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Vendredi 7 Janvier,
1887. — Cinquante-deuxième année. — N° 7
Vendredi 7 Janvier.
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fériés.
59, Marché aux Herbeu,
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mois de novembre et décembre UHSet janvier 1837. — O t,’7V«as pair TanUe 3 a soir - De
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^Les^ départs d’Anvers-porte de Turnhout ou ; :eu huit à dix minutes après les départs de Insertion?’1*’ °n *S p*4t *aranHr ***
Zurenborg.
3.-
pai applicable aux aoconces
4 émission et de souscription.
Æ.U* *ont wuriee au ligno-
mètre. - Us titres u oaient d’après l’upaee
dates
résumé politique.
La commission militaire du Reichstag allemand a
repris ses travaux et a passé à la deuxième lecture
du projet de loi du gouvernement sur l’augmentation
de l'effectif de l’armée. Loin de tempérer l’hostilité
qu’elle a montrée tout d’abord aux dispositions qui
lui sont soumises, elle l’a accentuée, en excluant la
fixation de l’effectif; l’effectif devra être déterminé
tous les ans par le Reichstag. Il est douteux que cette
prérogative soit retenue par la Chambre en séance
plénière. Il ne parait pas cependant non plus que les
députés veuillent se montrer beaucoup plus libéraux
envers le gouvernement que leurs commissaires ;
M. de Windthorst a de nouveau déclaré devani
ceux-ci que son parti ne consentirait en aucun cas à
voter le septennat.
L’enfantement du nouveau ministère anglais est
décidément laborieux. M. Edouard Stanhope a bien
consenti à prendre le portefeuille de la guerre, mais
cela ne suffit pas pour tirer le gouvernement d’em-
barras. La reconstitue est remise eu question par ie
refus de lord Northbrook d’y jouer un rôle, et il pa-
rait qu'aucun autre pair du parti libéral dissident
n’est disposé à accepter les propositions de lord
Salisbury. Le Times croit que sir Richard Cross
restera au ministère de l’Inde.
On continue à se demander si, oui ou non, il exisle
un .traité entre l’Allemagne et la Russie. Ce sont de
ces mystères diplomatiques sur lesquels il est d’au-
tant plus difficile à faire le jour que, dans l’espèce,
l’Allemagne a une grande réserve à garder vis à-vis
de l’Autriche, dont les intérêts croisent ceux le la
Russie. Le correspondant viennois du Standard
prétend tenir d’un homme d’Etat autrichien l’assu-
rance que ce traité n’existe pas. Il n’y aurait eu
qu’un échange de lettres entre l’empereur Guillaume
et leCzar, correspondance qui a du reste amené une
détente à un moment où. la situation était hautement
périlleuse. Il parait, d’après le même personnage,
qu’ila été très sérieusement question en AUemagné
de faire une guerre à la France, pour prévenir des
complications plus redoutables.
Les ministres français se sont réunis hier en con-
seil. La majeure partie de la séance a été consacrée
à la discussion du projet de budget de M. Dauphin.
Le ministre de l’intérieur a annoncé au conseil que
son projet sur les sous-préfeetures est terminé ; il
fera connaître samedi la liste des sous-préfectures
qu'il compte supprimer, et dont le nombre s’élève à
60 environ.
Au moment oh l’on s’occupe tant du sort du lieute-
nant de Gordon, Emin-Bey, qui tient toujours dans
la province du Soudan équatorial, on nous saura
gré peut-être de donner quelques renseignement*
sur ce héros. Nous les empruntons à la Gazette
■ Universelle de Munich ;
Emin-Bey n’est pas d’origine égyptienne; >1 est
né dans la Silésie autrichienne et s’appelle Schni z-
iler. Il avait commencé par remplir les fonc ions
de médecin dans l'armée turque ; en 1874, il
avait été nommé médecin en chef des troupes
égyptiennes. Appelé par Gordon à prendre part
A l’administration des provinces égyptiennes dans
le haut Nil, il a été enfin chargé, en 1878, de la di-
rection supérieure de la province du Soudan équa
teriai. Il a déployé dans ce poste un remarquable
talent d’organisateur ; il a su gagner la confiance des
nègres et, chose rare, il les a séduits au point qu’ils
lui prêtent obéissance entière. Les explorateurs qui
ont vu de près les résultats de son administration
rendent unanimement hommage à son activité bit n-
faisante, à son in'égrité, à son désintéressement.
Placé depuis huit ans à la tête du gouvernement d un
pays extrêmement riche, Emin-Bey est aujourd’hui
aussi pauvre que le plus indigent de ses sujets ; et
toutes les ressources dont il dispose, il les fait con-
courir à l’accomplissement de l'œuvre civilisatrice
qu'H poursuit sans s’en laisser détourner par aucune
considération.
Séparé du reste dfi monde, Emin-Bey a encore
trouvé moyen de faire accomplir à sa troupe des
travaux pacifiques et civilisateurs.
Il écrivit de Wadelai, à la date du 7 juillet J886,
que toutes les stations étaient occupées à la cul-
ture du coton et qu’on espérait ainsi se procurer
les moyens de couvrir sa nudité. Il avait lui-même
formé des cordonniers, fait fabriquer du savon ei
cultiver ie blé et le tabac. Depuis deux mois il
n'avait vu certains articles de luxe, tels que le
•suere; mais il ne ressentait aucune privation, si
cen’est celle des livres et des objets nécessaires à
la formation de collections zoologiques. II ressort
des lettres de Junker, qui était resté sous la protec-
tion d'Emin-Rey, à Lado, jusqu’à la fin de 1885, qu'à
cette époque Emin s’était retiré lentement vers l’Est,
en bataillant à chaque pas avec les nègres et les
Arabes, qu’il concentrait ses troupes de plus en plus
sur le Nil supérieur, sa ligne naturelle dé retraite, et
qu’il avait ainsi réussi à maintenir et à défendre les
districts du sud et du centre de l’ancienne province
de l’Equateur. A-t-il réussi à s’y maintenir jusqu’ici?
Il y tenait encore l’été dernier, et il croyait conserver
ce territoire à l’Egypte, qui, en réalité, y a renoncé.
Postscriptum
Londres, 7 janvier.
Le Standard dit que M. Gladstone paraît disposé
à modifier son projet de home rule dans ce sens que
le Parlement de l’empire ne tranférera au Parlement
de Dublin que l’exercice de certains pouvoirs déter-
minés et limités et se rapportant seulement à des
affaires irïandaisës.
La neutralité de la Belgique.
Notre correspondant d’Allemagne nous écrit :
Comme il fallait s’y attendre on proteste dans la
presse allemande contre le fameux - problème •>
inventé par M. Dilke et d’après lequel en cas de
guerre avec la France, l’Allemagne n’aurait que
deux partis à prendre, celui d’attendre les Français
■ou de passer par la Belgique.
Dilhe ist unter die Strategen gegangen, Dilke
est devenu stratégiste ! s’écrie la Post.
On m'a reproché de n’avoir pas pris au sérieux la
stratégie de l’ancien ministre anglais. Vous voyez
que d'autres la traitent un peu de la même façon. —
Qu’est-ce que nous avons besoin, nous Belges, de
faire croire aux Allemands ou d’aider à leur
faire croire que pour aller à Paris ils doivent « forcé-
ment » passer par Liège et Namur?
Est-ce là notre mission? M. Dilke prétend que le
traité qui garantit la neutralité belge est tombé en
désuétude, et il faudrait que nous, Belges, nous lui
donnions également raison sur ce point ? On veut
nous imposer l’admiration pour un article qui an-
nonce la fin prochaine de ootre pays ! On veut que
nous contribuions à accréditer ,ea Europe des idées
appelées â nous supprimer et on trouve qu’il faut
savoir gré à M. Dilke de nous avoir » avertis » !
Mais c’est le monde renversé, cela !
Les Allemands ont toujours protesté — et protes-
tent encore — quand on les accuse de méditer la
violation des frontières de la Belgique. — Nous n’en-
trerons pas les premiers en Belgique, a dit 16
maréchal de Moltke. “ Aussi longtemps, écrit la
« Gazette Nationale, que la neutralité de la Bel-
» gique nous offrira de sérieuses garanties et que,
» d’autre- part, cette neutraüté sera respectée,
» l'éventualité indiquée par larevueanglaise(c’est-à-
» dire le passage des Allemands par la Belgique) ne
» saurait être admise. «
Voilà les déclarations de l’Allemagne. On nous
promet de respecter notre frontière, et nous répon-
drions: hypocrisie que tout cela! Nous ne vous
croyons pas ; c’est M. Dilke qui a raison !
Si c’est là de la bonne politique je n’y comprends
plus rien.
Remarquons bien que l’Allemagne a un immense
intérêt à ce que la Belgique reste perpétuellement
neutre, à ce qu’on ne s’habitue pas en Europe à
parler de la violation de nos frontières comme d'un
événement naturel.Cet intérêt est facile à démontrer.
Que deviendrait la Belgique si ellecessait d’exister
comme pays indépendant ? Française. Que pourrait-
elle devenir autre chose ? Les Hollandais ne vou-
draient plus de nous. Les Prussiens ne voudraient
pas de nous non plus. Il faut n’avoir aucune notion
de la situation intérieure de l'Allemagne pour se
figurer qu’à Berlin on admettrait au sein de l’em-
pire 6 millions de catholiques qu’on considère comme
des « Français » du moins comme des « demi-
Français - halbe Franzosen. Et bien I alors, où
irions-nous, si ce n’est à la France ?
Et ce serait l'Allemagne qui volontairement, pour
la commodité très problématique de ses marches
militaires,détruirait no re neutralité ? Elle courrait
le risque de renforcer la population française de 6
millions dames, l’armée française de3 à 400,000 sol-
dats et le budget français d'un demi-milliard, rien
que pour pouvoir passer par Liège et Namur ?
Allons donc !
Quand le maréchal de Moltke nous dit que l’Alle-
magne a besoin de la neutralité et de l’indépen-
dance de la Belgique, et que le prince dé Bismarck
fait mettre dans son journal que la neutralité belge
est un “ dogme politique « pour l’Allemagne, nous
pouvons compter sur la sincérité de leurs paroles,
parce qu’elles sont dictées par l’intérêt de l’Alle-
magne.
— Si la neutralité de la Belgique n’existait pas,
nous devrions la créer. Qui a dit cela ? Moltke.
Rappelons nous le traité Benedetti. L'Allemagne
aurait pu s’éviter une guerre formidable en signant
ie projet de l’ancien ambassadeur de Napoléon III.
La Belgique passait à la France et tout était dit.
Pourquoi le prince de Bismarck a-t-il refusé de
signer? Parce qu’il ne voulait pas augmenter la
France de 5 millions d’habitants. Il a préféré encou-
rir les chances d’une grande guerre.C’est pourtant là
un fait historique, on ne peut pas le nier.
li est très faoile de dire dans une revue que les
Allemands passeront par lg Belgique. Mais les con-
séquences de cet acte, les a-t-bn calculées ? 4 Berlin,
oui, et voilà pourquoi les Allemands ne passeront
pas parla Belgique, à moins que nous ne les y
( rotons, .
Ceci est une autre question.
« Dans les articles de la presse belge, dit ce soir la
» Gazette nationale ; on ne tient pas suffisamment
■» compte des devoirs que la neutralité impose à la
•• Belgique. » Ces devoirs nous les connaissons. La
Belgique doit avoir une armée assez forte pour faire
respecter ses frontières. Cette armée elle ne l’a pas,
J3lie manque par conséquent à ses devoirs
C’est parce qu’elle n’avait pas d’armée — ou pas
d’armée suffisante — qu’elle q subi depuis 1629 jus-
qu’en 1815 une cinquantaine d’invasiot)$ ; une cin-
quantaine au moins. Si on en doutait, nous pourrions
les compter.
Nous avons sur nos frontières, à quelques kilo-
mètres seulement de distance, toute une sérje de for-
teresses françaises — mais pas une seule forteresse
allemande ; Cologne, la plus proche, est à 80 kilo-
mètres. Maubeuge. Lille, Dunkerque, Valen-
ciennes etc. ne sont guère plus loin de Bruxelles que
Cffiogne de notre frontière. Ces forteresses françaises
ont de la cavalerie qui, en un rien de temps, peut
-'■river à Bruxelles, si upe armée belge n’est pas là
pour rainer.
Que résulte-t-il décrite situation pour l’Allemagne?
Qu’en l’absence d’une bonne armée beige, elle sera
forcée, au commencement de la campagne, de tenir
100,000 hommes au moins près de Cologne.
Vous comprenez que cette perspiectiye ne doit pas
lui être fort agréable et si les Français viennent, ces
100.000 hommes viennent après eux.
On parle beaucoup en ce moment de construire
des forts sur la Meuse.
Mais pourquoi ces forts si nous n'avons pas d’ar-
mée? A quoi serviront-ils? Qu’est-ce que nous avons
comme effectif de guerre? Soyons large et mettons
90.000 hommes. Nous entendons 90,000 hommes en
chair eten os. On en compte, il est vrai, 130,000
sur le papier, mais nous savons tous ce que ça vaut.
Et avec 90,000 hommes vous prétendez garder
Anvers, garder les forts à construire sur la Meuse
et avoir une armée de campagne un tant soit peu
sérieuse?
Quels sont ces étranges calculs?
Le renforcement de l’armée doit évidemment aller
avant la construction des forts de la Meuse. On ne
fait pas de forteresses quand on n’a pas de soldats
à y placer. Nous avions autrefois beaucoup de forte-
resses et pas d’armée. On leur a donné des garnisons
étrangères.
L’idéal serait de faire les deux choses à la fois :
d’augmenter l’armée pendant qu’on construit les
forts et qu'on améliore l’armement d’Anyers. N0118
pourrions £:re alors â l’Furope que'nous avons
rempli tout notre devdîr ôt dormir en paix.
Lettre de Bruxelles.
(Correspondance particulière du Précurseur.)
Bruxelles, 5 janvier 1887.
Il faut de l’indulgence pour les harangues offi-
cielles ; rien n’est plus difficile que de les tourner,
quelque habitude que l’on en ait ; quant à sortir des
sentiers battus, c’est plus difficile encore; à l’essayer
on risque fort de se rendre ridicule ; mieux vaut
encore être banal ; au moins si on ne parle pas de
vous, on ne dit pas de mal ; c’est toujours cela de
gagné. La crise et ses conséquences devaient se
retrouver cette année dans la plupart des discours
du jour de l’an. C’était tout indiqué ; les événements
qui ont marqué l’an dernier ont eu assez de gravité
pour qu’ils s'imposent à l’attention. Quelques ora-
teurs en ont profité pour féliciter le gouvernement
de ce qu’il avait feit. L’institution de la commission
dite du travail leur a paru un fait considérable
Grâce à cette commission la société va être remise
sur ses gonds. D’autres orateurs se sont bornées à
jeter vers le gouvernement des regards suppliants.
C’est de lui que le soleil doit venir. Un seul orateur
a eu le courage de dire la vérité.C’est M.Tesch, gou-
verneur de la société générale.Il a parlé de la situation
industrielle avec son imperturbable bon sens. L’ou-
vrier, a-t-il dit, souffre d’une réduction de salaires;
il subit une diminution dans le nombre et dans le
prix des journées de travail. Tout est là en effet.
L’ouvrier travaille moins ; son salaire est réduit.
Partout il gagne moins d’argent et il trouve -plus
de difficultés pour faire face à ses besoins.
Est-il en la puissance des pouvoirs publics d’ap-
porter à cette situation un remède efficace. Les jeunes
professeurs de l’Université de Louvain qui siègent
dans la Commission du travail n’en doutent pas un
instant ; avec une centaine de projets de lois suivis
de quelques centaines d’autres ils arriveraient à une
transformation complète de l’humanité ; leur naïveté
et leur inexpérience leur donnent des illusions ; des
hommes comme M. Tesch ne les partagent pas, ils
proclament qu’il est absolument, impossible aux pou-
voirs publics d’einpê her ou de faire cesser les crises.
On aura beau entasser lois sur lois, on n’amènera
jamais les industriels à tenir leurs établissements en
activité lorsque la ruine est certaine. M. Tesch a
résumé cette idée en un style saisissant : il est im-
possible aux industriels, a-t-il dit, d’occuper les
ouvriers pendant six jours de la semaine quand ils
ne peuvent se procurer du travail que pour cinq, ni
d’élever les salaires au-dessus des prix qu’ils reçoivent
eux-mêmes pour leurs marchandises ! Semblable
pratique, si elle était suivie, entraînerait la ruine à
courte échéance, la fermeture des établissements et
une situation plus déplorable encore que celle qui
existe en ce moment.
Il n’y a rien à répondre. Or à quoi tend le mouve-
ment socialiste? A obtenir une augmentation de sa-
laire et une diminution des heures.de travail. Gagner
plus et travailler moins. C’est l’objectif de chacun. Il
n’est pas un employé qui ne désire obtenir le plus
gros salaire possible en donnant la moindre somme
de travail. Obtenir une forte rémunération en tra-
vaillant peu, c’ést l’idéal. Chacun cherche à le réa-
liser. Mais aucun de ceux qui demandent au travail
les moyens d’existence n’y est encore parvenu. Les
lois sont impuissantes. En vain fixeraient-elles un
minimum de salaire et ùn maximum d’heures de
travail. Elles resteront lettre morte. Mais je suppose
qu’elles soient exécutées par la force ; si les condi-
tions légales du travail ne sont pas conformes aux
nécessités économiques, les industriels fermeront
leurs établissements. S’ils travaillent, eux aussi, c’est
pour gagner de l’argent ; si les lois leur imposent la
ruine, ils s’y soustrairont en fermant leurs usines,
ce qui amènerait une situation plus déplorable encore
que la situation actuelle.
Voilà des vérités que la Commission du travail
aurait bien fait de proclamer. Il est vrai que si elle le
faisait elle ferait tort à son prestige. On la croit ap-
pelée à régénérer la Société. Elle le laisse croire. Le
gouvernement le laisse croire également. Au fond elle
ne peut rien faire de sérieux. Les lois qu’elle prépare
feront peut-être encore plus de mal que de bien. Pour
améliorer l’état actuel des choses c’est la loi de l’offre
et le la demande qu’il faudrait changer, or la com-
mission du travail, ses docteurs les plus retors, ses
métaphysiciens les plus subtils sont à cet égard d’une
impuissance radicale. Rien à faire, rien, absolument
rien. Le salut ne peut venir ni de ce côté, ni des
Chambres, ni du gouvernement. Un grand tort que
nos ■> maîtres » ont eu, ç’e§t de faire naître des espé-
rances qui s’évanouissent. Mais il en effi trop coûté
à leurs prétentions d’avouer qu’ils ne possèdent pas
une baguette magique pour mettre fin à la crise.
Puis les promesses, les espérances, les flatteries ont
fait, parti du système de gouvernement que nos
maîtres pratiquent. Ils croient que c’est le moyen de
s'éterniser. Tout le monde doit être content puisque
chacun a un bon mpt. Ce système là heureusement
n’a qu’un temps. Quand arrive l'heure des désillu-
sions, le revirement est complet. ; nos maîtres en
tero"t tôt ou tard l’expérience. Ils auront contre eux
tous ceux que leurs fallacieuses promesses ont mys-
tifiés, bernés et dupés, " ' '
Vous avez vu l’étrange attitude prise par M. Beer-
naert au sein de la section centrale qui a examiné la
proposition d'Oultremont. Le chef du cabinet s’est
désintéressé du débat. C’est le complément de la
comédie qu'il joue depuis le début de là session par-
lementaire. Bon jeu est fort simple. Il ne veut pas
de la suppression du remplacement. Toutes les dé-
clarations qu’il a faites à ce sujet ne sont que de la
farce. Le discours du trône ne s'est exprimé comme
il l’a fait au sujet du service personnel — commandé
par les intérêts de l’ordre le plus élevé — que parce
que dans la' conviction de M. Beerrçaert !a gauche
n’aurait pas répondu à l’appël qui ldi était adressé.
A'ors fés choses seraient allées toutes seules ;
M- Beernaert pouvait marcher de l’avant tant
qu’il voulait ; il ne gênait ni ne contrariait les
évêques, puisque le remplacement n'aurqit eu aucune
chance d’être supprimée. Le grand ministre avait
compté sur l’hostilité de la gauche et de la droite.
Majs "opposition ne l’a pas pris ainsi. Elle s’est ins-
pirée des nécessitée de la défense nationale ; elle a
mis son patriotisme au-dessus de tout ; elle s’eçt
déclarée prête à aider le gouvernement pour ia réa-
lisation de la réforme en faveur de laquelle son con-
cours était réclamé. Depuis lors, la tactique du
cabinet s’est modifiée. Autant il voulait de la sup-
pression du remplacement lorsqu’il y avait certitude
que celui-ci serait maintenu, autant il n’en veut
plus depuis qu'il s’aperçoit que le service per-
sonnel pourrait bien être voté. G’est que les
évêques ont parlé par la voix de M. Woeste.
Celui-ci a prononcé en leur nom le quos ego. Le
grand ministre recule. Il manoeuvre pour que le
service personnel ne soit pas décrété. Les évêques
n’en veulent pas. jl n’y a pas d’autre raison que celle-
là, mais sous un gouvernement de curés' pareille
raison est péremptoire. Ailleurs on se préoccupe
des éventualités redoutables de l’avenir ; les nations
s’imposent de lourds sacrifices ; dans la position géo-
graphique que nous occupons, nous devons nous
mettre en état de nous défendre ; nous sommes les
premiers exposés et nous avons tout à perdre, et c’est
dans une situation pareille qu’on refuse d’améliorer
les conditions de la défense nationale ; la volonté des
six crosses l’emporte sur les intérêts sacrés de la
patrie. Les évêques assument une terrible respon-
sabilité.
pas la première fois, conclut le savant, que le
Démon, au témoignage de l’Ecriture, se sert
de prétendus prestiges pour tromper les
hommes.
Et voilà !
Les magnifiques travaux scientifiques dont
ce siècle s’honore, et qui ont déchiré des
voiles que l’on croyait impénétrables, ne sont
aux yeux-jde l’Eglise que aes sortilèges enfan-
tés par le démon. C’est exactement la théorie
en vertu de laquelle, au moyen-âge, on a fait
brûler tant de pseudo-sorciers. Il fut un temps
où la connaissance des simples était un crime
qui criait vengeance au ciel. La médecine
était une hérésie. Hérésies aussi la chimie,
l’astronomie et tout.
O dérision ! En ce moment même on annonce
en France un congrès catholique qui aura
pour but « de réfuter l’opinion si répandue et
si obstinée, qu’il y a incompatibilité entre
i Eglise et la science ! »
Pauvre Eglise ! Un jour viendra où elle sera
forcée d’admettre comme scientifiques tous
ces faits qu’elle croit surnaturels. Que de fois
déjà elle a dû se rétracter ! Comme toujours,
c'est elle qui se rendra la dernière a l’évidence,
mais elle s’y rendra. La science a pris ses pro-
phètes et ses pères par les cheveux et, bon
gré mal gré, elle les entraîne après elle en
leur faisant abandonner sur les routes leurs
paperasses latines et leurs in-folios gothiques...
Aujourd’hui une question nouvelle surgit, une
question qui étonne et passionne : c’est le dé-
mon, s’écrie l’Eglise, affolée, et elle se débat,
elle s’insurge comme elle l’a fait pour toutes
les conquêtes de la science.,. Demain elle sera
contrainte d’admettre l’hypnotisme, comme
elle a admis la rotation de la terre, la multi-
plicité des systèmes solaires, etc., etc. ; et
alors on la verra se redresser avec orgueil et
s’écrier d’une voix retentissante ; « C’est moi
qui suis le phare|du monde ! «
Toute la différence est que, pour arriver à
cette belle découverte, elle n’aura pas brûlé
vingt mille personnes. Et ce sera toujours
cela de gagné.
Nous avons publié avant-hier la lettre que
M. le colonel Croasse a adressée à la Gazette
de Liège pour protester contre d’odieuses
attaques dirigées contre l’armée par cette
feuille cléricale. Il n’est personne ayant un
peu de cœur et de dignité qui n’ait approuvé
les termes énergiques de cette lettre, et le
point de vue élevé auquel son auteur se pla-
çait. La Gazette de Liège y a répondu en dé-
nonçant M. le colonel Crousse au ministre de
la guerre, comme s’étant engagé dans des
polémiques de journaux, au mépris des in-
structions ministérielles. Le procédé est bas,
mais il ne nous surprend pas. La dénoncia-
tion a été de tout temps l’arme des dévots,
et depuis que les catholiques sont au pou-
voir, elle a été en quelque sorte élevée à
la hauteur d’un principe social. Mais dans
le cas qui nous occupe, la Gazette de Liège en
sera pour sa honte ; il serait inouï qu’un mi-
nistre de la guerre fît un grief à un officier
supérieur de n’avoir pu contenir son indigna-
tion, en voyant attaquer publiquement l’hon-
neur de l’armée et insulter au drapeau de la
patrie. Pour notre part, nous serions très
surpris si M. le général Pontus c’avait déjà
fé icité le colonel Crousse de sa chaleureuse
intervention.
Le Bien public vient de publier une longue
étude d’un « savant ecclésiastique », qui éta-
blit en dix colonnes, en invoquant les Ecri-
tures et les Pères de l’Eglise, que les phéno-
mènes de l’hypnotisme sont suscités par le
« démon ou l’un pu l’autre de ses mauvais
anges ». Ce serait une contrefaçon du miracle,
opérée par l’Esprit des ténèbres, par le Ré-
volté, jaloux (je la majesté de Dieu. Et ce n’est
Chronique militaire.
Dans un article du 5 janvier, reproduit par plu-
sieurs journaux du pays, Y Etoile belge décrit som-
mairement les modifications que l’on se propose
d’adopter à l’habillement de l’infanterie française et
termine eu disant que peut-être notre ministre de la
guerre pourrait faire son profit de ces indications.
Nous ne pouvons nous empêcher de faire remar-
quer que la plupart de ces améliorations à la tenue
qui, maintenant qu’elles nous arrivent de l’étranger,
sont trouvées si pratiques et §i pnrfajtgs, qnt été
proposées dans le travail de ia Commission instituée
en 1882, si nos souvenirs nous servent bien, pour
examiner les questions se rattachant à l’habillement
qt à l’équipement de notre infanterie.
Qui rie se souvient des grandes manœuvres de 1883
dans l’Entre-Sambre et Meuse, auxquelles prirent
part, à titre d’essai, un bataillon des grenadiers et
un bataillon du 9me régiment de ligne, équipés selon
les idées qui, paraît-il, vont être- bientôt adoptées
définitivement Outre-Quiévrairi ? — L'Etoile elle-
même doit certainement se rappeler avoir vu, dans
les rues de Bruxelles, passer ce bataillGn de grena-
diers,'dôffi (a tenue de campagne pratique, légère,
élégante même dans sa simplicité sévère, attirait
l’attention,
CSttS ténue présentait tous les avantages recher-
chés aujourd’hui en France : la tunique-vareuse,
ample et chaule, aveç poches pombreuses ; suppres-
sion du ceinturon et de la cartouchière; poches à
cartouches ménagées dans les vêtements ; bottines
avec jambières (la chaussure préconisée par tout
marcheur), havre sac allégé et charge plus judicieu-
sement répartie. Un casque extrêmement léger et
de forme gracieuse était la coiffure proposée.
Voilà les enseignements que nos voisins du Midi
ont pu retirer des études et des expériences faites en
Belgique il y a quatre ans.
Et quel accueil a-t-on fait ici à cette tenue, fruit
des longs et sérieux travaux d’une commission com-
posée d’officiers des plus expérimentés ? Les uns ont
critiqué la couleur, les autres l’aspect; d’autres
encore, les boutons ; on a été jusqu’à comparer nos
soldats à des croque morts !!!
Cette critique gouailleuse et plus ou moins spiri-
tuelle, mais sans fondement sérieux, a fait si bien
son chemin, le caractère essentiellement frondeur de
nos compatriotes aidant, que de l’œuvre importante
de la commission de 1882, il ne reste rien, pas même
le souvenir dans notre propre pays, parait il ! !
Nous nous trompons pourtant; if reste les'amé-
liorations qui s’introduisent successivement dans
l’équipement des armées voisines : notre casque
dans l'armée Hollandaise; notre havre sqc mis à
l’essai dans l’armée Allemande ; notre vareuse, la
suppression de la cartouchière, l’usage des poches à
cartouches dans l'armée Française !
Le général Pontus faisait partie de la commission
d’équipement ; il était un des partisans les plus con-
vaincus de la tenue proposée. L'Etoile se méprend
donc en recommandant à notre ministre de la guerre,
à titre de nouveautés intéressantes, l’étude des amé-
liorations qui vont être adoptées en France. Ce.s
études sont toutes faites.
Nous aimons à rendre justice aux efforts inces
ants de nos autorités militaires et nous faisons des
vœux pour que les réformes qui s’opèrent chez nos
voisins, ouvrent enfin les yeux de ceux qui ont tant
critiqué ces mêmes innovations alors que des officiers
aussi distingués qu’expérimentés ei, pratiques ont
cherché à les introduire dans notre armée.
Les autorités militaires allemandes déploient la
plus grande activité pour l’armement des forts de la
ville de Metz.
Elles ont même réquisitionné les chevaux des par-
ticuliers pour transporter des munitions et des ma-
tériaux de guerre aux forts Saint-Quentin et Saint-
Julien.
La Mélinite.
Un de3 meilleurs reporters du Figaro, M. Pierre
Giffard, est allé â Bourges pour recueillir sur place
autant de renseignements que possible sur la ques-
tion de la mélinite.Ii adresse à son journal la corres-
pondance suivante :
Bourges, 5j‘anvier.
La mélinite est l’héroïne du moment. Elle arrive, elle
arrive ! A peine connue il y a six mois, à peine ortho-
graphiée il y a trois mois (on la traitait de mélénite
sans souci de l’étymologie), la voilà qui gagne les
sommets. A elle-la popularité ! On ne sait pas bien de
quoi elle se compose ; ce n’est pas nécessaire. Ce qu’il
importe de savoir, c'est qu’elle existe, c’est que ses
effets sont terribles et que la Guerre pousse à sa
fabrication avec une activité remarquable
C’est à Bourges qoe se trouve aujourd'hui le centre
d’opérations de l’artillerie française ; Bourges a rem-
placé Metz et Strasbourg ; on y étudie sans cesse, et un
corps d’officiers très distingués y cherche sans relâche
la solation du grand problème : « Comment doit-on s’y
prendre pour tuer d’un seul coup le plus d’hommes pos-
sible ! » Problème effroyable ! que la science devrait
bien résoudre au plus tôt, car on peut espérer que cette
solution mettra fin à toutes ces guerres,chevaleresques
encore il y a cent ans — hideuses depuis que la chimie
s’en mêle.
Le général Boulanger devait venir ici dès hier pour
assister à des expériences au polygone. Mais son
voyage a été remis : il aura lieu le 14 janvier. C’est
donc le moment de résume)’ en quelques lignes les
travaux accomplis, les résultats obtenus depuis quel-
ques mois, avec la nouvelle substance explosive. Qu’on
ne nous accuse pas, surtout, de livrer à rétranger « les
secrets de nos arsenaux. » On sait ce que vaut ce vieux
cliché.
Bien sûr,nous nous garderions de révéler la composi-
tion d’une substance que nous serions seul à connaître,
en dehors des officiers d'adill-rie et du génie qui l’em-
ploient. Ce serait absurde et délictueux. Mais il ne faut
pas tomber dans l'excès contraire. Qu’on se rappelle la
friteuse révélation des mitrailleuses, que l’armée de
l’Empire promenait à tra- ars les rues, soigneusement
enveloppées dans des gaines de cuir, comme autant
d’engins épouvantables. Quoi effet manqué, au début
de la guerre de 1870, et quelle désillusion !
Il est patriotique de ne pas dévoiler, le mystère qui a
présidé a la composition de la mobilité, mais il est pa-
triotique aussi de dire ce qu’on fait de la substance
nouvelle, quand ce ne serait que pour affirmer la force
de nos armes et apporter un appoim a ia paix générale
en vertu du vieil adage, toujours . plicable : Si vis
pacem, para bellum.
Les deux officiers qui ont trouvé la mélinite sont les
capitaines Locard et Hir ondart, tous deux attachés à
la fonderie des canons, à Bourges. En récompense de
cette découverte, M. Locard va passer chef d’escadron,
et JM- Hirondart vient d’être décoré. Le capitaine Lo-
card passe ici pour un savant de premier ordre II
s’occupe à peine du service. Tout son temps est consacré
aux études techniques. C’est un chimiste et un ingé-
nieur plutôt qu’un militaire. La mélinite est une poudre
qu’on a ainsi baptisée parce que sou aspect rappellele
miel. On connaissait déjà une substance assez diffé-
rente, qui porte le nom de mélitite, par suite de la
même étymologie latine.
Mélénite, comme on disait il y a quelques mois, eût
indiqué une autre origine, grecque celle-là ; ’ mêlas,
noir.
A la suite des expériences de La Fôre, on a poussé
les études de la mélinite à Bourges avec la plus grande
activité. On a construit au polygone trois manières de
fortins, destinés à éprouver les effets des obus nouveau
modèle, chargés à la mélinite. Les fortins, que ie viens
d apercevoir couverts de neige, son? achevés depuis
quelques jours par le génie, fis o.rit l’aspect de pyramides
tronquées; ils sont Carrés et massifs. Deux sont en
béton et en cailloux ; le troisième, qui est le plus impor-
tant, est en asphalte et en silex. Il a douze mètres
carrés à la base sur trois mètre3 de hauteur. Il a coûté
37,000 francs'; les deux autres ensemble 46,000! francs
C’est la Compagnie des asphaltes de Frariçe qui a été
chargée de leur construction;lis sé terminent en plans
inclinés, d'tfn aspect tout nouveau.
Il paraît que ia mélinite detruiraces ouvrages extra-
durs en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire.
C est ce que le ministre ae la guerre doit apprécier
prochainement. Eu attendant, des expériences quoti-
diennes ont lieu â la Pyrotechnie, et les effets de la
mélinite sent jugés, c&£ dés wagons entiers arrivent à
Bourgés pour la fabrication du nouvel explosif
L’éther entrant pour beaucoup dans cette fabrication,
et la production de l’éther en Franse n’exeédarit pas
annuellement 100,000 kilogrammes, le ministre de la
guerre a dû acheter de j’étiier.sulfurique j.ln p6U partoui
ou fi en a trouvé — voire en Allemagne, ce qui a fait
éclore quelques potins dans les journaux.
Pour lancer les obus à la mélinite, il n’est pas néces-
saire d établir des pièces d’un nouveau modèle des
obusiers spéciaux. Le général Boulanger a décidé la
fabrication immédiate de '210,000 projectiles à la méli-
uitê, qui seront livrés au printemps. Mais par suite de
je ne sais trop quelles contestations avec ia ville de
Bourges, c’est à Lyon et à Uive-de-Gier que ces obus
seront fabriqués, un les amènera ensuite à Bourges
pour les finir et les charger, puis ou îeg remportera à
leur destination définitive, ' 4 F * *
La Pyrotechnie de Bourges fabrique dès à ....
mélinite. On dit que la puissance do la nouvelle sub-
stance est â celle de l'ancienne poudre comme le nom-
bre 1Q0 est au nombre 1. c’est-à-dire dix fois plus grande
encore que celle de la nitroglycérine.
Alors qu’un obus ordinaire, tombant sur le toit d’une
maison, éclate et brise tout autour de lpi dès qu’il a
éclaté, l’obus à mélinite est, paraît-il, destiné a des-
cendrejusqu’au soua-sol de la maison, et une fois là —
mais là seulement — à faire tout sauter au-dessus de
lui en éclatant, et avec une violence de pulvérisation
inimaginable.
C’est de cette faqou pittoresque qu'un militaire expli-
quait devant moi, l'autre jour, à Paris, les effets de la
mélinite. Ce n’est pas à Bourges qu' < le démentira.
Les conversations sont toutes a la mélinite, et cepen-
dant ce ne sont pas les officiers d’artillerie qui l’ali-
mentent, car ils sont, comme il convient «f boutonnés »
jusqu’au menton et ils ont bien raison ! Mais les civils,
qui les coudoient chaque jour, sentent bien qu’il y a là
fine grqsse découverte, et que l’art de tuer vient de
faire chez nous un pas énorme.
Mais — conclusion funèbrependant que nous fa-
briquons la mélinite, les Allemands, les Anglais, les
Italiens, les Russes, les Autrichiens fabriquent autre
chose, ou quelque chose d’analogue, où quelque chose
de plus fort encore. Si bien que nous ne serons pas plus
avancés dans un an qu’il y a un an. Nous sommes
prêts à tuer plus, et mieux, — horrible comparatif !
Mais les Allemands ont le fusil à répétition ; nous ne
l'ayons pas encore.
Enfin, il n’en faut pas moins encourager les artilleurs
et les chimistes, ces infatigables tueurs d'hommes.
Quand il suffira au général en chef de souffier dans un
petit cornet pour anéantir les cent mille hommes que
l’ennemi lui opposera dans un rayon de quelques lieues,
le théorème de la paix universelle, fondé sur ie mas-
sacre à distance, sera bien prés d’être démontré.
En attendant, on étudie aussi à Bourges une poudre
saris fumée qui permettrait aux tirailleurs de faire le
coup de feu sans se trahir par les petits flocons blancs...
Bonne idée encore que celle-là ! Tuons vite et bien ; et
qu’on le sache. C’est le bon moyen d’avoir la paix.
Commerce, marine, finances, etc.
Londres, 6 janvier. — Le bilan de la Banque
d’Angleterre constate une augmentation de l’en-
paisse de liv. st. 484,000, une diminution de la circu-
lation de liv. st. 56,000 et une augmentation du chiffre
proportionnel des réserves aux engagements de
4 1/2 0/0»
^KlJtiS • T Janvier.
Cercle artistique. — La presqu’île des Balkans
qu on appelait autrefois la Turquie d’Europe, était U
y a un quart de siècle une des régions les moins con-
nues de notre continent. Aujourd’hui, elle attire
l’attention du monde entier, et l’on a publié tout®
une bibliothèque d’impressions et de souvenirs de
voyage sur les différents pays, aujourd’hui à peu
près indépendauts, dont elle se compose. Nous disons
à peu près indépendants, car si la suzeraineté de la
Turquie est toute nominale, il n’en est pas de même
de l’ingérence russe et autrichienne qui s’exerce
d’une façon si active et si peu déguisée. Notre com-
patriote, M. Emile de Laveleye, a publié dans la Re-
vue des Deux-Mondes une série d’articles du plus
haut intérêt sur la Bulgarie, lu Roumélie, la Serbie
Ja Bosnie, l’Herzégovine ei la Roumanie, qu’il à
étudiées surtout au point de vue politique, social et
économique.
C’est dans un tout autre ordre d’idées que M O
Dognée-a traité mercredi au Cercle artistique de ces
mêmes contrées, que peuple un important rameau
de la race slave, les Iougo slaves ou slaves isolés
comme ils s'appellent eux-mêmes, faisant allusion à
la zône germanique et nagyau qui les sépare de la
grande agglomération russo-polonaise.
Ce qui le préoccupe surtout, c’est le côté pitto-
resque et artistique. Avec un véritable talent de
coloriste, il a fait en quelques traits rapides le por-
trait physique et moral de ces ri ces fortes et primi-
tives, les plus belles du monde au point de vue de la
forme robuste et saine, les plus intéressantes sous le
rapport de la parure extérieure du costume. Car les
slaves des Balkans n’ont pas plus renoncé à leurs
riches et pittoresques habillements nationaux qu’ils
n’ont perdu les traits francs et accentués de leur
visage,ou le puissent modelé de leur membrure
Après un coup d’œil jeté sur l’Albanie pleine encore
des souvenirs du pacha de Janina, de cet Ali-Tépé-
lini.qui inspira dans notre occident tant de vers et dâ
prose, et sur laquelle plane encore dans le passé
héroïque la grande figure de Soanderberg, le fléau
des Turcs, M. O. Dognée nous a montré la Montagne
Notre, le Monténégro, que peuple la race la plus
originale peut être, la plus robuste et la plus bel-
liqueuse de l’Europe, ces Monténégrins qui,dans la
paix, transportent à do3 de mulet, ou môme à bras
d’homme, dans de grands paniers, la terre végé-
tale dont ils remplissent ie; infructuosités arides
de leurs rochers, pour y ptaater quelque ar-
bres fruitiers et surtout beaucoup de fleurs, dont
raffolent les filles de la montagne II n’v a
qu’une chose qu elles préfèrent à la rose et au souci,
les belles Monténégrines, ce sont les têtes coupées
des ennemis héréditaires de leur race, les soldats du
Sultan. Naguère encore, le plus beau cadeau qu’un
guerrier de la Tchernagore pût offrir à sa bien-
aimée, au retour d’une expédition contre les bachi-
bouzouks ou d'une razzia dans les villages musul-
mans de ia frontière, c’était une tète ensanglantée
et grimaçante, qu’on accrochait devant la porte delà
demeure, et dont on faisait une coupe lorsqu’elle était
dépouillée de ses chairs,
11 y a quelques années encore, les murailles de
Cettinje, bourgade qui porte le titre pompeux de
capitale du pays, étaient toutes garnies de ces
hideux trophées, dont la femme du prince actuel a
eu beaucoup de peine à obtenir l’enlèvement.
Le conférencier nous a promené ensuite 1® long de
cette zône étroite qui sépare l’Autriohe de la Turquie
et que l’on appelait autrefois les confins militaires il
nous a présenté les soldats bohémiens qui peuplent
ce pays où tout ie monde est propriétaire et soldat, et
nous a montré la longue ligne des vedettes de la
fronttere, bronzées, moustachues, musclées,superbes
drapees dans leur manteau noir doublé de rouge et
immobiles sur. leur plateforme soutenue par q°uàtre
poteaux de huit à neuf mètres de hauteur et prêts
à mettre le feu aux barils reaiplis d’étoupe goudronée
qui signalent au loin l’approche des bachi-bouzouks
en maraude.
Enfin il nous a conduits à Agram et nous a fait
assister au ^rand mouvement national (qui, depuis
quelques années, imprime une activité prodigieuse à
la vie intellectuelle des Croates. Hostile à la germa-
nisation bureaucratique entreprise au siècle passé
par le gouvernement de Vienne, mais plus liostil®
encore à l’influence magyare, œ mouvement a
pour but la fondation d’une nationalité définitive
basée sur la langue, ia littérature et l’art. L’aris-
tocratie et le. elergé le secondent de tout leur
pouvoir, et parmi ses adhérents les plus distin-
gués,on compte l’évêque Strossmayer,connu par son
attitude au Oonciie de Rome, où il se montra l’un
des adversaires les plus décidés et les plus éloquents
de l’infaillibilité pontificale. Ses immenses revenus
lui ont permis de contribuer dans une large mesure à
la fondation de l’université, de l’éoole des beaux-arts,
de l’école industrielle et du musée d’Agram. Sous
cette impulsion énergique on s'est mis au travail, on
a étudié la langue et 1 histoire, on a rassemblé
et publié le? chansons populaires si originales et
ai poétiques de la Croatie, enfin l’on a élevé de®
statues aux grands hommes du passé. Aujourd’hui,
sur les places publiques d’Agram, à côté de l’image
équestre du héros croate de 1849, de ce ban Jilla-
chich, qui contribua si puisamment à sauver du dé-
membrement la monarchie autrichienne, s’élèvent
les statues de Carpaccio, et de Schiavone. Sous ces
noms italiens, dont l'un veut dire l'habitant des
Carpalhes et l’autre YEsclavon, ,se sont longtemps
cachés deux Slaves, deux Croates, dont le dernier
surtout, qui s'appelait de son vrai nom Medulich,
est un peintre de premier ordre, auteur de grandes
toiles religieuses, où la composition magistrale de
l’école romaiue s’allie à un coloris éclatant, tout
vénitien, et surtout de portraits incomparables, que
l’on a parfois attribués à Raphaël.
Quel sera l’avenir du mouvement serbo-croate !
Aboutira-t-il à la fondation d'une grande nationalité
dest inée à jouer un rôle dans la vie politique et in-
tellectuelle de l’Europe? Servira-t-il seulement à
satisfaire de petites ambitions personnelles et des
intérêts mesquins de coterie? Se perdra-t-ü, ainsi
que ie ruisseau qui court au fleuve, dans le grand
mouvement pansiaviste que la Russie exploite à son
profit, et les Iougo-Slaves finiront-ils comme les
Polonais ? Autant de questions dont la solution est
réservée à l’avenir. Une chose est certaine, c'est que
l’agitation croate a secoué la torpeur de bien des
esprits, qu’elle a fait lire, écrire, parler et surtout
penser, et qu’à ce titre elle a droit à notre attention
sympathique.
Dans une prochaine conférence qui aura lieu mer-
credi 12 de ce mois, M. Dognée parlera de la Serbie,
de la Bosnie et de l’Hereégovine. Il faut espérer qu’un
public plu* nombreux que celui qui avait bravé cette
fois ie mauvais temps pour se rendre au Cercl®,
viendra s® presser autour de la tribune. M. Dogffij* |