angles abandonnés
par cette disposition donnent des balcons triangu-
laires qui appuient et relient les quatre faces prin-
cipales de cet étage. Au-dessus commence le clo-
cheton d’un dessin très-gracieux, d’un pittoresque
réellement flamand, divisé en trois membres prin-
cipaux ornés de petites lucarnes.
Le beffroi, simple de composition, a un très-beau
caractère ; le motif formé par la porte et la fenêtre
d’étage, rappelant un peu les données classiques,
est extrêmement heureux de proportion.
Le pavillon principal compte, à lui seul, trois
éléments très-importants : le grand portique cen-
tral qui occupe le rez-de-chaussée et dont l’arc,
plein-cintre, est divisé en claveaux ornés des écus-
sons des provinces belges ; les deux ailes, saillantes,
ont chacune une fenêtre cintrée, à claveaux ,
enrichie de meneaux; au premier étage, une vaste
ouverture, divisée par un pilastre appuyé sur un
dé de la balustrade, et arrêtée à droite et à gauche
par des gaines-caryatides qui portent le grand
entablement. Au-dessus, un pignon, de silhouette
mouvementée, percé d’une lucarne circulaire riche- |