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game de motifs de styles divers, cette combinaison
d’éléments et de principes de diverses périodes de
l’art, est voulu; c’est à cet affranchissement de
tout absolutisme de style ou d’école que l’oeuvre
doit cette étonnante variété et cette unité de com-
position , la grandeur et l’originalité de la concep-
tion, la grandeur de l’expression esthétique.
On pourrait appeler cet art l’architecture cosmo-
polite, on doit sans contredit l’appeler du grand art.
*
* *
Au devant, dans l’axe de la rotonde, se trouve
la cascade. Les grandes lignes sont celles du sou-
bassement général, combinées avec un système de
piliers qui divise l’ensemble en trois travées. La
partie centrale, dont la face est une surface courbe,
contient une vaste arcade. La pénétration donne
une ligne d’une remarquable pureté. A droite et à
gauche deux petites niches ornées de statues. Ces
trois travées sont arrêtées par quatre piliers de
masse assez solide; la face tout entière, pratiquée
en bossages rustiques, rappelle quelque peu l’art
florentin, à part cependant les piliers d’angle dont
la forme (terme) rappelle certaines dispositions de
la Renaissance.
La nappe occupe toute la travée centrale ;
elle tombe d’un bassin placé dans la hauteur du
bahut de la grande galerie en franchissant le re-
bord dentelé d’une cuve métallique. La masse
d’eau (masse peu considérable pour l’ensemble et
que le peigne du rebord découpe en lamettes trop
régulières), cette masse tombe dans un petit bassin
d’où elle s’échappe immédiatement pour rouler de
chutes en chutes (il y en a 7) jusqu’au grand bassin
qui occupe à peu près le centre du jardin.
La cascade ne nous a pas fait une bien grande
impression et nous croyons n’être pas les seuls
qu elle ait laissés presque indifférents ; son en-
semble, gracieux et élégant, se perd un peu dans
l’ensemble grandiose de l’édifice qu’il précède et
auquel il se trouve peut-être accolé de trop près.
*
* *
Voilà ce que nous voulions dire du Trocadéro et
de son palais au point de vue de l’ensemble et de
l’aspect extérieur; nous y pénétrerons dans notre
prochaine étude, car il nous reste à en parcourir
les galeries, le grand vestibule, la vaste, et disons-
le dès maintenant, la magnifique salle des fêtes,
E. A.
La façade de la section belge à l’Exposition universelle
M. Charles Blanc apprécie comme suit le mérite
de la façade belge dans la célèbre rue des Na-
tions de l’Exposition universelle.
“ J’arrive à l’architecture de la Belgique. Ce petit
pays a voulu se distinguer et il y a réussi. Toute-
fois son originalité ne s’accuse guère que par la
diversité et la beauté des matériaux. La Belgique
possède de riches carrières de marbre. Elle a dans
le Hainaut des marbres gris mélangés appelés
Sainte-A nne ; elle a des marbres noirs aux envi-
rons de Namur; elle a aussi des brèches brunes,
des marbres rouges et ce petit granit qu’on nomme
granit de Flandre. Ces divers matériaux ont été
habilement mis en œuvre au Champ de Mars,
dans le magnifique spécimen que les Belges nous
donnent de leur architecture. Cet art, remarquable
par la solidité, par l’excellence de l’appareil et
l’emploi raisonné des matières, a aussi tous les
défauts de la Renaissance. Partout des profils
tourmentés, partout des bossages. Les claveaux
des arcs sont alternativement mis en relief; les
surfaces sont divisées, remuées, déchiquetées dans
le style toscan, et à ce mouvement produit par les
rentrants et les saillants de la construction s ajoute
encore la variété des couleurs résultant de la diffé-
rence des matériaux : la brique, la pierre blanche,
le granit gris, le marbre noir.
“ Ce n’est pas tout : des loges, des galeries, des
balcons, des balustrades, multipliant le jeu des
ombres : des frontons brisés, offrant l’image ridi-
cule d’un toit qui s’est ouvert pour laisser passer
un buste, un vase ou un bilboquet, des corniches
violentées par des enroulements de mauvais goût,
des acrotères qui n’ont aucune raison d’être et qui,
lorsqu’on y emploie de petits obélisques, rappellent
l’image d'un jeu de quilles, enfin des cariatides
engainées : ce sont là les caractères de l’architec-
ture que la Renaissance, en passant d’Italie en
Flandre, y mit en honneur au xvIIe siècle, et dont
le style paraît être préféré aujourd’hui en Bel-
gique. Ce style n’est autre que celui dans lequel
ont été bâties la maison de Rubens à Anvers,
l’église des Jésuites dans la même ville, et en gé-
néral les églises élevées par la Compagnie de
Jésus en Allemagne, en Italie, en France, à Co-
blentz, à Cologne, à Dusseldorf, à Venise, à Rome,
à Naples, à Paris, et dans mille autres lieux. ,,
ARCHÉOLOGIE
L’Athenœum belge consacre la notice suivante à M. Ca-
mille Van Dessel : “ Le 16 mai de cette année est mort à
Elewyt, petite commune à une lieue et quart de Vilvorde, un
jeune homme qui était en voie de se faire un nom dans la
science. Il se nommait Camille Van Dessel et n’avait que
vingt-sept ans. Tous ceux qui l’ont connu se rappelleront
cette figure intelligente, ces yeux expressifs, ces cheveux
noirs et touffus, ce teint basané ; un beau type, mais un peu
étrange, et, comme caractère, ce mélange de timidité et
d’énergie, de passion pour le savoir et de rude simplicité.
“ Il naquit à Elewyt, qui est, comme on sait, une localité
d’une grande importance archéologique. Elle est située sur
une voie romaine, dont il subsiste des parties, et qui venait
de Malines pour rejoindre à Tongres la voie Antonine, de Bavay
à Maestricht. A deux pas du village, trois autres voies se
réunissent dans une espèce de carrefour. On y a trouvé une
foule de monnaies depuis la République jusqu’à Constantin,
des antiquités de tout genre et des sépultures.
« Pendant qu’il allait à l’école, le jeune homme fut témoin
de quelques découvertes ; il se prit de curiosité et de vénéra-
tion pour les restes des temps primitifs exhumés sous ses
yeux; il les étudiait chez M. le bourgmestre De Coster, qui
les recueillait précieusement. Puis, il se mit à explorer lui-
même. Il passe ses examens de géomètre. L’exercice de cette
profession lui fournira désormais de nombreuses occasions de
se livrer à des études et à des recherches. Dans les champs
qu’il parcourt, il observe tout indice du passé, et, comme par
une sorte d’intuition, il en est arrivé à acquérir ce flair que
l’on ne peut expliquer, mais qui est incontestable. A son tour,
il fait de belles trouvailles. Mais comment les utiliser, com-
ment en faire des jalons pour la science quand on vit relégué
dans un village, loin des bibliothèques, des musées et des
maîtres qui peuvent vous guider? La passion de s’instruire
lui fait surmonter les obstacles. Avec ses modestes ressources,
il achète des livres, il se rend à Malines, à Anvers, à Bruxelles,
frappe à la porte de quelques personnes que séduit sa physio-
nomie franche et ouverte. On lui prête des ouvrages ; le musée
de Meester, l’établissement géographique, l’Académie d’ar-
chéologie, la Bibliothèque royale lui viennent en aide; il peut
puiser aux sources.
“ En 1870, il avait déjà publié, dans les Annales de l’Aca-
démie d’Archéologie (2e série, t. IV, p. 238), un modeste
article : Monnaies romaines trouvées à Elewyt. L’auteur
avait alors dix-huit ans. Peu après, il donne dans le même
recueil : la Bourgade belgo-romaine à Elewyt (t. VII,
p. 203), un article dans lequel il décrit le résultat de fouilles
opérées par lui-même. L’année suivante, il présenta un nou-
veau travail à la même Académie. L’un des deux examina-
teurs était M. Schuermans. L’attention de ce maître de la
science archéologique fut vivement attirée sur son jeune col-
lègue, et, depuis ce moment, il lui voua une affection sincère
à laquelle l’élève répondit par la plus profonde reconnais-
sance.
“ L’article qui porte pour titre : Quelques antiquités des
environs de Vilvorde (t. VIII, p. 186, avec une carte),
annonçait la découverte d’une chaussée romaine et de
divers objets reposant aujourd’hui dans la collection de
M. De Coster.
“ En 1872, de nouvelles fouilles, opérées, croyons-nous,
pour M. de Meester de Ravenstein, donnent lieu à deux suites
à ses travaux sur l’Établissement belgo-romain d’Elewyt
(t. IX, p. 782, et t. X, p. 584). Les objets découverts sont
déposés au musée de Meester, alors à Hever, aujourd’hui à
Bruxelles, par suite de la généreuse donation du propriétaire.
“ Deux ans après, dans un article : Nouvelles annotations
archéologiques (Ib., t. X), il annonce la découverte d’une
voie romaine à Bergh, à une lieue d’Elewyt, et consigne,
dans le Bulletin de la même Académie (t. I, p. 596), une note
sur le Notelarenberg, près de Vilvorde.
“ Tous ces travaux, écrits simplement, avec modestie, ont
attiré l’attention de ceux qui s’intéressent à notre histoire
primitive. Le jeune explorateur a conquis leur estime, et il
reçoit d’honorables encouragements. Parmi ceux qui le dis-
tingèrent le plus, nous pouvons citer MM. Alph. Wauters et
R. Chalon.
« Il se voit admis parmi les collaborateurs du Bulletin des
commissions d’art et d’archéologie; il obtient d’être chargé
d’opérer des fouilles.
“ Il donne successivement, dans le dernier Recueil, les
articles suivants : Une intaille de jaspe, trouvée à Elewyt
(t. XI, p. 56) ; Exploration de deux tumulus à Grez-Doi-
ceau (t. XII, p. 168) ; Fouilles dans un tumulus à Cortil-
Noirmont (t. XIII, p. 448); Lettre à M. Chalon (t. XV,
p. 277); l’Établissement belgo-romain de Rumpst t. XVI,
p. 141). Ce dernier article parut en 1877.
“ Ceux qui ont suivi les travaux du jeune archéologue ont
dû remarquer la rapide progression de son savoir. Dans les
premiers articles, livré presque à lui-même, sans outils, il se
borne à inventorier et à décrire ; puis, on le voit discuter et
faire des observations comparatives ; il puise à des sources
de plus en plus nombreuses; il devient érudit. «
Le nouveau Kursaal d’Ostende
Le nouvel édifice, si remarquable, élevé à Os-
tende vient d’être inauguré. Voici quelques détails
qui intéresseront sans doute nos lecteurs :
Dire le style de ce monument serait chose assez
malaisée. La partie postérieure, vue de la ville,
avec ses dômes et ses poivrières, a un faux air de
mosquée. Quelques-unes des salles de l’intérieur
prêtent à une décoration moresque. Du côté de la
mer, on voit une immense rotonde avec de larges
arcades et des terrasses superposées. On a fait en
sorte que du centre la vue rayonne dans tous les
sens sur la mer et sur l’horizon. La salle, ou plu-
tôt la halle principale, qui a 2,000 mètres de
superficie, est coiffée d’un dôme qui s’élève à
28 mètres de hauteur et s’ouvre sur les galeries
extérieures par de vastes baies, de telle sorte que
le regard embrasse la majestueuse étendue de
l’Océan sans rencontrer aucun obstacle. Supposez
un colossal parapluie dont les branches descen-
draient jusqu’au sol. On est à l’abri du soleil et de
la pluie sans qu’aucun détail du paysage soit
dérobé à la vue. On ne peut être gêné que par le
vent ou les courants d’air; pour en préserver le
spectateur, on a eu l’ingénieuse idée de lui pré-
parer une cage de verre.
Dans les soubassements, tout autour de la
partie ouverte de l’édifice, sont des châssis mo-
biles encadrant des glaces sans tain. Si l’on
éprouve le besoin de fermer les issues, un tour de
clef met en mouvement un appareil hydraulique
qui fait sortir les châssis du sol; et, en un clin
d’œil, toute la façade circulaire du bâtiment peut
être close sans que l’on perde rien du coup d’œil
extérieur. Tous les aménagements du local sont
marqués au coin du même esprit.
Ainsi les musiciens de l’orchestre, placé au mi-
lieu, arrivent à leur estrade par le sous-sol; les
chaises peuvent être montées et descendues par
des trappes. Les voitures passent sous les escaliers
extérieurs des façades latérales, de telle sorte que
les dames peuvent arriver à couvert et sans
crainte de la pluie ou de la fraîcheur nocturne.
La grande salle est éclairée le soir par des sun
burners qu’on allume à l’aide d’une étincelle élec-
trique, et par de grands lustres en bronze. La
pression du gaz sera réglée à l’aide d’une commu-
nication électrique établie entre l’édifice et l’usine,
située au-delà du Parc, du côté de l’est.
Au vaisseau principal de la construction s’ajou-
tent comme annexes une élégante salle de bal, un
café, un restaurant, un cabinet de lecture, une
bibliothèque, des salons de conversation, dont
deux, au rez-de-chaussée et au premier étage, sont
réservés aux dames. Trois salons sont décorés par
des peintres d’un talent connu, M. Musin, M. Al-
fred Verwée et M. Dubois. M. Musin, qui est
Ostendais, et mariniste, a représenté dans de
grandes proportions des épisodes des divers siéges
de la ville et la visite du roi des Belges à l’amiral
Farragut en rade d’Ostende. M. Verwée a peint
des pâturages, étoffes de ces bestiaux qu’on a sou-
vent admirés dans nos expositions. M. Dubois a
fait des natures mortes. De tous les salons et pa-
villons on a vue sur la mer ou sur la campagne,
et du côté que j’appellerai l’abside de ce kiosque
aux allures fantastiques, on découvre l’avenue
Léopold disposée en squares qui conduisent au
Parc, très-bien planté et suffisamment touffu en
dépit du vent du nord qui nuit tant à la végéta-
tion de nos côtes, à l’endroit où elles ne sont pas
abritées par les dunes.
La partie la plus intéressante de la construction
est peut-être celle que le public ne songera guère
à visiter : le sous-sol avec ses six immenses cui-
sines, ses caveaux, ses substructions, occupés par
les appareils destinés au service de l’eau, du gaz
et au jeu des châssis mobiles dont j’ai parlé tout à
l’heure. Je n’ai pas l’intention de faire ici de la
réclame, mais il me sera bien permis de dire que
les plans de cette construction à la fois imposante
et originale sont l’œuvre de M. Laureys et de
M. Naert, un Ostendais et un Brugeois.
FAITS DIVERS
FRANCE. — L’Académie des beaux-arts a décerné le
prix Bordin à M. Davioud, l’architecte du Trocadéro. Le
sujet était : La division entre les architectes et les ingénieurs
est-elle plus profitable à l’art que la fusion de ces deux
corps ?
SAINT-GILLES. —L’administration communale vient de
mettre en adjudication la construction de l’École de la rue de
la Victoire, dont nous avons parlé dans notre n° 1.
Le devis estimatif accusait une dépense d’ENVIRON (!)
trois cent mille francs ; douze soumissions ont été déposées ;
la plus élevée se montait à 350,000 francs ; la moins élevée à
279,000 francs. Nous reviendrons sur ces faits dans l’un
de nos prochains numéros.
MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR. — M. J. Rousseau,
le savant critique d’art, président d’honneur de la Société
centrale d’Architecture, vient d’être nommé directeur des
sciences, lettres et beaux-arts. Cette nomination sera géné-
ralement bien accueillie, car le talent du titulaire est incon-
tes able et incontesté. |