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1874-1875
No 5.
lre ANNÉE.
ABONNEMENTS :
Belgique......fr. 25-00
Etranger.......fr. 28-00(le port en sus.)
DIRECTION :
Rue Cans, 22, Ixelles.
L’ÉMULATION
PUBLICATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
D’ARCHITECTURE
— DÉPOSÉ — DE BELGIQUE — DÉPOSÉ —
ANNONCES ET RÉCLAMES
A FORFAIT.
S'adresser rue des Palais, 166
SCHAERBEEK.
RÉDACTION:
Rue des Quatre-Bras, 5, Bruxelles.
SOMMAIRE :
TEXTE. PLANCHES.
N° 17. Fortifications d’Anvers. — Porte de Turnhout. Architecte M. Félix Pauwels.
L’architecture contemporaine dans les habitations. (Fin) E. A.— L’Exposition N°18. Escalier d’une maison de la rue des Teinturiers, à Bruxelles, démolie. — Relevé de
nationale des Arts Industriels. E. A. — Nos planches. — Deuxième anni- l’architecte de la ville, M. Jamaer.
versaire de lA fondation de la Société Centrale d’Architecture.—Faits divers. N° 19. Concours triennal d’Anvers. Projet de station. — M. Bilmeyer, Coupe transversale.
La lettre du Roi. — Bordereau de prix : Peinture. N° 20. Château de Faulx, comm. de Goyer prov. de Namur. Architecte M. Henri Beyaert.
Plan du rez-de chaussée.
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Bruxelles, le 1er janvier 1875.
L’architecture contemporaine dans
les habitations.
Le second type d’hôtel ou de maison de maître,
moins fréquent par suite du haut degré de fortune dont
il faut jouir pour pouvoir se construire une habitation
semblable et l’habiter, a généralement son entrée dans
l’axe de la façade. Cette entrée donne accès à un
vaste vestibule, décoré avec soin et avec richesse, et
où l’artiste peut chercher à faire de l’art, ce qui ne
lui arrive pas souvent, malheureusement.
A l’entrée du grand vestibule nous trouvons la loge
du concierge; au milieu, deux dégagements ornés de
pilastres ou de colonnes, formant un ensemble qui se
prête à la décoration, et donnant accès d’un côté aux
appartements particuliers, tels que antichambre,
salon, bureau, cabinet de travail, bibliothèque, etc., du
maître de céans, et de l’autre, à des salons de récep-
tion, antichambres, vestiaires et vaste salle à dîner ;
ces salons précèdent le grand escalier, complètement
dégagé, large, et construit en matériaux de choix:
marbres, bronzes, etc.
Le grand escalier de cet hôtel doit attirer tous les
soins de l’architecte, car, ainsi qu’on peut le voir dans
les palais de l’Italie, on peut en obtenir des effets ad-
mirables, en le découvrant entièrement , en l’entourant
d’une galerie, ou bien encore en le décorant de co-
lonnes, pilastres et niches. Les marches peu élevées
et larges ont, le plus souvent, de 13 à 16 centimètres
de hauteur pour 35 à 32 centimètres de largeur.
La longueur des marches est de lm50 à 2m00.
La rampe est formée d’un socle en marbre sur
lequel s’appuient des balustres de la même matière ou
en bronze, portant la main-courante en pierre ou en
bois noble.
Dans certains palais du commencement de ce siècle,
tels que celui du Parlement belge, par exemple, les
escaliers sont droits, c’est-à-dire, que la montée se
fait entièrement dans une même direction, et que l’on
arrive dans un vaste dégagement donnant accès aux
galeries ménagées à droite et à gauche.
Les escaliers, outre qu’ils exigent beaucoup d’espace
ne sont pas d’un aussi bel aspect que ceux construits en
une première volée droite conduisant à un palier, avec
deux volées en retour, dans l’autre sens, et atteignant
le niveau de l’étage.
Cette disposition qui permet au spectateur placé à
l’étage d’embrasser d’un coup d’œil l’escalier entier,
a en outre cet avantage de se prêter beaucoup mieux
à la décoration. On voit les socles aux paliers servir
d’appui àdescolonnes, des candélabres, ou desstatues,
et l’on n’a pas, comme dans le premier cas, ces deux
ongs triangles du mur d’échiffre, difficiles à déco-
rer, et qui semblen enfermer comme dans une sorte
de tunnel, les personnes gravissant l’escalier. Aussi
est-ce généralement cette dernière disposition que l’on adopt.
L’escalier sépare les salons et l’antichambre de la
salle à manger qui se trouve vers le jardin, et avec
laquelle communiquent, ainsi qu’avec le grand déga-
gement, l’escalier de service et l’office.
De l’autre côté du vestibule nous trouvons, comme
nous l’avons dit plus haut, les appartements du maître
du logis ; à ces appartements est joint un petit esca-
lier qui conduit au premier étage, lequel est composé
d’un dégagement ou galerie devant le grand escalier,
et donnant accès au salon et à la salle de fêtes placée
souvent à front de rue. A côté de cette salle un fu-
moir, un salon de jeux et un salon de conversation
qui peuvent être réunis. Vers le jardin, la galerie,
ornée de tableaux de maîtres et de statues, nous con-
duit dans une serre ou jardin d’hiver et à l’escalier
de service près duquel sont placés la chambre des
maîtres et les cabinets de toilette et de bains, ainsi
que les water.
Au deuxième étage quelques chambres à coucher
avec cabinet de toilette, cabinet de travail ou d’étude,
chambre pour étrangers, etc.
Le bâtiment d’habitation occupe ainsi toute la façade
principale, sauf dans certains cas où l’entrée cochère
est placée à droite ou à gauche et conduit dans une
cour d’honneur dans laquelle se trouve le perron sur
lequel s’ouvre le vestibule conduisant au grand esca-
lier, aux salles d’introduction et aux appartements.
Le jardin est assez vaste et sépare l’hôtel de ses
dépendances : écuries, sellerie, remises, cour de ser-
vice, fumier, pompes, puits, citerne, etc.
Voilà à peu près ce que demande l’habitation que
nous connaissons sous le nom d’hôtel.
Le même luxe, la même grandeur se rencontrent
dans la plupart de ces vastes bâtiments, hôtels pro-
prement dits où descendent les étrangers, de passage
dans la ville ; les appartements, généralement plus
petits et par suite beaucoup plus nombreux, sont éga-
lement meublés et décorés avec goût et avec richesse
et présentent tout ce que le confort réclame.
FAÇADES.
Comme nous l’avons dit en commençant cette étude
nous ne trouvons rien de bien neuf, de réellement
remarquable comme originalité intelligente et de bon
goût dans les façades de nos habitations contempo-
raines. Nous croyons bien faire en ne cherchant pas
à faire ressortir les supériorités, n’osant préjuger des
appréciations de l’avenir qui seul aura à se prononcer.
En passant en revue les façades do toutes les habi-
tations qui s’élèvent sous nos yeux, ce qui nous frappe
d’abord c’est la grande variété des caractères, la di-
versité des tendances : nous avons sous les yeux toute
une collection de conceptions architecturales qui nous
rappellent les rangées de belles gravures reproduisant
les édifices et les maisons des diverses époques, des
styles successifs que M. Stappaerts nous mettait sous
les yeux, alors que nous avions le plaisir, le bonheur
de suivre cet excellent cours d’archéologie qu’il donne
depuis si longtemps et avec autant de zèle que de
savoir à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles.
Nous l’avons dit plus haut; nous ne blâmons pas
cette exhumation des vieilles époques et de vieux
styles : cela nous prouve que les architectes nos con-
temporains étudient; mais nous nous permettrons
d’élever notre humble voix pour leur rappeler qu’on
nous demande du nouveau ; que l’on attend de nous
un caractère, un style qui soit bien le nôtre, et nous
craignons que quelques-uns au moins des styles exhu-
més ne puissent retrouver assez de vitalité aujourd’hui
pour avoir leur renaissance.
Cette rénovation n’a pour résultat, jusqu’ici, que
de plier à la mode le goût et l’art architectural, qui
sont uns, de tous les temps et, comme le beau, insou-
mis, antipathiques à tout ce qui ressemble à la mode
au caprice. Ce n’est pas non plus sans appréhensions
que nous voyons reprendre ce genre que l’on appelle
renaissance flamande; nous craignons cet emploi de
formes bizarres, contournées, qui ne nous donnent pas
même la sensation de l’agréable et qui ne sont que les
résultats de fatigants efforts d’imaginations excitées
par le désir de faire du neuf.
Certes, nous ne voulons pas exiger que, parce que
notre goût repousse la renaissance dite flamande l’on
rejette aux enfers de l’art de Vitruve ce style que nous
réprouvons; mais n’est-il pas d’autres raisons pour
calmer un peu ce brio, cet enthousiasme dont il s’est
vu honorer, cet engouement qu’il semble inspirer de-
puis quelque temps. D’abord est-ce bien sincèrement
exactement un style national ? Si nous nous rappelons
les constructions italiennes du seizième siècle, si nous
nous rappelons aussi notre grand Rubens étudiant et
relevant les palais de Gênes ; si enfin à ces construc-
tions nous comparons celles qu’il a élevées et que l’on
éleva après lui, nous nous voyons contraints de ré-
pondre négativement.
En outre, est-ce bien là ce que demande l’Archi-
tecture, ces formes, ces lignes contournées et tourmen-
tées, est-ce bien là l’esprit de notre art? Encore une
fois, nous répondrons négativement. Non l’Architec-
ture n’autorise pas ces bizarreries, car, toujours diffi-
ciles à exécuter, et souvent à l’encontre de la logique
et des exigences de la construction, elles ne sont
inspirées que par la fantaisie, la recherche et n’ont pas
subi le contrôle du raisonnement.
Les plus grands architectes, ceux dont l’on aime à
étudier les leçons et les édifices, nous tous enfin qui
étudions l’art des anciens, nous admirons l’esprit logi-
que et profond qui fait que tout dans leurs édifices a
sa raison d’être, joue un rôle déterminé : celui auquel
il est destiné.
Ce que nous voudrions rencontrer dans l’architec-
ture du XIXe siècle, c’est cet esprit de raisonnement,
que nous admirons dans toutes les découvertes, les
admirables inventions que nous devra la postérité;
nous voudrions aussi que la hardiesse ne soit pas le
but poursuivi par les architectes, mais que non-seu-
lement leurs constructions tiennent debout, mais en-
core qu’elles soient évidemment solides, stables, c’est-
à-dire que l’œil ne soit point frappé par une légèreté
excessive et ne porte point à l’esprit cette sensation de
doute, de crainte qui arrêterait le sentiment du beau
s’il se produisait, et empêcherait notre âme d’en rece-
voir l’heureuse impression. |