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IÆ PRECURSEUR , Mardi 4 Janvier 1842
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N’oublions pas que l'industrie belge vit et doit vivre avant
tout de l’exportation. Le temps n’est plus où sa production était
suffisante à la consommation intérieure. Or, l'exportation de-
vient une chose sans nom en imposant de droits équivalant à
une exclusion totale les matières premières que l’étranger seul,
comprenons bien, que l’étranger seul peut nous livrer aux con-
ditions voulues par la fabrication. Tels sont divers fils, entre
autres ceux de Westphalie qui se trouvent doublement prohi-
bés, d’abord en ce qu’ils ne conviennent à nos fabricants qu’à
•cause de leur prix modique, et ensuite parce qu’il est impossi-
ble de leur appliquer avec régularité un droit basé sur notre
système métrique.
D’après toutes ces considérations, nous devons espérer que
les Chambres écouteront la voix du bon sens en ne consultant
dans cette importante question que l’intérêt général du pays,
et qu’elles sauront apporter d’équiiabjes réformes dans le pro-
jet de loi qui leur est présenté sur la matière. La consécration
du projet actuel entraînerait inévitablement la fermeture im-
médiate de plusieurs fabriques importantes et priverait des
milliers d’ouvriers de leurs uniques ressources. De plus, notre
commerce d’exportation en recevrait une grave atteinte.
iB.tvci:.
•Paris, 2 janvier. — I.e Moniteur publie une partie des harangues offi-
cielles adresséesan Roi à l’occasion d i jour de l'an. Voici le discours de
M. le marquis de Brignoles-S.de, au nom du corps diplomatique:
i< Sire,
> Appelé à l'honneur d'être auprès de Voire Majesté l'organe des sen-
timents du corps diplomatique, je viens vous apporter l’hommage de
nos félicitations et de nos vœux
» La Providence qui, veillant au salut de ce royaume, s’est toujours
plu à manifester la protection spéciale dont elle couvre la personne de
Votre Majesté et son auguste famille, a voulu dans le cours de l'année
qui vient de s’écouler en donner une preuve éclatante et bien chère à
votre cœur paternel. Cette année a aussi vu se resserrer l’union des
cabinets, union si nécessaire au repos des peuples et à la conservation
delà paix générale.
» Nous rendons grâces 5 Dieu des bienf ii!s qu’il daigne répandre sur
vous. Sire, et sur votre maison royale. Nous lui demandons de continuer
à vous combler deses faveurs. Nous lui demandons de maintenir et de
consolider de plus en plus cette paix, objet constant des efforts de tous
les souverains, et gage le plus solide de la prospérité des nations. »
I.e roi a répondu :
« Je remercie le corps diplomatique desvœux qu’il vient de m’expri-
mer par votreorgane. II m’est bien doux de l’entendre s’unir à moi pour
rendre grâces à Dieu des bienf dis qui noussont départis, et surtout de
cette protection spéciale dont la Providence a de nouveau couvert mes
enfants, et qu’elle avait déjà tant de fois étendue sur eux et sur moi.
» Mais, à côté de ces pénibles souvenirs, l’an née 1841 nous laisse d’.ieu*
renx résultats. Kllea vu les cabinets donner par leur accord un nouveau
gagea la paix générale, et j'ai la confiance que nous continuerons à la
préserver de toute atteinte. Je reçois toujours avec une vive satisfac-
tion le témoignage de ce vœu commun de tous les souverains et per-
sonne n’en pouvait être, auprès de moi, un meilleur interprète. »
On a remarqué hier dans la cour des Tuileries une vingtaine de
voitures armoriées du faubourg Saint-Germain qu’on n’yavait pas vues
depuis 18T0. II p irait qu’une partie des légitimistes du faubourg se dé-
cide à se rapprocher de la dynastie de juillet.
— On annonce que la nominal ion de M le prince de Joinville au grade
de contre-amiral a été signée il y a peu de jours et que I on attend son
arrivée en France pour la faire paraître.
Le prince est attendu sous peu de jours à Toulon. Des ordres ont été
envoyés à M. l'amiral Baudin pour lui faire uie réception splendide.
— Nous lisons dans la Sentinelle de l'A rnièe :
« Puisque M.Bugeaud désire rester en Afrique, le gouvernement aura
A choisir entre sa révocation et le rappel de M Rumigny; quel parti
prendra-t-il? Le plus mauvais sans doute. Trop orgueilleux pour vou-
loir réparer une faute, il en commettra une autre, celle de destituer le
général Bugeaud. Une fois entré dans cette voie, la pente est glissante,
on ne peut plus se retenir. »
— On va s’occuper à Sedan delà translation dans le temple protestant
actuel, des cercue ls fortuitement retrouvés le 24 août dernier.de Henri
de Latour, pèredeTurenne.et prince souverain de Sedan; de Marie-F.lisa- j
beth de Nassau, sa femme; de Julienne-Catherine, leur tille, femme de
François de Roye de Larochefoncaid;d unfils et d’un petil neveu de ces
derniers, d’un prince palatin, second fils de Frédéric V le Constant, roi
détrôné de Bohême, et du comte de flanau. Le roi de Hollande envoie
tin représentant qui doit arriver le 0 ou le 'janvier.
BEUC-IiïUIÎ.
Brcxem.es, 4 janvier. — Dimanche le roi a reçu successivem-nt l’am-
bassadeur de France, le ministre d'Autriche el le comte Duval de Beau-
lieu, sénateur.
— Mercredi prochain, 5 janvier, aura lieu à la cour la seconde soirée
dansante de cet hiver.
— M. le major Kessels, commandant l'artillerie à Liège, vient de re-
cevoir l’ordre de M. le ministre de la guerre d'aller reprendre immédia-
tement ses fonctions.
qui est une maturité faclice.L’horticulture et la pomologie sont des arts
inconnus aux Antilles; personne ne sait y faire une ente ou un écusson,
et l’on n’y mange, en fait de fruits du pays, ou en fait de fruits euro-
péens, que des sauvageons.
La plupart des îles ont de hautes montagnes, et possèdent par consé-
quent le climat de France pendant I été. Ainsi, la Martinique, la Guade-
loupe, la Jamaïque et Saint-Domingue ont possédé possèdent ou pour-
raient posséder tous les arbres fruitiers de France, bien entendu avec
toutes les différences qu’entraîne une végétation perpétuelle ; mais de
bons jardiniers y feraient fortune, et y rendraient d’éminents services,
en y introduisant la culture des fruits et des vergers. La châtaigne réus-
sit à merveille dans les montagnes, la fraise y est médiocrement parfu-
mée; mais la figue et le muscat y acquièrent un'* finesse qui nous est
inconnue ; sans compter que ces fruits, et tous les autres, sont perpé-
tuels,ainsi que je l’ai déjà dit. Mais celui de nos arbres à fruits qui réussit
peut-être le mieux aux Antilles, c'est l'oranger. Il est vrai que l’oranger
est Africain d’origine, et qu’il n’a été introduit en Italie et en Provence
qu’après le deuxieme siècle de notre ère. Les pommes d'or de Virgileet
des mythologues grecs étaient d >s citrons. L’oranger des Antilles sem-
ble donc s’y trouver comme dans sa pitrie. Il y devient un arbre super-
be,couvert simultanément,toute l’année, de (leurs et de fruhs Ces.or.m-
ges. bien supérieures à celles de Provence e! même à celles des iles B t-
iéares eldu Portugal,n’ont de rivalesau mondeqne les oranges de Malte,
que l’on mangea Londres, où les plus belles coûtent deux sous.Du res-
te. les orangers des Antilles, même dans leur maturité la plus parfaite,
sont toujours d’une couleur verte, légèrement jaunie ; et les citrons y
sont, eux, parfaitement verts. Ilya.aux Antilles . entre autres espèces
d’oranges fort singulières , une orange nommée Ciiadec, qui est de la
gros eur des plus forts melons. La chair en estun peu spongieuse; mais
l’écorce, épaisse d’un à deux pouces, se confil admirablement au sucre,
et devient l’une des plus délicates gourmandises de la gastronomie co-
loniale.
On comprend que, malgré tout l’art du monde, les conditions de la
végétation des tropiques dominent nécessairement l'agriculture colo-
niale, et que l’on n’y peut cultiver en grand, et dans des vues d’exploi-
tation, que des fruits ou des moissons qui mûrissent dans la zôue
torride.
Ainsi, la vigne et les céréales sont bannies par la nature elle-m-bne de
inculture tropicale. La vigne y Vient sans doute, s’y développe admi-
rablement, ÿ donne des raisins exquis, et y produirait probablement de
bon vin blanc, dans le genre de celui de Madère, ou dans le genre de
Constance ; mais la maturité du raisin y est accompagnée de circon-
stances qui rendraient la fabrication du vin difficile et dispendieuse. II
est rare que, dans la même grappe tous les grains soient mûrs à la fois;
et puis, il y a des expositions où les grains ne mûrissent jamais. Des
obstacles analogues s’y opposent à la culture des céré des En général,
les terres sonl trop fertiles, et les blés se coucheraient, ou seraient su-
jets au charbon. Lorsqu’on dessèche de vieux étangs, ou que l’on défri-
che des bois bien touffus, en France, on ne sème jamais du blé les pre-
mières années, parce que la récolte manquerait par trop de vigueur, et
l’on fait un peu fatiguer la terre par des légumineuses ou par du maïs.
Aux colonies, ta terre serait toujours trop bonne pour le blé; el puis, d
resterait perpétuellement vert et n’y mûrirait pas.
D’ailleurs, la loi d'institution des colonies, fort sagement conçue par
Colbert, a interdit aux Antilles les cultures de la France. Les'colons
n’auraient donc pas le droit de faire du blé ou du vin, quand bien mê-
me ils le voudraient. Et cela, je le répète, est fort sage; car, à quoi bon
des colonies, si leurs produits devaient faire concurrence à ceux de la
métropole, et l’appauvrir, par conséquent, an lieu de l’enrichir? Les
A ce propos nous ferons remarquer qu’une lacune existait dans t’or-
donnance de la chambre du conseil telle que les journaux Font repro-
duite. M. Kessels était non-seulement prévenu de complot, mais encore
et tout au moins de non révélation de complot, délit prévu par l’article
103 du code pénal; et sur ces deux chefs, l’ordonnance déclare qu’au-
cune charge n’existe contre M. le major Kessels.
— Les prévenus de la conspiration sont répartis comme suit dans les
différents quartiers des l’etils-Carmes.
MM. Vandermeeren et Parys à la pistole, MM. Vandersmissen. son
frère, son fils. De Crehen, Parent, Roczynski. Vandenplas et Verlaet.au
quartier militaire, Mm<- Vandersmissen au quartier des femmes.
— roues mi ettes — « Le bruit des voitures est le fléau des grandes
villes; celui qui nous en délivrerait aurait les droits les mieux acqhisau
prix Monlhyou el à la reconnaissance de toutes les oreilles nationales.»
Voilà ce que nous écrivions, il y a treize ans, dans Y Industriel, en in-
vitant les amateurs à faire la dépense d’une garniture de roues en bois
debout, bouilli dans l’huile ou dans l’asphalte.
Pavez vos roues an lieu de paver vos rues, en bois debout.el le même
effet sera obtenu, mais à bien meilleur compte; c’est ce que vient de dé-
montrer. avec le plus grand succès, un de nos principaux industriels.le
seul qui ait osé prendre l’initiative dans une chose si simple, qui avait
toutes les chances de réussir.
On rencontrait le jour du nouvel an. dans les rues de Bruxelles, une
élégante voiture qui roulait sans bruit sur les pavés el dont les maîtres
s’entendaient aussi bien parler que sur un chemin de terre; chacun se
retournait sans comprendre la cause de ce phénomène inconnu; des
fonctionnaires de ia cour voulurent essayer eux-mêmes ce silencieux
véhicule, et tout le monde s’empresse aujourd’hui d’aller le visiter dans
la remise de M. Mecus-Bryon. son heureux propriétaire. C’est à qui fera
ie plus vite substituer à ses roues bruyantes les nouvelles roues creuses,
pleines de charmes, de M. Meeus-Bryon.
La ville de Bruxelles ferait une immense économiede pavage en obli-
geant les fiacres, vigilantes et omnibus à n’employer quedes roues cer-
clées de bois debout, qui seront plus durables même que les roues de
fer.
Les roues miieltes feront le tour du monde et l'établissement du Re-
nard qui les fabrique si bien aura du travail pour le reste de ses jours.
(/•'anal)
lîrreptions «lis jmser eîe l’an.
Le Moniteur publie la suite des discours adressés à LL. MM. à l'occa-
sion du nouvel an. Nous allons en reproduire quelques-uns :
Discours de M. le président du tribunal de commerce.
« Sire,
» Les membres du tribunal de commerce saisissent avec bonheur le
renouvellement de l’année pour venir offrira votre majesté l’hommage
de leur profond respect el de leur inaltérable fidélité.
» Sire, chaque année,nous aimons à remplir un devoir bien cher à nos
cœurs, en vous exprimant notre respectueuse reconnaissance pour la
constante sollicitude avec laquelle VolreMajesté fixe ses regards sur les
besoins du commerce el de l’industrie.et sur les moyens qui peuvent en
assurer le développement et l’extension.
» L'exposition récente des produits de ('industrie belge qui a excilé
au plus liant point l’admiration publique et I étonnement de l’étranger,
nous fait entrevoir ce que peut une nation amie de l’ordre et du travail
sous l’égide d'un règne protecteur des intérêts matériels.
» La richesse decetle exposition.Sire,a prouvé que l’industrie beige
n’aurait plus de rivale, si, par défaut de placement, le producteur n’était
paralysé dans son essor.
» lies vues sages de Votre Ma jesté et les efforts de son gouvernement,
tendant à favoriser l’écoulement des produits industriels et commer-
ciaux, nous permettent de nourrir l’espoir que nous obtiendrons, dans
un prochain avenir, les débouchés qui nous manquent encore et que
nous appelons depuis longtemps de nos vœux, et cet espoir nous con-
sole , lorsque dans le cours de nos fonctions , souvent pénibles, nous
voyons parfois se dérouler le tableau de quelques sinistres frappant le
commerce. Aux sentiments que nous venons de vous exprimer. Sire,
nous joignons nos félicitations sincères, et nos souhaits ardents pour la
prospérité du règne de Votre Majesté et pour le bonheur de son auguste
dynastie.
» Madame,
» C’est avec un sentiment de vive joie que nous voyons arriver l'épo-
que du renouvellement de l'année, parce qu’elle nous fournit l'heureuse
occasion de déposer aux pieds de Votre Majesté l’hommage de nos res-
pects et de notre inaltérable attachement. Daignez. Madame, accueillir
en ce jour, avec cette bonté qui vous distingue, et partager avec votre
royal époux, nos félicitations et les vœux constants que nous formons
pour la conservation de vos jours précieux et ceux de votre royale
famille. »
Discours de M. le gouverneur de la Société Générale.
« Sire.
» Lorsqu’à l'époque du renouvellement de l'année, la direction de la
Société Générale a I honneur de se présenter respectueusement devant
V. M., elle ne vient pas seulement accomplir un devoir, elle suit encore
l’impulsion d’un sentiment de reconnaissance; heureuse alors d’être
admise à réitérer à V. M. l’assurance de sa fidélité, de son dévouement
à sa personne et à son auguste famille.
» V. M. a fait les plus nobles efforts pour établir l’ordre public sur des
bases qui offrent au commerce et à l’industrie la garantie de la tran-
quillité et de la paix qui sont leur premier besoin ; la Société Générale
qui tient à l’honneur de les représenter,se réunit à tous les gens de bien
pour flétrir avec aillant d’indignation que de mépris, des manœuvres
aussi odieuses qu’insensées contre le roi auquel la nation doit son exis-
tence politique et contre son gouvernement.
» Sire, le commerce et l’industrie attendent,avec confiance, le résul-
tat des négociations que V. M. a fait ouvrir dans le but de procurer au
colonies n’ont d'utilité pour un pays qu’autant qu’elles ouvrent un
marciié nouveau aux produits de son agriculture et de son industrie,
c’est-à-dire qu’autant que les colonies elles-mêmes ont une industrie et
une agriculture différentes, avec des produits d’une nature spéciale,
que la métropole puisse acheter, en échange des siens.
C’est pour cela que ceux qui parlent de coloniser l’Algérie me sem-
blent de pauvres économistes de cabinet, qui n’ont jamais vu l’industrie
qu’à l’Kxposilion, el l’agriculture que dans les tableaux de Boucher.
L’Algérie, même au temps desa plus grande richesse, c'est-à-dire sous
la domination romaine, n'a jamais produit que du blé. et du mauvais
blé Les Italiens et les Romains ont toujours été de mauvais juges en
fait de blé. eux qui. même sous l’empire du itixe le pins effréné et de la
gastronomie la plus fabuleuse, n’ont jamais mangé que du pain exécra-
ble. fait avec de l épautreet de l’orge, el avec de la farine de grain tor-
réfié. Du reste, c’est toujours la même chose : un Français ne peut pas
manger du pain en Italie, surtout du pain fait à la mode italienne. Donc,
l’Algérie, même au temps où l’Arique était l’un des greniers de l’em-
pire romain, ne produisait que du mauvais blé. Tout ce qu’elle peut
faire, avec les progrès de l’agriculture moderne, c’est d’en produire du
bon. Le blé, l’orge, l’huile, la garance, la soie, les bestiaux, voilà tout
ce que l’Algérie peut produire. Or, c’est précisément ce que la France
produit; et sa colonisation, en la supposant prospère, aura précisément
pour résultat de faire concurrence à l’agriculture française. L’Algérie,
colonisée.serait donc pour la France une cause de ruine, plutôt qu’une
cause de prospérité; puisqu'on lieu d’étendre le placement de nos pro-
duits. elle les restreindrait parla rivalité des siens.
D'ailleurs, indépendamment du climat de la zone torride, qui s’op-
pose à peu près absolument à la culture de la vigne et des céréales, in-
dépendamment des réglements d’institution des colonies, qui interdi-
sent la culture des produits de la France à l'agriculture tropicale , et
qui réservent à ta France le marché des colonies , pour ses denrées, il
y a des raisons dominantes et décisives qui détournent les Antilles de
la production du blé et du vin. La première de ces raisons, c’est le bon
marché excessif de ces denrées; la seconde, c’est l’impossibilité de leu r
placement.
Premièrement, donc, la culture du blé est trop pauvre, pour résister
aux frais de l’agriculture coloniale. Quelle est la récolte de blé qui suffi-
rait à entretenir quatre-vingts bœufs, trente-cinq mulets et cent qua-
rante ouvriers, qui forment le matériel et le personnel d’une habitation
de moyenne grandeur ? Et combien de barriques de vin faudrait-il
recueillir, à cinquante francs chacune, prix de revient du vin de Pro-
vence, porté à la Pointe-à-Pitre? Ce serait donc perdre complètement
son temps ou son argent, que de s’appliquer à produire du blé et du
vin aux colonies.
Secondement, les consommateurs du vin et du blé ne sont pas assez
nombreux pour absorber, à de bonnes conditions pour les producteurs,
tout ce que l’agriculture européenne el l’agriculture des Etats-Unis en
peuvent livrer. Ce serait donc une folie d’aller engager la production
des Antilles dans celle voie.
Nous autres. Français, quand nous voulons formuler d’un mot ce qui
sert à la nourriture de l’homme, nous disons : du pain ! Nous sommes là
dans une grande erreur. Les trois quarts des hommes qui composent
l’humanité ne mangent pas de pain. En Europe, les Russes, les Turcs,
les Grecs n’çn mangent presque pas; les Allemands en mangent modé-
rément: les Hollandais, les Belges, les Anglais, surtout, en mangent à
peine. Les véritables mangeurs de pain sont donc les Espagnols, les
Italiens, et surtout les Français. Le pain est inconnu en Asie; en Afrique
el en Amérique, il n’est connu que des Européens qui s'y sont établis»
Les peuples vivant de pain sont donc en immense minorité sur la sur-
pays un large débouché de ses produits. V. M. sait que la nationalité
trouve un de ses appuis les plus fermes dans la prospérité et le bien-être*
du peuple. La sollicitude que V. M.a toujours montrée pour l'améliora-
tion du sort de la classe des travailleurs n’est pas le moindre litre à l’a-
mour que lui témoigne la nation.
» Sire, la Société Générale, confiante dans les dispositions bienveil-
lantes el l'équité de Votre Majesté, confiante dans la puissance desa
protection dans les intentions et dans le patriotisme de son gouverne-
m *nt. al tend toujours le redressement des torts de l’étranger envers un
établissement national.
Madime,
» La nation honore, dans Voire Majesté, les senliments religieux dont
les Belges ont hérité de leurs pères et auxquels ils ont toujours été fidè-
les; la nation honore dans Votre Majesté ces vertus de famille qui sont
la base de nos anciennes mœurs ; elle sail que les princes sur lesquels
son avenirrepose sonlélevés, par vos soins, dans ces nobles et salutaires
principes; la nalion vous en est reconnaissante. Madame, et j’ose pro-
testera Votre Majesté du dévouement et de l’amour des classes labo-
rieuses et industrielles d’un peuple qui reçoit du trône l’exemple des
vertus qui, en assurant le bonheurdes families, sont aussi l’appui le plus
inébranlable de sa nationalité, »
Discours au nom du clergé catholique.
Sire. Madame, — I.e jour de l’an est consacré par nos usages à l'ex-
pression desenlimenls doux et respectueux.
Cejonrnous est bien précieux, parce qu'il nous permet d'offrir à VV.
MM. l’hommage de nos vœux et de nos sentiments.
En nous acquittant de ce devoir, qu’il nous soit permis encore sire,
d’exposer brièvement à V. M une matière qui fait souvent le sujet de
nos instructions. Nos travaux sont spirituels de leur nature, mais ne sont,
pas sans influence sur le repos de la prospérité de l’état.
Nous voyons,sire, un déchaînement de mauvaises passions, elles veu-
lent, pour réussir dans leurs coupables entreprises, parvertlr l’esprit
des masses, en leur présentant insidieusement une perspective trom-
peuse de félicité terreslre. quela nature humaine ne comporte pas.
Malheur an peuple qui se laisserait aller à ces décevantes illusions !
Mais le clergé ne se borne pas à le plaindre : il saisit tontes les occasions
pour le désabuser et l’instruire sur ses véritables intérêts.
Des hommes sensés prouveront sans peine que la communauté des
biens on l’égalité des fortunes esl une absurdité ; mais la religion seule
peut en convaincre ceux qui souffrent. Elle proclame heureux les pau-
vres, et si elle parvient à étouffer toute convoitise immodérée, c’est
parce qu’elle est assez puissante pour faire croire à une autre vie, où le
bonheur sera mesuré sur le mérite et où la récompense sera d’autant
plus grande qu'on aura souffert de maux avec patience surcelte terre.
G’est dans sa foi que le pauvre puise Sa résignation; nourri de la sève
religieuse, il se soustrait au piège des théories séduisantes.et contribue,
par son travail et sa moralité, à répandre dans l'état les bienfaits de la
civilisation. .
Ministres de cette religion,nous a imonsanjourd'hui.sire. à vous faire
remarquer son action pacifiante sur les masses. Nous sommes persua-
dés que tout ami éclairé de son pays bénira notre mission et lui accor-
dera au moins la sympathie de ses affections.
Madame.— I.e clergé aime à vous dire que. s’il ne cesse d'adresser
ses vieux au ciel pour la prospérité de la famille royale, il est un bien-
fait bien cher à votre cœur qu i! supplie la divine Providence de nous
accorder. Dieu veuille départ ir aux princes et princesses, vos enfants.la
gravité, la sagesse la dignitéde leur père, et la piété sincère,l’amabilité
gracieuse de leur mère.
Discours du grand rabbin de Belgique , au nom du consistoire israèlite.
Sire, ce jour solennel qui nous ramène devant le trône pour lui pré-
senter nos respectueux hommages, est encore pour nous une heureuse
occasion d’offrir à votre ni ijesté l’expression de notre sincère dévoue-
ment à votre royale personne. > _
Le gouvernement de votre majesté a toujours montré à I égard du
culte israèlite. cette justice et celte impartialité qui, nous pouvons le
dire, ne contribue pas moins à la gloire de la constitution belge que le
fait cet esprit de liberté et d’égalité, base de son existence.
Sire, daignez nous en croire, tous les iiraélites belges sont pénétrés
de ce qu’ils doivent à Votre M ijesté et Ions adressent au Père céleste les
vœux les plus fervents pour qu’il comble Votre Majesté, S. M. la reine,
voire auguste épouse que l’on appelle la mère des pauvres, et toute la
famille royale, de bonheur et de santé.
Discours de M. le pasteur Dent, président du synode, au nom du consis-
toire de l’église évangélique de Bruxelles.
Sire, Madame, le consistoire de l'église évangélique de Bruxelles sai-
sit avec bonheur l’occasion du renouvellement de l’année pour présen-
ter à Vos Majestés les hommages de son plus profond respect et de son
inaltérable dévouement ; nous ne cessons d’implorer les bénédictions
du Tout-Puissant sur Vos Majestés et sur les augustes princes et prin-
cesses. objets de vos affections et l’espoir de la patrie
Sire, les sentiments que le consistoire de la capitale est si heureux de
pouvoir ex primer en ce jour, sont, nous en avons l’assurance, partagés
par tontes les églises évangéliques du royaume, car toutes sonl animées
de eet esprit d’union, de concorde et de sage tolérance qui doit dist in-
guer les chrétiens et que votre majesté aime à trouver dans ses fidèles
co-religionnaires; tonies éprouvent la plus vive reconnaissance au sou-
venir des nombreuses marquesde votre royale bonté qu'elles ont reçues
jusqu'ici ; toutes remettent leur avenir avec une pleine et entière con-
fiance à la haute sagesse et à la bienveillance de leur auguste et bien-
aimé roi. persuadées que V. Majesté royale daignera gracieusement ac-
cueillirles respectueuses requêtes que quelques-unes de ces églises ont
déposées aux pieds du trône.
Sire, madame, que vos Majestés royales daignent recevoir avec
bonté nos hommages et nos humbles félicitations.
face du globe; et le pain fait avec de la farine de froment ne doit cer-
tainement pas égaler le pain Tait, avec de la farine de seigle, d’orge et
d'épautre. Voilà pourquoi le nombre restreint des consommateurs de
pain borne nécessairement le nombre des producteurs de blé; et celui-
ci s’est même développé fort au-delà du nécessaire pour la production
du pain, depuis qu’on emploiele blé fermenté à la fabrication de l'alcool.
C’est là. du reste, la destination que reçoit, entrés grande partie, le
blé des Etats-Unis,
Pour reconnaître, en pays étranger, un Français qui dîne, on n’a qu'à
regarder son pain. II en prend an moins deux fois puisqu'un Allemand,
et quatre fois plus qu’un Anglais. J’ai passé de douleretix moments en
Hollande et en Angleterre , en me voyant servir, en Hollande, une
tartine effilée de pain, comme une tranche très mince de jambon ; en
Angleterre, uncubede mie. gros comme un dé à coudre, ou comme un
dé de tric-trac. Au risque de causer du scandale, j’enfonçais bravement
la main dans la corbeille, el lorsqu’on avait bien ri. je demandais le pain
lui-même, et je coupais une belle cantonnade, à la mode de mon pays
gascon. Par exemple, je n’ai jamais pu bien me rendre comple d’un
usage danois, que j’ai trouvé établi à la table du gouverneur de Saint-
Thomas, et qui consiste à se régaler, après le potage, d’une belle tran-
che de pain de seigle, fort sec, et très amer, selon l’habitude de cette
espèce de pain. Quant A la gelée de groseille que j’y ai mangée, en guise
de sauce à dn mouton rôti, ceci est un détail que je réserve pour le
moment où je traiterai de la cuisine américaine.
Le vin est encore d’un usage beaucoup plus restreint que le pain. Le*
Russes, les Turcs, les Grecs, les Allemands, les Hollandais, les Anglais,
les Américains, n'en boivent pas, ou en boivent extrêmement peu. Pour
donner une idée du vin qui se boit, il faut songer que la France fournit
les dix-huit vingtièmes de celui qui se consomme dans le monde entier.
Les hommes qui n’ont pas l’habitude du vin au même degré que les
Français aiment mieux l’eau-de-vie, le rhum, le genièvre ou toute au-
tre liqueur spiritneuse distillée. Les Anglais eux-mêmes ne peuvent
pas supporter les vins naturels; ils servent habituellement, sur les ta-
bles de l’aristocratie, le vin de Xérès, le vin de Madère, le vin de Bor-
deaux et le vin dn Rhin : mais il y a presque toujours un quart d’eau-de-
vie, excepté dans les vins de Bordeaux, qui sont, de tous les vins qu’on
boit en Angleterre, les moins altérés, sans en excepter les vins de
Champagne. Les peuples toiit-à-fail étrangers au vin, comme les nè-
gres et les sauvages à peau rouge, en font généralement peu de cas,
et préfèrent de beaucoup le rhum et l’eau-de-vie.
Je reviens donc à ceci : les mangeurs de pain et les buveurs île vin
sont trop rares, pour que les agriculteurs des Antilles ne se ruinassent
pas à semer du blé et à planter des vignes.
Et puis, il y a un grand principe d'égoïsme qu’il ne faut jamais ou-
blier. quand on se donne une profession : ce principe, c’est qu’il faut
embrasser autant que possible l’état qui rapporte le plus. Or. on peut
dire que les peuples ont. comme les individus, de certaines aptitudes
professionnelles.
Ainsi, les Français sont plus particulièrement agriculteurs, et les An-
glais plus particulièrement industriels; c’est pour cela que ceux-ci sont
plus riches, car on produit beaucoup plus en fabricant des couteaux ou
des foulards, qu’en plantant des pommes de terre. Cependant, l’agri-
culture tropicale a ceci de particulier qu’elle produit, avec une somme
de travail donnée, des valeurs peut-être supérieures à celles de l’indus-
trie la plus favorisée: cet avantage lui vient de l’importance excessive
des plantes qu’elle cultive, et qui sont la canne à sucre, le cafélier et le
cotonnier.
(La suite an prochain numéro.) A. GRANT F, R DE GA9SA&NAC. |