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1879.
N° 2.
5e ANNEE.
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BRUXELLES
L’ÉMULATION
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A FORFAIT
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PUBLICATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
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D'ARCHITECTURE
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DE BELGIQUE
-déposé- BUREAUX : RUE DE LA POMPE, 3, BRUXELLES - déposé-
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Bruxelles, Février 1879.
SOMMAIRE
La restauration des monuments historiques. E. A. —
L'Architecture aux expositions des beaux-arts. E. A. —
Correspondance. — Faits divers. — Nécrologie.
La Restauration des Monuments historiques
Depuis notre visite à l’Exposition universelle
qui vient à peine d’être close, il est un sujet que
nous avons eu mainte fois déjà l’intention de
traiter: nous voulons parler des monuments histo-
riques, de leur restauration et de leur achève-
ment.
Tous nos lecteurs auront remarqué les dessins
de MM. Y iollet-le-Duc, Vaudoyer, Selmersheim,
Ruprich-Robert, Sauvageot, Révoil, Questel,
Millet, Merindol, Mauguin, Lisch, Ballu, de
Baudot, Bérard, Boeswillvald, Bruyerre, Cor-
royer, Denndle, Darcy, Duthoit, etc., etc. Dessins
admirables, dont le soin des rendus indique suffi-
samment la minutieuse fidélité.
Ces travaux sont exécutés sous la direction de
la Commission des monuments historiques de
France, et le ministre de l’instruction publique et
des beaux-arts fait publier, sous la surveillance
du même collège, les documents précieux dont
nous avons vu de nombreux et splendides spéci-
mens, œuvres des artistes dont nous venons de
citer les noms.
Quoi de plus louable que ce soin avec lequel
sont relevés les vestiges, prêts à disparaître, des
monuments historiques, que cet empressement du
gouvernement, seul auteur possible d’une pareille
entreprise, de mettre à la portée de tous, ces docu-
ments précieux qui forment à la fois l’histoire de
1 art architectural des siècles écoulés et le guide le
plus précieux pour l’étude des diverses périodes,
des diverses transformations de notre art.
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.J'a Belgique aussi, depuis 1835 (arrêté royal du
/ janvier) possède une Commission des monuments,
et sur neuf membres elle comptait, à l’origine, cinq
architectes. Mais ce n’est que 26 ans plus tard
(arrête royal du 23 février 1861) qu’elle obtint
1 autorisation de publier, sous forme d’un Bulletin
périodique, les résumés de ses travaux.
Ce Bulletin est absolument insuffisant, et, à
l’exemple de ce qui se passe en France, il est
indispensable d'y joindre un recueil-atlas dans
lequel seraient reproduits les dessins de monu-
ments anciens avant et après leur restauration.
Cela est non-seulement utile pour les raisons que
nous avons dites en parlant du recueil publié
en France, mais encore parce que, pour nous
servir d’une phrase de 1'introduction au premier
volume du Bulletin de la Commission belge, «dans
un pays où rien n’échappe ait libre contrôle de la
presse, la publicité des actes est la meilleure sauve-
garde des corps constitués. »
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Combien cela serait utile, et pour ceux qui se
consacrent entièrement à la pratique de l’art archi-
tectural, et pour ceux qui s’attachent, iconographes
ou archéologues, seulement à son histoire.
Dans ueu de temps, avant un siècle à coup sûr,
a louable pensée de la restauration des monuments
na ionaux aura changé complètement l’aspect de
nos eclmces historiques ; les uns complétés heureu-
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sement, avec unité de sentiment et de style, les
autres torturés, abîmés par des ignorants.
Tout ne sera certes pas parfait; quelle est l’insti-
tution humaine qui le soit? Et combien il serait
précieux, pour ceux qui viendront après nous et
qui découvriront les erreurs commises à notre
époque, d’avoir, dans ce recueil dont nous récla-
mons la publication, des relevés exacts, attentifs
et consciencieux qui permettront de faire dispa-
raître les fautes et de rendre à l’édifice son unité
primitive.
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Et, puisque nous avons parlé des erreurs qui se
commettent, revenons un peu à MM. les architectes
provinciaux et d’arrondissement dont nous nous
sommes occupés déjà, et aussi parlons quelque peu
des architectes à qui l’on confie la restauration des
monuments historiques.
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U est profondément regrettable que le choix des
architectes pour la restauration des églises, hôtels
de ville, béguinages, maisons de corporations, de
tout ce qui est compris dans la catégorie des monu-
ments historiques, ne soit pas laissé au choix
exclusif de la Commission royale des monuments,
dont la compétence est incontestable et incon-
testée.
Bon nombre de nos édifices anciens ont déjà
subi, de la part d’ignorants, des mutilations regret-
tables, des modifications qui en dénaturent complè-
tement et l’ensemble et le caractère.
Bon nombre de constructions modernes, même
parmi les plus importantes, ont été littéralement
massacrées (nous ne trouvons pas de mot plus
vrai) !
Et si cela continue, ces imbéciles faisant école
parfois, les touristes étrangers se feront une piètre
idée de cette Belgique artistique, de cette Belgique
de Rubens et de Van Dyck, de Lyssens et de Van
Ruysbroeck, comme on se plaît à le répéter.
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Parmi les architectes provinciaux il en est dont
le talent est sérieux, incontestable. Mais parmi
cette trentaine de fonctionnaires nommés par les
gouvernements provinciaux, il en est bon nombre
très-capables de faire un levé de géomètre arpen-
teur et de le mettre à l’échelle-, sans doute, mais à
qui il serait difficile, j’en suis convaincu, d’établir
la différence entre le profil d’une base et celui d’un
chapiteau et qui définiront la période gothique :
époque de l’invasion des Gaules par les barbares,
Goths et Visigoths.
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Goths et Visigoths eux-mêmes, car ils détruisent
par leur ignorance plus d’œuvres d’art que n’en
a jamais détruit la brutalité des envahisseurs.
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Il faut changer cela; il faut que nos édifices
historiques , ces restes aussi précieux que nos
archives nationales, que nos libertés et nos cou-
tumes, que le culte des ancêtres, il faut qu’ils ne
soient confiés qu’à des mains habiles, conscien-
cieuses, à des artistes moins préoccupés de faire
montre de savoir, de créer du nouveau, que de
restituer autant que possible au monument son
caractère primitif, ses éléments disparus ou effacés
par l’action des siècles.
Et c’est à la Commission des monuments, à elle
seule, qu’il faut confier le choix de l’ôter aux
gouvernements provinciaux, aux administrations
communales et aux conseils de fabrique.
Et cela parce que la Commission royale des
monuments est seule compétente et aussi parce
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que « il importe d’assurer la conservation des
monuments du pays remarquables qoar leur anti-
quité, par les souvenirs qu’ils rappellent ou par
leur importance sous le rapport de l’art. » (Consi-
dérants de l’arrêté royal du 7 janvier 1835.)
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La reconstruction ou la restauration d’un édifice
historique est peut-être la mission la plus délicate
qui puisse être demandée à un architecte, car elle
c emande non-seulement une connaissance profonde
de la technique de l’art architectural, mais encore
une connaissance très-profonde de l’archéologie et
de l’histoire.
L’architecte chargé de la restauration d’un édi-
fice doit avant tout en faire une étude minutieuse
au point de vue du style, s’assurer des mutilations
qu’il a pu subir à des époques plus récentes,
chercher dans les auteurs, les collections de gra-
vures anciennes, tout ce qui peut l’éclairer et le
faire marcher à coup sûr ; il faut qu’il relève tout
l’édifice, ensemble et détails; qu’il recueille tous
les fragments, en fasse des dessins et même des
moulages.
Il examinera ensuite les édifices les plus voi-
sins, de même destination et construits à la même
époque, cherchant par les analogies à découvrir
les éléments les plus probables qui doivent être
ajoutés pour rendre au monument son unité et son
caractère. Il recherchera même, et avec soin,
l’origine des matériaux afin d’en employer d’iden-
tiques ou de similaires ; il s’identifiera enfin avec
la pensée qui a présidé à la construction primitive
jusqu’à la faire sienne.
S’il est consciencieux, en un mot, et s’il veut
faire une véritable restauration, il ne fera pas
autre chose que ce que ferait le premier maître de
l’œuvre s’il revenait.
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Ce n’est pas là, assurément, ce que peut faire le
premier venu, alors même qu’il s’intitulerait archi-
tecte, et cependant nos lecteurs reconnaîtront que
ce programme n’est nullement exagéré, qu’il n’est
que l’expression stricte de la vérité.
11 est donc indispensable et urgent de modifier
cet état de choses ; nous demandons formellement
des réformes que nos gouvernants, trop soucieux
de nos gloires artistiques pour ne pas le faire,
n’hésiteront pas à prendre.
Il y va d’ailleurs de l’intérêt même d’une bonne
administration; en effet, dans la généralité des tra-
vaux dont nous nous occupons, le gouvernement
intervient par des subsides souvent très-considé-
rables.
Il importe que ces subsides soient employés
avec intelligence, car s’il est très-beau de faire
de grands sacrifices pour augmenter la richesse
matérielle et artistique du pays, il est absolument
regrettable de voir ces sommes employées à des
travaux inutiles, nuisibles, qu’on devra démolir et
recommencer dans l’avenir.
On me dira que la Commission royale des monu-
ments est là pour s’assurer de l’emploi judicieux
des subsides, pour veiller à la bonne restauration
des édifices, pour peser même sur les architectes
chargés de ces travaux et qui s’écarteraient des
voies rationnelles et des traditions de style.
Nous le reconnaissons, et nous nous plaisons à
reconnaître le zèle attentif et constant qu’apporte
le savant collège à sa délicate mission; mais la
Commission royale des monuments n’est pas armée
de pouvoirs suffisants, dans bien des cas, pour résis-
ter à certaines influences locales et administratives.
Et nous en trouvons la preuve dans son Bulletin
même, dont voici un extrait :
L’expérience nous a prouvé que rarement les |