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1879.
N° 11.
5e ANNEE.
ABONNEMENTS
S’adresser rue de la Pompe, 3
BRUXELLES
ANNONCES & RÉCLAMES
A FORFAIT
S’adresser rue de la Pompe, à
BRUXELLES
PUBLICATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
ADMINISTRATION
Boulevard du Heinaut. 74
Bruxelles
DARCHITECTURE
DIRECTION —RÉDACTION
Rue des Quatre-Bras, 5
Bruxelles
DE BELGIQUE
-déposé- BUREAUX : RUE DE LA POMPE, 3, BRUXELLES - déposé-
—73—
Bruxelles, Novembre 1879.
SOMMAIRE
Lr dessin architectural, E. A. — Anvers : la Tour
bleue et la Porte d'Alençon, E. A. — Pains : les grands
travaux. — Œuvres publiés. ■— Faits divers.
Le Dessin architectural
Je le répéterai avant tout : Je ne suis pas abso-
lument l'adversaire du dessin au lavis, mais,
depuis plusieurs années, j’ai pu observer l’influence
désastreuse du dessin lavé, ombré et, qu’on me passe
le mot, fignolé, et je n’ai pu m’empêcher de m’in-
surger contre une tendance absolument déplorable
qui aurait pour conséquence fatale la substitution
du chic au travail, ardu le plus souvent, de la
composition.
Et j’en appelle à tous ceux qui se sont préoccupés
de cette question : le dessin architectural; ils recon-
naîtront, s ils ont construit, que reflet, à l’exécution,
n’a presque jamais répondu à ce que leur faisait
espérer leur dessin à effet.
Et j’ajouterai, n’osant espérer un aveu, que lors-
que l’on s’occupe des dessins d’exécution, il est
presque toujours impossible de s’enfermer dans la
donnée générale du projet rendu avec chic, d’inter-
préter, en leur donnant l’accent voulu, les éléments
principaux, sans leur faire subir de notables modi-
fleations.
Tout cela est basé sur cette simple observation :
l’impatience de l'artiste à demander à son dessin
un écho do l’impression rêvée, un reflet du carac-
tère, de l’expression qu’il a voulu donner à son
œuvre.
Mon honorable contradicteur, Umbra, me dit
avec raison : Si vous voulez apprécier la relation,
qu’il est si important d’étudier de près, des vides et
des pleins dans une œuvre quelconque, vous poserez
des teintes dont l’opposition vous accusera cette
relation.
Ce n’est donc qu’un moyen pour arriver à faire
correctement, par le dessin, l’œuvre conçue. Mais
croit-on que ce moyen soit exact toujours. Poser
des teintes sur les vides, c’est les faire valoir, c’est
donc accuser leur importance ; si la teinte est posée
sur les pleins, c’est exagérer leur effet. R faut donc
en arriver aux teintes combinées, en supprimant
complétement le lavis.
Mais le lavis ne peut être, j y reviens, qu’un
moyen d’arriver à la forme absolument correcte,
aux proportions harmoniques qui conduirait à
l’unité.
Dès lors, pour le dessin absolument étudié et
présentable, le lavis est complètement inutile.
* •¥■
Il ne s’agit donc plus que de se préoccuper de
cette question : faire comprendre, faire voir aux
autres ce que l’on a vu par l’imagination, par la
pensée.
Il ne s’agit donc que d’une question de modelé
architectural, c’est-à-dire de 1'effet des reliefs, des
plans.
Que faut-il de plus, pour cela, que le contraste
des accents, les oppositions? Les teitnes plates, plus
ou moins fortes, suffiront donc, et elles auront
d autant plus de vérité quelles seront traitées avec
plus de sobriété.
Mais il est, une question plus importante au point
de vue du dessin : c’est l’étude des combinaisons
de matériaux au point de vue de la coloration.
Là °re, que le dessin soit sobre. Que l’on
n'oublie pas que nos matériaux, quels qu’ils soient
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sont ternes dans leur tonalité, que certaines colo-
rations l’approchent les objets, alors que d’autres
les éloignent, qu’enfin, dans la nature, sous l’action
de la lumière ou des ombres, toutes ces teintes se
perdent ou se modifient pour devenir, dans certains
cas, d une coloration uniforme.
* H-
Que l’on se pénètre surtout qu’il est impossible
de rendre exactement tous les effets; que, par
exemple, les corps ronds ne produisent pas du tout
l’impression que le dessin leur donne par les teintes
successivement accusées ou adoucies; qu’outre la
dégradation des ombres il y a, à l’exécution, la
perspective .de la forme qui modifie les lignes qui
arrêtent les masses de l’objet.
Qu’un dessin au lavis n’est basé que sur les con-
ventions. Qu’enfin, et pour cela même, il ne peut
jamais être vrai qu’accidentellement.
*
Le vrai dessin architectural est le dessin au
trait, car en architecture rien n’est laissé au
caprice, à la fantaisie.
Si l’imagination donne ou crée les combinaisons,
les formes, les relations sont des conséquences
absolument logiques, et jusqu’à un certain point,
absolument mathématiques.
Et même dans les effets d’ombre et de lumière,
dans les oppositions et les contrastes de proportions
et de plans, c’est le raisonnement qui est le seul
guide absolument certain lorsque l’artiste possède,
ce que l'étude ne lui donnera pas malheureusement,
cette vue intérieure : la conception.
* *
J’arrive à une considération d’un autre ordre.
Si la conception est un don naturel, ce qui est
incontestable, il en est d’autres, parmi lesquels la
facilité.
La facilité est ce don, fâcheux lorsqu’il n’est pas
accompagné du savoir et de l’esprit de création,
qui conduit infailliblement au dessin de chic.
Que de peintres, habiles à fixer une impression,
n’ont jamais produit un tableau ; que de sculpteurs,
d’une dextérité étonnante à l’esquisse, à l’ébauche,
n’ont jamais fait que des déhanchés ou des désossés
sculpturaux.
Que d’architectes, je devrais dire que de dessina-
teurs, habiles à faire de jolis petits dessins, de
mignonnes esquisses, n’ont jamais produit que cela
de bien.
Il est un grand nom au bout de ma plume; vous
connaissez tous ses superbes croquis ; comparez-y
les œuvres dues absolument à sa conception 1
Et jugez...
* *
« On devient cuisinier, mais on naît rôtisseur »,
a dit Brillat-Savarin, le plus spirituel gourmand
qui fût jamais digne de diriger le plus illustre
Vatel.
Eh bien, on devient dessinateur, mais on naît
architecte, et si Brillat-Savarin avait appliqué son
goût exquis à l’étude des beaux-arts, il n’aurait que
deux mots à changer à son aphorisme.
Le fait est qu’en matière d’art, certaines qualités
s’acquièrent, tandis que d’autres semblent être des
dons naturels auxquels l’étude chercherait vaine-
ment à suppléer. Certes, il n’en faut pas conclure
que ceux qui ont le bonheur de posséder ces dons
soient dispensés, par cela même, de toute espèce de
travail, yl’étude.
Il est à remarquer que les natures les plus heu-
reusement douées sont souvent les plus disposées au
laisser-aller, au paradoxe, et, ce qui est plus fré-
quent et plus fatal, au facile contentement de soi-
mème.
— 75 —
-
Combien de gens possèdent l’esprit naturel et
n’ont jamais été bons à rien.
L’esprit naturel qui a inventé l’argot en littéra-
ture, futile quand il n'est pas dévergondé, peut bien
faire rire un instant, briller d’un éclat éphémère;
mais, s’il n’est pas nourri par les fortes études, les
œuvres qu’il inspirera resteront toujours vaines :
elles ne parlent ni au cœur ni à l’intelligence.
De même dans les arts.
On admire la fougue, la promptitude de main
d’un peintre, l’éclat, le prestige de sa couleur ; on
les apprécie parce qu’ils sautent aux yeux. Mais on
ne se déclare pas satisfait pour cela, et le véritable
connaisseur, l’homme d’art, n’admirera pas moins,
pour être moins apparente, la science profonde que
l’artiste a mise dans son œuvre, l’étude de son art,
par laquelle il s’y est préparé.
Les premiers dons ne sont que la caractéristique
de l’école de l’à-peu-près.
Et qu’est-ce, au fait, que l’école de l’à-peu-près?
N’est-ce pas là où nous trouverons le facile conten-
tement de soi-même?
N’est-ce pas là ce qu’il faut pour attirer l’attention
du public des expositions?
N’est-ce pas de ces œuvres-là que l’on dira : De
loin c’est quelque chose, de près ce n’est rien ?
* *
Je ferai miennes ici l’opinion des maîtres les plus
réputés, résumée comme suit dans le cours d’archi-
tecture donné à l’Ecole polytechnique par M. 1 ar-
chitecte Durand :
« Le dessin sert à se rendre compte de ses idées,
» soit lorsque l’on étudie l’architecture, soit lorsque
« l’on compose des édifices. Il sert à fixer les idées,
n de manière qu’on puisse, à loisir, les examiner de
r nouveau, les revoir et les corriger. Il sert à les
» communiquer ensuite, soit aux ordonnateurs,soit
« aux divers entrepreneurs qui concourent à l’exé-
* cution des édifices ; on sent, d’après cela, combien
» il importe de le rendre familier.
» Le dessin est le langage naturel de l’architec-
» ture; tout langage, pour remplir son sujet, son
« but, doit être parfaitement en harmonie avec les
» idées dont il est l’expression; or, l’architecture
» étant essentiellement simple, ennemie de toute
» inutilité, de toute recherche qui puisse en déna-
« turer le caractère, le genre de dessin dont elle
« fait usage doit être dégagé de toute espèce de
« prétention. Alors il contribuera singulièrement
« à la célérité, indispensable dans la conception;
» à la facilité de l’étude et au développement des
» idées.
« Dans le cas contraire, il ne fera, le plus sou-
» vent, que rendre le jugement faux. »
Il nous reste, avant de conclure, à parler du
dessin au trait, dessin de la forme et rendu du
modelé; j’en ferai l’objet de ma prochaine étude.
E. A.
(A continuer.)
Anvers. — La Tour bleue et la Porto d'Alençon
Il nous arrive à la fois de la métropole des arts (!)
ces deux nouvelles : _
La mise en adjudication de la prompte démolition
de la Tour bleue, et la réédification, dans le plus
bref dél vi possible, de \ arc de triomphe d Alençon
qui faisait partie, jadis, de la porte de Borgerhout.
k
3f.
Cela est tout simplement colossal, quand on se
rappelle les incidents qu’a fait surgir la démolition
du second de ces édifices : la, porte d’Alençon.
Et nous ne pouvons nous empêcher de dire avec |