Full text |
LE PRECURSEUR.
1----T —............... f---------
CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
Séance du 10 janvier — présidence de m. dvpm.
A deux heures et demie, M. Dupin, président, ouvre la séance.
Les députés arrivent en foule et la chambre se trouve au complet. De vives
et bruyantes conversations 6’établissent sur tous les bancs. MM. Persil et Ro-
samel sont les seuls ministres présens.
L’ordre du jour est la lecture du projet d’adresse.
M. le président. Je prie la chambre de m’excuser si je n’ai pas présidé les
deux dernières séances. J’ai été retenu à la commission de l’adresse qui a pres-
que toujours été réunie. Je vais donner à la chambre lecture du projet d’adresse
(profond silence). ,
M, Dupin lit d’une voix forte et sonore le projet dont voici le texte.
Projet d’adresse en réponse au discours du trône.
Sire au moment où votre majesté venait se féliciter avec nous de l’affermis-
sement de nos institutions, dos progrès de la richesse publique et du succès de
nos communs efforts pour le bonheur de la France , un exécrable attentat a
menvué vos jours si précieux à la patrie. Dans cette douloureuse circonstance,
notre~premier devoir est d’exprimer l’indignation que nous inspirent les for-
faits qui n’ébranlent point la noble fermeté de votre cœur; nous l’avons vu !
mais qu’ils jettent dans nos âmes une profonde affliction, quand nous songons
que vous n’êtes en butte aux coups des assassins que pour avoir gardé intact le
dépôt de nos institutions.
Il nous reste à remplir un dernier devoir qni est en même temps une con-
solation : consolation triste et grave, et comme il convient dans de pareils mo-
ntons : c’est de proclamer au nom de la France et à la France et à la face de
l’Europe que la dynastie établie par la révolution de juillet est hors des attein-
tes du crime et que fondée sur nos sermens et sur les vôtres, appuyée sur l’a-
mour d’un peuple éclairé, elle est aussi inébranlable qu’elle est populaire.
Votre Majesté espère que la paix de l’Europe est pour longtemps assurée ;
X10U8 nous associons avec joie à cette espérance et la France s’applaudit d’a-
voir par sa fermeté et sa sagesse, contribué à maintenir le repos du monde.
Nos relations diplomatiques complètement rétablies avec les Etats-Unis d'A-
mérique, nous donnent lieu de croire qu’aucun dissentiment ne s’élèvera désor-
mais entre les deux nations.
Un différend momentané avait troublé, sans la détruire, la vieille alliance
qui unit la France et la Suisse : les explications satisfesantes que nous avons
reçues ont rétabli la bonne intelligence entre deux pays à qui le voisinage, la
conformité des intérêts et les souvenirs d’une longue amitié commandent une
mutuelle confiance.
Nous déplorons avec Votre Majesté la guerre civile qui continue de désoler
l’Espagne; la France s’est émue des graves événemens qui ont éclaté à Lisbonne
et à Madrid : mais elle espère que, grâce à la sagesse et à l’énergie des peuples
de la Péninsule , la monarchie constitutionnelle triomphera des périls qui la
menacent. Nous fesons des vœux sincères pour la reine Isabelle II; et nous
avons la confiance que l’intime union de Votre Majesté avec le roi de la Grande-
Bretagne , et votre persévérance à faire exécuter le traité de la quadruple al-
liance, contribueront à sauver l’Espagne des malheurs d’une contre-révolution .
Votre gouvernement, Sire, a bien compris les intérêts et les sentimens de la
France quand il l’a préservée des sacrifices et des conséquences incalculables,
qu’auraient pu entraîner l’intervention armée dans les affaires intérieures de
l’Espagne. Mais la France saura toujours faire respecter sa sûreté et son hon-
neur et ses soldats, si elle les appelait aux armes, iraient partout, sous notre
glorieux drapeau , verser pour elle un sang , qu’elle ne doit leur demander
qu’au nom d’une impérieuse nécessité
Nous nous affligeons avec votre majesté des pertes douloureuses que nous
avons éprouvées en Afrique. Forcés de lutter avec les élémens, nos soldats ont
montré contre la fatigue et les souffrances, un genre de courage aussi difficile
que le courage des combats , et que la France n'apprécie pas moins. Votre
second fils a suivi le noble exemple de l’héritier du trône, et nous le félicitons
d’avoir partagé les périls de l’armée dans cette courte, mais laborieuse cam-
pagne. En s’occupant des moyens de rendre à nos armes la prépondérance qui
doit leur appartenir et d’assurer la stabilité de nos possessions, votre gouver-
nement voudra aussi rechercher les causes des malheurs inattendus que nous
déplorons.
Une grande ville a vu éclater dans ses murs une tentative de révolte aussi
insensée que criminelle et cet effort impuissant a montré que rien ne saurait
ébranler la fidélité de notre brave armée et le bon esprit des populations.
Espérons, sire , que l’expérience-de tant de vaines entreprises, découragera
enfin les passions. Déjà le progrès du temps vous a permis de suivre le penchant
de votre cœur et d’user du plus beau privilège de la royauté constitutionnelle,
en pardonnant à des hommes qui, frappés par les lois, ont reconnu leur em-
pire. C’est ainsi que vous avez su, sire, concilier la clémence avec cette fermeté
qui garde aux lois protectrices do l’ordre public, leur sainte inviolabilité.
Nous nous occuperons avec sollicitude, sire , des lois qui nous seront pré-
sentées et dont quelques-unes intéressent votre auguste famille.
L’état prospère de nos finances est constaté par l’excédant de no$ recettes.
La rareté momentanée des capitaux a retardé jusqu’ici l’accomplissement du
vœu que nous avons manifesté dans la dernière session à l’égard de la dette
publique. Nous remercions votre majesté de l’assurance quVIle nous donne
que ce vœu sera accompli aussitôt que les circonstances deviendront favorables.
Quelques localités ont eu à supporter des souffrances que votre bienfaisance
s’est déjà empressée d’adoucir. Nous espérons que ces malheurs ne seront que
momentanés et que , partout en France , le bien-être de la population suivra
l’accroissement de la fortune publique.
.Votre majesté nou9 appelle à enrichir et à honorer la France par des travaux
et par des monumens qui témoignent, dans l’avenir, du progrès des sciences
et de la prospérité nationale.
L’œuvre est commencée et d’heureux résultats ont été obtenus ; grâces aux
Toutes qui ont été ouvertes dans l’Ouest, l’esprit de nos institutions a pénétré
dans cette contrée avec le commerce et l’industrie.
Nou9 donnerons une attention scrupuleuse aux propositions qui nous seront
faites sur ces objets importons ; et nous nous applaudirons de voir la révolu-
tion de juillet unir à tous les bienfaits moraux delà liberté, tous les avantages
de la prospérité matérielle.
Pourquoi faut-il, *ire, que de tristes pensées se mêlent encore , malgré nous
à ces espérances de bonheur. En songeant aux dangers qui , deux fois cette
année, ont menacé votre tête ; et pourtant quand nous considérons d’un œil
calme, l’état civil de la société ; quand nous voyons la Fiance préservée de
révolutions nouvelles, tant de sagesse dans la nation, tant de courage civil sur
le trône, et près de vous, pour perpétuer votre dévoûment à la patrie, une fa-
mille dont le vœu national a fait une dynastie inséparable désormais de nos
destinées ; alors, sire, nous ne pouvons pas penser qu’il soit donné au crime de
l’emporter sur tant de causes de sécurité et d’empêcher la France d’obtenir le
plus grand bien que la Providence puisse accorder à un peuple, l’ordre et la
stabilité sous un gouvernement national.
M. le président. Le projet sera imprimé et distribué. La liste d’inscription
«era ouverte demain à 9 heures. Quel jour la chambre entend-elle fixer pour la
discussion. (Demain, demain, non, non, jeudi.)
La discussion est fixée à jeudi.
M. le président. Quelques membres ont proposé de se réunir dès demain et
jours suivans dans les bureaux pour examiner les divers projets présentés. (Oui,
oui, non , non.) Comme c’est une chose nouvelle, je dois consulter la cham-
bre. Que ceux qui sont d’avis qu'il y ait demain réunion dans les bureaux veuil-
lent bien se lever.
Le centre se lève en masse pour la proposition , le9 extrémités se lèvent con-
tre.
M. le président. L’épreuve est douteuse , tout le monde n’a pas voté. J’en-
gage tous les membres à prendre part au vote.
MM. les secrétaires descendent de la tribune.
A la seconde épreuve la chambre sc divise de la même manière (hilarité dans
toute la salle).
M. le président. La proposition n’est pas admise. Ainsi, la chambre, comme
c’est son usage , ne s’occupera d’aucun autre travail avant la discussion de l’a-
dresse (on rit).
La séance est levée à trois heures.
COUR D’ASSISES DU BAS-RlIItf
AFFAIRE DE STRASBOURG.
Audience du! janvier. (Suite.)
INTERROGATOIRE DE M. LAITY, LIEUTENANT DE PONTONNIERS (27 an*).
D. Quels sont ceux de vos coaccusés que vous avez connus avant le 30 octo-
bre ? — P*. Le colonel Vaudrey et Gricourt.
1). Et Persigny ? — R. J'avais eu quelques relations avec lui au mois de juin.
D. Quant avez-vous été initié au complot ? — R. Le 25 juillet.
D. Dans l’intérêt de l’honneur et de votre patrie , pouvez-vous dire qui vous
a initié au complot ? — R. Dans l’intérêt de l’honneur, je refuse de le dire Le
25 juillet, on m’apprit les intentions du prince ; je demandai si les intentions
étaient démocratiques et républicaines : je suis démocrate et républicain , et
sur la réponse qu’on me fit, j’acceptai.
D. Mais vous avez dû reconnaître votre erreut*? — R. Je crois encore que le
prince aurait convenu à la Franco et à l’armée. Il y a eu erreur et voilà tout.
D. Connaissez-vous les moyens dont on pouvait disposer ? — R. Je savais
l’esprit du régiment dn colonel Vaudrey. Quant au colonel, c’est le 27 octobre
que je sus qu'il appuierait le mouvement. Je l’appris de la bouche d’un de mes
amis que j’ai refusé de nommer, le même qui m’avait initié au complot.
D. N’avez-vous pas eu une entrevue avec le prince? — R. Je l’ai vu au mois
d’août à Strasbourg. Je puis même fixer la date; c’est le premier ou le deuxième
dimanche du mois d’août, uprès l’arrivé du roi de Naples.
D. Dans quelle maison avez-vous vu le prince? — R. Je refuse de le dire.
D. Que vous dit le prince? — R. Il nous lut des proclamations. Il avait des
larmes dans les yeux ; depuis vingt ans, nous dit-il, on me refuse une patrie...
Je fis serment de le suivre et je n’ai pu manquer à mon serment.
D. Mais la fidélité au drapeau ! Vous auriez dû faire comme a fait le capi-
taine Raindre que vous avez entendu hier... Et quels étaient les autres assis-
tans ? -- R. Quinze officiers.
D. Et vous refusez de dire leurs noms , de donner cette satisfaction à la pa-
trie. — R. Bien entendu.
D. Persigny vous dit-il quel serait le mode de gouvernement? — R. Celui
qui conviendrait au pays.
D. Et qu’aurait-on fait ici? — R. On aurait armé la garde nationale et l’on
aurait marché sur Paris.
D. Et la ville comment l’aurait-on gouvernée ? —R. Je ne sais , je n’étais
pas à la tête du complot.
M. le président. — Je respecte vos scrupules, je reconnais votre franchise ,
et je ne vous presserai pas sur ce point.
D. Avez-vous entendu parler d’un grand prévôt? — R. Ceci est une erreur
de l’accusation. Quand un corps de troupes est en marche, il y a un grand-pré-
vôt avec le trésorier. L’accusation avait cru voir que ce grand-prévôt était un
magistrat chargé de pouvoirs extraordinaires et qu’on voulait établir des cours
prévôtales.
D. Le matin du 30, à quelle heure avez-vous été chez le prince ? — R. A
quatre heures du matin avec Persigny.
D. Vous aviez pourtant juré fidélité à la patrie? — R. A la patrie , oui,
mais non pas au prince qui la sert mal. (Mouvement dans la salle.)
M. le président avec bonté. — Réfléchissez à ce que vous devez dire , car
nous serions obligé de sévir contre vous , et il est à désirer que vous ne vous
mettiez point dans ce ca9 ; soyez calme , et pesez vos expressions. Vous avez
une tête ardente, et nous avons quelque indulgence, mais parlez, je vous prie,
avec des précautions.
D. Vous êtes allé au quartier d’artillerie ? — R. Non, monsieur, je suis allé
nu quartier de» pontonniers.
D. Vous avez distribué de l’argent ? — R. Oui , monsieur.
D. D’où le teniez-vous ? — R. Une partie m’appartenait ; une autre partie
m’avait été donnée par le prince qui avait prévu le cas où nous aurions été obli-
gés de fuir.
Le lieutenant Laity donne quelques détails sur la marche du régiment.
D. Ainsi vous avouez pleinement votre participation au complot ? — R. Oui,
monsieur.
Pendant ces interrogatoires , Laity a constamment répondu avec fermeté et
sans jactance.
Laity est rammené : le commandant Parquin est introduit , et comme les
autres accusés , il est dans une posture militaire.
INTERROGATOIRE DU COMMANDANT PARQUIN (49 ans).
D. Quand avez-vous connu lepiince Louis Bonaparte ? — R. En 1822; c'est
alors que j’ai épousé mademoiselle Cochelet, dame d’honneur de la reine Hor-
tense. J’ai acheté en 1824 le château de Wolberg , qui est à cinq minutes de
distance du sien, et je l’ai habité jusqu’en 1830; c’est de cette époque que da-
tent surtout mes relations avec le prince. En 1830 , je repris du service en
France, avec l’autorisation d’habiter mon château.
D. Quelle est la toute-puissance qui vous a empêché de tenir vos sermens?
Le commandant, avec feu. ~ Il y a trente-trois ans , comme citoyen et sol-
dat, j’ai prêté serment à Napoléon et à sa dynastie. Je ne suis pas comme ce
grand diplomate qui en a prêté treize. Le jour où le neveu de Napoléon vint
rae^rappeler celui que j’avais fait à son oncle , je me cru lié et je me dévouai à
lui corps et a me.
C’est le 4 décembre 1804 que j’ai prêté serment à l’empereur et à sa dynas-
tie, et j’ai dû le tenir.
M. le président. Il n’est pas question d’un grand diplomate. C’est un homme
qui a du talent, et dont par conséquent la réputation est méritée. Je vous
engage à vous renfermer dans les bornes d’une défense calme et raisonnée.
L’accusé explique qu’il a fait trois voyages à Strasbourg depuis le 10 juin
jusqu’en octobre ? le dernier eut lieu le 24 octobre. Je vis le prince qui me dit:
Parqnin , j’ai rompu mon ban , j’apporte ici ma tête. Je vais marcher à la tête
de la garnison ; me suivez-vous ? Jelui répondis; Prince, pourtout où vous
courrez des dangers je serai près de vous. (Mouvement.)
M. le président Mais vos devoirs, vos sermens? — R. Je vous ai déjà dit
quej’étais lié par mon premier serment , etje ne crois pas que quatre millions
de votes nationaux aient depuis constitué un autre serment. (Mouvemens divers;
agitation.)
D. A-t-on soupe chez Persigny ? — R. Je l’ignore.
D. Dans quelles occupations s’est passé la nuit ? quelles étaient les per-
sonnes réunies auprès du prince? — R. Il y avait Gricourt , Querelles, Lom-
bard.... Nous nous sommes occupés activement de l’affaire du lendemain. Le
prince nous dicta des proclamations....si elles sont ici.... elles sont admira-
bles...................................et je dois déclarer que les heures nous semblaient bien lentes ; si
nous avions pu acheter mille francs chacune des heures qui nous restaient,
nous l’aurions fait.
D. Pouvez-vous nous rendre compte de ce qui s’est fait en outre. — R. Je
puis vous le dire, mais je vous ferai observer que je n’étais pas Initié à tous
les détails du complot. Mon seul rôle était de rester à côté du prince et de
mourir à côté de lui. Persigny était l’agent principal du prince.
D. Mais le colonel Vaudrey a dit qu’il n’en était pas ainsi. Il existerait ici
une contradiction. — R. Je ne dis que ce que j’ai lu dans l’instruction. -
D. Vous rappelez-vousque lecolonel Vaudrey ait annoncé qu’une grande révo
lution s’était accomplie, et qu’il ait dit que l’empereur allait marcher à leur tête?—
R. Il a dit que cette îévolution s'accomplissait. Je ne sais s’il s’est servi du mot
empereur. Je sais seulement qu’aprèï qu’il eut parlé, ce furent des cris dans le
régiment de vive Vempereur !.... ma foi, comme je n’en ai pas entendu dans la
garde impériale quand j’en fesais partie. (Sensation. )
Monsieur le commandant Parquin raconte la manière dont a eu lieu le mou-
vement, l’arrestation du général Voirol, faits connus par l’acte d’accusation.
• Je dois, ajoute, M. Parquin, faire une observation : on m’a fait ignoblement
dire, dans la procédure, au moment où l’on m’a arrêté moi-même : Ne m’ar-
rêtez pas. laissez moi [fuir! J’ai dit : Arrêtez-moi , mais ne m’assassinez pas!
J’ai porté les mains en avant et mon sang a coulé ; je puis en montrer encore
des traces......
M. le président. — Mais le sang de la France !...,
M. Parquin.— Je parle de mon sang, à moi.
L’interprète traduit comme précédemment.
Le commandant Parquin est emmené, le lieutenant de Querelles est inter-
rogé.
INTERROGATOIRE DE M. QUERELLES LIEUTENANT EN DISPONIBILITE (25 ANS.)
M.le président. —Comment avez-vous été initié au complot ? — R. J’ha-
bitais Nancy , jo vis M. de Gricourt qui me dit qu’il fesait partie d’un com-
plot, et qui me demanda si je voulais en faire partie. Il se confià ainsi à moi
parce qu’il savait bien que jo n’aurais pas l’infamie d’abuser de sa confiance.
J’acceptai instantanément.
D. Sur quelies bases aviez-vous placé l’espoir de la réussite , vous et le9 au-
tres adhérens ? — R. D’abord sur le niécontenetment général qui règne évi-
demment dans tous les corps de l’armée , et puis sur l’effet que produirait sur
î’armée la vue du prince.
D. Vous a-t-on donné des noms d’officiers supérieurs ? Pouviez-vous compter
sur des partisans influens? — R. Pas positivement; cependant on nous avait
promis le concours d’oflicicrs supérieurs.
D. Mais votrejeunes.se vous égarait; vous auriez dû réfléchir que votre patrie
allait être plongée dans l’anarchie? — R. Ce que vous me dites-là n’est pas
encore bien prouvé.
D. Mais vous n’avez pas dû connaître l’empereur^ vous êtes trop jeune pour
cela, comment donc son neveu pouvait-il vous inspirer tant d’admiration? —
R. J’avais entendu parler de lui, je le vis moi-même, et le reconnus pour un
brave et digne jeune homme , qui méritait tout l’intérêt qu’on lui portait parmi
nous.
D. Vous vous êtes adressé à un sculpteur pour avoir une aigle impériale? —
R. Oui ; mais je parvins à me procurer celle qui avait appartenu au 7° de ligne,
au régiment de Labédoyère.
D. Savez-vous pourquoi Persigny a troqué la résidence de Nancy pour celle
de Strasbourg? — R. Je l’ignore.
I). Et vous , persistez-vous à dire que c’était dans l’intérêt du complot que
vous êtes venu à Nancy? — Oui, monsieur.
D. Avait-on pris un j«nr pour l’exécution du complot, après avoir vu à
Nancy Gricourt et Persigny? N’avait-on pas, par exemple, choisi le 15 août,
jour de la fête de l’empereur. — R. Non.
ID. X Strasbourg vous avez fait en quelques jours une dépense très forte ;
20 fr. par jour, terme moyeu. N’avez-vous pas cherché par des invitations à
diner fréquentes fois adressées à vos camarades, à vous concilier l’esprit de
ceux-ci ? — R. Je n’ai pas besoin de les inviter à dîner pour en être aimé.
M. le président. — Sans doute, mais ce pouvait être un moyen de vous lier
davantage avec eux et de les préparer à recevoir mieux vos confidences.
D. Persigny vous a écrit une lettre signée Desrousseaux ? — R. Oui , Mr.
D. Pour vous mander à Strasbourg ? — R. Oui , monsieur.
D. Quand vous êtes arrivé à Strasbourg, Persigny ne vous a-t-il point dit que
le colonel Vaudrey serait des vôtres? — R. Oui , mais le 28 et meme le 29 au
soir , nous n’étions pas bien sûrs que le colonel Vaudrey voudrait faire la dé-
marche qu’il a faite.
D. Que vous dit. le prince ? — R. Il me donna le main et me fit mémel’hon**
neur de m’embrasser.
D. Le 29 a-t-on fait un souper chez le prince ? — R. Nous avons dîné à la
Maison-Iiouge , Gricourt et moi ; le prince a dîné fort tard , avec un peu do
poulet, je crois.
D’ N’aviez-vous pas détaché les poids qui servent à fermer la porte , afin que
le bruit des grelots ne vous trahit pas , à cause du grand nombre d’individu9
qui se rendaient chez vous ? — R. Je ne sais pas.
D. Quelles séductions a-t-on employées auprès de vous ? — R. On ne m’a-
vait rien promis , et certainement nous n’aurions pes vendu notre épée.Ja-
mais ! Il m’était permis de penser que je pourrais plus facilement me faire tuer
à la guerre ou obtenir loyalement de l’avancement. Mais on ne nous avait rien
promis.
D. Vous avez dit à quelqu’un : J’étais lieutenant ce matin je serai chef de
bataillon ce soir. — R. J’en portais en effet les insignes. Mais cette épaulette
n’était pas ce qui me faisait agir.
D. N’avez-vous pas dit aux soldats: Voilà le champ de l’honneur* c’est là
qu’est la gloire, etc. ? — R. Je ne me rappelle pas ce que j’ai dit, mais j’ai fait
ce que j’ai pu pour entraîner le plus de monde possible. (Agitation.)
M. le président. — Vous pouvez-vous retirer.
M. de Querelles s'approche de son défenseur, M* Martin. Les gendarmes pa-
raissent vouloir s’y opposer.
M. le président. — Laissez l’accusé communiquer avec son défenseur.
M. de Querelles s’assied derrière Me Martin et cause avec lui. Il est calme et
sans exaltation ; il montre même de la gaîté.
Après la traduction faite à haute voix , comme toujours , par l’interprète f
M. l’avocat-général Rossé interpelle M. de Querelles sur la signification do
quelques expressions d’une lettre adressée à Persigny. Dans cette lettre se
trouve indiqué le Colonel V.
De Querelles dit que le colonel Vaudrey passait en effet pour n’être pas éloi-
gné de prendre part à un mouvement. Mais que lui, de Querelles , ne savait
là-desssus rien de positif.
L’audience est suspendue à une heure et demie.
A deux heures , M. le président annonce que l’audience est reprise. On lui
fait observer qu’un juré, M. Dyl, de Strasbourg, est absent.
M. le président. — Il faut envoyer chez lui. '
Le jury rentre en séance quelques minutes après.
M. de Gricourt est introduit.
INTERROGATOIRE DE M. DE GRICOURT , (23 ANS.)
D. Quand avez-vous connu le prince? — R. L’été dernier. J’étais allé aux
eaux de Bade où l’on me proposa de voir la reine Hortense. J’en avais le plut
grand désir et j’acceptai avec joie ; elle me reçut parfaitement. Du château
du commandant Parquin où j’étais descendu , nous allions très souvent chez
le prince et sa mère , que ma famille avait beaucoup connu dans sa jeunesse.
D. Vous aimiez le prince ? — R. Oui , M. le président. Le prince n’avait
pas d’ambition ; l’amour de son p.iys était le seul sentiment qui le dominât ,
et quand je le chérissais, je ne faisais que lui rendre justice comme l’auraient
fait tous ceux qui auraient pu le connaître.
D. Quelle est la date du complot ? —Je ne puis répondre à cette question
parce que je craindrais de compromettre d’autres personnes.
D. Avez-vous dit à M. de Querelles quels étaient Ie9 régimens sur lesquel*
on comptait le plus ? - R. Je lui ai parlé assez vaguement de nos projets , car
je ne savais pas moi-même quels seraient positivement nos moyens d’exécution
Je me souviens que je ne lui ai pas dit le nom des officiers qui devaient noua
aider ; M. de Querelles était trop discret pour insister,
D. M. de Bruc vous connaissait ? — R. Depuis long-temps , par ma famille
qui a eu des relations avec la sienne ; mais les opinions de M. de Bruc ne me
permettaient pas de lui parler de complot. Je ne lui ai fait aucune confidence.
D. Combien de temps avez-vous passe à Nancy ? — R. Deux mois, je crois.
D. Vous y êtes arrivé dans votre voiture ? — R. Non, en diligence ; mais
j’ai acheté un cheval à Nancy.
D. Vous étiez à Nancy pour créer de9 adhérens au prince qui avait placé en
vous toute sa confiance ? — R. J’avais toute la confiance du prince, mais jo
n’étais pas le dépositaire de tous ses secrets,
D. Vous avez voulu vous procurer une aigle: par quel moyen avez vous es-
sayé d’y parvenir? A qui vous êtes-vous adressé? — R. Monsieur le président,
pour ce qui m’est personnel, je répondrai ; mais ici je dois me taire de peur do
compromettre d’autres personnes
D. Avez-vous vu madame Gordon quelquefois? — R. J’ai diné une fois avec
elle, chez Diemer, à la Ville de Paris: le soir même , elle allait chanter dan*
un concert,]
D. Vous avez demeuré chez M. Bohrer, restaurateur, rue Brûlée? — R. Oui
monsieur.
D. Avez-vous annoncé au prince, à Bade, qufe vous aviez fait un nouvel ad-
hérent dans la personne de M. de Querelles? — Je ne répondrai pas a cette
question , monsieur le président.
D. Savez-vous si le prince a été à Strasbourg au mois d’août? — R. Je n’en
tais rien.
M. le président. —• Ceci ne regarde que le complot. Quant à l’attentat, von»
convenez y avoir pris part. — R. Oui, monsieur.
D. Vous convenez avoir marché avec le prince? —R. Oui, monsieur, j’tï
toujours marché à ses côtés.
D. Avoir tenu l’aigle impériale ? —R. Oui, monsieur, certainement.
1). Avoir marché à la caserne de la Finckmatt, sabre en main, et enfin n’a-
voir cédé qu’à la force. — R. Cela est vrai, monsieur.
L’interprête traduit verbalement. (La suite à demain.)
BELGIQUE.
BRUXELLES, 11 janvier.
Lundi les membres de la cour des comptes nouvellement élu*
ont prêté serment entre les mains du roi.
S. M. a travaillé avec le ministre des finances.
—Nous venons d’apprendre qu’une vente importantede livre»
doit avoir lieu à Bruxelles à la salle de ventes, rue de la Made-
leine n° 66, sous la direction de M. Prud’homme, lundi 16 du
courant à 4 heures du soir et jours suivans. Le catalogue promet
aux amateurs un choix de beaux et bons ouvrages en tous genres,
reliés et brochés; il y a même un bon nombre delivres de prix.
ANVERS, 12 Janvier.
Un pari doit avoir lieu aujourd’hui vers trois heures de l’après-
midi. Il consiste à faire en deux heures à cheval, le trajet de Brux-
elles à Anvers. Le montant du pari est de 1000 francs. C’est un an-
glais qui doit fournir la course.
— Il parait qu’un commissaire de police et un adjoint, nommés
directement par le gouvernement, sonten fonctions depuis le 1er jan-
vier à la station du chemin de fer. Le commissaire est à ce qu’on as-
sure tout—à—fait étranger à notre ville.
— Le côté sud du bassin est encombré de bois de chêne de grande
dimension; on assure qu’une contestation existe pour cet objet entre
la douane et le propriétaire.
— A partir de minuit, entre le 11 et le 12 janvier 1837, les bar-
rières ont été roiivertes sur toutes les routes pavées de la province
d’Anvers.
— Les gendarmes ont arrêté comme déserteur, à la station du
chemin de fer à Bruxelles, et livré à l’autorité militaire, un chasseur
de la garnison de Malines qui avait manqué trois fois à l’appel et re-
tournait à son corps, après avoir passé ce temps en partie de plaisir.
— M. Ossewaarde secrétaire-général du ministère des finances
en Hollande, qui avait remplacé le ministre pendant sa dernière
maladie , continuera à remplir ces fonctions jusqu’à la décision ul-
térieure du roi. |