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1880.
6e ANNEE.
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S’adresser rue de la Pompe, 5
BRUXELLES
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Bruxelles
— DEPOSE-
L'ÉMULATION
PUBLIOATION MENSUE1LE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
D’ARCHITECTURE
DE BELGIQUE
BUREAUX : RUE DE LA POMPE, 3, BRUXELLES
ANNONCES & RÉCLAMES
A FORFAIT
S’adresser rue de la Pompe, a
BRUXELLES
DIRECTION—RÉDACTION
Rue des Quatre-Bras, 5
Bruxelles
DEPOSE —
— 19
Bruxelles, Juillet-Août 1880.
SOMMAIRE
Architecture : Étude d'esthétique. E. A. — Architectes,
Géomètres et Entrepreneurs. Ernal. — Archéologie :
Pompeï. — Nos planches. — Correspondance. — Biblio-
graphie.
ARCHITECTURE
ÉTUDE D’ESTHÉTIQUE
A maintes reprises déjà nous avons étudié l’art
architectural au point de vue de son esthétique ;
mais nous ne l’avons fait, jusqu’ici, que partielle-
ment, c’est-à-dire que nous n’avons envisagé cet art
qu’en nous enfermant dans le cercle quelque peu
restreint des considérations appartenant à un style
déterminé ou des particularités d’une thèse, comme
celle de l’architecture nationale, par exemple.
Nous voulons consacrer cette étude à l’art archi-
tectural dans son esthétique la plus générale. 11
nous paraît que c’est par là que l’on eût dû com-
mencer avant de s’aventurer dans cette question
d’art national qui, depuis une dizaine d’années,
peut-être moins, a mis en mouvement artistes et
écrivains.
C’est par là aussi que l’on devra finir, après avoir
étudié tous les styles, ou plutôt l’expression archi-
tectonique des diverses époques marquant dans
l’histoire de l’architecture.
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* *
L’esthétique architectonique doit être ainsi divi-
sée : l’esthétique universelle et l’esthétique parti-
culière ne s’occupant que d’une époque. En d’autres
termes, il faut d’abord rechercher les principes
généraux, applicables à toutes les manitestations
du génie architectural, et, étudiant ensuite la forme
d’application de ces principes à un style particulier,
chercher la pensée plus intime, la caractéristique
de ce style.
L’esthétique architectonique a ceci de particulier
quelle doit, dans une certaine mesure que nous
montrerons dans la suite de cette étude, se préoc-
cuper de science presque autant que d’art.
L architecture doit être envisagée à ces deux
points de vue; en effet, l’architecture, c’est l’art de
bâtir, a dit A iollet-le-l)uc, d’une façon évidemment
trop succincte, et il faudrait être ingénieur pour
s arrêter à la lettre de cette définition, que l’émi-
nent écrivain développe, d'ailleurs, dans son pré-
deiix dictionnaire. L'architecture est l’art de bâtir
et de donner aux constructions (habitations et édi-
fices) les dispositions les plus simples qui convien-
nent à leur destination, et d’en combiner la struc-
ture de telle sorte que ce ne soit pas seulement un
abri pour 1 homme, mais encore que l’esprit et l’âme
y subissent cette influence des grandes harmonies
qui les entraînent, les élèvent.
Dans nos recherches sur l’idée des architectes-
écrivains aux diverses époques, nous avons ren-
contré diverses définitions de l’architecture, quel-
ques-unes exactes , mais incomplètes , d’autres
absolument erronées et que l’on pourrait qualifier
d’hérésies.
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* H-
Victor Cousin, Lamennais, Roland le Yyrlois,
Blondel, Du. Cerceau, Hope, Léonce Renaud,
Durand et bien d autres sont d’avis que l’architec-
ture est l’art de bâtir, et, pour la plupart, ils éta-
blissent parfaitement, par la suite de développe-
ments qu’ils ajoutent à cette définition, qu’en
architecture il y a P^us T1® 1 art de bâtir.
Et le fond des dissertations de tous ceux qui ont
écrit sur ce sujet si important peut être ramené à
ces deux principes contradictoires :
Le but artistique de l’architecture est de décorer
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l’édifice en se servant exactement des données de la
distribution intérieure, en respectant, en accusant
même tous les éléments de la construction, disent
les uns. Au contraire, l’architecture n’a pas d’autre
but que de donner le plus de grandeur, le plus de
caractère possible à la décoration (façades), sans
s’arrêter beaucoup aux exigences de la distribution,
disent quelques autres.
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A- Y-
Comme on le voit, les uns donnent beaucoup à
la science, les autres en font complètement abstrac-
tion pour ne voir plus que le côté réellement artis-
tique.
Cependant, nous pensons comme les premiers, et
nous avons pour cela l’autorité des plus grands
maîtres de l’art. L’étude attentive des monuments
des belles époques de l’art nous donnent d’ailleurs
la preuve manifeste de cette nécessité, comme dit
Vitruve, pour l’architecte, « de posséder parfaite-
« ment la théorie et la pratique de son art pour
« arriver à la perfection. Il doit être ingénieux,
» dit-il dans son Traité (chap. I du liv. I); il doit
« savoir écrire et dessiner, posséder la géométrie,
« l’optique, les mathématiques et l’histoire; il doit
» avoir la connaissance de la physique et quelques
» notions de musique, de jurisprudence, d’astro-
« nomie et de médecine. «
Le travail de l’architecte doit évidemment avoir
pour départ une sérieuse étude de la distribution
intérieure, afin d’arriver aux dispositions logiques
et simples, à la relation exacte des divers locaux
qui lui sont demandés, à la distribution convenable
de la lumière dans chacun d’eux et à l’orientation
qui leur convient le mieux.
Ce n’est guère que lorsque les données princi-
pales du plan sont arrêtées que l’architecte vérita-
blement attentif s’occupera de l’étude des [façades
en même temps que des coupes ou élévations inté-
rieures; mais là encore ne doit-il pas se plier à des
nécessités identiques à celles dont il a dû tenir
compte dans l’étude de la distribution intérieure?
A ces nécessités se joindront immédiatement
celles qui résultent du choix des matériaux, et ce
n’est que, bien pénétré de toutes ces données, qu’il
abordera hardiment ce qu’il y a de décoratif dans
l’art architectural.
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Y Y
Ici nous rappelons ce principe de Platon : “ Le
« beau est la splendeur du vrai, la parfaite conve-
« nance des moyens relativement à leur fin, « que
nous compléterons par cette définition d’un autre
auteur : « C’est l’unité dans la variété, l’unité de
» l’ensemble et la convenance des parties. « Et
nous en arriverons à cette déduction que les façades
doivent, tout d’abord, rappeler les grands éléments
de la distribution intérieure et que toutes les par-
ties doivent être placées dans de telles conditions
qu’elles remplissent le rôle qui leur est assigné.
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Y Y
Nous ne nous figurons pas que l’on puisse arriver
à un résultat satisfaisant en procédant autrement,
et nous regrettons vivement ce défaut de bon nom-
bre d’architectes, vieux et jeunes, qui consiste à
concevoir de jet l’ensemble et le détail des façades
de l’édifice et qui se mettent au supplice, après
cela, pour trouver à adapter leur conception à un
plan de distribution qui, naturellement, ne sort pas
indemne d’efforts aussi considérables.
Et nous ajouterons que, généralement, on ne
travaille pas assez le plan avant de passer à la par-
tie ornementale et monumentale.
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Y Y
Il faut donc s’assurer d’une disposition convena-
ble ; il est bien plus facile de la remanier après,
pour donner plus d’ampleur à certaines parties des
élévations, réduire certaines autres, augmenter ou
atténuer les saillies, afin d’arriver à un ensemble,
vrai dans tous ses éléments , harmonieux dans
toutes ses proportions, et qui possédera alors seu-
lement ces grands principes du beau : la variété
des éléments, l’unité de l’ensemble.
L’œuvre ainsi conçue aura du caractère et de
l’originalité.
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Y Y
Le choix des matériaux amène ces deux considé-
rations : l’harmonie dans la coloration et les consé-
quences de la tonalité de certains matériaux au
point de vue du caractère de l’ensemble, et de la
valeur des éléments qu’ils forment dans l’œuvre.
C’est ainsi que la pierre bleue (petit granit), par
exemple, ne s’emploie pas indifféremment avec la
pierre blanche ; que la première a, par son aspect
seul, plus de robur et que, d’instinct en quelque
sorte, on l’emploiera dans les parties de l’édifice
qui doivent avoir le plus d’énergie : les soubasse-
ments, les stylobates et les grands éléments.
La pierre blanche conviendra mieux pour les
fonds, les parties ornées, etc.
La façon de détailler même ces deux natures de
pierre sont bien différentes, et, toujours, l’artiste
donnera plus do vigueur aux profils, aux divers
détails qu’il construira en pierre bleue, qu’à ceux
qu’il fouillera dans la pierre blanche.
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Y Y
L’emploi de pierre de couleur différente conduit
à une sorte de polychromie souvent très-heureuse
et qui ajoute même au caractère architectural.
Dans les contrées où l’emploi de la brique est
général, l’emploi de la pierre en bandeaux, en
cadres, en chaînes verticales, en points accidentels,
tels que diamants et bossages, montre quel excel-
lent parti l’architecte de goût peut tirer de ce prin-
cipe.
Ce mode de construction ajoute singulièrement à
la variété, et quand il est employé avec la préoccu-
pation de montrer toutes les dispositions, tous les
principes de l’édification, 1 architecte en arrive à
un caractère d’architecture où l’on retrouve habile-
ment réunis ces deux principes cités plus haut :
l’art par la décoration, la science par l’emploi judi-
cieux des matériaux.
(A continuer. E. A.
Architectes, Géomètres et Entrepreneurs
La chambre syndicale des entrepreneurs de tra-
vaux publics a, dans l’une de ses dernières séances,
décidé de mettre à l’ordre du jour une question que
nous croyons faire bien d’examiner, bien que nous
ne soyons l’organe ni de messieurs les entrepre-
neurs, ni des géomètres.
Il s’agit de la façon dont messieurs les géomètres
rédigent leurs procès-verbaux de mesurage.
Messieurs les entrepreneurs se plaignent de ce
que ces documents ne contiennent que le résumé
des opérations, que le contrôle, disent-ils, est rendu
impossible pour eux. Ils désirent que ces procès-
verbaux contiennent tous les détails des opérations.
L’un a déclaré dans cette séance que les obliga-
tions des géomètres sont déterminées par la loi ; un
autre a dit que les géomètres fourniront les détails
de leurs opérations le jour où ils y seront forcés par
leurs clients.
Un troisième a ajouté que la responsabilité du
géomètre est établie, mais se demande ce que
devient cette responsabilité si le praticien est insol-
vable. Un quatrième a rappelé qu’aux termes de la
plupart des contrats, les mesurages so font contra-
dictoirement. Enfin, un cinquième a affirmé que la
chambre des entrepreneurs peut obliger les géomè-
tres à fournir les sous-détails ; « les géomètres
consentiront à donner satisfaction aux entrepre- |