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1843. - W.o 16
UIERS, LuihH 16 Janvier•
(Huitième liuiée.)
LE PRECURSEUR
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PAIX. — LIBERTÉ. — PROGRÈS.
lO Janvier.
CIBA.7ÏBBSE DES REPRÉSENTANTS.
Séance «lu 14 janvier.
Les débats de la Chambre nous fournissent trop souvent l’oc-
casion de constater une remarque importante faite d’ailleurs
depuis long-temps : une question ardue s offre-t-elle à la dis-
cussion, une de ces questions pour lesquelles se passionnent
les hommes ou qui atteignent leurs intérêts, toujours ceux-ci
ont hâte qu’on en finisse, ils poussent à la conclusion, étouffant
les prémisses, étranglant l’argumentation. Cette précipitation
est aussi une preuve que les partisans d une cause ont le senti-
ment ou la conscience de sa faiblesse. Ainsi ou a vu M. le mi-
nistre des travaux publics serefuseraux explications qu'on lui
demandait tout en repoussant et en faisant rejeter par ses amis
la proposition d’ajournement émanée de l'honorable M. David.
On peut, il est vrai, nous objecter que dans la séance de samedi,
les partisans de l’opinion désastreuse de la section centrale,
dans l’affaire des sucres, ont appuyé, contrairement au vœu de
M. le ministre des finances, le renvoi à la section centrale des
modifications nouvelles proposées par le gouvernement. M.
Smits insistait pour empêcher ses amendements de passer par
la filière de la section centrale; il excipaitde l’urgence, attendu
le rejet des centimes additionnels et surtout de la simplicité de
ses amendements. Nous avons le regret de faire à 31. le minis-
tre des fiuances un grief de son opposition; il faut certainement
en finir, mais quand une commission demande à travailler de
nouveau sur un projet qui a changé de face, on ne peut s’y re-
fuser. Voici, du reste.de quoi il s’agissait.
Une motion d’ordre de l'honorable 31. 31ast de Vries demande,
soit la fixation de l’ordre du jour pour la discussion du projet
de loi sur les sucres, soit le renvoi à la section centrale des nou-
veaux amendements du ministère. 31. le ministre des finances
s'y oppose, parce qu'il n’a fait que redresser des erreurs et éta-
blir un équilibre parfait entre les sucres exotique et indigène.
31,31ercier, rapporteur de la section centrale, a prétendu au con-
traire et avec raison que 31. Smits proposait des changements
d’une haute importance, le rachat de l’industrie des sucres in-
digènes. Cette question grave et difficile intéresse à la fois la
liberté de l'industrie, nos finances et le salut du commerce
belge. Elle est sur le point d’agiteraussi la législature française,
quoique chez nos voisins, elle se présente sous un autre point
de vue. On ne saurait trop la méditer. L’Etat a-t-il le droit de
priver ses sujets de l’exercice d’une industrie quelconque ? La
raison d’Etat suffit-elle pour l’interdire? Ce rachat n'est-il pas
un privilège en faveur d’une industrie artificielle, laquelle en
bonne justice.devrait vivre desa propre vie ou mourir desa belle
mort? Contentons-nous de proposer ces difficultés; mais gar-
dons-nous d’en improviser les solutions. 31. le ministre des fi-
nances a bien son opinion toute faite à cet égard, mais en
est-il de même de la Chambre? L’assurance de 31. de 31érode à
cet égard est une garantie bien légère. Pour être sincère, nous
avouerons que nous serions plus satisfait si l’examen de cette
question était livré à un autre conseil que la section centrale
dont les préventions nous sont suspectes et les tendances nous
sont connues. Ce malheur ne nous empêchera pas de reconnaître
que la Chambre a eu raison de faire droit à la section centrale.
Que celle-ci fasse son rapport! On sera bien à temps de l’ap-
préciera sa juste valeur.
Cet incident vidé, il restait encore la querelle entre 31. David
et 31. le ministre des travaux publics.— J’avais promis hier des
documents, les voici, annonçait fièrement 31. Desmaisières.
Voici l’inventaire de l’arsenal de 31alines ; voici un projet sur
le personnel du chemin de fer ; voici les tableaux réclamés par
31. Rogier. Quant aux lieues parcourues par les locomotives, je
FEUILLETON.
Iii: SJACSETISME
Employé au sauvetage du navire le Télémaque.
Depuis quelque temps, le magnétisme fait le mort; on n'entend par-
ler de lui qu’à l’occasion de certains petits procès en police correction-
nelle. Les prophètes daignent corn para tire,comme de vulgaires humains,
devant des juges dont lesyeux sonlferniés à la lumière; ils sontatteints
et convaincus d’avoir pratiqué l’art de guérir, sans guérir personne. On
lescondamneàcinquante francs d’amende qu’ils daignent payer, et tout
est dit.
Quant aux miracles, ils deviennent tous les jours de plus en plus ra-
res» Nous aurions pu pourtant en enregistrer un dernièrement. A une
séance de magnétisme qui a eu lieu il y a à peineun mois, une respecta-
table dame de cinquante-huit ans, à moustache grise légèrement accu-
sée, à l’encolure épaisse, au menton de chanoine prébandier, s’est sou-
mise aux expériences. L’idée seule du magnétisme avait si bien opéré
sur elle, qu’avant la première passe, elle était endormie. Le magnéti-
seur a affirmé que ce sommeil, un peu hàlif, avait pour cause détermi-
nante la puissance de volonté qui le dominai^, lui magnétiseur.
La grosse femme endormie, ne s’est pas montrée parfaitement clair-
voyante. Ce n’est pas sous ce rapport que le miracle a été opéré. Un
monsieur s’est approché d’elle en frappant sur son gousset, et lui a pré-
senté sa main fermée ; le gousset avait rendu un son métallique; la
somnambule a deviné sans hésiter que la main fermée contenait des
pièces de monnaie, des pièces de monnaie blanches, et au nombre de
quatre. La main ouverte, il ne s’y est rien trouvé du tout. On a placé,
derrière la lèle de la bonne femme, un foulard déployé; elle a reconnu
immédiatement, et toujours sans la moindre hésitation, un portefeuille.
Consultée par un jeune homme,elle lui a annoncé qu’il n'avait plus de
mère ; et la mère était à deux pas de son (ils ; consultée par la mère, la
somnambule a bien voulu lui promettre un brillant mariage pour 1844,
ce qui était sans doute fort agréable pour un mari bien constitué , qui
recevait ainsi . à brûle-pourpoint, un billet de faire part de sa propre
mort, pour 1843 au plus tard.
Le magnétiseur suait à grosses gouttes.Quant à la grosse femme, elle
paraissait, en dépit de son immobilité nécessaire de somnambule, en-
chantée de son succès.
Mais il est établi en principe que les somnambules sont capricieuses.
Elles ont des jours où elles verraient à mille lieues de distance, d’autres
ou il ne leur convient pas même de voir le bout de leur nez. La grosse
femme était évidemment dans son mauvais jour, en ce qui concerne du
moins le présent et l’avenir : restait le passé. Le magnétiseur a pris sa
volonté à deux mains, ell’esprit de la somnambule, se décidant enfin à
subir l’impulsion, a fait un bond rapide à trente ou quarante ans en ar-
rière. Nous arrivons au miracle.
ha somnambule s’est tout-à-fait retrouvée jeune: sa moustache grise,
son enbompoint, son triple menton avaient disparu. Elle a revu, dans
une ravissante extase
ne puis pas fournir de renseignements à cet égard. Renvoyons
maintenant à mardi la suite de cette discussion. Au surplus, la
Providence du ministère, c’est-à-dire 31. de Theux ne voulait
pas plus de l'ajournement proposé par 31. David que 31. le mi-
nistre lui-même.
Il faut êtrejuste : 31. Desmaisières s’est exécuté sinon com-
plètement et avec grâce, du moins avec assez de promptitude.
A vrai dire, le tableau du magasin de 31ulines ne comprend
que onze mois de 1843;Ceux qui représentent le mouvement des
marchandises n’en représentent que huit. Avec ces pièces seu-
les, la Chambre ne devait pas être plus éclairée mardi qu’avant-
hier. Cependant, 31. le ministre a promis de les compléter
avant mardi, jour qui a été fixé pour la reprise de la discussion.
La Chambre a voté ensuite successivement les autres articles
du budget, sans autres observations que celles soulevées par
l’honorable 31. Cools sur la situation où le chemin de fer a ré-
duit les maîtres de postes. Ce budget épuisé, on a passé au
projet de canalisation de la Campine. A cette occasion. 31. IIu-
veners a pris la parole en faveur de celte contrée et proposé de
réduire la part imposée au commerce et aux propriétaires
par le projet. Ces amendements seront discutés aujourd'hui.
DE LA COiTlPTABILITÊ ME L'ETAT ET DE
EAISSIEK GÉAÊUAL.
— 1"■ ARTICLE. —
Une des plus grandes conquêtes de la révolution française a
été,sans contredit,le contrôle public des finances de l’Etat.
C’est le pays lui-même qui par ses délégués vole les dépenses
et c’est encore le pays qui par la cour des comptes en surveille
f’allocation. C’est un gage assuré contre les délapidatious et le
gaspillage des impôts payés par les contribuables.
Quoique nous vivions en Belgique sous le régime de ce beau
système; quoiqu'il y soit difficile, sinon impossible de détour-
ner de leur destination les fonds de l’Etat, car il faut d’abord
la visa de la cour des comptes pour toutes les dépenses, puis
la révision de tous les exercices clos par les Chambres, on n’en
a pas moins senti que le système n’est pas complet. Chacun de-
mande une loi régulière, plus parfaite que les réglements en
usage. Les uns la demandent en vue des améliorations vérita-
bles qu'il y a à apporter dans cette question si grave; les autres,
en vue d’une idée fixe, dont l’impossibilité sera clairement dé-
montrée par la discussion: à savoir,que les impôts qui entrent
dans les caisses de l’Etat, rapportent au profit de l'Etat un inté-
rêt quelconque jusqu’à ce qu’ils en sortent.
Nous sommes lout-à-fait de l'avis de ceux qui demandent la
loi de comptabilité pour mieux régulariser l'état de choses
actuel. Quoiqu’après la révolution nous ayons fait merveille,
en vérité, en fait d'administration financière, attendu qu'il y
avait tout à créer et à refaire, et que nous possédions peu
d’hommes pratiques, nous sommes bien loin encore d’atteindre
la perfection du mécanisme matériel du mouvement financier.
Nous ne parlons pas de la science financière proprement dite;
elle a été complètement méconnue de tous nos ministres des
finances, et la mauvaise situation dont nous subissons les con-
séquences a été la faute surtout des premiers. Pour être juste
néanmoins, nous devons ajouter que les circonstances ont été
extrêmement difficiles et qu’après la révolution il fallait, à tout
prix, consolider d’abord le nouveau gouvernement. Les événe-
ments ont été plus despotiques que les hommes ont été inha-
biles.
Quoiqu’il en soit, et la partie scientifique de nos finances
écartée, il s’agit pour le moment de compléterjtne législation
provisoire qui date de 1824 et qui a surtout besoin d’être plus
Son bras si dodu.
Sa jambe bien faite
Et le temps perdu.
L’illusion a été pour elle si complète, que se levant avec toute la lé-
gèreté d’une bachelettte de quinze ans, elle s’est précipitée dans les
bras d’un jeune homme que, d’une voix douce et émue, elle a nommé
Alfred. Le mari de la somnambule était présent, et son petit nom est
Jean-Baptiste.
Personne ne peut dire jusqu’où seraient allées les choses,si le magné-
tiseur n’avait pas pris le parti de réveiller la somnambule.
Le sommeil magnétique a cela de cruel, qu’il ne laisse même pas
après lui ce léger souvenir qui prolonge un beau rêve. La somnambule
réveillée n’a plus été que la pauvre bonne femme d’auparavant; son re-
tour vers le bel âge. vers l’âge des amours, vers l’âge des Alfred, avait
eu la rapidité de l’éclair qui sillonne la nue et. ne laisse rienderrière elle,
La pauvre femme, pourquoi l’a-t-on réveillée !
Ce que nous venons de rapporter est historique. Le fait s’est passé à
Bruxelles le dimanche 18 décembre 1842.
Nous avons dit: le magnétisme fait le mort, il ne commet plus de mi-
racles. Certes il y a bien quelque chose de miraculeux dans le retour de
la bonne femme dont nous venons de parler, aux premières et si vives
impressions de sa jeunesse; mais quand nous avons dit : le magnétisme
ne fait plus de miracles, notre pensée a été que, depuis un an ou deux,
le magnétisme ne fait plus de miracles d’un ordre nouveau, de miracles
hors-ligne. Le magnétisme, qui se trouve à notre époque si fort en ar-
rière de ce qu’il était chez les anciens, ne progresse réellement pas ; il
s’en tient à ce que l’on pourraitappeler l’enfantillage de la science, à ce
que l’on pourrait nommer encore des expériences récréatives. Com-
bien nous avons perdu ! Il fut un temps où, avec le magnétisme, on
gagnait des batailles.
Auprès de miracles de cette espèce, que sont les nôtres? On change
des verres d’eau en bavaroises au laiton au chocolat; on fait lire par l’é-
pigastre ou l’occiput des gens qui ne connaissent pas même leurs let-
tres: on fait deviner l’heure à une somnambule à laquelle on place une
montre sur le front; on ravale, en un mot, le magnétisme à de ridicules
tours de passe-passe. Nous devons l’avouer pourtant, un fait curieux
vient d’être signalé; non pas ici, mais dans un pays voisin où probable-
ment la foi est plus vive que chez nous. En révélant ce fait, nous sur-
prendrons beaucoup de monde; mais ceux qui croient que le magné-
tiseur peut faire sortir de rien un diner splendide, comme le prétend
M. le docteur Foissac, ceux qui admettent, avec M. Chapelain, de Paris,
que la puissance magnétique peut être transmise au loin, au moyen
d’un anneau fortement magnétisé; ceux qui ne s'étonnent pas de voir
M. Filassier, aussi de Paris, guéri du chuléra-morbus, au moyen d’une
application de sangsues et de trois purgations prescrites par une som-
nambule. n’éprouveront qu’une demi-surprise en lisant ce qui suit.
Jusqu'à présent, fort peu d'objets inanimés avaient été jugés propres
à subir l’influence magnétique ; il est aujourd’hui démontre que cette
influence peut s’étendre à presque tout. L’action de la volonté du ma-
gnétiseur va dès-lors à l’infini, en passant, au moyen du fluide magné- J
tique, par l’organe de la volonté chez la ou le somnambule. L’expérience 1
claire et plus en harmonie avec nos institutions. Ce sera là
l'objet principal de la loi à intervenir.
_ 31ais une pensée que nous combattrons et qui nous semble
impossible d’être partagée par les esprits sains qui ont quel-
ques souvenirs historiques et quelque prévoyance, c’est l’absur-
de prétention de faire bénéficier les impôts d’uu intérêt et de
mettre cet intérêt à la charge du trésor public ou du caissier
général, car c'est absolument la même chose.
Cette prétention est d'autant pins inexplicable que la circon-
stance des fonds qui dorment dans la caisse de l’Etat,est néces-
sairement une fiction dès que l'Etat émet des bons du trésor.
Et, en effet, qu’est-ce que créer les bons du trésor? C’est
payer un intérêt pour emprunter des sommes dont on a immé-
diatement besoin et que les rentrées régulières de l'impôt rem-
bourseront à jour fixe.C’est, en un mot, escompter les revenus
à venir !
Or, est-il vrai ou non, que nous avons en circulation une
quantité très forte de bons du trésor, etsi forte que si une crise
politique survenait, notre crédit en courrait de véritables dan-
gers ?
Est-il vrai, en outre, qu’on n'émet des bons du trésor, que
quand l’encaisse ne suffit point aux besoins courants ou pro-
chains ?
Ceux qui dans les chambres ou hors des chambres supposent
que le caissier général bénéficie sur les fonds en caisse, sont
forcément dans l’erreur; car, comment fait-on valoir des fonds?
C’est en les plaçant sur des valeurs solides, mais non immédia-
tement disponibles. Or, quel est le caissier de l’Etat qui puisse
opérer de cette manière avec les fonds de l'Etat, alors qu’à cha-
que heure du jour, l’Etal peut demander le remboursement in-
tégral de ce qui lui appartient ?
Il y a à cela une objection que nous allons rencontrer. On
nous dira : « Saus doute l’Etat peut demander, immédiatement
tout ce dont il est crédité ; mais il ne le fait pas, il n’a aucun
motif de le faire, puisque son trésor est entre les mains de la
même institution où il devrait le reverser sur-le-champ. » 31ais
nous dirons que cette objection n’en est pas une, car rien
n’empêche le gouvernement de retirer, à une heure donnée,
son encaisse des mains de la Société Générale pour le confier à
la Banque de Relgique, par exemple ; car c’est vers ce but que
tendent, en dernière analyse, tous ceux qui veulent d’une re-
forme en ce qui concerne le caissier de l’Etat.
Nous devons faire nos réserves et dire très franchement qu’il
nous est complètement indifférent que le trésor de l’Etat soit
ici ou là, à la Société Générale ou à la Banque de Relgique. Là
où les Chambres le placeront, là il sera bien placé, pourvu qu’à
l’avance on prenne toutes les mesures de précautions possibles.
31ais ce qu’il importe avant tout de constater, c’est qu’il n’est
point possible qu’aucun établissement au monde paie un inté-
rêt quelconque pour les versements que lui fait l'Etat, attendu
que décréter que les sommes du trésor porteront intérêt, c'est
contraindre ceux qui en sont les trésoriers d’en opérer le pla-
cement pour les faire fructifier, et cela n’est point possible;
car des fonds placés, quel que soit leur placement, ne sont point
disponibles à première sommation ; or, les fonds de l’Etat doi-
vent toujours se trouver dans cette disponibilité.
Dans un prochain article, nous parlerons du mécanisme de
la caisse générale en Belgique et des systèmes qui régissent
d’autres pays.
PRESSE.
Berlis, U janvier.— La direction de la société du chemin de fer delà
Basse-Silésie s’est dissoute, parce qu’elle n’a pas pu réunir,dans le délai
qui expirait hier, le capital indispensable pour la construction du che-
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dont nous nous occupons a eu pour objet une plume. A ceux qui vou-
draient répéter l’expérience, nous dirons qu’il importe peu que la plume
soit une plume d’oie, une plume de corbeau, ou une plume de fer.
Le magnétiseur était un magnétiseur de choix; il était doued'une vo-
lonté calme et ferme, il avait une conscience pure, un respect religieux
pour la nature de l’homme, une grande bienveillance, de l’amitié et une
belle santé physique. La somnambule avait aussi d’excellentes qualités de
somnambule. Elle était âgée de trente-sept ans, elle était grande, mai-
gre, sèche et douée de cette constitution particulière où prédominent
les os, les veines et les nerfs ; constitutions dans lesquelles l’exaltation
et l’affaissement, l’embonpoint et la maigreur, la rougeur et la pâleur se
succèdent avec la rapidité de l’éclair à la moindre action de l’atmosphè-
re. Ses cheveux abondants et d’un blond foncé, ses yeux creux et per-
cants.sa figure vieille et maigre,mais pleinedefeu et même un peu dure
lui donnaient quelque chose de la physionomie que l'on prête aux sor-
cières. , , . ,
De la mise en rapport d’un tel magnétiseur et d’une telle magnétisée,
il ne pouvait pas ne pas sortir quelque chose de fort extraordinaire.
En effet, le magnétiseur interrogeait la somnambule sur les causes de
la maladie d’un enfant dont il lui présentait un cheveu. La somnambule,
après avoir tenu pendant quelques instants le cheveu entre le pouce
et l’index, ouvrit la bouche pour répondre, mais elle ne put articuler
une syllabe. Le magnétiseur, sans qu’elle s’en doulât, lui avait paralysé
la langue. Ecrivez ce que vous ne pouvez dire. — Je ne sais pas écrire.
Essayez, il y a une plume près de votre main droite et du papier devant
vous.—Mais je ne puis. — Essayez, je le veux. Ces trois derniers mots Je
le veux furent prononcés par le magnétiseur de cette voix et avec cet
accent auxquels une somnambule ne résiste jamais.
La somnambule étendit ta main vers la plume qu’elle ne pouvait voir,
ses yeux étaient couverts d’un épais bandeau de crinoline, la toucha du
doigt, et, par ce seul contact, le pénétra d’assez de fluide magnétique
pour la rendre agent passif de la volonté du magnétiseur. La plume se
dressa seule, sous l’influence du doigt qui la touchait à peine, mais qui
semblait lui commander, prit de l’encre, et se mit à écrire rapidement.
En quelques minutes elle avait tracé une consultation méthodique, et
indiqué tons les remèdes qu’il convenait d’administrer à l’enfant.
Voilà ce qui est bien surprenant, mais ce n’est pas tout. La somnam-
bule était une personne complètement illétrée; la plume pourtant, et
c’est bien là ce qui démontre que la volonté de la somnambule n’était
elle-même que l’agent transmisseur delà volonté du magnétiseur ; la
plume,disons-nous, n’avait pas commis la plus légère faute d’ortogra-
phe et avait respecté fidèlement les lègles de la ponctuation.
Que le grand contempteur du magnétisme, que le docteur Bouillaud
veuille bien, s’il le peut, nous expliquer ce mystère.
Nous arrivons au Télémaque, et nous conviendrons humblement que
pour nous y rendre, nous avons pris le pins long. Mais quand on parle
magnétisme, on n’est pas maitre de s’arrêter.
Inutile, nous le pensons, de rappeler ici les infortunes du Tétemaque;
depuis bientôt cinquante ans qu’on en parle, il n’est permis à personne
de les ignorer. . . . . „
En doux mots : le Télémaque est un fort beau navire, qui, depuis > n |