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1877
J\f 3.
3^NNEE.
ABONNEMENTS
Belgique:fr. 25-00.—Etranger:fr.28-00 (Port en sus.)
L’Année parue:
Belgique: fr. 30-00.—Etranger: fr. 33-00(Port en sus.)
L’ÉMULATION
PUBLICATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTEALE
ANNONCES & RÉCLAMES
A FORFAIT.
S’adresser rue Cans, 22,
IXELLES.
D’ARCHITECTURE
DIRECTION-ADMINISTRATION :
Rue Cans, 22, Ixelles.
— déposé —
DE BELGIQUE
— DÉPOSÉ —
DIRECTION - RÉDACTION :
Rue des Quatre-Bras, 5, Bruxelles.
— 19 —
Bruxelles, Mars 1877.
SOMMAIRE:
Architecture bourgeoise. — Nos excursions. — Chronique
des travaux. -—- Nécrologie. — Faits divers.
Architecture bourgeoise
(Voir notre N° 1 de cette année)
Dans son étude critique si intéressante, M. Emile
Leclercq constate avec raison que l’aspect correcte-
ment droit et propre de nos quartiers nouveaux est
souverainement ennuyeux ; il se récrie avec force
contre le ridicule emploi du plâtrage et condamne
avec énergie ce qu’il appelle avec tant de justesse les
mensonges architecturaux, tels que les peintures imi-
tant les marbres et les bois précieux.
Nous nous rallions sans réserves aux critiques
exprimées par notre honorable collaborateur et, avec
nous, tous nos confrères applaudiront à l’idée révolu-
tionnaire, comme dit l’auteur de l’article que nous
avons placé sous les yeux de nos lecteurs.
Mais je me permettrai de répondre quelques mots
au début même de l’article de M. E. Leclercq, avant
de reprendre en sous-œuvre l’étude critique qui en fait
l’objet.
L'Emulation n'est pas un journal populaire ; les
architectes s'y adressent aux architectes : on s'y occupe
surtout de l'art monumental. En son genre, c'est un
organe académique et classique.
Nous ne pouvons laisser passer cette appréciation
sans y répondre, sans essayer au moins d’en corriger
la portée. En fondant notre journal, notre première
préoccupation a été d’en faire un organe libre ; nous
avons voulu le débarrasser de toute espèce d’influence,
car, dans notre esprit, il ne devait suivre qu’une règle :
la recherche du vrai et ne devait viser qu’un but : le
Progrès. C’eût été nous fourvoyer, dès lors, que de
donner à l'Emulation cette tournure académique et
classique, et nous aurions singulièrement manqué le
coche en nous embarquant dans cette voie que nous
voulions à tout prix éviter.
Nous nous sommes occupés beaucoup de l’art
monumental, c’est vrai; mais nous avons songé à le
faire d’une façon qui ne fût pas utile exclusivement
aux architectes. Nous avons publié des monuments,
mais à côté de ces planches nous avons donné des
plans divers appartenant à un art qui n’est nullement
monumental.
Telles sont nos planches d’habitations, de maisons
de rapport, de maisonnettes de garde, etc. Toujours
nous songions aux entrepreneurs, aux petits construc-
teurs et c’est surtout ce qui nous a conduits à publier
ces planches de détails que beaucoup d’abonnés nous
ont dit être très-utiles (ce en quoi elles remplissent
complètement nos désirs).
Certes, nous aurions pu donner plus de ces maisons
bourgeoises ; nous aurions pu donner quelques types
de distributions originales qui n’effarouchent pas les
esprits timides ou dominés par la routine, en y joi-
gnant des façades simples et de bon goût. Mais il
nous a semblé plus urgent de condenser dans notre
publication les idées nouvelles, le goût de nos con-
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temporains au point de vue de l’art et de les communi-
quer à tous les architectes du pays.
Il était utile, avons-nous cru, de réagir au plus tôt
contre le mauvais goût qui s’était emparé du public,
mauvais goût qui devait passer de propriétaire à
architecte ; nous avons tâché (peut-être n’y avons-nous
pas toujours réussi) de donner les types où nous recon-
naissions des qualités sérieuses tant au point de vue
du style et du caractère qu’à celui de la science archi-
tectonique.
Quant à inspirer messieurs les entrepreneurs et les
petits bâtisseurs en leur donnant des plans tout faits
de constructions bourgeoises, à distributions origi-
nales, à façades simples et de bon goût, nous croyons
que ce ne serait pas atteindre le but que nous avons
rêvé, ce serait le dépasser.
En effet, il y a déjà, dans l’esprit du public, beau-
coup trop du maçon dans un architecte, et le discrédit
dont pâtit notre profession est seul cause de la mono-
tonie, du ridicule dont se plaint notre honorable cor-
respondant ; beaucoup de personnes ont cette convic-
tion qu’il n’est pas nécessaire de confier à un architecte
la construction de leurs habitations.
J’en appelle à tous mes collègues, j’en appelle à
l’opinion générale, monsieur Leclercq. Tous vous
diront que, bien souvent, à cette question : Quel est
votre architecte ? le propriétaire d’un ton aussi léger
que convaincu : Oh ! je n'ai pas pris d'architecte ;
mon maçon qui est entrepreneur depuis dix ans, de-
puis vingt ans, a construit assez de maisons pour m'en
faire une sans l'aide d'un architecte.
Et alors ! arrive-t-il quelque part un accident à
une construction de ce genre, l’on s’écrie : Oh ! ces
architectes ! Et après, quand il s’agit de régler les
comptes, que de déboires, d’ennuis, de colères même
qu’un architecte eût endossés, ô propriétaire !
Si vous vous servez d’un maçon, n’eût-il construit
que depuis dix ans, il vous fera une maison comme il en
a toujours construit, car il ne saurait imaginer autre
chose ; que nous lui donnions des plans types, origi-
naux autant que l’on voudra, et il ira planter dans
tous les coins de la ville, de la banlieue et peut-être
dans le bourg le plus reculé, toujours et partout le
même plan, la même façade, les mêmes pierres, les
mêmes châssis, les mêmes portes et jusqu’au même
nombre de charnières, de clous et de vis.
Serait-ce un progrès ?
Nous croyons que la véritable marche à suivre est,
pour nous, de contribuer au progrès de l’art architec-
tural en faisant connaître à tous ce qui se fait de bien,
de beau. Notre but doit être de nous éclairer autant
que possible par la connaissance des œuvres de nos
bons artistes, de donner à notre savoir et à celui de
nos abonnés ce guide précieux de compositions géné-
ralement reconnues comme savantes au point de vue
de l’art et du bon goût.
Cela ne nous empêchera pas d’être utiles aux entre-
preneurs et aux constructeurs, du moins à ceux qui
comprennent leur rôle et le nôtre dans l'art de con-
struire; nous leur donnons et nous leur donnerons
plus fréquemment, si nous le pouvons, les seuls docu-
ments qui les intéressent réellement : des notes, très-
résumées, concernant les matériaux employés, nous
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arrêtant surtout aux matériaux que donne le sol
belge ; des bordereaux de prix des divers ouvrages
du bâtiment ; des plans avec façades d’habitations ;
enfin des détails qui les initieront à la façon de con-
struire de nos architectes les plus renommés.
Nous voulons être utiles à la fois au point de vue
de l’art et à celui de la technique de l’architecture ;
c’est-à-dire que notre point de départ est précisément
cette division du travail que nous nous efforcerons
toujours de faire admettre généralement et dans tous
les cas : l'architecte conçoit, dirige et surveille ; l'en-
trepreneur exécute.
Voilà évidemment le seul moyen d’arriver à un ré-
sultat sérieux, car il contient ces deux principes in-
dispensables à toute organisation : l’ordre et la mé-
thode, principes sans lesquels on n’arrive qu’à la
confusion et à l’enraiement de l’activité dans le travail.
Mais en voilà assez sur ce sujet et revenons à nos
moutons, c’est-à-dire à l'abolition du plafonnage.
Comme nous l’avons dit, nous nous rallions entiè-
rement à la critique de M. Leclercq ; nous ne revien-
drons pas sur les faits qu'elle contient, si excellem-
ment exprimés ; nous nous contenterons d’exposer
quelques chiffres qui permettront d’apprécier qu’au
point de vue économique même, il y a intérêt à em-
ployer la brique appareillée et rejointoyée substituée
à ce maigre et fragile revêtement en plâtrage.
Supposons l’emploi de matériaux de choix, tels
que la brique de Mellet (près Fleurus).
Le parement, par mètre carré, revient à 8 francs
environ. Le mode ancien (car il disparaîtra) coûte :
parement de brique, fr. 1,80;—plâtrage à la chaux de
Tournay, 0,80 ; — pour moulures, cordons, cham-
branles, etc., répartis sur la surface totale, 1.90; —
peinture 0.80; soitfr.5.30.Différence en moins fr.2.70.
Or, tous les trois ans, la peinture des façades est à
refaire, dont coût fr. 0.75 le mètre carré; ce qui fait
qu’au bout de trois termes de trois ans, le prix par
mètre carré de façade plâtrée devient aussi élevé que
celui d’une façade construite en bonnes briques, appa-
reillées pour rester apparentes.
Mais l’on m’objectera (ce qui est très-discutable)
que le plâtrage empêche l’humidité de pénétrer dans
les maçonneries, accident que la porosité des briques
favorise, au contraire, d’une manière constante.
La brique de Mellet (et il en est bien d’autres) sont
faites d’une terre choisie qui se rapproche de la terre
du potier ; son poids spécifique, la brique étant cuite,
est d’environ lk.950 ; en outre, la face destinée à être
en contact avec l’air a reçu, avant la dernière cuis-
son, un vernis à base métallique qui la rend inacces-
sible à l’humidité. Ce vernis conserve la teinte de la
brique ou bien peut la modifier selon le désir de celui
qui doit l’employer.
A tous les points de vue, il y a donc avantage à
employer ce mode qui donnerait tant de cachet à nos
constructions ; en dix ans l’on a économisé en frais de
peinture la dépense en plus de la construction.
Ce dernier argument devrait vous décider, ô spé-
culateurs, à moins que vous ne construisiez que pour
douze ou quinze ans et alors !....
Nous reviendrons d’une façon plus complète sur ce
sujet dans un prochain numéro. |