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LE PRÉCURSEUR.
■aucun événement, mais le cabinet de Vienne n’aime pas
les situations difficultueuses et il emploie continuellement
sa puissante influence pour éviter des collisions et main-
tenir la bonne harmonie entre les grands états. On doit
avoir fait connaître ces dispositions de notre cour à celle
<le Turin et il doit en être résulté une impression d’autant
plus forte que la reconnaissance formelle, comme reine
de Portugal, de doua Maria, nièce de S. M. l’empereur ,
doit avoir lieu sous peu de la part du cabinet autrichien.
— On mande de Francfort, le J 5 décembre :
» M. Wheaton, chargé par les États-Unis d’Amérique de
la conclusion d’un traité commercial avec la Prusse, a vu
les intérêts des relations réciproques s’accroître d’une ma-
nière si remarquable par l'établissement du nouveau sys-
tème de douanes allemandes, qu’il a dû adopter des vues
toutes nouvelles et plus élevées que celles qui l’avaient sé-
duit d’abord. Tous nos capitalistes allemands, ainsi que
nos principaux industriels, ayant payé à tous les projets
de législation commerciale que l’on prépare déjà, le tri-
but de leurs lumières et de leur expérience, il n’est ques-
tion maintenant de rien moins que d’un congrès, commer-
cial européen provoqué par la Prusse et les États-Unis
d’Amérique, dans lequel serait combinée une législation
conforme au vœu de toutes les puissances qui s’y feraient
représenter. »
ANGLETERRE.
Londres, le 18 décembre.
On a appris à la légation portugaise que le prince Fer-
dinand-Auguste de Saxc-Cobourg-Gotha n’arrivera pas en
Angleterre , pour se rendre à Lisbonne, avant le mois d’a-
vril prochain. Il retournera encore de Cobourg à Vienne,
pour revoir sa mère, la duchesse Antoinette, fille du prin-
ce de Cohary. Lejeune prince est né le 29 octobre 1816.
( Courrier. )
— On écrit de Falmouth, 16 décembre :
Le paquebot du gouvernement Le Pantaléon, est arrivé
aujourd’hui de Lisbonne, d’où il est parti le 6. Le minis-
tère nouveau s’est maintenu, et la capitale était tranquille.
Le Pantalcon, apporte 20,000 livres en souverains, en-
voyées par le gouvernement portugais à M. de Rothschild.
Les journaux de Lisbonne du 6 courant, contiennent
le décret de la reine qui accepte la démission du duc de
Tereeire comme commandant en chef de l’armée. Ils con-
tiennent aussi un décret qui ordonne la conservation et
le complément des archives de la nation, et nomme M.
Francis Solano Constancio pour aller faire des recherches
dans les librairies de Paris. ( Idem. )
FRANCE.
Paris, le 21 décembre
Des lettres particulières de Saint-Petersbourg annon-
cent qu’une altercation très vive à eu lieu entre l’empe-
reur Nicolas et lord Durham. Si cette scène a quelque
réalité, il ne serait plus resté à l’ambassadeur anglais qu’à
■demander ses passeports.
— On écrit de Paris :
« Lord Grandville n’est point indisposé, mais il n’a
point accepté l’invitation de M. de Pahlen, parce qu’il re-
cevait du monde chez lui ce jour-là même. M. Thiers,
M. de Montalivet, M. Dupin, etc.,y ont dîné, bien qu’on
les ait fait figurer à la table de l’ambassadeur russe.
« Aujourd’hui (dimanche) M. de Pahlen a repris sa
revanche. Il avait été invité ainsi que lord Granville chez
M. Thiers, qui donnait un grand dîner diplomatique, et
il a trouvé quelque raison pour s’en excuser. Certaine-
ment il ne faut pas prendre ces minutieux détails comme
des preuves, mais comme de très légers indices du peu
•d’intelligence qui règne entre les cabinets de Paris , de
Londres et de St.-Pétersbourg.
— Le National avait annoncé d’après une correspon-
dance de Lisbonne que les négociations pour le mariage
•de S. M. la reine Dona Maria, avec le prince de Saxe
Cobourg étaient rompues, et qu’il était question de lui don-
ner pour époux le fils du comte de Sl-Leu (Louis-Bona-
parte). Le jeune Napoléon Louis-Bonaparte dément lui-
même ce fait par une lettre qu’il adresse au Natiotial.
— M. le prince de Talleyrand est presque entièrement
l’auteur inconnu dont l’œuvre reste ignorée de son vivant, et qui est
réduit à rêver les admirations lointaines de la postérité. L’autre est le
poète qui assiste à la représentation de sa tragédie et à son succès ; le
succès est toujours grand, quelles que soient les censures dont la ma-
lignité des convives l’assaisonne. Car rien ne reste, la marmite est vi-
dée. Le rôti a la même fortune. Les bouteilles qui courent à la ronde,
quand il y a des bouteilles, donnent au succès l’éclat bruyant de ces
cinquièmes actes romantiques, où il ne reste sur le théâtre que des
cadavres, et où il n’y a plus que le public de vivant : aussi sont-ce des
transports comme si on était heureux d’avoir échappé.
Tel est le public des banquets du bivac. Ce publie aussi a échappé à
bien des périls. Son drame, dont il est auteur à la fois et parterre, lui
promet quelques heures de repos; et c’est par de bienfaisantes libations
qu’il y prélude.
Le vin manque-t-il ? l*eau-de-vie ne manque jamais. Paraissez, can-
tinière, avec vos tonneaux de poche, qui tiennent enfermée la moitié
de l’ame et de l’esprit de l’armée; paraissez, vous qu’on ne peut oublier
quand on parle de guerre, de marches et de batailles! venez à la ronde
verser, avec la goutte, les joyeux propos, les gais souvenirs, les mé-
moires improvisés, les récits de l’Espagne et de l’Egypte, les parallèles
entre toutes les beautés de l’univers les hommages à la vôtre. La canti-
nière est aimée de tout le monde, aimée dans le sens sérieux du mot.
Elle n’est seulement pas l’amazone, elle est aussi la sœur grise de l’ar-
mée. Son ambulance mobile ne l’abandonne jamais.
On trouve toujours de la charpie dans son panier et de la commiséra-
tion dans son cœur. Le conscrit, quand il se traîne sur les chemins, boi-
teux et malade, sait qui aura pitié de lui, qui prendra son fusil et son
sae pour en charger ses mulets, qui. au besoin l’y établira lui-même ,
veillé par ses camarades, mais porté au terme de sa course, et sur d’as-
ré tabli d’une indisposition qui inspirait des craintes à ses
amis.
— On n’a reçu encore ce matin ni lettre ni journaux de
Toulon, et les journaux de Marseille ne font que répéter
les nouvelles d’Afrique déjà connues.
Les feuilles ministérielles du matin et du soir gardent
de leur côté un silence absolu.
Le Journal des Débats contient aujourd’hui la réponse suivante à
l’article du Journal de Saùit-Pctersboarg relatif au discours de l’em-
pereur Nicolas :
Nous ne dénaturons rien, nous ne taisons rien , nous ne voulons être
ni moins sincères ni moins loyaux que l’empereur Nicolas. Il a ordon-
né d’insérer nos articles dans son journal, et nous insérons de grand
cœur la réponse. Il a eu ses motifs pour en agir ainsi, et nous
les comprenons. Nous n’avons d’autres motifs, nous, que de mettre
sous les yeux du publie européen toutes les pièces de cet étrange proiès.
Procès, qu’on y prenne bien garde, qui n’est point entre nous et S.
M. l’Empereur de Russie. A Dieu ne plaise que nous ayons la vanité
de nous grandir à la taille de notre adversaire! Le procès est entre par-
ties qui se valent; jl est entre la Russie, la foi des traités signés par
toute l’Europe, et l’humanité violée dans ce qu’elle a de plus saint,
dans les égards dûs aux faibles et aux malheureux, violée, disons-nous,
par le discours de l’empereur Nicolas à Varsovie; il est entre l’abolition
du royaume de Pologne que proclame à Varsovie l’Empereur Nicolas,
et le maintien de ce royaume que veut et qu’ordonne le traité de Vien-
ne. Voilà entre qui est le procès. On voit que nous disparaissons dans
le débat et que nous n’y sommes plus que comme line voix entre mille
qui vient exprimer la pensée publique. Oui, nous ne sommes rien,
rien que de simples écrivains qui parlent au nom des traités que la
France n’a pas faits, qu’elle a subis, et dont au nom même de sa pa-
tience elle a droit de demander le maintien et l’accomplissement.
Nous ne nous laisserons donc pas tromper! Il vous plaît de n’avoir
pour adversaires que des écrivains et un journal, et vous attachez si
peu de valeur à nos paroles, que vous ordonnez de les répéter dans vos
gazettes pour les livrer à la colère de votre peuple ! Songez que ce n’est
point nos poroles que vous jetez au peuple , ce sont les paroles mêmes
des traités européens, c’est le droit public; ce sont les paroles aussi de
votre frère et de votre bienfaiteur qui promettait de respecter et de res-
susciter la Pologne; ce sont donc de plus grands martyrs que nous qui
sont livrés au cirque; ce sont ces contracts sacrés, au bas desquels sont
les signatures des rois. Vous vous êtes trompé dans votre dédain, il a
rejailli plus haut que nous; car, quant à nous, qui ne sommes ni rois
ni ministres, qui n’avons que notre parole d’écrivain, qu’avons-nous
à faire en ce moment sinon , de nous servir encore de cette parole pour
dire à l’Europe : Nous avons réclamé la foi des traités: et ces traités at-
testés et cités dans nos paroles, on les livre à la risée du peuple de Mos-
cou ! Nous avons dit ce que voulait, ce qu’ordonnait le pacte signé à
Vienne en 1815, et ce pacte attesté et cité dans nos paroles, on se fait,
aux yeux de la Russie, une gloire de l’avoir enfreint. Nous avons dit :
Le traité de Vienne est violé; et pour réponse on se fait un titre d’hon-
neur de nos reproches! Qui donc, en définitive, est méprisé? qui donc
est en cause par ce nouveau procédé? le Journal des Débats ou le
traité de Vienne ?
Nous ne sommes point étonnés que l’empereur ait voulu faire con~«
naître à la Russie les reproches que lui a attirés en Europe son discours
de Varsovie. Ce sont des gages que l’empereur donne à la vieille Mos-
covie et qui doivent lui plaire. « Voyez, semble-t-il dire, voyez comme
je suis Russe, connue je hais la Pologne, comme je blâme les ménage-
mens de mon frère à son égard . comme je brave l’Europe et les traités
qui font le droit des nations. « Tout cela peut charmer la Russie ; tout
cela lui répond que son empereur partage ses rancunes ; tout cela sent
la nationalité moscovite, sinon la civilisation. On a parlé souvent d’un
parti moscovite qui gronde contre la civilisation européenne, qui mur-
mure contre les mœurs et les façons étrangères introduites en Russie.
C’est ce parti que depuis quelque temps l’empereur de Russie semble
vouloir s’attacher ; c’est à lui qu’il donne des garanties ; c’est pour lui
plaire qu’il y a deux ans il interdisait aux Russes le séjour à l’étranger;
c’est pour lui plaire encore qu’il insulte la Pologne. Ainsi les autocrates
eux-mémes obéissent au peuple : ainsi la toute-puissance ne dispense
pas des concessions; il faut réchauffer les dévouements nationaux7 et
pour cela on se pare de haines et de colères que la prudence et la di-
gnité interdisent également au chef d’une grande nation; pour cela en-
core, quand ces haines ont excité l’indignation de l’Europe, on se pare
des reproches mêmes qu’on reçoit. Si l’empereur tient à se faire des
mérites à cet égard aux yeux de son peuple, nous pensons qu’il fait en
ce moment traduire et publier aussi les journaux anglais.
NOUVELLES D’ESPAGNE.
Les lettres de Madrid annonçaient hier le départ du
ministre de la guerre et du général Alava.
Le ministre de la guerre doit établir ses bureaux à
Briviesca ; il y sera de plus à portée des événemens ; 12
courriers de cabinet seront constamment prêts à se porter
d’un lieu à un autre pour le service des correspondances.
On assure que le général Cordova a reçu des ordres
pour n’engager d’action que dans le cas le plus pressant.
Le ministre de la guerre a le projet d’envoyer à la fois
en Navarre 6 colonnes fortes de 10,000 hommes , et de
2000 chevaux.
sister, malgré tout, à la bataille du lendemain. La cantinière mêle une
femme à cette société de célibataires armés. C’est l’Eve des régiments.
Elle a mêmes allures, mêmes mœurs, même langage.Mais sous son lan-
gage grossier, sous ses allures guerrières,se cache uncœurde femme. Sa
gaîté s’accroît par le péril. Son courage reste tout entier quand celui
des soldats mollit et qu’il lui en faut pour le bataillon comme pour elle.
Les hommes entre eux se secourent, ils ne se plaignent pas. Elle plaint.
Et le ranime par ses exemples comme par ses paroles. Elle a toutes les
intrépidités, celle de la retraite de Russie, comme celle de la mêlée
d’Eylau et de Friedland. Les hommes n’en ont qu’une souvent celle
du danger. Ils puisent toutes les autres dans son assistence. Fleurange
disait: «Si-ma belle me voyait! » Le grenadier est plus heureux. Sa
belle le voit. Aussi sait-elle les exploits de chacun. Elle ne suscite par
seulement de hauts faits nouveaux ; elle se rappelle ceux qui ont illus-
tré le régiment. Elle était là, elle a tout vu. Il y a quelqu’un qui se sou-
vient des mots, qui parle d’eux, qui redit leur nom oublié et leur his-
toire digne de ne pas l’être. Les faits de guerre ne sont pas seuls restés
dans son souvenir; elle s’amuse de tout. Elle est Brantôme comme
Joinville, et Dieu sait les Bravos qui accueillent ses réminiscences hé-
roïques ! Sous la pluie, sous les frimats , sa verve est plus animée que
jamais. — « Ils ont froid, eux autres , moi, c’est comme à la bataille
des Pyramides. La terre me brûle, et c’est comme cela qu’il faut être.
Qui faiblit pour uue averse faiblit pour tout. Qui tremble au froid ,
peut trembler devant l’ennemi. »
Et Ainsi disant, elle verse son breuvage heureux. La souflrance
s’oublie. On pense à trouver le sommeil comme on pourra. Ou repartit
ce qu’on a de paille autour du foyer. On met le sac sous la tète, les
pieds au feu ; le silence s'établit de foyer en foyer de bataillon en ba-
taillon; les chevaux s’avancent au dessus des héros, leur tête sur la tète
Les environs de Burgos ressemblent à un champ de
bataille.
Des troupes s’y massent chaque jour, et le nombre des
soldats de la nouvelle levée qui y sont déjà réunis, s’élève
à 30,000 hommes environ.
Des bataillons de volontaires organisés par les juntes
d’Aragon, viennent aussi d’y arriver.
Le 4e batailon de la garde royale est arrivé à Logrono.
Les troupes de la reine occupent toujours les mêmes po-
sitions. Le général Mendez de Vigo doit empêcher toute
nouvelle tentative des navarrais vers l’Aragon et la Cata-
logne.
A la suite d’une pétition adressé à la régente par don
José Maria de Carnerero, éditeur de la Revista Espanola,
les frais de poste pour les journaux de Madrid et pour
ceux de la province sont réduits à moitié.
On dit que le prétendant a donné le commandement
de sa cavalerie au curé Mérino.
BELGIQUE.
BRUXELLES , le 23 décembre.
•— Par décision du 3 décembre, la haute cour militaire
a condamné Mr le général Vandenbrœck à 8 jours d’arrêt
simple pour avoir infligé une punition non convenable
au capitaine Vandengheyu.
— Hier et avant-hier on a vu circuler surles boulevards
et autour du Parc, plusieurs élégans trainaux.
— Les maîtres des pauvres de la paroisse de Sl-Gudule
célébreront, le lendemain de la Noël. 26 de ce mois , le
jubilé de cinquante ans de mariage de deux couples d’é-
poux indigens de cette paroisse. M. le doveu de S'-Gudule
chantera à cette fin, à dix heures du matin , une grande-
messe à laqnelle assisteront les quatre éponx jubilaires, et
pendant laquelle les susdits maîtres des pauvres feront
une collecte au profit de ces indigens.
— Le premier bal de la Cour aura lieu, dit-on , le 30 ;
il y en aura six , dont plusieurs travestis. Les invitations
sont très-nombreuses.
ANVERS , 23 Décembre.
3 heures 1/2. -— En vue le bà teau-à-va peur Tourist,
cap. Crow. Il sera devant la ville dans une demi heure.
Ce matin en descendant la rivière deux navires belges
XEstelle et le Jean Key se sont abordés, le JeanKcy en a
été quitte pour un canot brisé.
— Hier un cheval de grand prix appartenant à M. Le-
page s’est tué en courant sur une maison de la rue aux Lai-
nes.
— Hier, a été appelée et débattue, devant le conseil de
guerre provincial, siégeant à Gand, l'affaire intentée aux 2
officiers commissaires dans la procédure Ducarla. Ces mili-
taires, sur la dénonciation de M. le major Duvivier , étaient
inculpés de s’être laissé corrompre, et le quartier-maître
Ducarla comparaissait comme prévenu du faitdecorruplion.
Un incident remarquable s’est présenté dans cette cause ;
l’un de messieurs les officiers inculpés a produit un juge-
ment du tribunal de police correctiornelle de Mons, daté de
l’année 1825, et qui condamne M. Emile Duvivier , actuelle-
ment major, à 18 mois d’emprisonnement pour banqueroute.
Le conseil de guerre n’a point encore prononcé. Nous tien-
drons le public au courant de cette affaire.
— On lit dans la partie officielle de la Gazette d'État de
Prusse , du 18 décembre :
« L’envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire
de S. M. le Roi des Belges à cette cour, M. le comte de
Baillet, est arrivé ici, venant de Bruxelles. »
Le Sénat s’est occupé de la vérification des pouvoirs de
trois membres nouvellement élus. Il a annullé l’élection
du district d’Eccloo, parce que le sénateur nommé ne paie
pas le cens.
Le Moniteur publie un rapport au Roi de M. le ministre
de la justice, dans lequel celui-ci propose les moyens d'or-
ganiser la surveillance des condamnés libérés et d’établir
en leur faveur un patronage bienveillant.
Ce rapport est suivi d'un arrêté par lequel les commis-
sions administratives des prisons pour peines et les collé-
des compagnons de leur travaux; intrépides combattants, qui donnent
lenr vie avec la même ardeur que le soldat, et en échange, n’ent point
la gloire. Gloire, péril, fatigue voilà tout oublié.
........Tout dort, et l’armée, et les vents, et Neptune.
Oh ! oui, mais Napoléon ne dort pas. Il s’est levé du lit de camp où
il s’était jeté' « /L cheval! a-t-il dit, à cheval! » Son état major vole
par tous les chemins. Sa parole est arrivée aux trois cent mille hommes
dont il est l’ame'et la volonté. Les tambours, les trompettes, remplis-
sent les airs. « Allons, conscrits , dit le grognard , tu as assez dormi
mon enfant ; prends garde que le sommeil t’engraisse comme un Cha-
noine. Allons, te dis-je, mets ton casque à mèche dans l’armoire.
Prends ta flûte d’acier. nous avons encore à en jouer un air aujour-
d’hui. » Le conscrit n’entend pas. Le bruit des tambours n’ébranle pas
ce sommeil de plomb. Mais voilà le canon qui gronde. « Une. deux
trois; Oh! oh! cela va bien, dit la cantinière, en rechargeant son
mulet ; nous allons rire, les bons enfans. La chasse aux Cosaques doit
bien faire la nuit. Celui qui m’en reportera un... n Voilà l’empéreur!
les sacs sont repris, les faisceaux sont compris, le régiment est en ba-
taille. Le conscrit, agitant son shako au bout de sa bayonnette , crie
plus haut qu’un autre : Vive l’empereur ! On rompt en colonne. Toute
l’armée se précipite sur les pas de son chef. Elle court à Lutzen . à
Bautzen à la vict >ire. Les feux continuent à éclairer au loin la nuit pro-
fonde ; il ne reste de l’armée que ces feux décevants , les abris abattus,
la paille que le vent emporte , la terre dévastée, une ruine de Bivac
au milieu de tant d’autres ruines.
C’est toute l’image de la guerre: ees débris représentent les ravages;
cette paille qu’un soufle disperse et brise , les armées ; ces feux qui
brillent un moment après elles, la gloire! |