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l'instant même oû l'entrepreneur de ce pont lui faisait subir l'épreuve
du bout de l’an, prescrite par le cahier des charges. Une vingtaine de
personnes, hommes, femmes ou enfants, occupés au transport des gra-
viers destinés au chargement, ont été précipités dans le fleuve, et ont
disparusous les eaux qui malheureusement se trouvent très fortes. Qua-
tre de ces infortunés ont été déjà retirés sans vie. Tous nos bateliers
sont actuellement à la recherche des autres victimes.
» L’entrepreneur qui se tenait au milieu du pont, à la tête des travail-
leurs, est seul parvenu à se sauver à la nage. Deux enfants qui se trou-
vaient au-dessous de la passerelle ont été, dit-on, écrasés par la chute
des chaînes et des poutres; les pyramides sont toujours debout; les
pierres d'amarre ont résisté. La chute du pont a été occasionnée parla
rupture des chaînons verticaux qui unissaient les grands câbles au
plancher qui, dans sa chute, a entraîné le câble du côté droit. Les deux
rives du fleuve sont couvertes d’un grand nombre de personnes, ac-
courues sur les lieux à la première nouvelle de cette fatale catastrophe. »
{Mémorial bordelais, du 24.)
Hier, à deux heures, le roi a passé, dans la salle des maréchaux, la re-
vue des équipages de la Belle-Poule et de la favorite. Plusieurs marins
ont été décorés.
Voici ce que nous lisons à ce sujet dans le Moniteur :
Hier, 26 septembre, les marins des équipages de la frégate la Belle-
Poule et de la corvette la Favorite, qui ont escorté jusqu’à Paris le cer-
cueil de l’empereur L'apoléon, sont partis de l’Ecole miliLaire, ayantà
leur tête Mgr. le prince de Joinville, leur commandant, qui lesacouduits
dans la salle des maréchaux.
Le roi s’y étant rendu, accompagné de la reine, des princesses, des
ducs de Nemours et d’Aumale, et de M. l’amiral Duperré, ministre de la
marine, a passé devant le front des marins qui ont fait retentir la salle
des cris de Vire le Roi !
Ensuite le roi s’est placé au centre, et, ayant ordonné à Mgr. le prince
de Joinville de faire ouvrir le banc, S. M. a dit :
« Mes chers camarades, mes braves marins, le temps ne m’ayant pas
j> permis de vous passer en revue, comme je me le proposais, je vous ai
» réunis autour de moi pour vous témoigner toute ma satisfaction de la
» conduite de la Belle-Poule et de la Favorite dans la mission que Vous
v venez d’accomplir. J’ai voulu que vous escortiez jusqu’au sein de la
» capitale le corps de l’Empereur Napoléon que je m’estime heureux
» d’avoir rendu a la France, et c’est avec plaisir que je saisis cette occa-
» sion de vous manifester l’affection que je porte à la marine. Je lui en
» ai donné un gage bien cher à mon cœur en plaçant mon fils dans ses
» rangs, et j’étais impatient de vous dire combien je jouis de la con-
» fiance et de l’affection qu’il vous inspire. En quelques lieux, dans
» quelques parages que vous conduise votre devoir envers notre patrie,
n vous le trouverez toujours prêt à partager vos dangers, età soutenir
» avec vous l’honneur du noni français et la gloire de notre pavillon.
n A présent, mon cher amiral (dit ensuite le roi en se tournant vers
« SI. le ministre de la marine), veuillez appeler ceux de ces braves ma-
j> rins qui viennent d’obtenir la croix delà Légion-d’Honneur, afin que
» j’aie la satisfaction de la leur donner moi-méme. «
Et aussitôt M. l'amiral Duperré a appelé :
SI. Gosselin (Jean-André), 1” maître de timonerie de 1>* classe de la
Belle-Poule.
M. Bonnet (Marc-Bernard), 2' maître de manœuvre de 2« classe de la
Belle-Poule.
M. Pons (Maxime-Sauveur), capitaine d’armes de 2« classe delà Favo-
rite.
M. Hallot (Alphonse-Victor), matelot de la U-classe de la Belle-Poule.
Ces braves ont reçu successivement la croix de chevalier de la main
de S. M. ; après quoi Mgr. le prince de Joinville a fait fermer le banc
et a défilé devant le roi a la tète des marins.
S. M. a daigné accorder la même distinction à M. l’abbé Coquereau ,
chargé d’accompagner le corps de l’Empereur Napoléon àSte-Uélène.
Affaire de Tanger.
L’expédition contre Tanger paraît décidée, à ce que nous apprend le
Sémaphore du 23 décembre, qui nous arrive par voie extraordinaire.
Ce journal donne les détails suivants sur l’origine de la querelle:
« On se rappelle que notre consul à Tanger a été gravement insulté
par les autorités de celte ville, que son domicile a été violé, et que des
Français ont été assaillis parla populace de ce pays. Il s’agit maintenant
de forcer l’empereur du Maroc, Muley-Abderam.ànous donner une ré-
paration de l’outrage fait à notre pavillon. La première division de I’ps-
cadre du Levant, forte de six vaisseaux, va se diriger vers les côtes du
Maroc avec la mission d’apprendre à ces barbares que ce n’est pas im-
punément qu’ils pourront se permettre d’insulter nos représentants.
» Nous croyons devoir mettre sous les yeux de nos lecteurs un récit
fidèle des événements qui ont appelé les légitimes représailles de la
France, entre le Maroc. Nous les puisons dans une lettre écrite de Mo-
gador à la date du 18 octobre. Voici les faits. Un spahis, tomba entre les
mains d’Abd-el-Kader à la suite d’une affaire qui eut lieu entre les trou-
pes françaises et celles de l’émir, à Mazagran. Là le spahis réclama pour
aller en France, ou retourner en Algérie, la protection de notre agent
consulaire dans ce pays.
n Ce dernier comprit la justice de la réclamation du réfugié, mais
comme il s’agissait d’un musulman, la négociation pouvant devenir dé-
licate, il l’engagea à se rendre à Mogador où se trouverait le consul de
France qui pouvait plus facilement arranger l’affaire. Le pauvre soldat
se mit en route, sans retard, et après un voyage de plusieurs jours, se
présenta chez M. Delaporte, consul de France à Mogador,à qui il exposa
immédiatement sa situation et ses projets. Notre consul lui promit sa
protection et l’engagea seulement à attendre la fin des fêtes du Rhama-
san pour faire les démarches nécessaires auprès du gouverneur de la
ville.
» Quelques jours après, en effet, le soldat algérien fut présenté par le
consul à ce gouverneur, mais celui-ci ne se montra nullement favorable
au malheureux réfugié ; il se refusa obstinément à admettre qu’un sol-
dat algérien au service de la France dût être regardé et traité comme
sujet français. Il se fondait sur ce que des chrétiens ne peuvent proté-
ger des musulmans Le spahis est maure, disait-il, ainsi la France ne
peut exiger d’étendre jusqu’à lui le droit de protection; autant vau-
drait , ajoutait-il, que le consul de France annonçât qu’il prenait, sous
sa tutelle, tous les sujets de l’empereur du Maroc. *
n Les remontrances amicales de M. Delaporte ayant été vaines, il crut
devoir employer un langage plus décidé, il menaça le gouverneur au
nom de la France; mais oet insolent, au lieu de revenir de son entête-
ment fit jeter en prison et charger de chaînes le pauvre soldat qui n’a-
vait à se reprocher que d’ètre resté fidèle à son drapeau adoptif. M.
Delaporte, avant de prendre des mesures extrêmes, voulut laisser à ce
fanatique gouverneur le temps de la réflexion, et il laissa s’écouler vingt-
quatre heures, après quoi, il convoqua extraordinairement la nation |
française à Mogador, qui se composait seulement de M. le consul et de :
son chancelier, de M. César Foa, négociant à Marseille, et de son neveu.
Ces messieurs, le consul entête, se rendirent auprès du gouverneur.
M. Delaporte fitalors sa dernière sommation; il demanda queliberté fut
rendue sans retard au détenu, sous peine de voir le représentant de la
France amener son pavillon et rompre tonies relations diplomatiques.
Le gouverneur, visiblement satisfait de mettre ainsi en émoi le repré-
sentant d’une grande nation, ne voulut consentir à rien. Alors M. Dela-
porte déclara rompre toutes relations avec le gouvernement du Maroc,
me, le cadavre de son époux dans le suaire des morts ; elle présida à
ses funérailles, et abandonna la misérable maison qu’elle occupait après
avoir fait argent des meubles et des bijoux qu’elle possédait, sans qu’au-
cun signe eut trahi la douleurqu’on eût dû lui supposer.
A partir de ce jour, personne ne put dire ce qu’était devenue Mar-
guerite Lambrun, car personne ne la reconnut sous l’habit d’homme
qu’elle portait et sous le nom d’Antoine Sparch qu’elle avait pris. En
effet, Antoine Sparch, depuis quelques mois qu’il habitait les abords de
Saint-James, passait pour un jeune gentilhomme écossais venu à Lon-
dres pour tenter la fortune, et l’assiduité avec laquelle il cherchait à
s’approcher d’Elisabeth toutes les fois qu’elle sortait, donnait lieu de
croire qu’il espérait attirer les regards de la reine sur son beau visage
et sur sa taille élégante. Mais, disait-on, le temps était passé oü la reine
aimait à récompenser par une faveur royale l’admiration amoureuse
qu’on semblait éprouver pour sa personne, et on conseillait à Antoine
Sparch de chercher d’autres moyens de réussir.
— Non, non, répondait Sparch; si jamais je puis approcher la reine
d’assez près pour que personne ne se trouve entre elle et moi, je suis
sûr d’avoir d’elle ce que je veux.
Plusieurs mois se passèrent ainsi, lorsqu’un matin la reine étant des-
cendue d’assez bonne heure dans le parc pour que la foule n’exigeât
pas une surveillance très active, Antoine Sparch put franchir la ligne de
soldats qui accompagnait la promenade royale. Un garde seprêta même
au passage de Sparch, en disant à l’un de ses camarades :
— Tiens, voilà ce petit gentilhomme écossais qui suit la reine depuis
si long-temps sans pouvoir lui demander la faveur qu’il espère. Détour-
ne-toi un peu, fais semblant de ne pas le voir, pour qnele pauvre dia-
ble lui remette le placet qui commence probablement à moisir dans sa
poche.
En disant ces paroles, il suivit du regardlejeune homme qui avançait
rapidement vers Elisabeth ; mais au moment où il pensait quel’obstiné
solliciteur cherchait quelques papiers sous son manteau , il vit avec
épouvante tomber un pistolet àses pieds, et entendit une violente déto-
et se plaça immédiatement, ainsi que ses nationaux sous la protection
du consul anglais.
» C’est à l’issue de cette scène que la foule, qui entourait lesFrançais,
se rua sur nos compatriotes avec des cris de fureur. Le vice-consul’ les
deux négociants furent frappés, renversés,leurs habits furent déchirés,
et ce ne lut que par une sorte de miracle qu’ils purent regagner leurs
demeures avec la vie sauve. L’autorité locale ne s’opposa nullement à
ces actes de brutalité féroce.
» Le lendemain, M. Foa ayant voulu quitter cette ville inhospitalière,
où désormais ses intérêts et sa vie n’étaient plus en sûreté, reçut 1 ordre
du gouverneur de ne pas sortir de sa maison, où il devait se" regarder
comme prisonnierde l’empereur. Force lui fut de se soumettre à cet
arrêt inique et si contraire au droit des gens.
» Sa captivité avait duré déjà vingt-huitjours lorsque l’empereur Muley-
Abderam, pour toute réponse à l’historique de l’affaire qui lui avait été
transmis par le gouverneur, a ordonné que tous les sujets et protégés
français fussent chassés de son empire ; ce sont les propres expressions
du firman, qui arriva à Mogador le 18 novembre, et qui reçut son exécu-
tion dans la même journée. M. Foa est parti immédiatement pour Palma
sur un navire espagnol.
» Tel est le récit exact des événements qui exigent une prompte répa-
ration. Cette fois, il ne peut y avoir équivoque sur la nature et la gra-
vité de l’insulte; aussi aimons-nous à croire que ce n’est pas à tort qu’on
a supposé tout de suite que la division de l’escadre du Levant se dispo-
se à faire voile pour le Maroc. »
Physionomie de la presse française.
La discussion qui continue à la chambre sur le travail des enfants dans
les manufactures, et les fortifications de Paris occupent toujours les or-
ganes de la presse parisienne; la condamnation de M. de Lamennais
attire aussi leurs réflexions.Leiirs commentaires, pour ce qui concerne 1
les discussions de la chambre, n'offrent rien qui mérite d’être rapporté;
nous continuons à nous abstenir de les rappeler.
Le COM MERCK contient une lettre du rédacteur en chef de ce journal
en réponse au rédacteur en chef du National au sujet du principe qui
diviseles deux journaux concernant les fortifications de Paris. Après
un exposé de son opinion, il pense qu’ils sont d’accord sur le but, qui !
est de mettre Paris à l’abri d’un coup de main de l’étranger; mais qu’il»
diffèrent profondément sur les moyens. Il persiste à croire que le pro-
jet qui a reçu un commencement d’exécution n’a reçu l’approbation de
la cour que parce que, sauf quelques légères modifications, il est le mê-
me que celui qui a été rejeté en 1833, et qu’il offre plus de danger pour
la liberté intérieure que desûreté contre l’ennemi du dehors.
Le NATIONAL consacre la majeure partie de ses colonnes aux débats
du procès de M. de Lamennais et aux réflexions que lui suggèrent la
condamnation prononcée contre lui. Voici comment il débute :
« La journée d’aujourd’hui, dit-il, marquera dans nos annales comme
une journée néfaste, une de ces journées dont le souvenir s’attache
comme une flétrissure à toute une époque. M. Lamennais, traîné par le
pouvoir sur les bancs de la cour d'assises, vient d’être condamné à usx
année de prison et à deux mille francs d’amende!.... Le rouge nou»
monte au front, en annonçant à la France un événementaussi imprévu,
et aucune expression ne saurait rendre la douleur profonde dont nou»
sommes pénétrés. Après avoir subi tous les outrages de l’étranger,
toutes les ignominies de la faction qui nous exploite avec tant d’audace,
il ne manquait plus à la France, pour combler la mesure de ses égare-
ments, que de frapper le génie et la vertu dans un de ses citoyens les
plus illustres. Mais pourquoi dire la France ? elle n’est pour rien dan»
ce qui vient de se passer ; elle en gémira, elle en rougira comme nous."
« Depuis le commencement de la session d’assises, ajoute-t-il, la police
avait pris les renseignements les plus minutieux sur chaque membre du
jury. L’affaire de M. Lamennais avait été fixée à la fin de la quinzaine
pour que les récusations de l’avocat-général pussent porter à coup sûr:
et le ministère a employé toutes les ressources dont il dispose pour ob-
tenir une condamnation.
«U y a quelques jours, un des hommes qui tiennent de plus près à M.
Martin (du Nord) s’écriait en parlant de cette affaire : « Nous somme»
sûrs d'une condamnation. »
Le COURRIER FRANÇAIS. Nous remarquons le passage suivant dan»
les réflexions que ce journal fait à ce même sujet :
« M. Lamennais a été déclaré coupable par le jury. La cour l’a con-
damné à un an d’emprisonnement et à 2,000 fr. d’amende. Nous respec-
tons la chose jugée. Mais n’est-il pas permis de penser que la justice
pouvait se montrer moins sévère sans péril ?
Il est toujours possible, en prenant une à une les phrases d’un écrit,
d’en dénaturer le sens ou d’en exagérer la portée. Ce système, que le
ministère publies suivi avec habileté dans le procès intenté à M. La-
mennais, a eu gain de cause auprès du jnry. On a traité l’auteur avec
la même rigueur que si la brochure incriminée avait excité en effet
quelque effervescence populaire condamnée parla loi. Par là même, on
a jugé l’intention plutôt que le fait. On a supposé que ce qui n’était pa»
arrivé pouvait arriver. On a réprimé un délit en perspective, une pensée;
or, la pensée ne tombe pas dans le domaine de la loi.
M. l’avocat-général a fait un être de raison du gouvernement du roi,
qu'il a distingué des ministres et du roi. Cet être de raison, inviolable
dans l'opinion du ministère public , est, à l’entendre, le pouvoir sur
lequel M. Lamennais avait déversé la haine et le mépris. Il parait que
le jury a pris cette accusation au sérieux ; cela nous fait regretter d’au-
tant plus le silence du défenseur sur un point aussi capital.
Il n’y a pas de tête si élevée qui soit à l’abri de la foudre. Mais c’est
une cruelle égalité que celle qui traite M. Lamennais, un des écrivain»
les plus justement célèbres de notre époque, comme un malfaiteur vul-
gaire. Un an de prison pour quelques phrases ! S’il y a délit, la peine est-
elle proportionnéeàl”offense? On a voulu frapper un coupable; ne court-
on pas le danger de faire un martyr ? »
Le CONSTITUTIONNEL s’attache à réfuter un article inséré dans la
Presse qui tendait à démontrer que la France était partagée en deux par-
ties bien distinctes ; l’une qui travaille, laboure, ensemence, cultive,
fabrique, échange, et que cette France là, composée de trente-trois
millions d’hommes, demande la tranquillité, l’ordre, la paix toujours,
etaujourd’nui. en particulier, le désarmement, et l’autre composée d’a-
vocats sans causes, de médecins sans malades, de journalistes, de com-
mis-voyageurs, qui ne compte tout au plus que cinq cent mille hommes,
fait ou lit les journaux, tourmente le Pouvoir, crée l’instabilité min isté-
rielle, et s'oppose aujourd’hui au désarmement.
n On a beau broder, dit-il, de beau langage ce vieux fond, on n’en
cache pas la pauvreté. Cela signifie qu’il y a un parti qui appuie le Gou-
vernement, et un parti qui le combat. 11 y a, en un mot, des Ministériels
et une Opposition. Est-il vrai maintenant que cette Opposition se com-
pose seulement des cinq cent mille avocats ou médecins sans clientelle,
et de ces commis-voyageurs qui, par paranthèse, appartiennentàcette
partie commerçante de la France qui travaille, qu’en un mot, cette Op-
position ne soit que ce qu’on présente comme le rebut de la popula-
tion Mais mon Dieu ! cette Opposition a pour elle au moins la moitié de
la première France, la moitié de la France électorale, la moitié de la
France parlementaire; c’est la France qui possède et qui travaille, qui
nomme la Chambre, et c’est la Chambre qui influe sur le Gouvernement.
L’auteur de l’article de la Presse a donc fort mal fait sa statistique. Il y
a au moins la moitié de la première France qui veut exactement ce que
la seconde veut à l'unanimité. Ainsi, que la Presse change ses classifica-
tions,ou plutôt qu’elle les supprime. En définitive il n’y a qu’une France
qui, pour le moment, n’est pas d’avis de désarmer. »
BElifilQiE.
Bruxelles, 20 décembre. — Leroi et la famille royale quitteront le
château de Laeken la veille de l’an, pour passer le reste de l’hiver au
palais de celte ville.
— Avant-hier, à 4 heures, après avoir subi de nouveaux interroga-
toires devant les conseillers-commissaires de la haute cour militaire, le
major Renard, commandant le camp de Beverloo, et le lieutenant Hu-
bain, adjudant de place au dit camp, ont été écroués en la maison de
sûreté aux Petits-Carmes, sous mandat de dépôt.
Sénat.
Séance du 28 décembre. — présidence de m. de schiïrveL.
A deux heures et demie la séance est ouverte.
MM. les ministres des affaires étrangères, de la justice et des travaux
publics sont à leur banc.
m. le président. Il nous est arrivé une pétition du conseil communal
de Jette-Ganshoren, qui demande que le sénat rejette le projet de sépa-
ration de celte commune, et une pétition des notables et de la fabrique
de l’église de Ganshoren, qui demande l’adoption du projet.
Je vous propose, messieurs, de renvoyer ces deux pièces à la com-
mission. S’il n’y a pas d’opposition, le renvoiest prononcé.
M. Van Muyssen a écrit pour faire connaître qu’il ne pouvait pas as-
sister à la séance, étant retenu chez lui pour des affaires urgentes.
m. de rouillé présente le rapport suivant :
Messieurs,organe de la commission à laquelle vous avez envoyé le
projet de loi accordant au département des finances un crédit ae fr.
2,000,000 pour faire face'aux services des mois de janvier et février 1841,
je viens en son nom vous en proposer l’adoption. Cette avance est né-
cessaire pour donner le temps de pouvoir régler définitivement le bud-
get des dépenses, et pour assurer, en attendant, le service du départe-
ment des finances.
m. de bouille présente le rapport suivant :
Messieurs, pour couvrir les dépenses du département de l’intérieur
jusqu'au moment où l’on présume que le budget pourra être discuté et
adopté, un crédit provisoire de 500,000 fr. vous est demandé ; nou»
croyons inutile, tout-à-fait superflu, d’entrer dans aucun développe-
ment pour vous engager à accueillir favorablement cettedemande; vous
connaissez, messieurs, la nécessité de cette mesure ; vous savez qu’il
est des dépenses dont l’ajournement ne serait pas possible. Nous nou»
bornons à vous en proposer unanimement l’adoption.
m. dupont d’ahérée présente le rapport suivant :
Messieurs, le budget des travaux publics ne pouvant être voté avant
la fin de l’année, M. le ministre de ce département s’est trouvé dans
l’obligation de demander un crédit provisoire pour les deux premiers
mois de i 841. Cette demande, présentée à la chambre des représentants,
s’élevait à la somme de 1,714,392 francs, conformément au tableau de
répartition sur les différents articles du budget qui est joint au projet.
La chambre des représentants a trouvé convenable de faire une ré-
duction à l’article 19, chapitre premier, personnel des ponts et chaus-
sées, de fr. 8308-34, ce qui fait que le chiffre de cet article n’est plus que
fr. 69,191-67, et le total du crédit proposé de 1,706,083 fr. 66 c. Ce crédit
ne liant pas le sénat pour le futur budget, votre commission a l’hon-
neur de vous proposer l’adoption du projet de loi.
m. le comte de quarré présente un rapport sur une demande de
transfert au budget des travaux publics.il conclut en faveur de l’adop-
tion.
La discussion générale de ces divers projets est ouverte. Personne ne
demande la parole. La discussion des articles est remise à demain.
La discussion est ouverte sur l'art. l«r de la loi du duel. Il est adopté
à une grande majorité.
Les art. 2 à 7 inclus ne donnent lieu à aucune discussion.
L’art. 8 commine des peines contre les témoins du duel.
m. le vicomte desmanet de BiEsuE propose la suppression de cet ar-
ticle.
m. de rouillé appuie cette suppression, et propose subsidiairement
de rendre facullive et non obligatoire la punition des témoins,
L’amendement de M. Desmanet de Biesme, appuyé par MM. de Renes-
se, et Duval de Beaulieu, est combattu par M. le ministre de la justice
et M. de Haussy.
Après quelquediscussion, cette propositionest mise aux voix par ap-
pel nominal, et rejetée par 21 voix contre 9.
La séance est levée à 5 heures et un quart. Demain, séance à 1 heure.
AUfVEHS, S» DÉCEMBRE.
La police a arrêté hier soir et mis à la disposition de M. le procureur
du roi, un voleur qui a déjà subi plusieurs condamnations. On recher-
chait cet individu depuis plus de trois semaines.
— Le Moniteur publie deux arrêtés royaux, l’un prorogeant jusqu’au
30 novembre 1841, la loi du 26 décembre 1859, sur l’orge, l’autre portant
des modifications au tarif des douanes, articles verreries et cristalleries.
Voici ce dernier arrêté :
Article unique. Par modification à la loi du 7 avril 1837, le droit de sor-
tie sur les verreries et cristalleries, tarifées au poids, est réduit à 5 cent,
par 100 kilog., et le droit de sortie, fixé à la valeur, sur les articles de
même nature, est réduit à cinq centimes par cent francs, etc.
— Un arrêté royal en date du 24 décembre autorise :
Les conseils communaux d’Austruweel, Oorderen et Wilmarsdonck,
province d’Anvers, à percevoir pendant quinze années, à partir de 1841,
dix centimes additionnels extraordinaires aux contributions foncièreet
personnelle, pour le produit de cette perception être affecté à la con-
struction d’une route pavée d'Oorderen vers Anvers.
Des lettres venant d’Asie, par la voie de Russie, avaient annoncé il y a
quelques jours l’entrée des troupes anglaises à Pékin.
Les journaux de Londres ont démenti cette nouvelle ou du moins l’ont
regardée comme prématurée.
La Gasette de Cologne annonce que l’on a reçu à Vienne des lettres de
commerce de St.-Pétersbourg en date du 5 de ce mois, qui assurent
qu’on a reçu dans cette ville la nouvelle venue par Kiackta de la prisede
Pékin et dû détrônement par les Anglais de l’empereur de la Chine.
Par voie extraordinaire.
Alexandrie, U décembre.
L'amiral Stopford, commandant supérieur des forces britanniques,»
refusé d’approuver la convention conclue entre le commodore Napier
et le vice-roi. Il a envoyé son chef d’état-major ici pour remplacer le
commodore. Le capitaine Franshave y est arrivé le 7 et immédiatement
il a sommé le pacha de se soumettre sans conditions en restituant avant
tout la flotte turque, mais en lui promettant l’hérédité de l'Egypte.
Après trois jours de négociations, le pacha s’est soumis sans condi-
tions, et le capitaine Franshave est parti le 10 décembre, emportant
l’acceptation du pacha.
P. S. Vous trouverez ci-jointe la lettre de l’amiral Stopford qui dé-
clare ne pouvoir adhérer à la convention Napier; et d’autres pièces,
dontje n’ai même pas le temps de vous faire l’énumération. {Indép.)
nation.
Le second pistolet était parti dans la main tremblante du meurtrier
pendant qu’il cherchait à l’armer.
On se précipita sur lui au moment où il ramassait celle de ses armes
qu’il avait laissée tomber, et on la lui arracha.
— C’est inutile, dit Antoine Sparch, celui-ci était pour moi.
Cependant Elisabeth était rentrée dans son palais sans qu’aucune al-
tération se fût montrée sur son visage. Elle adressa quelques questions
à ses officiers sur l’assassin, sur son nom, sur sa personne ; et ayant ap-
pris que c’était un jeune homme d’un visage doux et d’une stature frêle,
elle fut curieuse de le voir. Elle le fit doue venir devant elle, malgré les
représentations de Walsingham, Son plus habile ministre. Dès que le
meurtrier fut en présence de la reine, celle-ci lui dit :
•— Tu as déclaré à nos officiers être un gentilhomme écossais, et
le nommer Antoine Sparch ?
— Madame, répondit le coupable, je ne suis point un gentilhomme
écossais, je suis une femme ; je ne me nomme point Antoine Sparch, je
m’appelleMarguerithe Lambrun.
— Bonté divine! s'écria Elisabeth, unefemme ! une femme assassin !
— C’est extraordinaire, en effet, répartit Marguerite ; mais sans
doute Dieu l’a voulu ainsi : le bourreau a été une femme, la victime une
femme, et le vengeur devait être une femme.
Elisabeth demeura fort étonnée de cette réponse. Mais, lorsque Mar-
guerite Lambrun lui eut expliqué qu’elle avait été long-temps au ser-
vice de Marie Stuart, lorsqu’elle lui eut rappelé lamort de son infortu-
née maîtresse, et qu’elle lui eut raconté la terrible agonie de son mari,
le front d’Elisabeth devint plus pensif qu’irrité ; elle s’approcha de
Marguerite, et lui dit avec un accent de tristesse :
— Ainsi, en m’assassinant, vous avez cru faire votre devoir envers
votre reine et votre mari? Mais, dites-moi, que pensez-vous que soit
aujourd’hui le mien à votre égard?
Marguerite demeura un instant silencieuse, puis elle ajouta :
— Poht que je voue réponde, il faut que je saehe à quel titre vous
m’interrogez : est-ce en qualité de reine ou déjugé?
— C’est en qualité de reine, répliqua fièrement Elisabeth.
— En ce cas, répondit froidement Marguerite, votre Majesté doit me
faire grâce. - _
Les courtisans qui entouraient Elisabeth, sourirent de mépris et d’in-
dignation, et Walsingham voulut faire emmener la coupable; mais un
reste de la reine prévint cet ordre; et Elisabeth, s’adressant de nouveau
Marguerite Lambrun, lui dit avec une douceur extraordinaire en pa-
reil moment :
— Mais, si je vous fais grâce, quelle assurance me donnerez-vou»
que vous n’en abuserez pas, et que vous n’entreprendrez pas, une se-
conde fois, une action semblable dans quelque autre occasion?
— Madame, répartit Marguerite avec fierté, la grâce qu'on veut ac-
corder avec tant de précaution n’est plus une grâce, et ainsi vous pou-
vez agir envers moi comme juge.
Tous les courtisans et quelques ministres, accourus près de la reine,
firent éclater leurs murmures à cette impudente réponse, disant qu’il
fallait envoyer au suplice la misérable qui, non contente de son crime,
osait encore braver la reine. Mais Elisabeth se retourna de leur côté,
et leur jetant un de ces regards hautains qui imposaient silence aux
plus hardis, elle s’écria avec un accent d’ironie très marqué:
— Il y a trente ans que je suis reine. Messieurs; mais je ne me sou-
viens pas d’avoir trouvé jamais un ministre qui m’ait donné une pareille
leçon, ni dit une si rude vérité.
Puis, sans vouloir entendre les remontrances de ses ministres, et par-
ticulièrement les observations du président de son conseil, qui voulait
absolument faire punir Marguerite Lambrun, elle lui accorda sa grâce
entière, et sans condition. Il lui fallut aller plus loin, et protéger la cou-
pable contre le zèle de ses ministres, en la faisant conduire, sur sa de-
mande, hors le territoire du royaume, et ne l’abandonnant que lors-
qu’elle fut en sûreté. ,
Frédéric SOULIE.
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