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Nos lecteurs remarqueront surtout le motif central de la
façade vers la Bourse et la simplicité élégante des lucarnes ;
le motif à anse de panier est aussi assez intéressant.
La façade vers le Boulevard, qui n’a pas la même ampleur
de lignes, a beaucoup moins d’importance et cependant elle
est aussi très-belle.
C’est une œuvre soigneusement étudiée, dont aucun détail
n’a été négligé.
Maison de Commerce, Boulevard du Nord 9, à Bruxelles.—
Pl. 21. 22. 23 et 24. — Architecte M. F. Laureys. — C’est
encore une construction d'un caractère tout particulier, dans
laquelle l’artiste ne s’est pas imposé le choix exclusif de tel
ou tel style. Les éléments rappellent divers genres, la Renais-
sance et le Louis XIII entr’autres, mais sont bien étudiés,
bien coordonnés et contribuent à donner à l’ensemble cet
aspect d’unité et de solidité.
Nos lecteurs remarqueront l’heureux effet du parti pris des
lignes verticales dans cette composition et la logique des com-
binaisons de motifs.
Cette construction est élevée tout entière en pierre bleue
et en briques rouges; ces deux teintes, bien distribuées, sont
très-belles et très-flamandes si l’on peut s’exprimer ainsi.
La galerie qui termine la façade principale est construite en
bois ; l’artiste a eu l’idée de la polychromer.
Cette construction a obtenu la 7e prime au Concours ouvert
par l’Administration Communale de Bruxelles ; cette décision
a trouvé des mécontents ; il semble que les primes données
n’aient pu se partager, car la 6° et la 7e ont été données à des
œuvres de mérite égal.
Un théatre pouvant contenir 900 spectateurs. — Grand
concours d’architecture, dit prix de mille francs, de 1872.
PL 26, 27, 28 et 29. — M. Waegeneer. — Le projet que nous
plaçons sous les yeux de nos lecteurs est non seulement un
projet académique, mais c’est encore une œuvre fortement et
sérieusement étudiée. L’examen du plan indique suffisamment
que l'auteur possédait les connaissances nécessaires, qu’il
avait vu et observé, qu’il savait enfin, par le détail comme par
l’ensemble, les nombreuses nécessités d’un théâtre.
Le plan est très-beau d’aspect; les locaux sont à la place
qu ils doivent naturellement occuper et ils ont, entr’eux, une
rationnelle importance relative.
Les façades de ce monument sont traitées dans le style
classique romain ; l’ensemble plaît par la grandeur et son
élégante richesse ; la façade principale surtout a bien le ca-
ractère d’un édifice destiné aux plaisirs de l’esprit.
C’est, sans contredit, une œuvre de très-grand mérite.
Anvers. — Fortifications. — Front 10-11. — Porte de
Boom, pl. 32. — Architecte Felix Pauwels. — Œuvre de
l’artiste regretté qui vient de mourir, la porte qui fait l’objet
de cette planche est conçue dans ce style ru de et fort de l’ar-
chitecture militaire du moyen-âge. La porte fait le motif cen-
trai ; elle est protégée par deux tours demi-circulaires, créne-
lées sur 2 rangs, et reliées par un parapet à machicoulis au
milieu duquel se trouve accrochée une échauguette parfaite-
ment dans le style de l’ensemble.
A droite et a gauche de la porte sont placés les locaux
d’un corps de garde et deux petites cours emmuraillées for-
mant avancées.
Ville de Léau, Brabant — Hôtel-de-Ville. — Reconstruit
sous Charles-Quint, c et hôtel-de-ville appartient à cette épo-
que de transition gothico-renaissance ; la façade, dont les di-
mensions ne sont pas bien considérables, est très-jolie. Elle se
compose d’un rez-de- chaussée précédé d’un perron, et d’un
premier étage couronné par un pignon. Les fenêtres sont hau-
tes, couvertes en anse de panier et divisées par des menaux
d’une grande légèreté.
La porte est surmontée d’un motif d’architecture renais-
sance ornée de la statue de l’empereur Charles-Quint et de
deux statues de chevaliers armés. — Jadis,au même endroit,
se trouvaient trois statues de saints qui paraissent avoir été
ajoutées à une époque postérieure à la reconstruction de cet
édifice.
Le perron qui précède l’hôtel-de-ville est extrêmement
remarquable; il est tout entier de l’époque du grand empe-
reur dont le chiffre et les armes se trouvent plusieurs fois
reproduits dans le dessin que nous soumettons à nos abonnés.
Nous devons ajouter que ce perron a été remplacé, lors de
la restauration de l’édifice par M. l’architecte Dumont; le
dessin que nous en donnons est dû à l’obligeance de M. Ge-
rard, architecte à Hasselt, qui a relevé ce perron d’après les
fragments conservés dans les caves de l’hôtel-de-ville.
Les armes de la ville de Léau (de sable au lion d’or, armé,
lampassé et au chef de gueules) se trouvent à droite des
armes de l’empereur dans le perron historique.
Lettres sur l’Académie royale des
Beaux-Arts de Bruxelles.
II.
Bruxelles, le 25 août 1877.
Les architectes qui croient que tout se passe à la
satisfaction générale dans la classe de composition
architecturale de l’Académie bruxelloise, se trompent
étrangement : j’ai déjà montré la mauvaise organisa-
tion des concours et les fraudes qu'elle engendre._
Je prouverai prochainement que la méthode d’ensei-
gnement est défectueuse ; pour le moment, je me con-
tenterai d’examiner la manière dont se donnent les
cours spéciaux.
Les élèves de la classe de composition sont tenus
e suivre les cours de construction, d’archéologie,
d'esthétique et d'ornement ; ils doivent, prétendument,
avoir ingurgité une assez forte dose de chacune de
ces sciences à la fin de l’année : le programme est ce-
pendant conçu d'une façon si baroque, qu’ils n’en
savent pas grand’ chose.
Pour être impartial, il faut toutefois faire une ex-
ception pour le cours de construction ; l’ingénieur
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très-estimé qui le professe tâche de fournir à ses
élèves le plus de renseignements possibles, eu égard
au peu de leçons dont il dispose : malgré cela, il est
regrettable que ce cours ne soit pas complété par des
notions de stabilité, et. par de fréquentes excursions
dans des établissements industriels.
Les cours d’archéologie et d’esthétique ont l’im-
mense défaut d'être donnés en même temps pour les
peintres, les sculpteurs et les architectes. Je ne nie
pas que l'étude des costumes, du mobilier, des lois et
des mœurs des peuples de l’antiquité ne soit des plus
intéressantes ; je m’y adonne même avec grande satis-
faction quand j’en ai le loisir : mais il faut cependant
convenir que c’est de l’archéologie architecturale dont
nous avons d’abord besoin. — Le cours d’archéologie
est actuellement professé de telle sorte qu’il nécessi-
tera une étude de 7 à 8 années ; cela est fort bien
pour les peintres et les sculpteurs qui contractent
d’ordinaire un bail à long terme à l’Académie ; mais
les architectes ne passent guère que 2 ou 3 ans dans
la classe de composition, et les quelques bribes d’ar-
chéologie qu’ils ramassent de ci de là ne parviennent
pas à constituer une portion congrue à la clôture des
cours. — Il y a si peu d’architecture dans le cours
d’archéologie, que c'est un événement lorsque le pro-
fesseur annonce : « Cette leçon est pour MM. les ar-
chitectes. » Le fait se produit une fois par mois, ce
qui donne 6 à 7 leçons pour une année d études : c’est
beaucoup trop peu, presque rien. — Je tiens à décla-
rer que je n’en fais pas un grief au professeur qui a
les bras liés par le règlement et la routine. Si je m’ob-
stine à mettre ainsi le doigt du public sur les plaies de
l’Académie, c’est parce que je suis indigné de la situa-
tion défavorable des élèves architectes qui y passent
des instants précieux sans en retirer grand fruit. Il
y a beaucoup à modifier au train-train bonhomme
actuel : je ne me déclarerai satisfait que lorsqu’on
aura créé des chaires d’archéologie architecturale, et
d'esthétique architecturale, avec obligation pour le
professeur de donner un cours complet en deux ans.
Si l’on veut résolument tenter cette réforme, l’Acadé-
mie aura au moins la satisfaction d’avoir formé des
élèves ayant des notions générales mais complètes
d’archéologie et d’esthétique; sinon, il continuera à
en sortir des jeunes gens connaissant passablement
l’Egypte, et ignorant la Chine, le Japon, l’Assyrie, la
Perse, l’Arménie, l’Indoustan, la Babylonie, la Pa-
lestine, et les merveilles de l’art byzantin, de l’art
ogival et de l’art grec.
Ce qu’il y a de reproche à faire au cours d'ornement
n’est pas long, quoique du dernier bouffon : ce cours
ne se donne pas, mais les élèves sont obligés de le
suivre ! Qu’en dites-vous ?... Tous les 15 jours, les
élèves de la classe de composition vont signer le
registre de présence chez M. le Professeur d’orne-
ment qui donne un programme ; soit un décoration
de bibliothèque, ou de salle à manger, soit un plafond
de salon, de styles variés. Les élèves n’exécutent
jamais un programme ; ils ont raison parce qu’ils sont
logiques : pourquoi travailler pour un cours qui ne se
donne pas, et comment ? — En agissant ainsi, les
élèves donnent depuis longtemps au conseil acadé-
mique une leçon que celui-ci n’a pas encore comprise :
ils pouffent de rire lorsqu’ils vont signer le registre de
présence, et le professeur garde avec peine une atti-
tude sérieuse en délivrant son programme. — Il
y a trop longtemps que cette mauvaise farce dure
pour ne pas recevoir sa juste récompense, les honneurs
de la publicité. — En mettant le public dans la confi-
dence, peut-être l’administration communale qui a
ses délégués au Conseil Académique songera-t-elle
sérieusement à réformer le règlement et le programme
de l’enseignement
C’est là mon vœu le plus sincère, et je crois qu'il
sera partagé parles lecteurs de l'Emulation.
Outre la transformation des cours actuels ; je crois
qu'il estde toute utilité d’adjoindre ensuite : 1º un cours
d’arpentage et de nivellement,dontla connaissance fait
souvent défaut aux architectes ; 2° un cours de
physique appliquée, où l’on traiterait par exemple, du
tirage des cheminées, du chauffage, de la ventilation
etc.; — 3° des leçons de lavis et d’aquarelle dont le
besoin se fait vivement sentir pour bon nombre de
jeunes gens assez inhabiles pour donner un peu
d’effet aux rendus des projets.
Voilà, à mon sens, ce qui reste à faire, réformera-
t-on : that is the question ? П R.
CORRESPONDANCE.
Un abonné, qui ne signe pas sa lettre, nous pose
une douzaine de questionsrelatives au règlement des
honoraires de l’architecte.
Avant d’examiner cette lettre, nous devons faire
une déclaration qui nous servira de principe absolu
dans l'avenir : nous ne tiendrons aucun compte des
lettres qui ne seront pas signées. Cela dit, revenons
aux questions posées ; voici ce que l’on nous écrit :
Nous savons tous que le taux des honoraires pour la totalité des
services professionnels, y compris la surveillance des travaux est
de 5 0/0 du coût total de la construction ; répartis d’après le
tarif des honoraires des architectes (Arrêté du conseil des bâti-
ments civils en date du 12 pluviose an VIII) comme suit :
1° Confection des plans et devis (travauxordinaires),fr 1-50 pour
100 francs;
2° Conduite des travaux, fr. 1-50 pour 100 fr.;
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3° Vérification et règlement des mémoires, fr. 2 pour 100 fr.
Ce tarif dont la rédaction est assez obscure demande quelques
éclaircissements, et comptant sur l’obligeante habitude que vous
possédez de vouloir renseigner les jeunes architectes, je me per-
mets de vous poser les questions suivantes :
A. De quelle façon doit être compris l’article 1er (confection des
plans et devis); pour le taux de fr. 1.50 pour cent l’architecte est-il
obligé de fournir en outre les plans d’ensemble et le devis ; 1° la
demande d’autorisation de bâtir; 2° une double expédition du
plan et du devis ; 3° les détails des pierres, des menuiseries etc.?
B. Dans le cas où l’architecte n’est obligé de fournir au taux de
fr. 1.50 pour cent que les plans d’ensemble et le devis, quel est le
prix qu’il peut exiger pour chaque série supplémentaire, savoir :
1° Pour la demande d’autorisation de bâtir ;
2° Pour la commande des pierres bleues ;
3° Pour les détails de menuiserie ;
4° Pour une copie expédition du plan d’ensemble ;
5° Pour une copie expédition du cahier des charges descriptif ;
6° Pour une copie expédition du devis estimatif.
C. 1° Quel est le taux qu’il peut exiger s’il ne fournit que le
plan d’ensemble ;
2° Qu’un plan d’ensemble avec cahier des charges descriptif ;
3° Qu’un plan d’ensemble avec devis estimatif.
D. Par conduite des travaux comprend-on la surveillance et la
fourniture des divers dessins d’exécution, tels que commande de
pierres, détails de menuiseries, détails de plafonnages, etc.?
E. Que faut-il entendre par vérification et règlement des mé-
moires. On rencontre encore, dans les cas de changements, de
démolitions et de reconstructions que le propriétaire règle lui-
même ses comptes avec ses entrepreneurs, et que, alors, l’archi-
tecte ne connaissant nullement le prix auquel les travaux se sont
élevés, se trouve embarrassé pour dresser son état d’honoraires
ne sachant que difficilement estimer le chiffre exact de la
dépense.
Dans ce dernier cas quelle serait la meilleure ligne de con-
duite à suivre ?
Il est évident que le chiffre 1.50 pour cent n’est
applicable que dans le cas où l’architecte a fourni
les plans complets, le devis estimatif et le cahier des
charges.
La confection des détails se rapporte évidemment
à la conduite des travaux, ou tout au moins, c’est
ainsi que cette partie du travail doit être interprétée ;
tous les gens du métier savent que ces détails se font
au fur et à mesure de l’exécution à moins qu’il ne s’a-
gisse d’une entreprise à forfait. Mais ces détails sont
nécessaires pour la confection du devis ; ils sont donc
compris dans la série des documents à remettre par
l’architecte pour avoir droit auxhonoraires 1 et l/2pour
cent. Il en est de même de la demande d’autorisation
de bâtir.
La conduite des travaux comprend, spécialement,
les tracés sur les lieux, le choix des matériaux, l’exa-
men et la réception des matériaux fournis par l’entre-
preneur, etc., etc.— Voilà, selon nous, ce que visait
le deuxième paragraphe de l’arrêté du 12 pluviose
an VIII, en accordant de ce chef 1 et 1/2 pour cent.
En remettant les plans, devis, cahier des charges,
etc. etc. il faut,pour avoir droit aux honoraires 1 et 1/2
pour cent, que l’architecte donne au propriétaire
tous les documents nécessaires pour que celui-ci puisse
contracter ; il faut donc deux expéditions, il faut aussi
la demande d’autorisation, les détails pour com-
mande des pierres, des menuiseries, plafonna-
ges, etc.
Il n’est pas rationnel que l’on ne demande à l’ar-
chitecte qu’un plan d’ensemble; toujours l’intéressé
réclame une évaluation de la dépense.
La vérification des mémoires se fait à raison de
2 pour cent. Certes, c’est là l’interprétation logique
de l’arrêté prérappelé; mais cet arrêté lui-même
est-il logique ? Dans tous les cas, à première vue, la
vérification des comptes et la conduite des travaux
nous paraissent singulièrement favorisées dans cette
répartition, comparativement à l’étude du projet,
la confection des plans et du devis et la rédaction du
cahier des charges. Cette dernière partie du travail
représente au moins la moitié de l’ensemble des
attributions de l’architecte lorsqu’il a droit aux 5
pour cent.
Voici en outre un jugement que la 4e chambre du
Tribunal de lre instance de Bruxelles a rendu le
30 décembre 1874 (présidence de M. J. Delecourt),
en cause V... architecte, contre B...
Attendu qu'il est acquis au procès :
a) Que B... a chargé V....de lui présenter des croquis pour
la construction d’une maison et qu’il était convenu que le plan
définitif ne serait commencé qu’après que l’un des croquis eût été
approuvé par le défendeur.
b) . . . . . . . . . . .
c) Que l’un des croquis ayant été approuvé par B..., V...
confectionna les plans définitifs des constructions.
d) . • • .................................
e) Qu’à la date du 14 juillet 1873, ces entrepreneurs furent
agréés par B... qui s’exprimait en ces termes ; « C’est enfin une
affaire décidée, etc., etc...
Attendu qu’en réclamant la rémunération de son travail pour
le cas où le tribunal jugerait accomplie la condition qui lui a été
imposée, Y... reste dans les limites de son droit ; qu’à ce point
de vue il est à remarquer qu’un usage constant accorde aux ar-
chitectes pour confection des plans et projets 1 et 1 /2 pour cent
du montant de l’entreprise, etc....
Enfin, dans le cas de travaux de changements,
démolition et recontruction, la confection du devis
estimatif n’est pas moins nécessaire que dans le cas
de constructions nouvelles.
Et c’est ce devis estimatif, accepté par le proprié-
taire, qui, seul, peut servir de base au calcul des
honoraires. |