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la planche 34, n’est point banal, et les moindres détails, rayons,
galeries, rampes, comptoirs, etc., ont été étudiés avec le soin
et le goût que nos confrères anversois savent mettre dans
l’étude et l’exécution de leurs travaux.
Église de de Saint-Amand, à Anvers (Stuyvenberg).
Chaire de vérité. PI. 35 à 37.
Nous avons publié dans la 9e année de l’Émulation, plan-
ches 34 à 42, les plans, façades et coupes de l’église de Saint-
Amand, à Anvers, de feu L. Baekelmans.
Nous avons également donné (col. 124 et 125) des notes
relatives à la construction de ce beau monument religieux,
ainsi qu’une courte biographie de l’artiste de talent trop tôt
enlevé à l’art architectural, dont il eût été une des gloires.
Nous donnons aujourd’hui une phototypie d’ensemble et des
détails à grande échelle de la superbe chaire de vérité qui orne
cette église.
Nous tenions d’autant plus à faire connaître cette œuvre
remarquable à nos abonnés que c’est celle à laquelle travaillait
L. Baekelmans lorsque la mort est venue le saisir.
Si l’on compare la vue d’ensemble prise d’après l’exécution
et les détails, on pourra constater des différences notables, non
pas dans les proportions générales et les éléments d’architec-
ture que le sculpteur a scrupuleusement respectés, mais dans
l’attitude des grandes figures de la cuve, ainsi que dans la
composition des bas-reliefs. C’est que les détails que nous don-
nons sont absolument conformes aux dessins (grandeur d’exé-
cution) exécutés par L. Baekelmans, qui ne se contentait pas,
comme beaucoup de ses confrères, d’indiquer sommairement...
et encore ! les masses générales des parties sculptées d’une
œuvre architecturale. il tenait à déterminer lui-même le carac
tère, l’importance, le relief des parties décoratives de ses œuvres.
Mais aussi quelle alliance intime entre l’architecture et la
sculpture dans cette chaire et comme on y sent la main d’un
artiste vraiment bien doué! Quelle vie dans la composition de
ces bas-reliefs! Quelle variété dans l’attitude de ces apôtres !
Quelle originalité dans la pose de ces figures symboliques
décorant la partie inférieure de la cuve !
Et si une critique pouvait être émise, nous dirions que
la cuve présente une trop grande délicatesse, peut-être, dans
ses détails, surtout si l’on compare ceux-ci à la rampe de l’es-
calier et que, de plus, le couronnement de l’abat-voix, d’un
style légèrement Tuder, ne s’harmonise pas suffisamment avec
la cuve proprement dite.
Maison a l’Olivier, à Bruxelles.
PL 38 et 39.
Le plan de nos maisons bourgeoises se prête difficilement,
chacun le sait, à des combinaisons nouvelles, et quel que soit
chez un architecte son désir d’innover, il devra forcément, s’en
tenir à la disposition bien connue de nos habitations présentant
six à sept mètres de largeur.
Mais sur ce thème, toujours le même, M. Brunfaut a conçu
la belle et élégante façade Renaissance représentée planche 38.
Sur un soubassement vigoureusement tracé s’élève un rez-
de-chaussée d’excellentes proportions. Comme on peut s’en con-
vaincre par l’examen de notre planche 39, toute cette partie de
la façade est très-belle et prouve surabondamment que notre
confrère attache autant de soins à l’étude des détails qu’à la
détermination des proportions générales. On remarquera notam-
ment la beauté pleine de grâce de la porte d’entrée surmontée
de son abat-jour bien entouré et bien relié à la partie inférieure.
Toutefois, il eût été préférable, à notre avis, que les dimen-
sions absolues de cette partie fussent un peu plus grandes.
Sans vouloir en aucune façon préconiser l’emploi de ces portes
longues et étroites comme l’on en voit beaucoup et qui sem-
blent des fentes pratiquées dans le mur, nous croyons devoir
mettre notre confrère en garde contre la tendance contraire
qn’il possède et qu’ila cru devoir accuser davantage dans la con-
struction d’œuvres plus modestes, il est vrai, mais plus récentes.
Les bonnes proportions du rez-de-chaussée se retrouvent
dans les ouvertures des étages; l’aspect en est un peu tran-
quille, et nous aurions voulu y voir un peu de ce jeu d’ombre
et de lumière qui fait si bien valoir le rez-de-chaussée.
Cette tranquillité disparaît lorsque l’on s’élève et fait place
au mouvement plein de pittoresque du haut pignon, dont les
courbes terminées en pointes effilées, les vases élégants et le
délicat obélisque final se découpent là-haut sur le ciel.
Ajoutons que toute cette façade, soigneusement exécutée, est
construite en pierres de Soignies dont le ton bleu pâle s’har-
monise on ne peut mieux avec les briques rouges et brunes du
fond. De délicates sculptures sur fond doré jettent une note
plus brillante sur cette œuvre dont les plus enragés classiques
ne pourraient méconnaître le mérite. C. N.
ERRATA.
Dans la colonne 70, Xe livraison au troisième paragraphe on lit : Cette
reconnaissance des droits d’un serf, d’un paysan en plein XIe siècle, au
plus fort de la période ogivale, etc. Tous nos lecteurs auront compris
que c’est « au plus fort de la période féodale qu’il faut lire ! »
BIBLIOGRAPHIE
The Mediaeval Architecture of England, par Geo. T. Clark,
2 vol. Wyman and Sons, éditeurs, Londres, 1885.
Alors, que Je soleil couchant met un point brillant à la crête
du roc, que la verdure gagne une teinte plus sombre et que
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l’oiseau retourne à son nid en jetant dans l’air quelques notes
vives, à qui n’est-il pas arrivé d’être au détour de la route sur-
pris d’un frisson involontaire à la vue d’un rocher surmonté
d’un château en ruine !
Le château n’est plus et il fait peur !
C’est qu’il a été maudit par nos pères ; c’est que de là par-
taient les provocations de guerres; que là, tous: vavasseurs,
hôtes, vilains, paysans et bordiers, venaient se courber sous la
même main qui distribuait à la fois — étrange contraste — la
justice et l’oppression; que c’était lui qui arrachait l’homme à
la terre et à l’industrie pour le mener à des luttes homicides.
Le château dans ces temps troublés représentait l’autorité:
et le peuple d’alors, mal placé pour juger de ses raisons d’être
lui attribuait toutes ses misères, tousses maux.
Maintenant que le temps a rendu beau ce qui n’était que
terrible, ou, comme dit le poète dans ces vers que l’auteur prend
comme épigraphe, que le
...............Time
Has moulder’d into beauty many a tower,
Wich, when it frown’d with all its battlements,
Was only terrible...................;
Maintenant que la tour du guet est silencieuse, que le don-
jon montre son flanc éventré et que le château est un corps
sans vie, espèce de fossile, témoin d’un temps qui n’est plus,
par une sorte d’atavisme, il continue à nous faire frissonner.
C’est que dès notre enfance — par tradition — on nous a
bercé de sombres histoires, de terrifiants souvenirs qui, entrés
de bonne heure dans notre mémoire, y ont laissé des traces
profondes, qui nous empêchent d’apercevoir nettement le
rôle du château dans l’histoire politique du moyen âge.
Pourtant une étude quelque peu attentive de la féodalité y
fait apercevoir de notables progrès sur la vie antique, un cer-
tain esprit chevaleresque que ne possédaient pas, par exemple,
ces sénateurs décrépits de la Rome impériale, et dans ses
mœurs d’une énergie parfois un peu sauvage, les germes des
vertus politiques des siècles suivants.
Parmi les rares vestiges de l’époque féodale qui nous retra-
cent ses mœurs, nous mettons au premier rang, le château,
qui est à nos yeux un document de l’histoire de la liberté, ou
mieux de l’humanité.
Respectons donc, comme dit Viollet-le-Duc, ces ruines, si
longtemps maudites, maintenant qu’elles sont silencieuses et
rongées parle temps et les révolutions; regardons-les, non
comme des restes d’oppression et de barbarie, mais bien comme
nous regardons la maison désormais vide, où nous avons
appris, sous un recteur fantasque et dur, à connaître la vie et
à devenir des hommes. La féodalité est morte; elle est morte
vieillie, détestée ; oublions ses fautes, pour ne nous souvenir
que des services qu’elle a rendus à la nation entière en l’habi-
tuant aux armes, en la plaçant dans cette alternative où de
périr misérablement ou de se constituer ; de se réunir autour du
pouvoir royal, en conservant au milieu d’elle et perpétuant
certaines lois d’honneur chevaleresque que nous sommes heu-
reux de posséder encore aujourd’hui et de retrouver dans les
temps difficiles.
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L’Angleterre est restée, en Europe, le seul pays où certaines
institutions féodales se soient perpétuées ; par la nature de sa
situation géographique, elle a été à l’abri des invasions dévas-
tatrices et ses habitants ont un culte du passé qui a préservé de
la destruction du temps de nombreuses ruines de château.
Ce sont ces restes épars sur le sol de son pays que M. Geo.
T. Clark a entrepris de décrire et d’étudier et il y a mis tout
ce qu’une profonde science alliée à une entière connaissance du
sujet peuvent donner d’intérêt à un écrit.
Faire l’histoire du château, c’est un peu faire l’histoire du
pays.
Dans l’ouvrage de M. Clark tout est souvenir historique
et comme il le dit lui-même : York, Lincoln, Norwich
rappellent d’anciennes résidences des Gallois, Saxons ou
Danois; d’autres comme Ramborough, Taunton, Sarum, etc.,
ont été associés par l’histoire à ceux des anciens rois
anglais; d’autres, The Tower of London, Windsor et Win-
chester ont vu la grandeur, la splendeur comme l’info-
tune, les misères des rois normands; ceux-ci, comme Oxford,
Northampton, Lewes ont joué un rôle dans les grandes
commotions populaires du pays; ceux-là, Exeter, Bedford,
Rochester rappellent la conquête des normands et toutes les
guerres jusque Charles Ier
Il y en a comme Sherbornc, Maimesbury, Wolvesley,
Newark, etc., qui ont connu les puissants lords-écelésiastiques
qui portaient avec également d’honneur, le surplis et la cotte
de mailles ; puis d’autres, comme Hedingham, Bungay,
Axholm, etc., qui ont vu les puissantes baronnies, de De Vere,
Bigot, Mowbray, etc., « ces anciennes souches qui ont si long-
temps résisté aux vagues et aux tempêtes du temps », puis
d’autres comme Cuerlton et Tindtagel rappellent les naïves
romances du moyen âge; comme Ludlow, une des plus belles
créations de Milton; comme Shrewsbury, Chesler, Carlisle,
Newcastle, Berwick, les injustes agressions de Henri IV et
d’Edouard Ier contre l’Ecosse.
Dans l’ouvrage de M. Geo. T. Clark, tous ces édifices et bien
d’autres, font l’objet de notices détaillées que l’auteur fait pré-
céder de considérations générales des plus intéressantes.
L’auteur nous montre d’abord le château de terre (Eartwork)
des Gallo-Bretons, des Saxons et des Angles, puis le château
normand sous Guillaume le Conquérant et ses successeurs,
(1066 à 1154), ses développements sous les Plantagenets pen-
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dant les luttes d’Henri II contre Thomas Becket et les guerres
d’Irlande, etc.
Passant h l’étude du château normand de la fin du XIIe siè-
cle avec ses transformations successives pendant le règne de
Richard Cœur de Lion, alors que celui-ci élevait l’admirable
Château-Gaillard aux Andelvs, dans sa terre de Normandie,
il ramène ensuite les plans de châteaux anglais de cette épo-
que à deux types principaux: le château rectangulaire comme
ceux d’Hedingham, Rising, Colchester, Helmsley, Canterbury,
etc., et le château se disposant en évantail ou en forme de
coquille (sheel keep) comme ceux de Berkeley, York en Angle-
terre, et de Chauvignv, Arques et même Château-Gaillard en
France.
M. Geo. T. Clark pour finir étudie le château sous
Edouard Ier (Edwardian caslle) et constate le grand intérêt que
présentent les monuments de celte époque transitionnelle entre
le roman (Norman style) et la première période ogivale du
XIIIe siècle (Early english style). En effet les mœurs ogivales
se tranforment au commencement du XIIIe siècle. Les logis
prennent plus d’importance, un certain besoin de confort y fait
sentir ses effets. La forme du château s’en ressent et devient
concentrique; il est formé d’une enceinte fortifiée formant une
cour (curia) au milieu de laquelle s’élevaient les différents corps
de logis reliés par des passages couverts (aleia). La Tour de
Londres, les châteaux de Conisborough, Conway, et Caernarvon
en sont de beaux exemples.
L’ouvrage de M. Clark est très bien édité par la maison
Wyman and Sons de Londres et son texte est relevé par de nom-
breuses planches et croquis.
Somme toute, c’est un livre plein d’intérêt, que nous sommes
heureux de pouvoir signaler à nos confrères et à tous ceux qui
ont le culte des arts du passé. C’est un livre à lire sans parti
pris et qui détruira dans l’esprit plus d’une erreur que l’on a
répandue sur les mœurs du moyen âge, car il reporte le lecteur
vers l’époque dont il décrit les monuments.
Qui sait si, dans l’avenir, un écrivain— faute de se reporter
au temps où nous vivons — ne trouvera pas nos grandes et
meurtrières guerres modernes aussi barbares que nous trou-
vons, à première vue, les mœurs du moyen âge!
Paul SAINTENOY.
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M. Robert Lasteyrie vient de commencer la publication
d’une Bibliographie des travaux historiques et archéologiques
publiés par les Sociétés savantes de France, à l’Imprimerie
nationale. Cet ouvrage sera d’un réel intérêt ex nous souhaitons
de voir bientôt notre pays doté d’une Bibliographie semblable.
NÉCROLOGIE.
L’art architectural belge vient de faire une grande perte :
M. Eugène Carpentier, architecte, Fauteur d’un certain nombre
de monuments remarquables, notamment des églises de Belœil,
de Spa, de Ghlin, etc., de l’intelligente restauration du beffroi
et de la halle aux draps de Tournai, vient de mourir à Belœil,
dans sa 67e année. L’Emulation s’associe aux regrets una-
nimes que la mort de cet artiste d’un talent incontestable laisse
dans le monde des arts.
ARCHÉOLOGIE.
France. — Les archéologues nantais sont dans la joie. En
faisant des fouilles aux environs de Nantes, on a découvert les
fondations d’un vaste hippodrome et une voie romaine condui-
sant à la Loire.
Là on a trouvé quantité de villas prouvant l’existence d’une
ville, un théâtre contenant quatre mille places, de nombreux
bijoux, des poteries.
Les savants cherchent des inscriptions pouvant préciser une
époque.
Le Temps rappelle l’attention sur l’intéressante question du
Mont Saint-Michel, et signale de nouveau les conséquences
désastreuses pour la sécurité de cette merveille artistique de
rétablissement de la digue et de l’envahissement des polders
dans la haie. La situation va en s’empirant de jour en jour,
comme il était malheureusement trop aisé de le prévoir. Les
vieux murs d’enceinte, battus par les eaux de la mer dans
celte sorte de cul-de-sac formé par la digue et le Mont, souf-
frent de plus en plus et présentent aujourd’hui une physionomie
minable.
Les nouveaux dégâts sont, paraît-il, nombreux et considé-
rables.
La tour de l’Escadre, où vient aboutir la digue, à droite,
menace ruine; elle s’affaisse de tous les côtés. La digue con-
tinue à exercer une poussée formidable qui disloque définitive-
ment la muraille. Au bas, la mer creuse des trous profonds;
des pierres énormes se détachent. Bref, d un moment à l’autre
peut sc produire une catastrophe. Aussi le Temps fait-il appel
à toute la vigilance des autorités.
Dans une des dernières séances de la Société nationale des
Antiquaires de France, M. Ed. Corroyer a présenté des statuettes
en bois qui portent pour marque une main frappée au fer rouge;
notre excellent confrère dans une note rédigée à ce sujet en
conclut qu il pourrait bien y avoir un indice d’origine flamande.
Il n’y aurait là rien d’impossible étant donnée la splendeur de la
sculpture en bois pendant les XVe, XVIe et même XVIIe siècles. |