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LE SOL.
ESQUISSE GÉOLOGIQUE AU POINT DE VUE DE l’ART
DE BATIR.
Chercher à connaître le sol est la première étude à laquelle
doit se livrer l’architecte, non-seulement au moment d’élever
un édilice, mais encore lorsqu’il est chargé de construire une
maison, un établissement quelconque, quelque minime qu’en
soit l’importance. Bon nombre de raisons rendent cette étude
indispensable ; la stabilité des constructions qui doivent
être érigées ; les exigences de l’hygiène, les ressources mêmes
du sol comme matériaux tels que sable, pierre, eau et mé-
taux. Il ne suffit pas, en effet, d’élever des constructions par-
faitement conditionnées quant h la qualité des matériaux et à
leur emploi judicieux ; il importe encore de les asseoir sur un
sol assez résistant pour en supporter la charge plus ou moins
considérable.
Au point de vue géologique l’enveloppe terrestre est sub-
divisée en quatre grandes divisions : les terrains primitifs, de
transition, secondaire ; et tertiaires.
Les terrains primitifs comprennent le granit et le gneiss,
qui ont la même origine, la même formation, mais différent
en ce sens que le gneiss, ou le mélange des minéraux qui les
composent tous deux est moins parfait, présente un aspect
schisteux ou rubané.
Cette première division comprend aussi les porphyres; ces
trois espèces de roches, formant la division des terrains pri-
mitifs, appartiennent à l'époque antédiluvienne.
Les terrains de transition comprennent le calcaire com-
pacte et le schiste argileux, qui ont souvent une texture cris-
talline ; le schiste ardoisier, le calcaire et des grès à gros
grains, le vieux grès rouge, les calcaires carbonifères, des
couches de houille et des schistes avec couches de houille ou
de fer carbonate. (Vallées de Sambre et Meuse.)
Les terrains secondaires nous donnent, en Belgique, le
calcaire schisteux de teintes assez variables et, vers le Rhin
et la Moselle, le grès bigarré.
Les terrains tertiaires ou modernes forment les deux Flan-
dres, la province d’Anvers, et le Limbourg ; cette zone a pour
limites inférieures, Tournay, Bruxelles et Maestricht. Elle
comprend tous les terrains d’alluvion et son gisement se com-
pose d’argile, de sables de différentes natures et de différentes
teintes, en se rapprochant de l’Escaut ; de marne argileuse et
de lignite vers l’extrémité touchant au Limbourg.
Le sol belge est très-riche tant en métaux, qu’en maté-
riaux de construction ; dans un prochain article nous l’exami-
nerons au point de vue des matériaux pierreux et de leurs
qualités ; nous dirons ici que des gisements considérables de
bonne argile et de sable ont rendu la fabrication des briques
très-importante. Le sable se trouve aussi en quantité consi-
dérable et remplit toutes les conditions désirables pour la
fabrication des mortiers. Mais si, dans certaines parties de
notre littoral, se trouve un sol donnant de bons matériaux et
résistant aux grandes charges, il en est d’autres où il faut
prendre d’importantes mesures pour y construire; d’anciennes
prairies noyées, des couches de tourbes, le sol sans résistance
des Polders, le sable mouvant et fluide demandent des tra-
vaux préliminaires dont il importe de reconnaître l’utilité.
Il est une théorie ou plutôt un principe généralement
admis ; c’est de continuer les fouilles jusqu’au bon sol, c’est-
à-dire jusqu’au sol naturel ou vierge et résistant ; cependant
il arrive très-souvent que ce n’est qu’k une profondeur consi-
dérable qu’on le découvre, et il est difficile et très-dangereux,
tant d’accidents l’ont prouvé, de pratiquer dans un sol sans
homogénéité, sans consistance les puits nécessaires k la con-
struction des piles en maçonnerie enterrées. Le système
connu sous le nom de faux puits est largement pratiqué en
Belgique, et on l’applique bien souvent à tort et surtout sans
en prendre tout le soin nécessaire ; ces piles, reliées par des
arcs-doubleaux, portent cependant toute la construction su-
périeure et le poids est toujours considérable ; il importe donc
qu’elles soient très-soigneusement construites afin d’éviter les
écrasements et les affaissements.
Bans les constructions très-importantes, telles que les édi-
fices, les grands ouvrages d’art, on a employé beaucoup aussi
le système du pilotis. Pour faire l’assiette de constructions
de poids assez considérable on a employé jadis des moyens
divers ; ainsi, on prétend que l’hôtel-de-ville de Bruxelles, qui
est établi sur un sol très-vicieux, est assis sur un plancher
formé de pailles et de bois, recouvert de peaux ou de cuir.
L’église Sainte-Catherine a été établie sur un plancher formé
d’arbres, seulement ébranchés, posés par couches en travers
les uns des autres et solidement maintenus. A la cité Fontai-
nas c’est un système de voûtes renversées qui a été adopté, au
moins pour une partie de la construction. Ces divers systè-
mes ont donné des résultats très-satisfaisants ; il en est de
même jusqu’ici pour le pilotis de la gare du Midi à Bruxelles.
Au point de vue de la consistance, on peut diviser le sol en
trois classes principales : la première comprenant les terrains
sur lesquels on peut construire directement, c’est-k-dire un
sol suffisamment résistant, tel que le roc, les tufs, les marnes
et les terrains pierreux que l’on ne peut attaquer que par le pic
ou la mine.
La deuxième comprend tous les terrains sablonneux et gra-
veleux qui ont la propriété d’être incompressibles, lorsqu’ils
sont maintenus par des encaissements tels que palplanches,
etc. La troisième classe comprend les sols dont le peu de con-
sistance, d’homogénéité, rend difficile l’établissement de fon-
dations, et même l’exécution des travaux de consolidation que
l’on voudrait leur faire subir afin de rendre aussi uniforme
que possible la résistance à la compression. Les sols terreux,
l’argile bleue, les terrains noyés ou tourbeux et les anciens
lits de cours d’eau appartiennent à cette division.
Il est naturel que la première classe de terrain n’offre guère
de difficulté pour l’établissement des fondations; toutefois il
est bon, il est indispensable même :
1° de s’assurer par l’opération du trépan si aucune cavité
ne se trouve dans la masse du roc, ce qui ne serait nullement
extraordinaire ; — 2° de recouper horizontalement les endroits
où doivent poser les empâtements, les bancs étant toujours
inclinés plus ou moins et le glissement pouvant se produire.
Si quelque cavité était reconnue par l’opération du trépan,
il faudrait rechercher les points les plus rapprochés, en plein
roc ; y asseoir des piliers afin de reporter sur ces points la
charge qui devait porter sur l’espèce de voûte formant banc
de ciel au-dessus de la cavité. — Lorsque l’anfractuosité est
mise k découvert ou qu’il faut enlever quelque filon terreux,
sans consistance, qui s’y serait introduit par alluvion, le bé-
ton peut être employé pour combler le vide.
Les beaux bancs d’argile saine et compacte, dont il existe de
nombreux exemples, en Belgique, peuvent être rangés parmi
les bons sols au point de vue de la construction, mais ils n’ont
jamais une grande étendue.
Les terrains sablonneux sont excessivement variables ; il
existe chez nous de ces terrains dont le sable est graveleux :
c’est le sable rude, connu de tous les constructeurs, et que
l’on recherche tant pour la fabrication du mortier de maçon-
nerie, de limousinage. Dans les mêmes localités, et quelque
fois filon contre flon, l’on trouve les sables demi-rude, mort
et bouillant-
Le sable demi-rude n’est, en quelque sorte, que du sable
graveleux impur, c’est-k-dire mélangé de terre. Le sable mort
a perdu la teinte du sable rude et contient une plus grande
quantité de terre. Le sable bouillant, qui cause quelquefois
des accidents regrettables, est presque fluide ; son nom lui
vient de ce qu’il est constamment soulevé par un grand
nombre de petites sources.
Il est prudent de ne pas entamer une couche de sable
mouvant ou bouillant ; si l’on voulait y pratiquer une excava-
tion quelconque par enlèvement simple, l’on s’exposerait a
amener en entier toute la couche et k produire par conséquent
des affaissements dans les couches supérieures du terrain
voisin. C’est ainsi que, pour forer les puits dans ce genre
de sol, les constructeurs doivent abandonner le système des
cerceaux pour y substituer l’emploi de cuvélles, c’est-k-dire de
cercles en bois posés horizontalement et formant un cylindre
de 1 m. 50 k 2 m. 00 de hauteur dont les génératrices sont des
planchettes étroites de 25 millimètres d’épaisseur.
Pour pratiquer les affouillements dans ce sol, il faut com-
mencer par battre jusqu’à refus de chaque coté du tracé un
cours de palplanches jointives de 45 à 50 millimètres d’épais-
seur, en réunir les têtes par des longrines et après avoir fixé
les traversines, enlever régulièrement jusqu’à la profondeur
nécessaire.
Depuis quelque temps, pour asseoir les constructions, lors-
qu’il s’agit de terres rapportées ou remblais, ou en général
lorsqu’il s’agit de terrains dont la consistance est faible, on
emploie des empâtements sur toute la surface du terrain
compris dans le grand périmètre du plan. Ces empâtements
généraux sont construits en gros matériaux, tels que moellons
de Schaerbeck ou de Bhisnes (près Namur) posés k bain de
mortier et qui forment par conséquent un solide libage de 50
à 70 centimètres d’épaisseur ; ce système a le grand avantage
de répartir sur toute la surface du terrain la force de com-
pression qui doit être portée par quelques points seulement
si l’on emploie des faux puits, ou sur partie seulement de la
surface si l’on emploie le système des empâtements sous
murs. On substitue quelquefois, pour ces empâtements, le
béton au moellon, surtout dans les terrains noyés.
Nous le répétons, et ce court exposé le fait suffisamment
ressortir, il est extrêmement important d’analyser avec mi-
nutie le sol. que l’on a a sa disposition ; pour cela il faudra
donc commencer par quelques tranchées d'essai ou par un
sondage au moyen de vrilles ou de sondes à hélice. Ce travail
étant fait avec soin permet de déterminer quelques coupes
suffisantes pour connaître l’aspect géologique du terrain. Il
importe aussi, lorsque la composition du sol a été déterminée,
de rechercher quelle est la résistance par unité de superficie.
Pour cela, habituellement, on trace un mètre carré, et on
charge d’un poids que l’on suppose être la charge limite ; puis
on examine, 24 heures après, l’effet produit par la compres-
sion. Si aucun affaissement ne s’est manifesté, l’on peut
augmenter la charge jusqu’à ce qu’il puisse être constaté que
le sol cède ; la charge limite peut alors être considérée comme
connue.
Nous terminerons ici cette esquisse du sol au point de vue
de l’art du constructeur, que le cadre restreint mis à notre
disposition ne nous permet pas de développer plus longue-
ment; dans le prochain numéro nous tâcherons de donner, aussi
complète que possible, quoique d’une façon;succincte, l’étude
du sol, en Belgique, au point de vue des matériaux qu’il
donne au bâtisseur.
Les Concours,
Le concours annuel ouvert par l’Académie royale de Bel-
gique a lieu, cette année (ou plutôt en 1876), pour l’architec-
ture; dans sa séance du 4 novembre dernier, la classe des
Beaux-Arts a arrêté le programme ci-dessous indiquant les
conditions du concours ainsi que le sujet imposé aux concur-
rents :
« L’Académie demande un projet de pont monumental,
EN PIERRE, A PLACER SUR UN FLEUVE DE 100 MÈTRES DE
LARGEUR. »
Les concurrents pourront faire emploi de statues, de niches,
le galeries, d’arcs de triomphe, etc., et comprendront dans le
projet les abords du pont avec rampes décorées conduisant au
fleuve.
Les artistes produiront le plan, la coupe et l’élévation, soit
\ rois dessins, au moins, à l’échelle de un centimètre pour
mètre.
Les dessins devront être remis, avant le 1er septembre 1876,
au secrétariat de l’Académie ; les auteurs ne signeront point
leur travail; ils le marqueront d’une devise qu’ils repro--
duiront dans un pli cacheté qui contiendra aussi leur nom et
leur adresse. La non-observation de cette prescription entraî-
nera la perte du prix s’il y a lieu.
L’Académie n’acceptera que des œuvres entièrement ache-
vées, tant sous le rapport de la conception que sous celui de
l’exécution.
Un prix de mille francs sera décerné à l’auteur de l’œu-
vre couronnée; une reproduction de cette œuvre deviendra la
propriété de l’Académie.
Exclusion : Seront exclus du concours les projets remis
après le délai fixé (1er septembre 1876) et ceux dont les
auteurs se seraient fait connaître, de quelque manière que
ce soit.
La ville de Provins (Seine-et-Marne, France), va être dotée
d’un palais de justice. Un concours est ouvert à cet effet
et dans l’avis annonçant ce concours, nous n’avons pas remar-
qué l’exclusion des architectes étrangers.
Pour ceux de nos lecteurs qui voudraient prendre part à ce
concours, nous dirons donc :
Les projets doivent être déposés avant le 15 mars 1876. —
Il sera fourni : les plans, les coupes et les élévations à l’é-
chelle de Un centimètre pour mètre ainsi qu’un devis esti-
matif de la dépense totale qui ne pourra excéder 200,000
francs.
Le jugement sera fait par le Conseil général du départe-
ment, à la préfecture de Melun, où doivent être adressés les
envois des concurrents. — Ce jugement aura lieu dans le cou-
rant d’avril prochain.
Il sera décerné deux primes: l’une de 1500 francs, l’autre
de 1000 francs. —Les projets primés resteront en propriété à
l’administration.
Sauf décision contraire du Conseil général, l’auteur du
meilleur projet sera chargé de la direction des travaux et
recevra dans ce cas cinq pour cent de la dépense à titre d’ho-
noraires et en y comprenant la prime.
Le programme, le plan du terrain et le bordereau de prix
seront envoyés à toute personne qui en fera la demande au
préfet de Seine-et-Marne, à Melun.
Note de la rédaction. — La ville de Provins est un chef-lieu
d’arrondissement ; sa population est d’environ 7000 âmes.
BIBLIOGRAPHIE
Nous venons de recevoir avis de la publication d’un nouvel
ouvrage de M. Viollet-le-Duc, l’éminent architecte français.
Cette œuvre a pour titre : Histoire de l’habitation humaine
DEPUIS LES TEMPS PRÉHISTORIQUES JUSQU’A NOS JOURS. NOUS en
parlerons dans notre prochain numéro.
Nous avons appris la publication d’un journal hebdoma-
daire très-utile qui, bien qu’arrivé à sa quatrième année
d’existence, nous était, nous l’avouons, tout k fait inconnu. La
Revue nouvelle de l’architecture et des travaux publics,
qui portait il y a un au le titre de « Le Renseignement »,
se compose de texte et d’une gravure introduite dans les
colonnes de sa première page. Elle donne des études sur di-
verses questions d’intérêt général ou de travaux publics, des
solutions longuement et surtout solidement discutées de ques-
tions de droit ou de difficultés tombant sous l’application
d’articles du Code civil concernant les constructions. Dans
son numéro du 17 novembre dernier, elle traite la question
des règlements de comptes et mémoires d’entrepreneur et de
l’application des retenues-garanties ; elle examine au point
de vue du droit, la question de l’exhaussement d’un mur
mitoyen, etc.
Un Comité de consultation, composé d’architectes, de géo-
mètres, de jurisconsultes, d’ingénieurs et de financiers est
attaché k sa rédaction et traite les questions posées par les
abonnés.
Outre ce genre d’études, la Revue nouvelle donne avis des
concours publics et annonce les adjudications tant de France
que de l’étranger.
C’est, en somme, une publication très-intéressante et ap-
pelée à rendre des services signalés, non-seulement à ses
abonnés français, mais encore à ses lecteurs étrangers : elle
réussira certainement.
Nous avons reçu le prospectus d’une publication hebdoma-
daire qui, sous le titre de I’artiste, donnera des causeries
sur la peinture, l’architecture, la gravure, la sculpture, la
musique, la littérature, etc. Nous apprenons presque en même
temps l’apparition du premier numéro, dont nous nous occu-
perons dans notre prochaine livraison.
Bienvenue k notre confrère et surtout bonne chance.
Faits divers,
Nous recevons de l’Administration des hospices
d’Anvers l’avis ci-dessous au sujet du concours pour
l’érection à Anvers de deux orphelinats et d un hos-
pice de vieillards :
L’Administration des hospices d’Anvers informe les inté-
ressés que le délai, stipulé par l’article 15 du programme pour
la rentrée des plans, est prolongé d’un mois et demi et est dé-
finitivement fixé au 15 Mars 1876.
Le plan général, exigé par le 1° de l’article 12, ne devra
être dressé qu’k l’échelle de cinq millimètres (0,005) par
mètre. Pour les autres plans, il suffira de les dresser k l’échelle
d’un centimètre (0,01) par mètre.
Anvers, le 30 novembre 1875.
Par ordonnance : le président,
le secrétaire général, C. VAN DE WERVE.
EM. GROSSEN.
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