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1878.
N° 8.
4e ANNÉE.
ABONNEMENTS
S’adresser rue de la Pompe, 5
BRUXELLES
ADMINISTRATION
Boulevard du Hairaut, 74
Bruxelles
PUBLICATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
D ’ARCH1TECTURE
DE BELGIQUE
— DÉPOSÉ —
BUREAUX : RUE DE LA POMPE, 3, BRUXELLES
— DÉPOSÉ —
ANNONCES & RÉCLAMES
A FORFAIT
S’adresser rue de la Pompe, 5
BRUXLLES
DIRECTION —RÉDACTION
Rue des Quatre-Bras, 5
Bruxelles
— 49 —
Bruxelles, Août 1878.
— 50 —
— 51 —
SOMMAIRE
L’Exposition universelle de Paris. E. A. — La façade
belge à L’Exposition : appréciation de M. Charles
Blanc. — Archéologie. — Le Kursaal d’Ostende. —
Faits divers.
L’Exposition universelle de Paris.
Ce que le génie artistique et le génie industriel,
si développés à notre époque, ont produit de plus
remarquable pendant ces dernières années, font de
l’Exposition universelle un merveilleux musée où
l’on marche d’admirations en admirations, où l’oeil
et l’esprit ne cessent un moment de donner au visi-
teur de puissantes impressions de grandeur et de
richesse.
La situation même de l’Exposition, son cadre,
l’ensemble de palais et de jardins, concourent à en
faire une véritable merveille où se manifeste à
chaque pas l’énergie, la puissance de l’esprit humain.
C’était une entreprise gigantesque, mais les expo-
sitions précédentes et, surtout, la grandeur, la
puissante vitalité de la France, le génie artistique
et industriel de nos voisins, étaient de sûrs garants
d’un succès aujourd’hui incontesté.
*
* *
L’Exposition universelle est, pour l’architecte,
une source inépuisable de déductions et d’études;
dès les premiers pas il constate avec une force d’évi-
dence peut-être unique, la puissance, la grandeur
de l’art architectural ; son influence immense et son
intime corrélation avec les progrès de la civilisa-
tion, les moeurs et les idées des nations.
Lorsque l’on arrive par la porte d’Iéna, et après
quelques pas dans le jardin si pittoresquement
émaillé des constructions de l’Algérie, du Japon,
de la Tunisie, de la Suède, de la Perse, de la
Chine, etc., on découvre l’immense, le splendide
palais du Trocadéro, et, en se tournant vers la
gauche, au delà de la Seine, le colossal palais
d’Exposition qui, s étalant sur l’immense Champ
de Mars qu’il couvre en entier, élève ses coupoles
hardies.
R y a un moment d’arrêt. — Quelque indifférent
ou sceptique que puisse être le visiteur, quelque
étranger qu’il soit aux choses de l’art, il ne peut
s’empêcher de se laisser aller à ses impressions.
Ce fut notre premier mouvement; nous nous
arrêtâmes là, longtemps, cherchant à fixer nos sen-
sations et, analysant l’œuvre, nous efforçant d’en
déterminer les causes esthétiques.
Nous nous efforcerons donc, tout d’abord, de
développer ce que nous avons senti, ce que nous
ont dit ces deux œuvres grandioses ; le palais du
Trocadéro et celui du Champ de Mars.
*
* *
Le palais s’élève au sommet du terre-plein
du Trocadéro ; son entrée principale, indiquée
par un vaste vestibule, est située vers la place
circulaire ou convergent les avenues du Roi de
Rome et du Trocadéro. De ce côté, il se déve-
loppe sur une largeur de 115 mètres environ, en y
comprenant les deux pavillons en aile; la partie
centrale a comme silhouette un immense pignon
dentelé par une sorte de système de gradins. Cette
partie centrale correspond à la rotonde qui contient
la salle des fêtes.
La façade vers la Seine (pont d’Iéna) est sans
contredit la plus belle ; c est de ce côté surtout qu’il
convient d’étudier cette œuvre vraiment remar-
quable. La partie centrale est occupée par la
rotonde, dont le diamètre est de 72m00. A droite
et à gauche, elle s’appuie sur deux larges pavillons,
contenant les entrées latérales, qui portent à
115 mètres le développement total de cette partie.
A droite et à gauche, l’édifice se complète par
une longue galerie de plan elliptique d’une cour-
hure très-gracieuse. Chacune de ces galeries, d’un
développement d’environ 165 mètres, est arrêtée
par un pavillon spacieux qui renferme les sorties
vers le jardin.
La longueur totale, y compris les pavillons
extrêmes, et sur une ligne droite, est de 410 mètres;
en développement, l’édifice représente une lon-
gueur de 100 mètres. Devant la rotonde, dans l’axe
principal correspondant à l’axe du pont d’Iéna, se
trouve la cascade dont les eaux s’écoulant de gra-
dins en gradins, viennent se jeter dans un bassin
assez vaste, de forme rectangulaire, avec 3 annexes
en portions de cercles ; aux quatre angles du bassin
s’élèvent des figures d’animaux, en métal doré, de
proportion un peu plus grande que nature et fort
belles.
Voilà la donnée générale du plan; examinons
maintenant les façades.
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* *
La rotonde centrale comprend, comme nous
l’avons dit, la grande salle des fêtes. Autour de
celle-ci se développe une sorte d’anneau contenant
les escaliers qui conduisent au grand amphithéâtre
et aux loges. L’ensemble est enveloppé par une
galerie qui réunit les deux ailes, et qui se termine
par une terrasse au-dessus de laquelle s’élève la
masse de la grande salle couverte d’une toiture
conique, terminée par une lanterne sur laquelle est
dressée une renommée en métal doré.
Cette partie est arrêtée à droite ef à gauche par
deux tours, gracieux minarets dont les crêtes de
coupole se trouvent à environ 50 mètres au-dessus
du niveau de la terrasse et à 75 mètres au-dessus
du tablier du pont. La grande galerie de la rotonde
comprend un rez-de-chaussée. (le niveau général de
la terrasse) et une galerie en étage.—Elle est des-
sinée par un système de piliers carrés avec chapi-
teau composite de sentiment dorique, orné; ces
piliers portent des arcs plein-cintre, dont les
retombées posent immédiatement sur les chapi-
teaux. Au-dessus règne une corniche et une acro-
tère formant balustrade ajourée protégeant la ter-
rasse supérieure.
Cet ordre principal est coupé, à mi-hauteur à
peu près, par un petit ordre de sentiment ionique,
très-sobre et très-élégant; ce petit ordre porte un
entablement formé d’une corniche architravée,
très-simple et d’un beau caractère, indiquant le
niveau de la galerie d’étage.—Le petit ordre ionique
qui n’est ici qu’un élément secondaire, devient
l’élément principal des galeries en ailes, forme
pied-droits aux petits pavillons intermédiaires de
ces galeries et accuse la naissance des arcs aux
pavillons extrêmes.
Au-dessus du grand ordre s’élèvent : au centre
la rotonde accusant la salle des fêtes ; à droite et à
gauche les tours.—La rotonde estdiviséeen 7 larges
travées, percées chacune d’une vaste fenêtre en
plein-cintre ornée de meneaux d’un dessin un peu
lourd.—La division des travées est accusée par de
vigoureux contreforts carrés; chacun de ces contre-
forts contient un escalier et se termine par un
balcon saillant, au centre duquel s’élève une lan-
terne.
La rotonde supérieure, couverte en toit conique
comme nous l’avons dit ci-dessus, est arrêtée par
deux tours, l’une à droite, l’autre à gauche; ces
tours, dont le dessin général et la silhouette rap-
pellent les minarets de l’art oriental, partent d’un
plan carré qu’elles conservent jusqu’à l’acrotère qui
termine la rotonde et forme le pied de la toiture
conique.— Là elles deviennent octogonales par un
système d écoinçons à gradins et se dressent hardi-
ment vers les cieux.
Cette partie supérieure, détachée de l’ensemble,
est divisée en trois étages accusés par des balcons
avec balustrades en pierre; le dernier étage, d’un
diamètre inférieur, s’élève sur une sorte de soubas-
sement et se termine par une coupole d un dessin
très-élégant.
Les galeries en aile ne se soudent pas immédia-
tement à la rotonde; un pavillon, de chaque côté,
sert de transition, rappelant dans les éléments de
sa composition et les grandes lignes des galeries en
aile et celles de la galerie d’étage qui enveloppe la
rotonde.
Ces galeries en aile sont divisées en trois travées
par d’élégants pavillons, précédés d’un perron qui
conduit au jardin ; une grande arcade, dont le
plein-cintre est porté par des colonnettes du module
du petit ordre, forme le motif de ces pavillons dont
la silhouette, très-élégante, est terminée par une
coupole de forme orientale. Les pavillons extrêmes
ont un étage et sont divisés en trois travées dans la
face principale; la partie centrale rappelle les
grandes fenêtres à meneaux de la rotonde et se
termine par une coupole toujours du même type.
*
* *
L’ensemble de l’édifice revêt un grand caractère
de noblesse et de grandeur; d’une remarquable
ampleur de composition, il est un type d’unité et
d’harmonie; sa silhouette, mouvementée et hardie,
est d’un effet remarquable et inattendu par la cour-
bure de toutes, les grandes lignes. Les éléments,
bien coordonnés, sont liés l’un à l’autre avec cet
esprit logique, cette valeur relative qui doit être,
avec la vérité de construction, la note caractéris-
tique de l’architecture moderne.
Les éléments, pris et étudiés séparément, sont
également beaux, à part les pavillons de droite et
de gauche de la rotonde, dont la composition est
moins heureuse.
Comme toute œuvre humaine, ce n’est certes pas
une œuvre parfaite; mais à l’encontre de beaucoup
d’édifices tant anciens que modernes, elle résiste à
un examen minutieux, et, d’une étude attentive
elle sort triomphante, laissant dans l’esprit une
grande impression, une admiration sincère, spon-
tanée, que quelques incorrections n’ont pu anni-
hiler.
D’ailleurs, ce sont des incorrections de détail,
nous en avons signalé quelques-unes, telles que la
lourdeur des meneaux aux grandes fenêtres et le
peu de grâce de leur dessin, la faiblesse des petites
colonnettes qui ornent ces grandes baies tant à la
rotonde qu’aux pavillons extrêmes, la banalité du
dessin des chapiteaux des grands piliers, la lour-
deur et la petitesse des balustrades.
Dans l’une des grandes lignes, nous constatons
encore un effet d’optique qui, bien que peu sen-
sible, produit une impression désagréable : la
rotonde, formant le motif central, se détache sur
les pavillons de droite et de gauche, au pied des
tours, en formant près des deux tiers du cercle; le
demi-cercle parfait se continue jusqu’à ces pavillons
par une droite, tangente au cercle, qui paraît
brisée au point de tangence et sortir brusquement
en divergeant. C’est surtout à l’entablement du
grand ordre que cette impression est sensible.
Nous le répétons, ce sont là des griefs relative-
ment peu importants, ils n’empêchent pas le palais
du Trocadéro d’être une œuvre grande et forte,
savante et vraiment admirable.
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* *
Quant au style, la façade du Trocadéro est clas-
sique par la simplicité et la grandeur de sa compo-
sition; bon nombre d’éléments sont empruntés à
divers styles, le roman, le byzantin, le mauresque
et même les éléments de la Renaissance. Et cet amal- |