Full text |
THEATRE ROYAL DE LA MONNAIE.
SIEGFRIED.
(Correspondance particuliere du Précurseur).
Bruxelles, 14 janvier.
L’apparition de Siegfried à la Monnaie est un
cordial puissant administré en temps voulu au
grand répertoire de ce théâtre, qu’une anémie grave
appauvrissait vraiment depuis le départ en congé
de M1,e Dufrasne, la falcon engagée pour Bruxelles,
et qui depuis deux mois chante à Rouen.
Gageons pourtant qu’il ne manquera pas de grin-
cheux pour trouver que le remède est trop réconfor-
tant et que l’alimentation nouvelle fournie au dit
répertoire est substantielle à l’excès ou même indi-
geste, disons le mot pour ceux qui le pensent.
Seigneur, qu’il est donc difficile de contenter le
public et son père!
Je le sais, ce début de lettre va me faire passer
pour un wagnérisle honteux qui tourne autour de la
question, parce qu’il n’ose pas avouer tout droit ses
sympathies pour la musique néogermaine. Ce en quoi
l’on se trompera bien.
Oui, j’ai des sympathies, et elles sont bien vives,
pour l’art de Wagner, mais je n’en ai pas que pour
celui-là.
L’école française, par exemple, qui bien longtemps
n’a pas voulu le connaître, cet art, a produit avant
ces vingt dernières années, donc en dehors de toute
influence wagnérienne, bien des œuvres quej’apprécie
et que je considère avec ceux qui les aiment, comme
de belles choses ayant réelle valeur.
D’où qu’elles viennent, les manifestations du Beau
m’occupent et m’enthousiasment.
Et point ne m’inféode.
I)e la catégorie des éclectiques je suis. Que l’on
veuille ne pas trouver mauvais que mon humble moi
désire en rester toujours.
Suspects soient ceux qui prétendent qu’il n’y a
d’autre musique que celle de Wagner.
Et suspects soient aussi les adversaires deces fana-
tiques quand ils soutiennent qu’il n’est de vrai mu-
sique qu’en dehors de Wagner.
Je me-méfie également de ces catégories de publics
dont les tendances contraires sont d'un exclusivisme
équivalent.
Est-ce à dire que je suis partisan d’un juste milieu
entre les nuances d’’art qui sont inconciliables?
Ge n’est pas même à supposer, je pense. En effet,
comment imaginer seulement des points de contact
entre la musique des Ecoles française et italienne et
celle de Wagner ?
Quel trait d’union les rapproche?
Oui, il y a ce fait que ces deux arts se manifestent
mômement par des sons et aussi qu’on eïi consigne
les productions par d’identiques procédés d’écriture.
Mais à part cela?
A par t cela il y a ce que bien des gens encore se
refusent à voir, c’est-à-dire que l'opéra d’une mart,
. et le drame lyrique, de l’autre, sont deux choses
aussi opposées que l’ombre et la lumière ; que l’un a
pour but la musique et pour prétexte une action. ;
tandis que l’autre ne vise que l’action en se servant
accessoirement — mais avec quelle puissance d’ex-
pression — de la musique.
Là, on cherche à charmer l’oreille, ici, on
ne veut que faire partager des impressions de sen-
timents.
Quelle différence !
Mais faire comprendre cela à certains est d’une
complète impossibilité.
En vain vous leur affirmerez qü'ii ïi’est point ques-
tion defnc plus écrire jamais d'opéras ou de rem-
placer dès demain leur répertoire affectionné par
celui des ouvrages de Wagner. En vain voudrez-
vous leur faire admettre que l’art peut se manifester
encore sous d’au tres formes que celle qu’ils préfèrent,
qu’à côté de cette dernière il peut s’en épanouir de
nouvelles et que la sympathie que l’on a pour l’une
n’est diminuée en rien par le culte qu’on voue à une
autre.
Rien ne sert, les têtus vous répondent qu’il n’est
qu’une musique, celle qu’ils connaissent. L’autre,
ajoutent-ils, personne ne l’a jamais comprise, encore
que bien des gens affirment — oh, par - pose » —
l’avoir pénétrée. Enfin,pour conclure, ils proclament
hautement... et platement que « Wagner n’était
qu’un fou! «
Vous demandez bien peu de chose, l’hospitalité
quelques soirs chaque année pour ce théâtre que
vous aimez sans jamais l’imposer à personne.
Mais vous avez osé dire que tout près d’un art qui
effleure agréablement l’esprit, il y en a un aujour-
d’hui qui peut éveiller vos sentiments dans toute
leur profondeur. Vous avez prétendu qu’il y avait
plus d’émotion, plus de grandeur dans tel héroïque
poème Wagnérien, mettons celui de la tétralogie
-7 d’idéalisme si grandiose — que dans la pénible
histoire de Lucie. Bien plus, impudemment vous
avez soutenu qu’on ne pouvait faire agir dans leur
pleine force les passions humaines, qu’en les prêtant
a des êtres libres et forts, êtres types des premiers
âges et que les héros en culottes collantes de notre
époque manquent de souffle pour entonner l’hymne
triomphal de l’Amour...
C’en est assez, c’en est trop même ! Que partout
le conservatisme musical vous ferme ces scènes où
vous vouliez instaurer Dieu sait quellessubversivités!
Mais tout le monde, parmi les Wagnéristes, ne
peut pas aller à Bayreutn...
Et les privilégiés qui ontcompris, qui ont ressenti,
11e sont pas légions... sinon des basiliques nouvelles
-s’élèveraient encore où l’on célébrerait le grand
génie !...
Et ce serait une belle chose que l’édification de ces
temples où s’entendraient seulement les voix magni-
fiques d’un art dont Wagner voulait faire une sorte
de religion.
Mais... l’argent, où le trouver ?
Il faut donc se résoudre à rester en nos théâtres
d’aujourd’hui et à demander de temps en temps
comme une insigne faveur, comme une concession,à
ceux qui les dirigent, l’audition de quelqu’une des
grandes œuvres du maître allemand.
Heureux est-on quand on tombe sur des adminis-
trateurs intelligents et oseurs comme MM. Stoumon
et Calabrési, à qui nous devons l’apparition présente
de Siegfried à la Monnaie.
Pour le surplus espérons dans le Temps, par qui
Beethoven fut vengé et qui à l’heure propice fait
éclater toute gloire méritée.
Qui sait si l’heure de l’universelle admiration
n’est pas, pour Wagner, plus près de sonner qu’on
ne le pense. Voici à ce propos quelque chose de
symptomatique. C’est un extrait de la Iteview of
the New- York Musical Season de 1888. Je cite
textuellement :
» La 4e saison du grand opéra en allemand com-
mença le 2 novembre au Metropolitan Opera
House et finit le 18 avril.
» Quatorze opéras y furent représentés dans
l’ordre Suivant : Tristan et Yseult, les Maîtres
Feuilleton du PRÉCURSEUR N° 12
PAR
GEORGES OH N ET
— Non. D’ailleurs, comment le savoir? Elle ne se
laint pas, elle tâche de dissimuler son abattement.
Mais elle ne peut pas me tromper, et je la vois, de
jour en jour, plus accablée... Oh! si'Davidoff, qui
t’a si bien soigné, était encore près de nous !...
A ces mots, le jeune homme pâlit. Il lui sembla
qu’il voyait apparaître le visage sardonique du mé-
decin russe. Que pourrait Davidoff? Etait-ce un se-
cond miracle qu’on allait lui demander ? Jacques sa-
vait bien que la science médicale était impuissante.
Il avait constaté l’inanité des moyens employés pour
le guérir. Le secours sauveur qu’il avait reçu lui
venait d’un monde mystérieux. Mais n’était-ce pas
au prix d’un terrible Sacrifice que ce secours avait
été obtenu ! Ne fallait-il pas, pour rafraîchir et for-
titirr le sang des veines, que le sang d’un autre se
répandit ? Et la tradition des holocaustes humains,
pratiqués dans l’antiquité, sur . l’autel des dieux
païens, n’était-elle pas tout entière rétablie par ce
dévouement d’une créature vivante, se donnant li-
brement à la Mort, afliî d’obtenir quelle fût clémente
envers un être déjà désigné, de son doigt funèbre?
Le prodige pouvait-il s’accomplir une seconde fois?
Et qui se sacrifierait? Pierre l’avait fait pour lui.
Qui le ferait pour elle?
La voix de sa mère le tira de sa méditation.
— D’ailleurs, même si le docteur était là, Juliette
voudrait-elle se soigner? Quand on l’interroge, elle
répond qu’elle ne souffre pas, qu’elle ressent un peu
de fatigue seulement,- et qu’il ne faut point s’inquiéter.
Mais cette indifférence, qu'elle affecte pour son mal,
chanteurs, Fidelio, Tannhauser, Siegfried, le
Prophète, le Trompette de Sahhingen (de Ness-
1er), Lohengrin,, la Juive, Faust, Euryanthe
(Weber), Fernand Cortez fSpontini), la Walhyrie
et le Crépuscule des Dieux.
» Après la clôture de la campagne allemande on
donna à l’Opéra Métropolitain une série de repré-
sentations anglaises et une autre de représentations
italiennes; les deux furent désastreuses. Pour l’opéra
anglais les pertes se chiffrèrent chaque semaine par
4000 dollars. Les pertes de l’imprésario italien ne
furent pas moins considérables, et les droits làbuleux
exigés par l’éditeur Ricordi pour les représentations
de ïQtello, de Verdi, contribuèrent dans une large
mesure au déficit. .
» Voici quelques chiffres de recettes de la saison
allemande. L’opéra qui a rapporté le plus est le
Siegfried, quia produit 37,124.50 dollars en sept
représentations. Après viennent le Crépuscule des
Dieux, qui a fait 30,324.00 dollars; Lohengrin,
15,847.75 doüars; la Walhyrie, 11,943.00 dollars;
Tristan, 8399.75 dollars.
» En cinq mois, la direction monta les impo-
santes nouveautés suivantes : Siegfried, le Trom-
pette de Sahhingen, Euryanthe, Fernand Cor-
tez et le Crépuscule des Dieux,
» L’intéressant annuaire de M. Krehbiel nous
révèle encore ces particularités piquantes sur la
marche de l’opéra allemand à New-York. Lespre-
miers mois de la saison n’avaient pas couvert les
frais. Les directeurs s’adressèrent aux actionnaires,
demandant de nouvelles provisions afin de pouvoir
continuer leur exploitation. Une assemblee assez
orageuse eut lieu, dans laquelle des actionnaires
hostiles à l’opéra allemand votèrent pour la clôture
du théâtre, agissant ainsi contre leurs proprés inté;
rêts. Ils prétendaient que l’opéra allemand avait été
tué par le wagnérisme. Mais iis ne composaient
qu’une infime minorité dans l’assemblée et on les
confondit en prouvant que les deux semaines qui
avaient le plus rapporte étaient celles durant les-
quelles on avait donné exclusivement les trois pièces
de VAnneau dit Niebelung.
» Dans la proportion de quatre voix ttôhire une,
l’assemblée a fini par voter l'é maintien de l’opéra
allemand et a accordé au directeur les crédits neces-
saires,
» Le désastre de. l’opéra italien et de l’opéra an
glais à New-York a fait remonter les actions de la
musique allemande. »
Qu’en dites-vous ? ..
En ce qui concerne lé Théâtre de la Monnaie je
doute fort que les représentations de Siegfried com-
mencées hier, fournissent une carrière moins fruc-
tueuse que celle de New-York en 1888. A éîi jüger
par la « première» l’enthousiasmé rie sera pas vite
refroidi. Il y avait biéri dàris la brillante assemblée
qui remplissait le théâtre quelques douzaines d'anti,
de tièdes ou d’indifférents, simples mondains, mais
on ne pouvait les compter au sein de la massé com-
pacte des wagnéristes d’aricieririe oti de fraîche date
qui étaient là. L’accueil fait à l’œüvre, qui constitue
pourtant la plus ingrate partie de la tétralogie pour
ceux qui n’en ont encore que d’incomplètes notions,
a dépassé de beaucoup celui qu’on en attendait. Les
trois fins d’actes ont été saluées par des salves
d’applaudissements plusieurs fois reriduvélees, celle
du tableau de la forêt a idéale ëü les honneurs d’une
ovation dont interprétés lyriques et orchestre avaient
leur part biéri gagnée. Rien deplus intéressant et
aussi de plus significatif que les attitudes de ce public
du premiersoir.D’abord silencieux,attentif, recueilli,
on l’a vu ensuite tour à tour saisi, puis remué, ému
et charmé durant l’acte de là forêt, frissonnant pen-
dant l’invocation à Èrda et le duo de la prophétesse
et de. Wptân. s’animant avec Siegfried lorsque celui-
ci brisé ia lance du dieu qui l’arrête, et ravi, conquis
tout à fait lors de la scène du réveil de Brunhilde et
du merveilleux duo d’ameur qui termine l’ouvrage.
Vraiment il y avait Comme un courant magnétique
qui courait d’âuditeur à auditeur, de fauteuil à fau-
teuil,presque sans interruption. On sentait, peut-on
dire, le pouls de cette foule, et aux battements
qu’il précipitait on devinait l’intensité d’impres-
sion, de vie, que la puissante exposition du draine
faisait courir dans toutes les veines.
On ne saurait le nier, pour qui a des nerfs cette
musique est vivifiante. Sa fécondité et sa richesse
d’orchestration, la somme d’idées, que le tissu de
celle-ci révèle presque généralement, sési commen-
taires si adéquats des situations dramatiques, tout
cela avec l’aliment puissant de colorations aussi
riches que personnelles et l’éclat des coups de lu-
mière gigantesques qui sillonnent l’invention de
l’œuvre, tout cela dans sa synthèse comme dans le
détail, offre à l’âme un réconfort qui doit opérer.
Par sa noblesse, sa virilité, sa haute et entraînante
éloquence et le souffle surhumain qui l’anime, l’art
de Wagner possède non pas seulement cette légen-
daire vertu d’adoucir les mœurs, mais cette autre,
d’un plus grand prix, d’élever les caractères, de les
fortifier, ae les tremper... et de les retremper aux
heures d’adversité. Je ne m’arrête pas aux ombres
du tableau, aux longueurs » évidentes —. mais
bientôt rachetées— que contient souvent l’œuvré du
compositeur.Quel génie n’a pas eu sescotésexcessifs?
Peut-on concevoir le développement énorme d’une
faculté sans préjudice pour celles qui y confinent ?
Je constate seulement l’influence que doit avoir sur
le moral d’une génération, le commerce de celle-ci
avec un esprit aussi haut, aussi solide,aussi immense,
et une imagination aussi colossale que ceux de Wa-
gner.
Qu’on ne dise donc pas que cette musique lasse.
Elle délasse, au contraire. Qu’on envoie l’entendre
les énervés et les mélancoliques. Après ce premier
bain ils seront fourbus, évidemment, mais après le
dixième ils seront rénovés.
Cette indication de thérapeutique peint paraître
singulière, surtout ici, et à propos d’art, mais qu’elle
ne fasse point sourire. Voici une opinion qui semble
de loin l’appuyer, elle est d’Edouard Schuré. Ecou-
tez : « Quand l’homme moderne, accablé aujourd’hui
par le labeur des sciences, par le réalisme des arts,
le matérialisme vide et prétentieux de notre âge,
secouera son joug pour se chercher lui-même,il aura
soif d’idéal, il reviendra aux grands types de la na-
ture humaine,capables de l’élever au-dessus des con-
ventions qui l’étreignent et de la mode qui l’étouffe.
Alors cette œuvre exercera sur lui une double attrac-
tion. Car de l’habitude paralysante de la réflexion,
de sa sagesse pénible et parfois écrasante, il aspire
à la spontanéité de la vie, à cette fontaine de Jou-
vence qui ne jaillit que des cœurs libres, des âmes
sans barrière. Le type juvénile de Siegfried répond
à ce besoin. Mais rhomme moderne cherche aussi
l’apaisement de ses doutes, de ses tortures, de sa soii
de connaître, dans le sentiment profond et immédiat
des vérités éternelles qui dominent la vie. A cet
élan répond en plus d’un sens Brunhilde, la
femme héroïque, dont l’âme aimante et consciente
est la révélatrice des plus hauts mystères. Quel que
soit le jugement de l’avenir sur cette œuvre, elle
vivra par ces deux.types qu’elle élève au rang de la
poésie universelle. »
Quelques mots pour finir sur l’interprétation de
l’ouvrage. Celui-ci, distribué en partie a de nouveaux
éléments lyriques, n’a pas bénéhcié de ce côté, d’une
entière homogénéité d’exécution. Hâtons-nous toute-
fois de reconnaître que les principaux rôles sont du
moins remarquablement tenus : M. Lafarge est un
Siegfried rose et blond de stature voulue et son, jeune
héros transsude à souhait tant l’ignorance de sa force
que l’insouciance de son caractère. Il dit le rôle excel-
lemment et avec une bravoure que ses moyens n’ont
pas démentie un seul instant. Pourtant Siegfried
aurait dès le second acte le droit d’être aphone. Il
faut de rudes poumons et de riches cordés pour aller
plus loin.
M. Bouvet lui aussi est remarquable. Il tient l’em-
ploi du maître des dieux avec toute l’ampleur vocale
et scénique que le rôle comporte. C’est un Wotan qui
fera époque a la Monnaie.
Mme Langlois a été, comme débutante, aussi satis-
faisante qu’on l’espérait, Sa voix a de la puissance et
si elle manque encore un peu de mielleux à l’aigu,
elle a, par contre, de superbes notes graves. Jolie
femme et gracieuse, Mmo Langlois est en somme une
Brunhilde agréable.
Mentionnons encore M1!e Morelli, chargée du rôle
d’Erda, M, Isouard, un Mime consciencieux qui
pourrait sans crainte être un peu plus contorsif et
grotesque, et M. Badiali qui fait lerageür et haineux
Albéric.
L’orchestre et son chef, M. Franz Servais» se sont
franchement distingués—lehr tâche n'étaitpàsmince
pourtant. --L’un et l'autre^ont bien près de l’absolue
perfection.
Enfin décors et mise en scène sont des plus soignés
et des mieux réussis.
FAITS DIVERS
liés crimes cl'Ascq et de Merlimont. — Nous avons
déjà faitremarquer que les assassins de Merlimont pour-
raient bien ne pas être étrangers au crime d’Ascq. Cette
idée a fait du chemin et la justice parait l’avoir adoptée.
Nous apprenons en effet, que Baillet et Dutilleul sont
attendus à Lille pour y être eorifrôtttës avec le§ témoins
entendus daris l’affairé d’AsCq, dórit l'instruction serait
récriiriirienéèe — les assassins de Merlimont ayant ôté
substitués à Marescaux et Choquel.
M. le commissaire centrale de Lille a présenté à la
servante de M. Dhainne, d’Ascq, chez qui un vol aveb
effraction avait été commis par Dutilleul, le tisonnier
dont l’origine est si activement recherchée; cette fille a
déclaré ne l’avoir jamais vu chez son maître. La police
incline à penser que cet ustensile a été la propriété de
MUo Delevoye, de Ronchin, dont la mort, restée mysté-
rieuses coïncidé avec un vol commis nuitamment chez
elle. Or, on sait fue Dutilleul eét fortement soupçonné
d’être l’auteur ds cë nouveau méfait. Il faut espérer que
la lumière se fera enfin.
Horrible assassinat à Courbevoie. — Une femme
de quarante-vingt-et-un ans, Mme Dessoigne,vient d’être
assassinée à Courbevoie, Cette femme, reUVc d’uh no-
taire de l’Ailier, habitait seule un petit pavillon, situé
au n° 115 de la rue St-Deriis; entre cette voie et la rue
de Goyla. VoiBi quelques détails sur cet assassinat dont
nous avons déjà parlé hier :
Malgré son grand âge, elle était encore robuste et
d’un esprit très alerte. Elle vivait de la modeste pen-
sion que lui avait laissée son mari, ancien proscrit de
décembre, et d’une petite rente que lui assuraient ses
deux filles, dont une, mariée à Paris, venait souvent la
voiri
La principale compagne de Mm° Dessoigne était sa
propriétaire, très âgée elle aussi, et qui chaque jour
venait causer avec elle une ou deux heures.Lundi soir,
cette dame ne se rendit pàs Chez sa locataire.Mais mardi
matin» veVs 9 h., -ne la voyant pas sortir de chez elle,
ainsi qu’elle en avait l’habitude, elle pénétra dans son
appartement. A peine avait elle franchi la porte de la
salle à manger, située au rez-dc-chaussée, qu’elle s’en-
fuit épouvantée. Dans un coin de la pièce, où tout était
bouleversé,’ elle avait aperçu Mmo Dessoigne , baignant
dans une mare de sang , la tête criblée de coups de
couteau,, iie donnant plus signe de vie. La pauvre
leirime, dont.les deux ni.ains étaient rqjetées en avant,
avait efl Vain cherché a se préserver des coups terri-
bles qu’on lui avait portés. Son visage était littérale-
ment déchiqueté ; l’œil droit pendait hors de l’orbite;
l’oreille était déchirée, la tempe ouverte, le nez tailladé.
Bref, les assassins, qu’à certains indices 011 peut suppo-
ser à plusieurs, s’étaient acharnés sur leur victime
avec une férocité inouïe. Ils avaient frappé à coups re-
doublés, retournant même dans la plaie fe large couteau
dont ils étaient armés.
Tout était sens dessus dessous dans l’appartement.
Les meubles étaient ouverts. Les tiroirs avaient été
fouillés et leur contenu était jeté pêle-mêle sur le plan-
cher. Il était facile de se rendre compte que le mobile de
ce crime atroce était ie vol. Mais les assassins n’avaient
dû trouver que 50 fr, environ, reliquat d’une somme de.
130 fr. touchée par M,n“ Dessoigné dans les premiers
jours de janvier. Une enquête a été ouverte parle com-
missaire de police. Il esta peu près certain que le crime
a été commis lundi, entre 7 et 8 heures du soir, car la
victime se couchait habituellement à 8 li.. et elle a été
frappée avant de se mettre au lit. Or, sa femme de mé-
nage l’a quittée vers 6 h. 1/2.
Le médecin légiste a procédé aux premières consta-
tations médico-légales et a déclaré que la victime avait
reçu le premier coup, assise sur le canapé. Ce coup a été
porté avec une telle violence que le couteau, à virole
vraisemblablement, a pénétré dans la plaie jusqu’au
manche.
Le corps de la malheureuse femme sera transporté à
la morgue, afin d’y être soumis à l’autopsie.
Pouf pénétrer dans le petit pavillon où habitait
Mme Dessoigne, ses assassins ont fracturé un cadenas
qui fermait la porte du jardin. On a retrouvé devant
cette porte la tenaille dont ils se sont servis pour cela.
M. Atthalin, juge d’instruction accompagné de M.
Goron, chef de la sûreté, et de M. James, inspecteur,
s’est transporté à Courbevoie dans 1 après-midi de
mardi. La fille de la victime s’y est également rendue,
et son fils, domicilié à Colombes, a été prévenu.
C’est étrange. Un voisin a affirmé que Mme Des-
soigne, qui vient de finir d’une si tragique façon, répé-
tait souvent que sa mère et sa tante avaient été assas-
sinées dans l’allée, sans que jamais leurs assassins aient
pu être découverts.
Fossoyeur assassiné — Un crime vient d’être com-
mis, dans des circonstances mystérieuses, dans le cime-
tière indigène de Bône.
Le fossoyeur Saïd, âgé de vingt-cinq ans, était allé
passer la journée en ville et il venait de rentrer quand
il fut tué par deux coups de feu. Le concierge du cime-
tière sortit au bruit des détonations et trouva le
malheureux fossoyeur agonisant. .
Plusieurs indigènes supposent que l’assassin voulait
atteindre le concierge et que, à cause de la nuit sombre
qu’il faisait, il s’est trompé en visant.
Une terrible agonie, une mort épouvantable, onze
orphelins, voilà le nouvel exploit ae l’inclémenee du
temps qui désole tout le pays.
Mardi matin, M. Eggermont, conseiller de légation,
son régisseur et son garde ont trouvé dans une pelouse
du château du Leignon, le cadavre gelé du nommé
Jean Delobbe, marchand de peaux à Leignon. Ce mal-
heureux, qui s’était perdu, a dû lutter avec une rare
énergie contre le froid qui raidissait ses membres pa-
ralysés, car ses ongles sont arrachés, et la neige toute
enlevée et entassée aux places où il est tombé, avant la
chute finale qui l’a tué.
Il laisse une veuve et onze enfants, dont la douleur
n’est pas à dépeindre.
Le crime de Vincennes. — M. {Guillot a interrogé
lundi matin, dans le cabinet de M. Goron, la femme
Barbier qui a assassiné la veuve Bazire à Vincennes.
Nous avons dit qu’elle avait fait des aveux complets.
Elle les a renouvelés dans cet interrogatoire : « Si j’ai
tué cette vieille, s’est-elle écriée avec colère, c’est qu’elle
me rendait la vie insupportable. »
Elle a raconté ensuite qu’elle avait pénétré dans la
chambre do la veuve Bazire, au moment où celle-ci, qui
sortait de l’église, venait d’y entrer. Elle était munie
d’une corde assez forte qui ficelait un paquet renfer-
mant des cadeaux que ses enfants lui avaient envoyés,
à l’occasion du jour de l’An ; elle y a fait un nœud cou-
lant et l’a passé au cou de la victime. Puis, brusque-
ment, elle a renversé cette malheureuse sur le parquet
et l’a traînée jusqu’au pied du lit. La veuve Bazire a
expiré promptement. La femme Barbier lui a mis en-
suite une caisse à roulettes sur le corps. « Elle s’amu-
sait chaque soir à traîner cette caisse sur le plancher»
C’était intolérable, Et puis, elle avait des pattes d’arai-
gnée et des pieds de corbeau. Enfin, maintenant qu’elle
est Morte, je dors tranquille. » ,
M. Guillot lui a demandé pour quelle raison elle avait
pris la pendule : « Elle tenait énormément à cette pen-
dule, a-t-elle répondu, c’est pour cela que je la lui ai
prise. » La femme Barbier a l’esprit tout a fait dérangé;
elle a, du reste, été traitée par M. Charcot à la Salpê-
trièrie.
Un nouveau scandale à Toulon. — Le câpitâihë
d’artillerie de marine G .. du port de Toulon: détaché
provisoirement à la Manufactures d’armes jxô Saint-
Etienne, a» par ordre du général commandant le corps
d’armée et sous l'ësdofte iFun Capitaine fie geimarmeMej
été dirigé sur la prison maritime de Toulon, étant ac-
cusé de viol sur des jeunes filles de dix à douze ans, de
Toulon: Cet officier sera traduit, la semaine prochaine,
devant le premier Honseil dë güerrë maritime; Il pro
teste Contre eeitë arrestation stiblte, jirôiëridaht qu’il
est victime d’un chantage et que l’autorité militaire de
Saint-Etienne a trop précipite les choses.
« Nous prescrivons volontiers le sirop de cbloral
de Follet qui, étant composé avec dp, chlqral de fabri-
cation française, présenté desùâraridesaë pureté qu’on
ne saurait attendre du ehloraldu commerce en général,
» Le sirop de Follet est la meilleure forme d’admi-
nistration du chloral ; sa conservation est parfaite et,
ainsi, conseillé, il n’irrite point l’estomac ». (Extrait du
Formulaire de Thérapeutique). 287
CflMiOTTjÜDÎcTATRE
BATAILLE UE BRACONNIERS ET DE GENDARMES. — Ull
véritable drame se Passait dans la nuit du 17 au 18
décembre dernier, à Sçhooten, dans un bois et à proxi-
mité de la Maison de rêeltisieri Van Berekelster.
Six individus, dont trois braconniers émérites, — l’un
d’eux n’a pas subi moins de 26 condamnations anté-
rieures, — les autres sont des ouvriers de chantier, qui
à la suite de copieuses libations faites à l’occasion de la
bienvenue de 1 un d’eux fêtée avec ses camarades, et
s’étaient laissés.entraîner à braconner, — à eux six ils
Comparaissent devant le tribunal correctionnel de notre
ville pour s’ètre rebellés en bande et à main armée, la
nuit, contre le brigadier De Vos et deux gendarmes,
avoir proféré des menaces de mort et chassé sans auto-
risation.
Ces individus braconnaient donc la nuit en question,
lorsque les deviX Chieris dofit lié étaient accompagnés
se mirent à aboyer ; ils avaient flairé les gendarmes,
qui précisément , étaient en tournée et qui, ayant en-
tendu un coup de feii; s’ôtaient riiis c'ri embuscade der-
rière des arbres.
Les .braconniers crièrent aux gendarmes d’avoir à. se
montrer, en menaçant de leur faire un mauvais parti.
Les gendarmes, dont les fusils n’étaient pas chargés,
battirent en retraite, poursuivis par les braconniers
qui faisaient entendre des cris et des menaces, et se
mirent à l’abri derrière la maison de l’éclusier où ils se
mirent en devoir de préparer leurs armes; et ils réveil-
lèrent ensuite i’éçlusier» pour lui demander s’il ne
reconnaissait pas à ia voix l’un ou l’autre de ces indivi-
dus. L’éelusier en reconnut effectivement un ou deux.
Sur les entrefaites, on entendait crier :
— Tirons sur l’éclusier !
— Non, tirez plutôt sur le brigadier !
Jugeant leur vie menacée, le brigadier donna l’ordre
do faire feu. et l’un des braconniers tomba grièvement
blessé. Les ([autres prirent aussitôt la fuite. Schenek,
l’homme qui avait été atteint, a reçu deux balles dans
l’épaule. Elles n’orit pu et: e extraites, et son défenseur
affirme qu’il est encore à l'heure qu’il est en danger de
mort bien qu’il ait pu comparaître devant le tribunal.
L’enquête a révélé que deux des braconniers étaient
armés de fusils ; seulement, il parait què ceux-ci
étaient déchargés au moment où les menaces ont été
proférées, ce qui semble indiquer que celles-ci avaient
plutôt un caractère fanfaron. Les autres avaient des
bâtons coupés dans le taillis.
Le tribunal a prononcé dans cette affaire des condam-
nations sévères, variant de 6 mois à 3 ans d’emprison
nement et des amendes.
demierIsToitelles
W aslrington, 15 janvier.
Le Sénat a adopté, par 39 voix contre 27, le pro-
jet de loi relatif au libre monnayage de l’argent dur
et simple comme substitution au projet financier.
Bulletin dos Bonrses
AVVKRS, 12; fan vier. — 2 3/4 h. —
Les affaires sont toujours calmes, mais la tendance
générale est meilleure. Les bourses étrangères sont
plus fermes, et l’abondance et le bon marché de
l’argent finiront par avoir raison du marasme actuel.
L’or à Buenos-Ayres est descendu à 329. Espérons
que c’est là le début d’une baisse importante.
En attendant les fonds de l’Etat Argentin sont
faibles : 5 0/0 1886 74, 4 1/2 0/0 Intérieur 54, Exté-
rieur 56 1/4, fonds provinciaux sans affaires : Cor-
do va 1888 25 1/2. Entre-Rios 1886 55.
Cédules D 29 1/8 A, série P 16 1/4, série or 50/052.
Uruguay 5 0/0 soutenu à 48 3/4.
Brésiliens très faibles : 4 0/0 76 1/2, 4 1/2 0/0 1879
90, 1882 82 1/4.
Paraguay 39 3/4. Venezuela 47.
Canadian-Pacifie ferme 395 à 400.
Fonds européens très fermes. Métalliques 79 1/8,
Nationales 79 1/4, Hongrois or 4 0/0 OO.Lots de 1860
1515, Allemand 3 0/0 86 1/2. Turc 18 3/8 ; lots 78 1/2“
Belge 3 0/0 98.70, 3 1/2 0/0 101.50, annuités 3 0/0
96.70. Lots d’Anvers 94.70, Bruxelles 95.50.
Bourse de Bruxelles
{Correspondance particulière dit Précurseur.)
Bruxelles, 14 janvier.
Les grands marchés sont très heureusement im-
pressionnés par la détente survenue dans la crise
monétaire. On a vu que Berlin vient à son tour de
réduire à 4 0/0 le taux de son escomp te.
Tous les bulletins sont empreints de la plus robuste
confiance dans mie vigoureuse reprise, et déjà les
dépêches nous apportent des cours en hausse. Le
mouvement qui se manifeste s’accentuera vigoureu-
sement après la répartition des souscriptions à l’em-
prunt de Paris et la remise aux intéressés des capi-
taux rendus disponibles.
Bien que l’emprunt aitété l’occasion d’un véritable
succès pour le crédit de la France, les journaux
français semblent regretter qu’il n’y ait pas eu plus
de petites souscriptions. On sait que la très grande
partie de l’emprunt a été souscrit par les grands
établissements financiers. Le Crédit Lyonnais avait
pour sa seule part souscrit plus de deux milliards
ae capital.
La Russie se prépare à son tour à solliciter les
souscriptions. Elle se propose d’émettre dans le cou-
rant du mois un emprunt de conversion do 320
millions 3 0/0,que par les soins du baron Rothschild
et de la Banque de Paris elle présentera sur le mar-
ché de Paris. Le taux d’émission sera, dit-on, de
84 0/0, c’est-à-dire trois unités en dessous du 3 0/0
allemand.
Disons à propos de ce dérider qu’on s’attend sous
peu à une poussée qui le porterait futx enviions de
90. Quelques paquets de flottant ehcofribrerit encore
le maréhe, mais le classement s’opère chaque jour
et une fois la situation nettoyée, la demande, non
servie, suffira pour provoquer là hausse que l’on
prévoit.
Le Portugal se propose de son côté d’empffûiifor
200 millions et chargera de l’opération le syndicat
franchis qui lui,a avancé 70 millions à 7 0/0 pour six
mois; Là ftussi un escompte les admirables res-
sourcés de la France potfr iriëne'ri à bonne fin cette
grosse opération. . .
On attend maintenant de connaître la sttiîé qui
sera donnée âtiA pricjjèts dé la Turquie, mais ofi
anticipe sur les événements et la rente turque est
tenue ici au delà de 19 p. c. < .
L’Espagnol ne,se laisse pas distancer, fixé à 76.50
pour ie cours de compensation arrêté le 13, nous
voyons le lendemain 14 la fc'nté fournir une grosse
étape de hausse et arriver très facilement à 70 1/4.
On ne fait plus rien en Sarragosse et très pëü dje
chose en Varsovie-Vienne. Aucune information offi-
cielle fi’ési VëîiUë jùsau’ici. démentir le dividende de
neuf roubles annoncé Mr ît-s journaux berlinois.
Le marché des valeurs traitées ùtt Comptant est
franchement mauvais en ce qui concerne les Valeurs
industrielles. .
La baisse qui s’est accentuée depuis le P'janvier
pour toutes lés valeurs charbonnières a pris depuis
le commencement de la semaine l’allure d’une véri-
table débâcle. Qn en jugera mieux par des chiffres
que par des mots. Nous dressons à cet effet, ci-des-
sous, uh tableau dés Coürs du 2 janvier, comparés a
ceux du 13 dito. Nos lecteurs remarqueront des
écarts de plus de 20 0/0 sans que rien dans la Situa-
tion de l’industrie charbonnière les ait justifies.
Désignation des valeurs. 2janv. 13janv.
Amercœur................... 1195.— 1125.—
Bois d’Àvroy,»,................ 615.— 580.—
Carabinier.........;mm,,..,. 270.— 235 —
Charbonnages belges........ 295:— 210.—
Chevalières à Dour............. 1730.— 1650.—•
Couchant................... 355.— 330:-—
Espérance et Bonne-Fortune.. 660. — 575.-“
Falnuée.................... 560.— 525.—
Foiltaifie-l'Evêque. » :....... 550.— 460 —
Gouffre.....m;.i.sm..,.i 520.— 480.—
Grand-Conty...............mm 925.— 790.—
Machine à feu (le Dour..... 1115.— gïüex-c.
Haine-Saint-Pierre......... 570 — 487.—
Hornu et Wasmes............ 2490 — 2400.—
Houillères-Unles........... 317,— 277.—
Ressaies..................;; 650 — 605 —
La Haye.................... 720 670 —
La Louvière.... .......... 400 — 860i—
Marihaye................... 1327 — 1240 —1
Patience ................. 1775. — 1740.—
Pâturages ét Wasmes 405.— 390.—
Poirier...............m:, 1000.— 925.—
Réunis de Charleroi........ Ôl§ — 425.—
Sars-Longchamps................ 1350.— Ü80.—
Unis-Ouest de Mons......... 440 — 400.—
Les valeurs sidérurgiques ne sont guère mieux
traitées que celles dont nous venons de faire le re-
levé ; les différences entre les cours sont moindres
mais le mal est pins invétéré, La peur, une peur
atroce des évéhéments, pèse seule sur la tenue des
charbonnages, tandis que pour l'industrie du fer le
mal provient d’une inaction dont on ne peut prévoir
la fin-et causée eu grande partie par les hauts pril
des combustibles. Les charbonniers préfèrent ar-
rêter la marche de nos grandes industries plutôt
que réduire leurs tarifs actuels, et malheureusement
la persistance des froids, qui provoque de nombreuses
demandes pour foyers domestiques, les secondent
dans leurs résolutions que nous n’hésiterons pas à
qualifier de funestes,
Nous avons relevé de bons échanges en actions
des usines à zinc et aussi en titres des Glaceries,
On n’a guère traité les valeurs étrangères, Les
Dahlbuscn sont difficilement vendables à 875 malgré
leur magnifique dividende.
Il y a permanence d’acheteurs en Economiques du
Nord à 533.
Métaux et clidrbonS. — Les froids ne disconti-
nuent pas et sévissent sur la plus grande partie de
l’Europe. Cela fait joliment l’affaire de Messieurs les
charbonniers qui ne savent extraire suffisamment
de combustibles pour satisfaire aux nombreuses et
pressantes demandes qui affluent chez eux. Tous les
approvisionnements sont épuisés et les transports
par voies d’eau sont interrompus depuis deux se-
maines ; cela fait que les wagons de chemins de fer
sont vivement enlevés et continuellement en service.
Les charbonnages qui produisent les qualités indus-
trielles ne sont pas assaillis de la sorte et cela se
conçoit, surtout en présence du marasme dans le-
quel se débat actuellement l’industrie du fer ; mais,
c’est égal, la grande prospérité des charbonnages à
maigres rejaillit sur ceux à gras et si les premiers
ne suffisent pas à satisfaire aux demandes, on se
rejette sur les seconds.
Puis les charbonniers à gras ont en vue l’approche
du printemps et avec lui la reprise de toutes les in-
dustries métallurgiques, et ils escomptent un peu
cette reprise en maintenant les prix fermes. Les
cokes, entre autres, sont fort bien tenus et dans le
pays de Liège on remarque que les contrats qui
viennent d’ètre passés; accusent une hausse de 50
centimes à 1 franc sur les derniers cours côtés.
L’industrie sidérurgique est fort calme et bon
nombre de laminoirs chôment la moitié de chaque
semaine en attendant l’arrivée des ordres, mais,
comme sœur Anne, ils ne voient rien venir.
Les fontes, les fers profiles et les tôles vont très
mal.
Les rails et bandages vont mieux et les ateliers de
construction de chemins de fer n’ont pas à se
plaindre.
Dépêches télégraphiques.
VIENNE, 15 janv. — Cours d’ouverture
Au tr. rente pap ) 91 — I Marknoten...I 59 10
Créd.imob. aut. 307 70 j Napoléons.... 9 04
4 p. c, Honfr.orj 103 70 I !
PARIS, 15 janv. — Cours d’ouverture.
7613/12
95 4'
105 15
851 —
491 25
308 —
92 45
19 20
Espagnol 4 0/0.
Rente 30/0....
» 41/2 0/0..
Banq. de Paris.
Egypte 7 0/0—
Lombard.......
Italie rente 5 0/0
Turquie 50/0...
» lots...
Mobilier Esp...
Ch. de fer Autr.
» Nord Esp.
» Saragosse
LONDRES. 15 janv.
Consolid. aiigl.j 971/4
*1 41;2ext.l889
ci 5p.c. 1886..|
§.< Cordova___
<3 j Cédules B..
<( » P..
Banque Ottom
Brésil 4 0/01889)
ül)i!i i 1/2 0/0..
Espagne est...
Egypte utlfflée. J
Central Pacific. !
547 -
344 —
308 -
57
Cred. foncier fr.
Banq. Ottomane
Panama........
Suez..........
Hongr. 4 0/0 or.
Rio-Tinto.....
Portugais.....
Brésil........
Tliarsis......
Alpines.......
Comptoir .....
Crédit lyonn...
Suez, recettes..
836 -
190,000
Cours d’ouvei turc.
xm —
623 12
45 —-
____
>2316
576 —
567/8
371/2
283/4
161/2
148,4
781/2
92 —
753/4
97 -
311/2
Guatemala lut.
Hongr. 40/0 or.
Mexique intér.
Paraguay......
Pérou, Certifie.
Portugal 3 0/0..
Rio Tmto......
Russe 1890... .
» 1875____
Turquie, Rente
Uruguay 60/0,,
Varna....... ,
421,2
911/4
3-11/2
4U —
11 -
56 5/8
223/4
981/4
100 —
187/3
561/2
LONDRES, te janv. — l’argent en barres a clôturé
hier a 48 J/2 pence.
LONDRES, te jânV. — Cédules République Argentine,
. A B D B I K P
11.55 th — — m — , 283/4 — —----------------161/2
Argentin 1886 741/2,- Brésil 4 0/077 3/4, Uruguay 5 0/0 49,
Guatemala 44, Mexicain inférieur 341/2, Turc B 24 3/8.
BERLIN, 15janv. — Cours d’ouverture.
Autr. rente pap.
« » arg.
Créa, mob, aut.;
Ch. de fer autr.
Russe S.-Ouest»
3och ________
Soft, command
80 70
81 -
175 50
110 20
81 90
149 20
'17 60
Turquie rente. 1 18
» iotÀ.,1 aï-
VarsovieVienn" 230 60
Russ.roub.pap.
Harp.........
Prince-Henri..
Consolidés 3 0/0
2:* :.<•
lîff TU
64 40*
86 90
NEW-YORK, 14 janv. — La Bourse aux fonds a débuté
très fertile, ensuite les cours ont été irréguliers et en clôture
marché très fertns.
Funded Loan 1871, 40/0........
Îf.-Y. Lake Erie Wst. sbares__
imfiûïs Central...............
W ab. St-LÜUrt et P.æ. bonds pri v.
Missouri Kansas Tesa» shares...
Union Pacific shareà..........
Central Pacific shares.......
Canadian “ » ...........
Ateî*. Topofea & Santa Fé shares.
ia. jnÿpme Bonds 5 0/0...
St-Louis et S. Frsnc. act. priv...
Norfolk & Wost pril', chères__
Chicago North West priv.......
Canada South shares...........
Louisvilleet Nash ville Railroad.
Chicago Mil w. et St-Paul.....
N.-Y. Ontario et Western.....
Denver Rlo-Grande............
fl » priv. shares.
St-Paul et M, Manitoba shares..
Michigan Central shares.......
Taux de l’arg. sur fonds de l’Etat
» » autres valeurs.,,.
Change sur Londres à 60 jours ,,
» » Paris (par* en or)...
» » Berlin.
Argent........................
Ï3 janv.
120 -
»t)7/8
101 Irz
203/4
131/4
4 ri/8
30 —
751/8
571/4
1371/2
If*
■5610
163/4
20 -
611/2
105 —
911/2
3 —0/0
3 -0/0
4 823/4
5 217/8
RJ 5 8
1063/8
14 janv.
120 —
21 —
1021/41
203/8
13 J/4
475/S
301,2
741/4
315/S
521/4
56 3/4
137 3/4
ma
785/8
561/2
167/8
193/4
023/4
104 7/8
923/4
21/20/r/
2120/0
4 831/2
5 211/4
94 3/4
1065/8
BUENOS AYRES, 14 janv. — Cours do l’or 329'.
Lots dé Ilussie à IOO Xts «le I 804,
AU 52* tirage dos primes, qui a eu lieu le 14 janv., à
St-Pétersb., les principaux prix suivant» sont M>rt’« .
Série 10078Nc’24.Rs 200000
fl 17114 « 23. » 75000
» 1390 » 28
862
8975
14208
16157
12308
1317Ö
13729
14150
17212
4082
6961
9682 » 28.
13869 . 10.
14578 . 9.
15294 » 41.
18576 » 4.
19191 » 43.
40000
25000
10000
10000
10000
8000
8000
8000
8000
8000
5000
5000
5000
5000
5000
5000
5000
5000
Série 313 N" 14 . .Rs lfidO
- 1076 - 16... - lOOO
* 2515 - 20' .. » 1009
. 3211 - 33.» 1000
- 3845 - 16... » 1000
5339 - 47 .. - 1000
37... » 1000
7007
7984 - 41..
8482 - 7 .
8567 . 30..
9297 » 4 .
9890 » 41..
9903 » 31..
11739 » 3 .
13968 . 45..
14793 - 29..
15592 - 7..
15643 - 38..
1900 I
1000 I
10S0 I
1000 I
1COO I
1009 I
100s r
ROG I
1006 E
1000 I
1006 I
1000 I
1000 I
Dans un prochain numéro nous publierons la liste
complète des obligations sorties.
Dépôt d’Huîtres de Zélande, sacques sciimitz, rue
Breydel, 14. — Arrivages journaliers d’Huitres de
Burnham et de Zélande. 228
tLes funérailles de M. Evernrd XOdouord
Kcuncn, epoux do dame ,*t.iip;éliq 11e % un
Hoeve, né a Brème, le 12 juillet 1806, décédé à An-
vers, le 13janvier 1891, auront, lieu le vendredi 16 <rt,
à 10 h. du matin, en l’église paroissiale de St-Laurait.
Réunion à la mortuaire, rue de la Paix, 17 (Chaussée de
Malihes), à 91/2 heures.
Les ami» et connaissances qui, par oubli, n’auraient p.u
reçu de lettre de faire part, sont priés de considérer le pré-
sent avis comme en tenant lieu.
233 J. Van Harneveldt, dir. de fun., rue St-Vincent, 35.
t Les funérailles de dame Anne Morde Quiry-
nen, épouse de M. Pierre .Sosaepli Gcerlti,
décédée à Anvers, le 13 janvier, à l’âge do 67 ans, auroat
lieu le vendredi 16 crt, à 10 heures, en l’église parois-
siale de St-Willebrord.
Réunion à fa mortuaire, rue Van Straolen, 34, à 9 1/2 h.
Les amis et connaissances qui, par oubli, n’auraient ms
reçu de lettre de faire part., sont priés de considérer le pré-
sent avis comme en tenant lieu,
288 Ed. Wiggers, entr. de l'un., longue rue Neuve, 105.
Théâtres, Concerts, etc.
CK MUR, 13 JANVIER.
Théâtre Royal. — Aïda, 8 h.
Théâtre des Variétés. •— Les Deux Orphelines,
7 1/2 h.
Les séries impersonnelles no sont Valables que jusqu'à
l’époque des bals de carnaval (31 janvier).
Scala. — La Princesse deS Canaries, 8 b.
DEMAIN SOIH 1 Ci.
Société de Musique. — Concert, 8 1/2 h , dans!»
grande salle du Cercle Artistique, avec le concours de M.
Jacobs, violoncelliste. — Programme : 1. Simfonia 111 r6
(J. Sgambati). —2. Sonate pour violoncelle (L. Boeuherinii.
— 3. La Colombe et 4. Entracte de Philémon et Rancis 1CI1.
SAMEDI 17.
Théâtre Royal. — Le Député Leveau, 8 11., de M. J.
Lemaître. (Tournées Paul Deshayes).
Cirque Auversoîs, rue de Jésus (Cirque Diter).-
Samedi 17et jours suivants, 81/4 h., grandes représentât.
Union dramatique (Théâtre des Variétés).— Grand
Bal masqué, paré et travesti, 10 h.
DIMANCHE 18.
Théâtre Flamand. -Da Duivel en de Dienstboden,
61/2 u.
Concerts Populaires, rue des Aveugles, 8 h.
LUNDI ÎO. .
Théâtre Flamand. — Parts in a, 7 1/2'U.
156 25
217 50
15713
17801
28
3
Gounod). — o. Le Cygne, rapr violoncelle (Camille Saint
Saëns). — 6. Grande Ouverture de Concert (F. J. Fétis).
m’inquiété justement plus que tout, et je lui assigne
une cause morale qui me trouble profondément.
— Une cause morale? demanda Jacques.
— Oui. Cette entant a du chagrin. Et, malgré le
courage avec lequel elle dissimule, elle n’a pu nie
tromper. Je la vois, chaque matin, plus pâle de l’in-
somnie qui l’a torturée pendant la nuit. Et, depuis
plus de deux mois, il en est ainsi. Oh! je sais la date
a laquelle ce douloureux état a commencé. Elle est
restée dans mon souvenir. Elle est, à la fois, triste et
heureuse pour moi, car elle a marqué et le début de
ta convalescence et le commencement des souffrances
de ta sœur. Oui, Juliette a été frappée le jour où le
docteur Davidoff est venu nous annoncer la mort de
Pierre Laurier...
Si Mme de Vignes avait regardé Jacques, elle eût
été effrayée de l’angoisse qui contracta son visage.
Ce qu’il s’était déjà dit, sans vouloir approfondir son
soupçon, sa mère le déclarait nettement. La fin de
Pierre avait eu ce double effet salutaire et pernicieux.
Il vivait de cette mort, lui, et Juliette en mourait.
A cette constatation brutale, une colère s’alluma,
au fond de son cœur, contre cette innocente, dont
les intérêts étaient si directement opposés aux siens
que ce qui était avantageux pour lui était funeste
pour elle, et qu’il semblait impossible de faire vivre
le frère sans tuer la sœur. Une bizarre conception
de son esprit lui montra leur double destinée, sym-
bolisée par l’horrible alternative du jeu : rouge ou
noir? L’un couleur de sang, l’autre couleur de deuil.
Et si c’était rouge qui sortait, Juliette mourait ; et
si c’était noir, il retombait, lui, dans sa déchirante
agonie.
Un égoïsme féroce le saisit, l’affola, et il s’attacha
désespérément à la vie. Il se sentit capable de tout
pour la conserver. Rien ne l’arrêterait, pas même un
crime. Il eut la lâcheté de lever les yeux sur l’enfant
souffrante et pensive, qui marchait dans le jardin, et
de se dire, avec une infâme satisfaction ; Il y a deux
mois, c’était moi qui me traînais le long de cette ter-
rasse ensoleillée, et maintenant je suis fort, et je
peux jouir de l’existence. Tous nies regrets, toutes
mes plaintes, qui paraissaient inutiles, je peux y
faire trêve et donner carrière à mes désirs et à mes
espérances. J’ai failli tout perdre, et j’ai tout recon-
quis. La vie afflue en moi, triomphante, qu’importe
le prix dont je l’ai payée!
Dans le silence profond de sa conscience, il ne
s’éleva pas une voix pour protester contre cette mon-
strueuse divinisation de son moi. Son cerveau se
ferma à toute pensée généreuse. Rieu ne palpita en
lui, à cette effroyable absolution, qu’il se donnait de
tout le mal qu’avait coûté, et qu’allait coûter encore
son inutile existence.
Cependant, au milieu de son impassibilité morale,
une phrase prononcée par sa mère le fit tressaillir.
Mmo de Vignes avait dit :
— Je crois que Juliette aimait secrèteinent Pierre
Laurier... Je n’ai pas osé l’interroger, craignant de
l’enlendre me répondre affirmativement. Car je
n’aurais eu aucune consolation à lui apporter, hélas !
Et est-il rien de plus cruel, pour une mère, que de
voir son enfant se désoler, sans pouvoir lui offrir
une espérance ? Pourtant il faudrait connaître l’état
dé son cœur. Car, c’est là, peut-être, qu’est la plaie
que nous devons essayer de guérir.
Il sembla à Jacques qu’une force, à laquelle il ne
pouvait résister, le poussait à éclaircir ce doulou-
reux mystère, il avait peur de tout ce qui se ratta-
chait à la mort de son ami, et cependant une invin-
cible curiosité l’entraînait. Il voulait savoir, et il
tremblait de savoir. Il eût souhaité se taire, et il ne
se retint pas de dire :
— Si je lui parlais, moi?... Elle me confierait
peut-être son secret...
— Alors, interroge-la, bien doucement, et si elle
résiste, ne la contrarie pas, et laisse-lui la liberté de
garder le silence.
— Soyez tranquille.
Juliette revenait vers la maison. Mme de Vignesfit
un dernier et muet appel à la tendre compassion de
Jacques, et elle rentra.
La jeune fille levant les yeux, vit, devant elle, son
frère arrêté qui semblait l’attendre. Un rayon illu-
mina son visage, et un flot de sang colora ses joues.
Elle fut transformée, et ia Juliette heureuse, gaie,
bien portante, épanouie dans la fleur de ses dix-sep t
ans, reparut pour quelques secondes. Mais une om-
bre passa sur son front, ses traits se détendirent, sa
bouche perdit son sourire, et elle fut de nouveau
sévère et triste. D’elle-mème, elle prit le bras de son
frère, et s’y appuya avec une franche joie ; :
— Tu vas tout à fait bien, mon Jacques ? dit-elle.
Il fit oui, de la tête, en pressant doucement la
main de Juliette.
— Quel bonheur de ue plus te voir. souffrant et
malheureux ! reprit-elle. Car tu ne supportais pas
ton mal avec patience, et tu n’étais pas enclin à la
'résignation.
Elle hocha la tète doucement, avec l’air de dire :
Les femmes sont plus courageuses^ elles acceptent
mieux la douleur. Ils étaient arrives devant la mai-
son, sous la vérandah, à la place même où Davidoff
avait annoncé à Jacques la mort de Pierre Laurier.
La fenêtre du salon, derrière ses persiennes, était
encore entr’ouverte, mais Juliette ne se trouvait
plus aux aguets pour apprendre le malheur. Elle
savait à quoi s’en tenir,elle 11’attendait plus rien que
la fin desa tristesse.Mais il ne dépendait de personne
sur le terre qu’elle la trouvât.Cette délivrance devait
lui venir du ciel. Elle s’assit indifférente et paisible
sur un. des fauteuils d’osier, et regarda la mer. Jac-
ques songeait : Il faut que je la questionne. Que lui
aire, et comment entamer l’entretien ? Cette petite
intelligence est si clairvoyante ! Elle saura peser
chacune de mes paroles et juger le sens de mes de-
mandes. Une maladresse la mettrait sur ses gardes.
Et si elle se défie, je ne tirerai rien d’elle. Elle
restera fermée invinciblement.
— Nous voici au milieu de mars, dit-il d’un air
distrait. Il faudra bientôt rentrer à Paris. Est-ce
que tu ne regretteras pas ce pays-ci, ma mignonne ?
— Peu m’importe où je serai,dit-elle sans même un
tressaillement, comme si elle pensait : Je ne serai
bien que dans la terre, avec le profond silence et le
calme sommeil de l’éternité.
— J’aurais cru que notre départ te contrarierait,
te peinerait même, et j’étais tout prêt à demander à
notre mère de prolonger de quelques semaines notre
séjour.
Elle baissa soucieusement le front, et sembla
décidée à ne rien confier de sa pensée. Son frère
l’observait avec attention pour tâcher de surprendre
une palpitalion plus vivedecepauvrecœursouffrant ;
— Moi-même, poursuivit-il, je n’aurais point
regretté de rester encore ici. Je m’éloignerai de ce
pays avec tristesse, car un lien douloureux m’y
attache, maintenant, pour toujours.
Sa voix faiblit. 11 tremblait, chaque fois qu’il lui
fallait parler de Laurier, éprouvant, comme le re-
mords d’une complicité criminelle dans sa fin tra-
gique.
— Ç’esl ici que j’ai perdu 1 homme, que j’aimais le
. mieux, et rien ne me consolera de sa perte. Je me fi-
gure qu’en partant je m’éloignerai de lui davantage.
Et pourtant je ne' sais où aller le pleurer, puisque
les flots ne nous l’ont pas rendu,puisque nous n’avons
pas eu la consolation suprême de lui adresser une
dernière prière. Et c’est ce pays, tout entier, où je
l’ai vu passer, marcher, pour la dernière fois, qui me
retient, comme si j’avais une secrète espérance de l’y
voir reparaître un jour.
A ces mots, Juliette tressaillit et ses yeux se le-
vèrent interrogateurs. Elle eut un geste de joie aus-
sitôt réprimé.
— Crois-tu donc possible qu’il ne soit pas mort?
demanda-t-elle.
Il répondit d’une voix creuse :
— On n’a point retrouvé son corps.
— Hélas i est-il le premier que la mer jalouse aura
gardé ? s’écria la jeune fille avec une expression
déchirante. Non ! nous ne devons pas conserver
d’illusions et nous bercer avec des rêves. lia douté de
l’avenir, il a méconnu ceux qui l’aimaient, il a déses-
péré de la vie.Et le malheur est certain,irréparable !
Nous ne reverrons plus le pauvre Pierre ! Il est parti
pour toujours... Nous n’entendrons plus sa voix... ni
sourire, ni même ses plaintes... Il s’en est allé là
d’où l’on ne revient pas !... Et nous pouvons le
pleurer, va, sans crainte que nos larmes soient
perdues !
Elle s’était, enparlantainsi, animée, et sa douleur,
cessant d’être contenue, débordait de son cœur sur
ses lèvres, comme un torrent grossi par un subit
orage. Saisi, Jacques regardait sa sœur, et, dans
l’âpreté du regret avoué, il cherchait quelque trace
d’un reproche adressé à lui-même. Il se demandait :
Soupçonne-t-elle l’affreux mystère? Entre Pierre et
moi, si elle avait à décider, qui choisirait-elle?
Sacrifierait-elle le frère ou l’homme adoré?
Essuyant soû visage couvert de larmes, elle resta
un instant silencieuse, puis : .
— Le ciel, comme compensation, nous a délivrés
des craintes que nous inspirait ta santé. Jouis de la
vie,mon Jacques. Emploie-la à bien nous aimer.
Elle fit un mouvement pour s’éloigner, il la retint
etj la regardant fixement, il dit :
— Ainsi voilà le secret de ton abattement et de ta
souffrance ! Tu l’aimais ? .
Elle répondit, sans hésitation et sans trouble :
— De toute mon âme. Avec ma mère et toi il était
le seul qui occupât ma pensée.
— Tu n’as pas vingt ans. A ton âge il n’est pas de
deuil éternel. L’avenir t’appartient tout entier.
Elle pencha tristement la tête, puis avec une grande
douceur :
— Ne parlons plus jamais de cela, veux-tu? Ce
serait me peiner inutilement. Je ne suis pas de celles
qui oublient et qui se consolent. Dans le secret de
mon cœur, le souvenir de Pierre sera l’objet d’un
culte. Jepenserai sans cesse à lui. Maisson nom,pro-
noncé devant moi, me fait mal. Je te promets de me
soigner et de rien négliger pour être mieux portante,
je ne veux pas vous tourmenter, ni vous donner des
soucis.. Mais laissëz-moi la liberté de mon chagrin.
Elle adressa un doux sourire â son frère, et, soli-
taire, recommença à se promener le long ae a ter-
rasse. Lui .très affecté, entra dans la maison c m nia
à la chambre de sa mère. Mme de Vignes Fat endait
anxieuse :
— Eh bien? interrogea-t-elleen levoyant parai tre.
— Eh bien! j’ai causé avec elle, comme nous en
étions convenus et je l’ai trouvée, sinon raisonnable,
au moins très calmé. Noue avions deviné juste : elle
aimait Pierre. Ellea une affliction profonde et ne veut
pas Être consolée. Je suppo-ais qu’une prolongation
de séjour serait avantageuse pour elle, mais je n e
trompais. Je crois que le mieux serait de rentrer a
Paris, et de faire reprendre à cette enfant ses habi-
tudes anciennes. Lasolitude ne lui vaudra rien. Elira
trop le loisir de s’y concentrer dans une idée uni ]iie.
Notre monde la ressaisira, elle sera forcément dis-
traite, etl’état de son esprits’en ressenlirà.jôl’espèrf.
— Faut-il donc commencer, toulde suile, les pré-
paratifs du départ ?
— Non. Ce serait trop brusque. Dans une quin-
zaine de jours,nouspourronsnouséloignerdcce pays.
— Mais toi, cher enfant, le changement de climat
ne te sera-t-il pas préjudiciable ? Nous ne sommes
encore qu’au mois de mars A Paris il fait encore
froid....
— Qu’importe ! Ma santé est redevenue excel-
lente, et c’est à Juliette seule qu’il faut penser.
— Eh bien ! j’agirai donc comme tu le conseilles.
Jacques baisa tendrement les mains de sa mét'1’-
La cloche du déjeuner sonnait. Ils passèrent dans la
salle à manger, où bientôt Juliette vint les rejoin-
dre. La mère et le fils affectèrent de parler de
choses indifférentes. Le repas fut court. Une con-
trainte pesait sur les convives, et ils se trouvaient
d’accora pour souhaiter la solitude. Après le dessert,
chacun d’eux se leva. Les deux femmes silencieuse-
ment rentrèrent chez elles. Jacques, seul, descendit
vers le rivage, en fumant.
Une crique, dentelée de rochers rouges, était taj-
gnée par la vague murmurante. La verdure venait
mourir au bord de l’eau, et, sur ie sable.des mousses
d’un vert gris, semblables à du lichen, poussaient
vivaces. Jacques s’assit, et, dans la tiédeur exquise
du soleil, se mit à songer. Tout était silencieux et
désert. L’immensité devant lui et sur lui. lies deux
se confondaient avec la mer : à perte de vue l’axun
Ses yeux, fixés sur l’horizon lointain, se lassaient de
regarder, éblouis par l’éclat limpide de l’atmospheto
fascinés par la mouvante sérénité des flots.
|