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pour un soubassement qui ne peut renfermer que des locaux
secondaires? Pourquoi reporter au premier étage, décoré du nom
de bel étage, les grandes salles pour le public (restaurant,
café, billards, etc.), ce qui ne nous paraît ni heureux ni com-
mode? Pourquoi laisser le terrain illimité, mais avec cette res-
triction étrange que les deux façades du bâtiment, placé à
l’angle d’un quai et d’un boulevard, seront de même longueur.
Enfin l’échelle et le nombre de dessins exigés ainsi que les
stipulations spéciales du programme exigaient un projet très
étudié, même en ses détails; tout cela constituait un travail
vraiment considérable.
Le jury, dans son rapport, a, paraît-il, formulé des observa-
tions analogues à celles développées plus haut et il a cru équi-
table de décerner une prime d’encouragement de cent francs au
troisième projet et de répartir la seconde prime de deux cents
francs (indépendamment des prix de cinq cents et de trois cents
francs) entre les deux lauréats. Le premier, M. Dielliens, frère
et élève de l’architecte de talent que nos lecteurs connaissent
bien; le second, M. J.-B. Marcq, élève architecte, à Bruxelles.
Le temps nous ayant fait défaut, nous n’avons pu qu’impar-
faitement analyser les dessins exposés. Toutefois nous dirons
que ceux de M. Dieltiens nous ont paru soigneusement étudiés;
les plans ont de l’ampleur, mais les grands locaux, dont deux
sont commandés par la grande salle de fêtes, présentent une
disposition qui se lie mal avec la vaste cour, bien comprise,
dépendante de l’hôtel. Les façades et la loupe présentent du
caractère ; les dessins simplement rendus au trait sont bien
soignés.
Le projet de M. Marcq nous a paru mieux disposé comme
plan; la disposition générale est préférable à celle de son con-
current, mais les détails trahissent une inexpérience que le
temps pourra modifier; les façades et la coupe sont plus faibles,
elles présentent des dispositions originales, étranges même,
comme certains détails; les dessins teintés auraient dû être
plus soignés.
Quant au troisième concurrent, il a trouvé le programme
trop simple, puisqu’il s’est évertué à étudier une disposition
dite sur angle; il n’en a rien obtenu de bon. Quant aux façades
elles sont réellement mauvaises et comme composition et
comme dessin.
Telles sont peut-être trop longuement développées nos appré-
ciations concernant les dessins exposés à Anvers. Comme nous
le disions en commençant, le Salon d’architecture de 1882,
nous a vivement désappointé; nous en sommes sorti de nouveau
soucieux de l’avenir réservé à notre art; à cet art, vieux comme
le monde et qui a donné naissance à tant de chefs-d’œuvre.
En dépit des optimistes nous nous sommes demandé comment
il pouvait se faire que le xixe siècle, qui a vu le progrès
s’affermir dans toutes les émanations de la vie humaine, n’ait
pu donnera l’architecture, art rationnel, matériel parexcellence,
toute l’impulsion nécessaire pour la maintenir au rang élevé
qu’elle n’a cessé d’avoir dans l’histoire; nous nous sommes
demandé pourquoi un siècle qui a vu tant de bouleversements
sociaux n’avait pas, comme aux grandes époques historiques
qui coïncident avec les grands épanouissements de l’art, un
style ou un caractère qui lui fût propre; s’il n’y avait pas enfin
moyen de relever cet art qui tombe ou qui tout au moins subit
un temps d’arrêt. Ce sont là questions intéressantes que nos
confrères feraient bien de méditer et que nous essayerons peut-
être un jour d’examiner en détail. C. N.
Exposition d’art industriel ancien et moderne à Gand
L’Exposition ouverte le 28 août, à Gand, est la seconde
que la chambre syndicale provinciale des arts industriels
a su réaliser en l’espace de cinq ans, et peut être considérée
comme un nouveau succès à porter à l’actif de cette Associa-
tion.
L’Exposition comprend trois sections bien distinctes : 1° les
objets exécutés en toutes matières; 2° les projets des concours;
3° la section rétrospective.
Première section. — Objets exécutés.
Cette première section occupe une vaste salle bordée de salons
et divisée à l’aide de rangées de vitrines uniformes. L’escalier
qui mène aux autres sections permet de dominer cet ensemble.
Le compartiment principal est réservé aux meubles; parallè-
lement à celui-ci se trouvent d’autres allées dans lesquelles
s’étalent : les dentelles et tissus, les cheminées et foyers, les
panneaux décoratifs et tapisseries, enfin les industries di-
verses.
Deux annexes pour voitures complètent cette installation.
Nous allons succinctement passer en revue les divers pro-
duits, signaler les exposants méritants et nous permettre quel-
ques critiques générales que nous résumerons en vue des
futures expositions de l’espèce.
En suivant la division adoptée dans le catalogue, nous
voyons d’abord les pavements en ciment, représentés surtout
par des industriels de la localité, parmi lesquels nous distin-
guons MM. Eggermont, Fiévé, et Desmet, de Gand. Ce dernier
a ajouté à sa fabrication primitive, celle des carreaux céra-
miques, appelés à détrôner dans l’avenir les carreaux de
ciment, au moins pour les pavements soignés.
Les cheminées en marbre, qui s’alignent le long d’une allée,
nous montrent des spécimens très-variés, parmi lesquels nous
distinguons une grande cheminée en marbre noir de M.Mignot-
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Delstanche, de Bruxelles, très-fine et même un peu sèche
comme détails. Plus loin, nos regards sont attirés par une
cheminée en marbre rouge relevé par des ornements courants
en cuivre doré et qui, malgré sa simplicité, nous paraît d’une
grande distinction; elle provient de la maison Evrard.de
Bruxelles. A côté de celle-ci, on voit une cheminée en marbre
blanc de M. Alexis, d’Ixelles, dont les sculptures sont très-
remarquables. Enfin, la maison Crab-Vanden Bossche, de
Bruxelles, expose une cheminée en marbre noir, très-heureu-
sement conçue, mais qui satisferait plus complètement encore,
si les chapiteaux des gaines n’avaient pas l’air de se dérober
sous l’entablement.
Les panneaux décoratifs sont peu représentés. Celui de
M. Van Rooten, de Bruxelles, se fait remarquer par l’élégance
des guirlandes et des rinceaux. M. Van Syngel, de Gand,
expose une porte complètement peinte et dorée, avec sujets à
figures allégoriques, d’un ensemble très-élégant. Ensuite, il y
a des panneaux peints, imitant les diverses variétés de bois et
de marbre, et je signalerai en ce genre ceux de M. Supli, de
Gand. Mais ce qui est amplement représenté, c’est l’imitation
peinte des tapisseries anciennes; il y a parmi les envois des
trompe-l’œil véritables, et notamment parmi les produits de
M. Very-Lion, de Gand, et de M. Lefevre, de la même ville.
Ce dernier a employé un procédé mixte en obtenant ses ac-
cents à l’aide de broderies réelles faites à la soie blanche ou
de couleur.
Sans vouloir apprécier ici ce genre à un point de vue géné-
ral, nous constatons que les progrès faits en ce sens ont été
rapides et que leurs résultats sont étonnants.
La chambre syndicale avait fait un appel aux ébénistes pour
l’ameublement d’un bureau de grand industriel. Deux concur-
rents ont répondu à cet appel et ont fait des envois très-remar-
quables. Ce sont M. Rosel, de Bruxelles, et M. De Coninck,
de Gand (en collaboration avec M. Masson, de Bruxelles).
L’œuvre de ces derniers, primée par le jury et ce avec félicita-
tions spéciales, est très-reussie; nous ne pourrions guère y
reprocher que la fragilité apparente du fauteuil, fait avec les
mêmes éléments que les chaises. Maintenant que dire de la
généralité des autres meubles exposés? On en voit de tous les
styles, depuis les meubles gothiques aux formes sèches et à
l’ornementation compassée, jusqu’aux meubles genre moderne
péchant par l’excès contraire. La note vraie, et qui se trouve
entre les deux extrêmes que nous venons de signaler, est re-
présentée à l’Exposition par un charmant petit meuble renais-
sance, aux sculptures fines et grassement traitées, qu’on ad-
mire dans le salon de M. Rosel. (Les sculptures des lambris
exposés par l'ancienne firme TassGn et Washer brillent par les
mêmes qualités.) Mentionnons aussi les meubles faisant partie
de l’exposition de M. Neirinck, de Gand.
Ce que nous avons constaté précédemment pour les imita-
tions de tapisseries, se remarque pour la faïence peinte. Il y a
ici un courant qui entraîne beaucoup de dames et auquel ne
résistent ni celles qui savent dessiner, ni celles qui ne savent
pas dessiner. Les faïences peintes par M. Dauge, de Bruxelles,
émergent, et de beaucoup, parmi ces nombreux envois.
Dans le compartiment des vitraux peints, nous distinguons
particulièrement les vitraux renaissance de MM. Stalens et
Janssens, d’Anvers, que nous trouvons réellement remarqua-
bles; puis les cartons de M. Van Crombrugghe, de Gand.
En papiers peints, il y a surtout l’exposition de M. Willems,
de Tongres, et dans l’imitation des cuirs anciens, celle de
M. Lanneau, de Bruxelles.
L’orfèvrerie religieuse, principalement représentée par
M. Bourdon-De Bruyne, de Gand, nous montre des pastiches
réellement admirables de l’orfèvrerie du moyen-âge. Il est fâ-
cheux que cette maison semble se confiner dans un art qui est
si peu vivant, alors qu’elle pourrait poursuivre sa marche
ascendante, si elle tâchait davantage de s’inspirer de l’orfè-
vrerie de la renaissance.
M. Dufour, de Bruxelles, nous montre, dans un sens unique
il est vrai, mais avec un succès éclatant, qu’il y a encore
moyen de faire du nouveau, tout en s’inspirant des modèles
anciens.
Les foyers exposés et qu’on décore des noms de foyers
Renaissance, foyers Louis XVI, etc., se traînent généralement
dans les données ordinaires. Mettons cependant hors de pair
M. Van Noten, de Bruxelles, qui expose, entre autres, un foyer
très original, même un peu bizarre comme conception, mais
dont les divers détails en cuivre fondu et ciselé sont de toute
beauté. Citons encore M. Vande Wicle, de Bruxelles, et M. De
Lairesse, de Liège. Les produits de ce dernier se font remar-
quer par une application de la céramique, qui ne manque ni
d’originalité, ni d’élégance.
S’il y a une spécialité ayant fait dans ces derniers temps un
progrès réel, et ce dans une bonne voie, c’est bien la ferron-
nerie. Il y a à l’exposition des spécimens de ce genre, réelle-
ment réussis; signalons, par exemple, la lanterne pour vesti-
bule, de M. Wauters-Koeckx, de Bruxelles.
Les maisons Longueval et Schoonjans, de Bruxelles, se dis-
tinguent pour les lustres, et les frères Labacr, d’Anvers et Vande
Velde, de Bruxelles, pour les dinanderies.
Citons maintenant pour les étoffes, M. Borreman, de Gand,
et M. Vander Borght de Bruxelles; pour les dentelles, la
maison Lepage, de Grammont ; pour les reliures, les maisons
Schildknecht et Ryckers, de Bruxelles, et nous aurons d’un
coup d’œil rapide passé en revue les principaux produits
exposés.
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Nous ne pouvons cependant pas omettre le charmant salon
de M. Fumière, de Bruxelles, ceux de MM. Neyrinckx et
Spilthoorn, de Gand, ni les produits hors de pair de Mrae Ver-
meiren-Coché, de Bruxelles.
Deuxième Section. — Projets des concours.
Les concours ouverts pour les dessinateurs industriels
étaient au nombre de dix. Pris en général, les résultats obtenus
ne sont pas remarquables, et si l'on se reporte aux expositions
précédentes (î), on doit avouer qu’on n’est pas en progrès.
On voit toujours en présence, deux catégories de concurrents :
des décorateurs ayant des notions incomplètes d’architecture
et dissimulant cette ignorance de la forme par un lavis à effet,
qui les trompe eux-mêmes, et de l’autre côté des élèves archi-
tectes présentant des compositions maigres, peu décoratives et
dans lesquelles les ornements et les figures sont traités d’une
façon déplorable.
Dans plusieurs de ces concours, les jurys ont jugé qu’il n’y
avait pas lieu d’accorder le premier prix. Parmi ceux qui ont
pu obtenir cette distinction, nous remarquons M. Gassé, de
Bruxelles, dont le dessin représente un candélabre à gaz, peu
nouveau mais très pratique ; M. Saintenoy, de Bruxelles, dont
deux dessinsontété couronnés ; l’un représentant un monument
funéraire, très distingué comme conception et comme rendu;
l’autre dessin est un projet de bibliothèque assez bizarre, et
dont aucun des membres du jury qui l’a primé ne voudrait
probablement comme meuble. Puis vient M. Desaucourt,
d’Uccle, avec un projet d’armoire à glace, pour lequel il ne
s’est guère mis en frais d’imagination. Enfin un joli dessin de
M. Van Crombrugghe, de Gand, donnant la décoration d’une
glace sans tain.
Troisième section. — Rétrospective.
Ici encore, il nous paraît qu’on n’est guère en progrès sur
l’exposition précédente et il serait cependant bien désirable que
cela fût. S’il est suffisant pour l’amateur de Bibelots de voir
réunis une quantité d'objets anciens, pourvu que leur authen-
ticité soit bien prouvée, le rôle que cette section doit jouer ici
implique un autre résultat.
En effet, la section ancienne doit prouver à nos artistes
industriels dégénérés, que primitivement leur art était mieux
représenté. Dès lors, il ne suffît pas d’admettre toutes sortes
d’antiquailles, il faut un choix entre celles-ci et mieux vaudrait
des reproductions d’objets remarquables que des originaux de
mince valeur artistique. L’art ne se paie ni de dates, ni de cer-
tificats d’origine, et les archéologues sont parfois trop disposés
à attacher toute leur attention à ces détails de catalogue et à
lâcher ainsi la proie pour l’ombre.
Malgré ce que nous en disons, la section contient beaucoup
de pièces de valeur, et nous en commençons une énumération
succincte, en signalant l’exposition collective des amateursbru-
geois, qui occupe un compartiment isolé, éclairé discrètement, et
d’un ensemble charmant. Beaucoup d’objets, ayant appartenu aux
corporations, datent du xvie, du xvne, voire du xvnE siècle, et ne
présentent qu’un intérêt secondaire, au point de vue de la forme.
Une cheminée du xvi° siècle, occupe le milieu du compartiment
et est entouré de landiers, grils, crémaillères, pincettes, etc.,
formant un ensemble très-réussi.
Parmi les pièces remarquables étalées dans le grand com-
partiment, nous citerons : la fameuse chape dite de Saint-
Liévin, venant de la cathédrale deSaint-Bavon ; une magnifique
cotte de héraut d’armes, appartenant à la ville de Gand; tes
bronzes de la fontaine romaine d’Angleur; un lustre en fer
forgé de la lin du xvie siècle, venant également de Saint-Bavon ;
des colliers de confréries; quelques fragments de ceintures de
l’époque franque; puis quelques beaux émaux de Limoges;
une belle coupe en vermeil provenant d’une corporation de
poissonniers; une intéressante peinture sur verre, dite : églo-
misée; un ravissant coffret en ébène; une jolie buire en cuivre
ciselé (travail afghan); un retable renaissance, avec dorures
sur fond bleu, etc., etc.
Si nous ajoutons quelques ivoires et autres objets du cabinet
de M. Wagner, de Gand; les médaillons, tabatières, etc., du
cabinet de M. de Limburg-Stirum ; une collection d’armes
anciennes de M. Van Duyse; enfin l’intéressante collection de
grès anciens exposée par la Société archéologique de Charleroi
et autres, nous arrivons à un ensemble qui ne manque certai-
nement pas d’intérêt, et qui, dans son cadre de vieilles tapis-
series tendues le long des murs, offre un coup d’œil très
agréable, malgré l’éclairage trop vif produit par le toit vitré,
qui couvre toute la superficie de cette salle.
En résumé, nous osons en parfaite sincérité formuler les
réformes suivantes, qui nous paraissent désirables dans l’orga-
nisation de ces expositions d’art industriel:
1° Plus de sévérité dans l’admission des objets modernes, au
risque de n’en tenir qu’un petit nombre.
2° Augmentation des primes accordées aux concours ouverts
entre dessinateurs.
3° Epuration dans le choix des objets anciens et admission
de bonnes reproductions dans la section rétrospective.
Nous aurions cependant mauvaise grâce, en finissant sur
ces critiques, qui n’entament pas l'œuvre prise dans son
ensemble. Celle-ci reste, comme nous le disions au commence
ment, un franc succès et nous en félicitons sincèrement le
comité directeur de la chambre syndicale. Fert.
(i) La chambre syndicale organise à intervalles rapprochés des concours
entre dessinateurs. |