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NOS EXCURSIONS
Notre dernière excursion a été très-intéressante :
nous nous étions réunis, dans le but de visiter le
château de M. Allard, à Uccle lez-Bruxelles.
En franchissant la grille, nous entrons dans un
parc qui, disons-le en passant, est dessiné avec goût,
bien planté et très-soigneusement entretenu. Dans une
des allées nous rencontrons en voiture Monsieur et
Madame Allard, qui, devant s’absenter, s’excusent de
ne pouvoir présider en personne à notre visite; des
ordres ont d’ailleurs été donnés pour que tout nous
soit montré jusqu’en ses moindres détails.
Des l'entrée, on ne voit rien du château, ce n’est
qu'après s’être avancé quelque peu qu’on l’aperçoit à
droite, au détour d’une allée. Bâti sur une hauteur,
à mi-côte d’une colline dont le pied est baigné par un
étang, le château est admirablement situé, et son
aspect très-pittoresque avec ses tourelles, ses toits
eleves et ses nombreuses girouettes. Il est construit en
pierres blanches sur fond de briquettes rouges, en-
semble de tons des plus harmonieux. Notons, entre
parenthèses, que c’est l’une des premières construc-
tions de nos environs, où la pierre blanche, dite de
h rance, ait été employée.
L’architecte, M. Cluysenaer, a traité son œuvre en
style dit « de la Renaissance » dans le genre des châ-
teaux construits dans le midi de la France.
La façade vers les étangs nous montre un corps de
bâtiment principal composé de deux pavillons : celui
de droite, de forme carrée, fait légèrement avant-corps,
s'élève au-dessus du toit et se termine en tour. Celui
de gauche, plus important, est flanqué à chaque angle
de tourelles en encorbellement percées de petites ar-
cades a jour formant balcons.
Les baies des fenêtres au rez-de-chaussée et à
l'étage, sont encadrées de chambranles et de linteaux
à crossettes ornés d’un motif central, genre de fenêtres
tres-goutées par M. Cluysenaer et que l’on retrouve
dans plusieurs de ses œuvres.
L'avant-corps central, l’entrée, comporte au rez-de-
chaussee un portique à arcade surmontée d’un enta-
blement et d’un appui : directement au dessus, deux
arcades plus petites, formant fenêtres géminées, sont
couronnées par un entablement et par une élégante
lucarne Renaissance, le tout formant un ensemble de
lignes des plus architectoniques.
Le plafond de ce salon est décoré de voûtes en péné-
tration, enrichies d’ornements. La cheminée, opposée
a l'avant-corps, en marbre blanc, est une belle étude du
style interprété par l’architecte. Sur le couronnement
s'appuient deux statues en bronze grandeur nature.
Devant les chenêts, deux esclaves nègres, en marbre
de diverses nuances, élèvent des flambeaux. Ce salon
sert également de salle de billard, ainsi que nous l’in-
dique ce meuble placé à droite.
On passe par la bibliothèque dans le vestibule fai-
sant face à la salle à manger avec laquelle il commu-
nique au moyen d’une large porte vitrée. Au centre
se dresse le grand escalier en marbre blanc. Une seule
volée, droite entre deux murs ornés de rustiques con-
duit au palier. Dans le mur opposé est pratiquée une
On arrive à la terrasse au moyen de deux escaliers
courbes disposes a chacune de ses extrémités, ainsi que
par un escalier central. De cette terrasse on jouit d’un
beau coup d'œil sur les environs. Tout en ajoutant au
pittoresque, l'architecte, en bâtissant ainsi sur une
sauteur, a satisfait à une précaution hygiénique indis-
pensable, a savoir de mettre le bâtiment à l’abri des
miasmes et des infiltrations du sol.
Nous pénétrons de plain-pied de la terrasse dans
la grande salle à manger. Elle est très-spacieuse,
haute de plafond et peut recevoir, au dire de l’inten-
dant, deux cents convives. Cette longue pièce est
divisée en trois travées, au moyen de colonnes suppor-
tant un entablement formant soffites.
Tout, jusqu’aux plus petits détails, dans la décora-
tion comme dans l’ameublement, reste dans le style
En fait d'objet d art, nous remarquons dans un angle
une belle réduction du célèbre groupe du Laocoon.
Une large portière donne accès au salon, meublé
avec luxe. De formé rectangulaire, il comprend toute
la façade ouest. Dans l’axe de celle-ci un petit avant-
corps circulaire permet d’étendre la vue sur les jar-
dins. Au milieu de cet avant-corps nous admirons une
belle statue de marbre blanc, une femme couchée
exécutée avec un fini et une pureté de galbe remar-
quables. On n'a pu nous renseigner ni sur le sujet ni
sur le nom de l’auteur.
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niche recevant une belle reproduction en plâtre du
chef d œuvre de Fraikin, l’Amour captif. Deux volées
en retour atteignent l’étage. La rampe, en bois sculpté,
se compose d’arcades rampantes séparées par des ba-
lustres. Un demi-jour est ménagé supérieurement
dans la cage, au moyen de vitraux peints.
Un long couloir donne accès aux diverses pièces
composant les appartements privés. Rien à remarquer
comme décoration, beaucoup de coquetterie dans
l'ameublement, mais il est regrettable, pour une mai-
son de campagne où il faut beaucoup d’air, et qui n’a
pas besoin d être chauffée, que les pièces aient si peu
d'élévation, environ 3 m. 50. On voit que l’étage
a été sacrifié au rez-de-chaussée.
Par un escalier dérobé nous redescendons au rez-
de-chaussée, dans le fumoir, qui est très-cossu. Les
parements du mur sont revêtus de boiseries sculptées,
en ébène, jusqu’à mi-hauteur de plafond. Nous re-
tournons dans la salle à manger, où une surprise
nous était ménagée : pendant que nous parcourions
les appartements, une table avait été dressée, et une
excellente collation, à laquelle préside la plus franche
animation, nous est offerte.
M. Allard, dont l’amabilité et la courtoisie sont bien
connues, avait voulu témoigner, une fois de plus, par
cette cordiale réception, la sympathie que lui inspire
l'étude des beaux-arts, façon de les encourager, au
moins tout aussi efficace, que mainte société, instituée
dans ce but. Nous sommes persuadés que cet
épisode n aura pas été le moins attrayant de l’ex-
cursion.
Nous quittons ensuite le château et nous parcourons
le parc, les serres chaudes et tempérées, où l’on nous
montre un curieux système d’arrosage en pluie arti-
ficielle, la vacherie dont nous admirons l’éclatante
propreté, la faisanderie, la volière, etc.
On le voit, rien n’a été négligé pour procurer aux
propriétaires de céans tout le confort désirable. Un
gazomètre a été établi par M. l’ingénieur Somzée,
aux confins du parc, pour l’éclairage du château et de
ses dépendances.
Nous nous acheminons ensuite à travers le verger
vers la demeure de M. Crabbe, attenante à la précé-
dente propriété.
Construit d’après les plans du même architecte, ce
château est, en proportions réduites, ce qu’est le pre-
mier. La dénomination de « maison de campagne »
lui conviendrait mieux. Ce sont les mêmes éléments,
le même style, les mêmes matériaux. L’intérieur ne
présente rien de particulier, la décoration, exécutée
par M. Charles Albert, est des plus simples. Quoi
qu'il en soit, la visite de cette maison de campagne
nous a beaucoup intéressés, et nous souhaitons en
finissant voir se renouveler ce genre d’excursions, le
plus souvent possible, persuadés de l’heureuse in-
fluence qu’elles exercent sur la Société, en procurant
à ses membres un double avantage : « s’amuser et
s’instruire. »
Chronique des Travaux.
Le nouvel hôtel des postes élevé suivant les plans et
sous la direction de M. l'architecte De Carte, est aujourd’hui
entièrement débarrassé des échafaudages qui enveloppaient la
façade, et l’œuvre fait réellement sensation, c’est-à-dire que
les passants s’arrêtent nombreux devant cette construction.
Les avis sont partagés quant au mérite de cette œuvre
architecturale ; elle a des admirateurs, mais elle a aussi des
détracteurs, et l’on va même jusqu’à discuter la réputation
acquise par l'architecte auteur de cette construction.
Nous regrettons vivement de ne pouvoir nous ranger parmi
les admirateurs de l’Hôtel des Postes, car M. l’architecte
De Cuite a donne déjà des preuves d’un talent remarquable
et pour ceux qui s’occupent d’architecture et qui connaissent
ses œuvres, la réputation de l’artiste n’est pas surfaite. Mais
dans la composition de la façade de l’Hôtel des Postes, l’ins-
piration n a pas été heureuse, et dans l’exécution même de
l’œuvre nous trouvons une véritable exécution.
Nous avons été péniblement surpris en présence de cet
inextricable fouillis d’ornements de toute espèce qui courent
descendent, montent, se détruisent mutuellement, produi-
sent une douloureuse fatigue de l’œil qui, à travers ces buis-
sons touffus, cherche pensée et les lignes architecturales.
L’auteur de cette œuvre semble avoir voulu lui donner un
caractère d’élégance et de richesse, mais le but a été dépassé
et le résultat obtenu n’est nullement heureux. Nous dirons
cependant que quelques détails, quelques motifs sont d’un
bon style et leur application raisonnée.
. Mais dans une œuvre de cette importance nous aurions
aimé plus de grandeur dans les éléments et une sage sobriété
dans la décoration ; jamais la sculpture ornementale n’a et ne
doit jouer un rôle aussi prépondérant dans une composi-
tion architecturale ; l’artiste ne doit l’employer que comme
complément, comme accessoire, et non dans le but d’accen -
tuer le caractère esthétique de sa composition et encore
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bien moins dans le but de compléter les lignes archi-
tectoniques.
Il ne faut pas non plus perdre de vue qu’en architecture
le caractère de solidité, de stabilité ne peut être perdu de
vue sous peine de détruire complètement et l’imité et l’har-
monie.
L’auteur lui-même de cette œuvre semble avoir compris
d’ailleurs que les masses de la façade manquaient de grandeur
et de pondération dans les éléments, manquaient surtout de ce
quelque chose qui attire l’œil du spectateur au centre de gra-
vité des masses, car il a complété la partie centrale par un
couronnement énorme qui n’inspire qu’un sentiment : la
crainte.
NÉCROLOGIE
La Société Centrale (l’Architecture de Belgique a perdu son
président d’honneur, l’honorable et universellement regretté
M. J. M. G. Funck, premier échevin de la ville de Bruxelles et
représentant de l’arrondissement.
C est une perte sensible pour notre jeune association qui avait
trouvé en M. Funck un protecteur dévoué et convaincu; nous
avions pu à diverses reprises apprécier toute la bienveillance
et l'affabilité de ce caractère sympathique qui le fait regretter de
tous ceux qui l’ont connu.
Notre président d'honneurn'était âgé que decinquante-cinq ans;
tout faisait espérer qu il nous serait conservé longtemps encore,
aussi cette mort si prompte a-t-elle rendu encore plus sensible le
coup qui nous a frappés.
Nous apprenons aussi la mort de l’architecte A. Payen, ingé-
nieur principal à l’Administration des Chemins do fer de l’Etat
(service des Bâtiments), et mémbre de l’Académie de Belgique.
M. A. Payen a été, depuis la mort de M. Suys, professeur de com-
position à l’Académie royale de Bruxelles, fonctions que son âge
avancé l’avait forcé d’abandonner l’an dernier; il fut alors nommé
professeur émérite et admis à la retraite.
L’artiste que nous venons de perdre était très-estimé, tant pour
son caractère et son affabilité que pour sa science incontestable.
On lui doit divers travaux importants parmi lesquels nous citerons
les gares de Gand et de Bruxelles-midi.
Son enseignement à l’Académie des Beaux Arts de Bruxelles a
. été la continuation de celui de feu M. Suys ; il tendait surtout à
inculquer l’amour et la connaissance parfaite de l’art classique ;
ses élèves sont très—nombreux et il en est parmi eux qui ont au-
jourd’hui une certaine réputation.
FAITS DIVERS
La Société des sciences, des arts et des lettres du Hainaut
ouvre un concours ; parmi les divers sujets indiqués par le
programme nous remarquons : Etudier l’architecture dans
les monuments et les maisons particulières de la ville de
Mons jusqu’au XVIIIe siecle.
Les manuscrits doivent être remis franco chez M. le Pré-
sident de la Société, rue des Compagnons, 21, à Mons, avant
le 31 décembre prochain ; la prime qui sera remise à l’auteur
du mémoire couronné consiste en une médaille d’or.
Les Architectes de la capitale viennent de se réunir dans le
but de fonder une chambre; déjà diverses mesures ont été
prises et le bureau a été constitué. Il est composé comme
suit.
Président. M. Henri Beyaert; Vice-président. M. V. Ja-
maer, Secrétaire. M. Bordiau; Membres; MM. Flanneau
Janlet, Maquet, Partoes, Roussel, Seghers et Trapeniers. Cette
commission est chargée, par l’assemblée, depréparer les statuts
et règlement dont le projet sera discuté dans une prochaine
séance.
Namur. Le Cercle artistique et littéraire de Namur orga-
nise pour le ler juillet prochain sa 3e exposition' internatio-
nale des Beaux Arts.
Pour tous renseignements s’adresser à M. Jules Trepagne,
secrétaire des expositions des Beaux Arts, à Namur.
Société des employés de travaux. Sous ce titre vient d’être
fondée à Bruxelles une association mutuelle philanthropique
des employés de travaux de l’agglomération bruxelloise.
Cette association a pour but :
1° De venir en aide à ceux de ses membres qu’une maladie
ou un accident obligerait de suspendre leur travail ;
2° D’assurer, aux frais de la Caisse de l’Association, aux
membres malades le droit aux soins de médecins et à l’obten-
tion de médicaments.
3° De pourvoir aux frais des funérailles des membres qui
viendraient à décéder;
4° De faciliter à la veuve et aux enfants mineurs des mem-
bres, les moyens de se créer une subsistance honnête avec
l’aide d’une subvention collective ;
5° De créer un bureau de correspondance et de renseigne-
ments afin de faciliter l’obtention d’un emploi aux membres
accidentellement sans travail.-Comme on le voit par l’extrait
ci-dessus des Status de l’Association nouvelle, le but en est
éminemment utile et digne de toutes les sympathies et tous
les encouragements.
Le Bureau définitif a été constitué ; il a pour président
M. Vanden-Brugge, inspecteur des travaux de la ville, et
pour secrétaire, M. Edmond Puyenbroeck ; le siége de l’asso-
ciation se trouve Place du Palais de Justice, 4. |