Full text |
(». *•)
ANVERS , Mardi 1er JA^VIKR 18Ü9.
(Quatrième Aimée*
, ABOKSE
O -<i
A Am ers, au Bureau du
Précurseur, rue des ta*
gotsN0 1095, où se trouve
une boite aux lettres et où
doivent, s’adresser tou» les
• va.
En Belgiqueel à l'étran-
ger, chez tous les direc-
teurs, des postes,
A,Paris, à l’Office-Cor-
resppndance de Lepelle-
lièr-Bourgoin et comp.',
rue.Notre-Dame-d es-V ic-
oires M° 18.
LE PRECURSEUR
JOURNAL POLITIQUE, COMMERCIAL, MARITIME ET LITTÉRAIRE,
PAIX.
LIBEETÉ,
PROGRÈS.
ABONMEMCfT,
Par An.....a <... 60 tu
» 6 mois....... 30
& 3 » ..s.... 15
POUR la belgiqué.
Par 3 mois.....18 ff.
poen l’étuangeb.
Par 3 mois__,,. 20 fr,
ANNONCES.
25centimes la ligne.
Laqualrièine page, con-
sacrée aux annonces est
affichée à la bourse d'An-
vers et à la bourse des
principales villes de com-
merce.
1er Janvier.
QUESTION HOLLANDO-BELGE.
Noire correspondant de La Haye justifie delà ma-
nière suivante le silence prolongé qu’il conservait à
notre égard et dont nous nous étions plaint :
La Haïe, 30 décembre.
L’esprit des journaux belges est tellement contraire
âmes idées qui sont partagées ici , par tous les gens
| sensés, raisonnables et tant soit peu rassis,que je in ab-
ri s tenais de vous les communiquer; cependant s’il y avait
: eu un fait nouveau , je me serais empressé de vous le
K faire connaître. Ladiplomatie a apasl activitéque vous
lui supposez, tant s’en faut; depuis un mois, elle se
borne à recueillir les bruits, et à les IrausmctLie à ses
I gouvernements respectifs.
Jamais question n’a autant préoccupé les esprits. Elle
met en jeu les passions publiques, financières et politi-
ques de tous les pays, de toutes les bourses, et cepen-
daril, au premier aspect, l 'objet en parait bien minime
pour tant de mouvement, pour tant d irritation; mais
le résulta! peut être terrible, mais les éventualités ne
j sauraient être positivement prévues, car il sulîil d une
•: étincelle pour allumer une conflagration générale; c est
la lutte de deux principes et voilà ce qui grandit si
fort , même aux yeux les moins prévenus, loulce qui
se rattache à la sollulion de ce problème.
En Hollande, la question ne peut pas être considérée
j comme nationale, car il importe peu à la nation que le
Luxembourg et le I,imbourg appartiennent au roi
‘ Guillaume ou à la Belgique. L’amourpropre, la jalousie
i et l’attachemenlau souverainqui la gouvernent rendent
I il est vrai , en Hollande , tous les vœux favorables à
I celui-ci, mais l’intérêt n’y est pas aulre; des sacrifices
pécuniaires imposés à la Belgique au dégrèvement de la
Hollande auraient été vt s l'un œil plus favorable encore,
et cependant on ne refusera aucun subside, si le loi en
demande pour sa cause , et cependant une armée bien
exercée qui gémit de son inaction, un avancement
peu rapide qui fait désirer à tous l’occasion de se dis-
’ tinguer, une rivalité importune, peut-êtreune revanche
à prendre, sont autant de motifs qui feraient accep-
1er fa guerre, avec empressement par fa partie belli-
I queuse de la nation . cl entraînerait la partie linan-
I Hère à en supporter sans murmures les charges les
I plus lourdes.
Mais ce n’est pas en Hollande que doit se décider le
; sort du pays en litige; ce royaume est presque mis
* hors de cause puisque la confédération germanique en
fait son affaire propre, que ce n’est pas comme roi de
Holiande que Guillaume défend ses droits, mais comme
,, Grand-Duc, que le Grand-Duché n'a jamais élé regardé
comme partie intégrante du royaume des Pays-Bas ,
qu’il est un des états de la confédéralion. cl que celle
confédération ne. veut pas fournir des indemnités terri-
toriales pour le roi néerlandais, ni être mêlée aux dé-
bals qui ont brisé les liens par lesquels la Belgique
était unie à la Hollande. Si elle défend le Grand-Duc
c'est comme prince allemand ; si elle en vient à des
actes hostiles , c’est comme puissance allemande qu’elle
opposera une armée allemande à l’armée belge.
D'après cet aperçu on compiend facilement comment
la diplomatie parait si peu active à La Haye où l’irrita-
bililé de l’amour-propre la rendrait plus âpre cl plus
personnelle au monarque , et comment les journaux
. néerlandais sont contraints d’aller puiser leurs nouvel-
les et leurs articles dans les journaux de France, d’An-
glelerre et de reproduire ceux de la Belgique. Or, com-
. me on croit toujours plus facilement ce qu’on désire,
) e’esl dans les journaux favorables à la cause hollan-
daise qu’ils vont chercher des prévisions avantageuses,
, «t malheureusement elles sont plus conformes à la rai-
son, Avec le Journal des Débats , on regarde comme
certain le maintien du ministère français, et l’on con-
sidère comme désespérée une cause qui a besoin pour
FEUILLETON.
LES CARTES DE VISITE.
SU est dans nos mœurs un usage ridicule et dangereux ,
e’-est celui.sans contredit des caries de visile ; c'est là un raf-
finement très mai imaginé, qui, au lieu de servir la politesse ,
Ta tuée. La carte de visite, eu effet. a remplacé la visite . de
aorte que les relations sociales se sont amoindries pour faire
place à un vain simulacre. Votre nom écrit sur une carte ne
prouve nullement que vous êtes venuvoirlesgens et que vous
ne les avez pas trouvés. On a eu l'idée, depuis quelque temps,
défaire un pli à la carte pour indiquer que l'on est venu en
personne ; niais le pli ne prouve rien de plus que la carte.
Ce réquisitoire contre les caries de visile fut prononcé , il
La quelques jours, dans une réunion d artistes et de dandys.
es grandes questions d’intérét public et de réformes sociales
*8 traitent admirablement bien, entre jeunes gens, le soir en
prenant du thé, et en fumant descigarres de la Havane ou du
Maryland dan6 de longues pipes turques. Le jour de Tan, qui
est la préoccupation générale de l'époque où nous sommes ,
a était emparé delà conversation On était tombé d'accorrbsur
ce point que les él rennes ont leur beau côté, même pour celui
qui les donne ; mais personne ue prit la défense des cartes de
visite.
-v Est-ll possible, disait-on.que des gens raisnnnabiespuis-
, seist' encore tenir à cette banale formalité d'étiquette bour-
geoise, lorsque l'on sait que les cartes du jour de Tan sont
dislribuées par l’entremise de facteurs qui les remettent à
■domicile moyennant une modique rétribution.
■ Quand les bonnes raisons fureut épuisées, la conversation
■ Prit un tour anecdotique.
’i ~~ On ne saurait calculer, dit l'un des inlerlocutcurs, tous
Me» accidents, toutes les avanies et tous les malheurs occa-
être défendue d’envoyer des députés à l’opposition fran-
çaise, preuve indubitable qu’on ne compte pas sur le
gouvernement de Louis-Philippe pour soutenir les pré-
tentions belges, que cet envoi d’étnissairesen dehors du
gouvernement constitutionnel, ne peut que compliquer
gravement la position du roi Léopold , qui bien que
soutenu par la politique et les affections de famille de
la France et de l’Angleterre, ne peut obtenir de ces deux
puissances leur séparation d’avec celles qui ont pris
pari aux conférences de Londres.
La Russie qui licul à la famille de Nassau par des
liens de parenté , d’alîeclioit et de politique, la Russie
dont l’intérêt est de faire diversion pour détourner les
regards des puissances de scs vues ambitieuses d’agran-
dissemcnls el d'influence sur la Subiimc-l’orle; pour
distraire la France et son attention sur l’Espagne; pour
occuper l’Angleterre, ailleurs que vers le Bosphore et la
Perse , la Bussie verrait sans peine une conflagration
générale dans le Midi de l’Europe, et, si elle éclatait,
elleconiribuerail detoul son pouvoir à propager l'incen-
die. L’Angleterre elle-même ne fera aucun effort sérieux
pour éloigner le fléau de la guerre, elle n'aurait rien à
y perdre landisque, simple speclatrice, elle verrait tous
ses rivaux s’affaiblir dans une lutte acharnée qui arrê-
terait i’essor de leur commerce, engloutirait leurs fi-
nances, et appauvrirait leur sang.
La Franceseule,alliée naturelle de la Belgique, qui a
un intérêt direct à sa conservation , a aussi l’intérôl le
plus grand à la conservation de la paix ; l’exaltation chez
son alliée du Nord, l’irritation de son alliée du Midi ,
l’Algérie et le Mexique la lui rendent d’autant plus né-
cessaire en la lui rendant plus difficile. Ira-t-elle com-
promettre sa Iranquilité,voire mêmeson existence, pour
conserver à la Belgique quelques parties du territoire
ou 500,000 amesde plus? cartel eslen définitive le pro-
blème à résoudre; malgré tonies les sympathies qui font
désfrer le triomphe des vœux de la Belgique et des ha-
bitants du Luxembourg, peut-on souhaiter que la ques-
tion soit tranchée par le sabre ? peut-on espérer qu’elle
le sera favorablement par les armes ? ici le doute est au
moins permis et la crainte n’est pas sans raison.
Et si les monarques absolus, qui oui eu foi en la mo-
dération de Louis-Philippe, qui ont compté sur la durée
du système de Casimir Périer dont la puissante volonté
savaiL si bien allier les idées de liberté pour la France
avec le respect dû aux aulres gouvernements, voyant le
roi des Français forcé d’abandonner à la fois sa modé-
ration el un système qui fait sa force, non contents de
l’obliger à protéger l'immensité de ses frontières, vien-
nent encore compliquer sa position, en lançant-dans le
Midi et l’Oueslde la France les prélentions de Henri V
comme un brandon de discorde, réveillant ainsi des
passions, des ambitions, des affections qui n’étaient
qu’assoupies, peuvent reprendre toute leur énergie à
l’aspect d’un chef apportant avec lui des armes et de
l’argent; que deviendrait alors la Belgique elle-même?
Ce moyen serait sans effet dans une guerre injus ement
suscitée à la France, la pairie et la gloire nationale se-
raient en jeu; mais ii acquerrait au moins une grande
importance dans une guerre déclarée parla France pour
des’intérêts qui ne seraient pas directement les siens,
qui exciterait peu de simpalhie et d’enthousiasme et ne
saurait devenir ni nationale ni populaire.
II est cruel d’en convenir, mais ces réflexions, fruit
de l’expérience, ne sont pas favorables aux prétentions
exaltées des Belges, aux désirs plus justes des Luxem-
bourgeois, si les puissances, ouvrant un champ clos à
la Belgique el à la Hollande, devaient, comme jugesdu
camp, rester simples spectateurs du combat, nous di-
rions sans hésiter : « Ouvrez la barrière, et laissez al-
ler. >■ Malheureusement il n’en peut être-tins’, etavant
de rien entreprendre, la Belgique doit tout considérer.
C’est assumer une terrible responsabilité que d’en ve-
nir à une agression qui peut mettre l’Europe en feu et
compromettre la nationalité de plus de quatre millions
de Belges pour en donner une à trois cent mille Luxem-
sionnés par les cartes de visite. Moi, qui vous parle, je suis
une victime de ce fléau. Voici mon aventure : C’était il y a
deux ans environ, un malin, entre sept et huit heures; j’avais
passé la nuit au bal et je dormais profondément. lorsque mon
domostique vint me réveiller ; — Qu'est-ce donc ? — Des
messieurs qui vous demandent. — Dites-leur que je dors. —
Ils prétendent que c’est très pressé, et quÿl s'agit d'une affai-
re d'honneur. — Un duel ? C’est sans doute, pensai-je, un
ami qui veut que je lui serve de second. Et sacrifiant mon
60inmcil à l'appel de l’amitié, je me hâtai de quitter le lit et de
me présenter â mes visiteurs ; ils étaient trois, et je n’en con-
naissais pas un.
— Messieurs, leur demandai-je, voudriez-vous bien m’expli-
quer le sujet de votre visite matinale ?
— Mais rien n'est plus clair, ce me semble , répondit en
souriant un des trois inconnus ; c'est moi qui suis voire ad-
versaire. et ces dem messieurs sont mes témoins.
— Ah ! vraiment ?
— Et je viens vous chercher pour notre duel.
— fort bien ; mais vous plairnil-il de me dire à quelle oc-
casion je dois avoir l'honneur de me couper la gorge avec
vous. monsieur ?
— N’êtes-vous pas M. Arthur D... î
— Sans doute : mais qu'est-ce que cela prouve ?
— Cela prouve, monsieur, qu’hier soir, â la sortie du Théâ-
tre-Français, vous m’avez insulté de la façon la plus grave,
dans ia personne d’une dame que j'accompagnais,
s — Moi!... Et vous me reconnaissez...
J — Je n'ai pu parfaitement distinguer vos traits; car nous
étions dans un corridor obscur, vous devez vous en souvenir,
et la foule élait nombreuse; mais nous avons échangé nos
caries et voici celle que vous m’avez donnée.
•— En effet, c'esl bien là ma carte, j'en conviens ; mais que
ce soit moi qui vous t’ai remise, voilà ce que je nie absolu-
ment.
-Est-ce une mauvaise plaisanterie, monsieur? otimlti tôt,
bourgeois etc., que de faire de ce beau pays le théâtre
d’une guerre acharnée et vindicative. Augurons mieux
de la sagesse de la nation et du roi qu’elie s’estdounée.
X
CONVERSION POLITIQUE.
Nos lecletirs auront sans doute, encore toute pré-
sente à la mémoire, la lettre qui nous avait été écrite
d'Amsterdam, le 28 décembre, el que noire numéro
de dimanche reproduisait, en ajoutant que les craintes
exprimées par notre correspondant étaient exagérées,
mais qu’elles étaient de nature à faire faire de mûres
réflexions à la partie belliqueuse de ia nation belge, et
que si nous faisions connaître ces craintes celait dans
l'unique but de faire apprécier les tristes résultats
d'une tactique à laqueiie les personnes sages el influen-
tes devraient chercher à apporter un terme.
Le Journal du Commerce, semblable à l’homme
qui se noie el qui s’accroche au premier brin de paille
qu'il rencontre, s’est accroché à cette lettre pour opé-
rer un changement de décoration à vue, et tout-à-coup
le voilà redevenu pacifique et commercial.
Voici comment il ose s’exprimer, lui qui avait
vomi contre Ie Précurseur, des millions d’injures
plus grossières les unes que les autres. depuis tant
d’années! Prenez son numéro du 31 décembre, et
vous y lirez ces lignes :
« Nous sommes loin de croire que ce journal
( le Précurseur) obéisse à un calcul ou à une impul-
sion ...........................................
« Ce journal (toujours le Précurseur) a assez de
conscience pour s’en abstenir...................
« Nous sommes donc certains qu'une pareille
interprétation de sa conduite n’est pas plus vraie
que les prétendues correspondances d'Amsterdam;
mais enfin elle se fait ; elle est nuisible au journal
en question, ETC EST POURQUOI NOUS L’EN
AVERTISSONS.»
Nous n’aurions jamais eu la présomption de croire
que nos principes commerciaux el pacifiques eus-
sent réellement fait un semblable prosélyte; cependant
nous n’aurions jamais su à quoi attribuer une volte-
face aussi brusque, aussi étonnante, si la date du 31
décembre n’était venue à notre aide, en nous faisant
apercevoir tout simplement une conversion simulée
comme l’on en voit tant vers cette époque-ci de l’an-
née, chez les journalistes à sentiments et opinions
élastiques. En effet, il doit y avoir eu grande déser-
tion dans le camp de notre confrère qui sera bientôt
réduit à prêcher dans le désert, si nos registres d'a-
bonnements continuent à s’enrichir aux dépens des
siens, comme iis l’ont fait depuis quinze jours.
En échange des bons procédés du Journal du
Commerce, c’est à notre tour à lui donner un con-
seil. Nous lui conseillons donc de s’occuper un peu
plus de tout ce qui doit rendre son journal utile au
commerce dont i! a usurpé le nom jusqu'à ce jour, et
qu’il s’occupe un peu moins de ses inimitiés et de ses
haines particulières qui ne sont nullement d’un inté-
rêt général. Et si sa conversion est sincère qu’il se
joigne à nous pour tâcher de paralyser l’effet de
l'imprudence de ces journaux qui répandent l’alarme
au loin , au moyen d'articles qui appellent les
Belges aux armes et que bien des étrangers prennent
au grand sérieux. Qu’il réunisse ses efforts aux nôtres
pour prévenir la Belgique contre l’abîme qu elle se
creuse à elle-même. Qu il réunisse sa voix à la nôtre
pour lui faire comprendre , en le répétant à satiété,
qu’il n’y a pas de sécurité sans commerce, et que sans
commerce il n’y aura jamais de Belgique riche et opu-
reculcriez-vous devant la réparation d’un outrage?...
Le débat s'échauffa , des mots offensants furent lancés de
part et d’autre, et nous nous rendîmes sur le terrain. Mes té-
rnoins attestèrent à mon adversaire que je n’avais pas pu la
veille avoir avec lui une querelle au Théâtre-Français . car
j’avais passé la soirée avec eux, dans un bal au faubourg St.-
Germain, el ils ne m’avaient pasquitté depuis huit heures du
soir jusqu'à deux heures du matin La preuve de cet alibi ve-
nait trop tard ; notre orageuse explication s'était emportée si
loin, que le combat était devenu nécessaire. Je me battis donc
pour mon propre compte, et je reçus un coup d'épée.Ma bles-
sure ine retint au lit pendant quinze jours Pour me consoler,
unde mes amis me raconta une aventure du genre de la
mienne, mais plus cruelle encore, arrivée â un jeune homme
nommé Théodore P.... fils du banquier de ce nom.
Théodore avait toujours joui d une excellente réputation ;
en toute circonstance, il s'était conduit honorablement, et
l'estime publique élait pour lui un tribut mérité. Un beau
jour, ses amis lui tournent le dos, on lui adresse à peine la
parole, on le traite avec une légèreté loule cavalière. Juste-
ment surpris de ces façons auxquelles il n’est pas accoutumé,
Théodore en cherche le motif, el, ne pouvant le trouver, il
s'adresse à la franchise d’un de ses anciens camarades de col-
lége, jeune avocat d'une discrétion à mute épreuve.
— En vérité, je ne te comprends pas, répondit l'avocat, et
les questions me paraissent fort étranges. Tu me forces à te
rappeler des choses médiocrement agréables; mais, puisque tu
exiges que je parle, je suis trop bon camarade pour me taire.
La raison du traitement dont tu le plains, c’est ta conduite.,
singulière dans ton affaire avec le capitaine des chasseurs
d'Afrique.
— Quelle affaire ? quel capitaine?
— Tu sais bien ! â l'Opéra-Comique? Le capitaine avait
tort, et c’est précisément pour cela que tu devais tenir à ia
réparation. L'insulte élait grave, très grave : un soufflet !
Tout le inonde raconte l’histoire telle que je te la dis : vos
lente, telle que nous l’avons rêvée, et telle que nous
n’avons pas cessé une minute de la vouloir depuis
notre existence.
Mais que le Journal du Commerce ne perde pas
de vue que, si cetle conversion ( la cinquième depuis
son existence ! ) est envisagée favorablement par la
Belgique commerciale qui le considère, il n’en sera
plus de môme une sixième fois, parce que tout le
monde conserve grave dans son esprit cet adage que
le sage Saadi écrivait sans doute dans un moment
d humeur contre les girouettes du douzième siècle :
« Si la peste donnait des pensions, la peste
trouverait encore des flatteurs et des serviteurs. »
Il ne faudrait pas que la singulière et funeste in-
fluence que for exerce sur notre pauvre espèce hu-
maine allât jusqu’à ce point là chez le Journal du
Commerce qui devrait tenir à ne pas figurer dans la
nouvelle édition qu’on a mise sous presse du Diction-
naire des Girouettes, el qui ne devrait pas oublier
que les paroles s’envolent, mais que les écrits restent;
« Verba volant, scripta manent. »
RUSSIE.
St-Péterseocrg, 8 décembre. — L’empereur a approu-
vé de construire un chemin de fer depuis la ville do
Morschausk, située sur îeZua. dans le gouvernement do
Tambow, jusqu’à l’embouchure de ce fleuve. Une socié-
té par actions se chargera de l'entreprise. Celle nouvelle!
voie de communication accroîtra extraordinairement
les relations de la capitale avec les gouvernements du
sud. Morschausk est une des principales places de com-
merce de l’empire, entourée de plusieurs des plus fer-
tiles gouvernements méridionaux, Tambow, Saratow,
Sensa, Woronescb el aulres, qui y débitent leurs pro-
duits. d’où ils sont transportés par eau à Sl-Pétersbourg
par le Zua, l’Okka, le YVolga. le Wolchow et la Newa.
Üu estime que le total des marchandises qui arrivent à
Morschausk pour être réexpédiées vers le nord s'élève
annuellement de 20 à 25 millions de pouds (iepoudest
un poids de 55 à 40 livres. )
— Le Journal de St-Pètersbourg, du 15 décembre,
contient le programme des cérémonies des fiançai tics
de la princesse Marie avec le due de Leuchlenberg,
Celle solennité, dit-il, aura lieu demain, et le due d#
Leuchlenberg partira mercredi pour Munich,
HANOVRE,
Hanovre, 26 décembre. — Le cabinet a enfin décla-
ré que l’affaire des sepl professeurs île Gœtlingue des-
tilués était une affaire purement administrative et que,
par conséquent, les tribunaux n’avaienl pas à en connaî-
tre. La chancellerie de justice s’esl vainement elevée
avec énergie contre ce rescril, le cabinet a persisté et
dit que s’il y avait doute sur la question de savoir si l’af-
faire était du ressort judiciaire ou du ressort adminis-
tratif, ia solution de celle question iTapparlcnail qu’au
conseil-d’élal, cl qu’elle lui serait soumise dès qu’il serait
institué. Il est clair que celui-ci décidera dans le sens
du gouvernement.
Celte conduite montre quelle sera la marche du ca ,
binel à l’égard des refus de payer les impôls que l’on
redoute après la nouvelle année: on considérera comme
affaires administratives tous les procès qui en résulte-
ronleton les soustraira ainsi au jugement des tribunaux.
Il ne reste plus aux sept professeurs qu’à s’adresser à
la diète germanique.
. PRUSSE,
Berlin, 22 décembre.— Nous avons de récentes nou-
velles d’Espagne qui confirment ce qui a élé dit précé-
demment. Les plus fidèles partisans de don Carlos re-
gardenU’affaire du prétendant comme perdue et n’at-
cartes furent échangées, et, séance tenante, rendez-vous fut
pris pour le lendemain, à Montrouge. Vous deviez vous bat-
tre au pistolet. A 1 heure dite, le capitaine était sur le terrain
avec ses deux témoins : Ils l’attendent deux heures, et lu ne
parais pas : cependant le capitaine avait eu soin de t’avertir
que, par ordre formel du ministre de la guerre, il devait par-
tir le soir même pour Alger. Las de t’atléndre inutilement,
ton adversaire remonte en voiture et se rend chez toi, toujours
avec ses deux lémoins ; et quel est son étonnement lorsqu'on
lui apprend que tu es parti à six heures du matin pour les
eaux de Bade !... N'est-ce pas ainsi que les choses se sont
passées ?
— C’est une indignité, une affreuse calomnie ! Il n’y a pa»
un mot de vrai dans toute celte histoire 1
— Allons donc ! Le capitaine, cependant, n’est pas un im-
posteur. Il a été tué dans la dernière campagne ; mais scs lé-
moins, deux hommes dignes de foi, sont là pour attester le
fait. Je ne te conseille donc pas. mon cher ami, d’avoir re-
cours à un démenti pur et simple; ce serail un moyen de jus-
tification assez maladroit et qui ne persuaderait personne.
Théodore demeura anéanti; jamais il n’avait eu de querelle
à l'Opéra-Comique, mais il était évident que sa carte avait
élé donnée par un tiers prudent.Cetle carte était uqe preuve
écrite, qui avait déposé contre lui. Four comble de fatalité,
le capitaine, qui seul pouvait reconnaître son erreur, était
mort, el ses témoins ne pouvaient répondre que de ce qu'ils
«avaient; le capitaine leur avait dit J’ai un dupl hrce’M-
Théodore P...quej’ai insulté, il m’a remis sa carte" quevoici...
Comment découvrir le lâche qui s’élail servi, de cçt abomina-
ble expédient ? Comment désabuser l'opinion publique ?
Théodore, malgré tous ses efforts, n'a jamais pu effacer celte
flétrissure.
Les deux anecdotes racontées par Arthur, donnèrent tma
nouvelle force aux arguments fulminés contre les cartes da
visile. On ne saurait, en effet, s'empêcher de contenir que
l'échange de e s cartes dans les querelles peut dontHfr lietl
|