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1879.
N° 9.
5e ANNEE.
ABONNEMENTS
S’adresser rue de la Pompe, 3
BRUXELLES
L’ÉMULATION
ANNONCES & RÉCLAMES
A FORFAIT
S’adresser rue de la Pompe, ô
BRUXELLES
PUBLIOATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
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Bruxelles
D’ARCHITECTURE
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Bruxelles
DE BELGIQUE
-déposé- BUREAUX : RUE DE LA POMPE, 3, BRUXELLES _ déposé-
— 55 —
Bruxelles, Septembre 1879.
SOMMAIRE
Académie de Belgique : Concours. — L'École d'art indus-
triel. — Exposition nationale de 1880. — Nécrologie. —
Faits divers.
Académie de Belgique
CLASSE DES BEAUX-ARTS. — CONCOURS DA RC H1-
TECTURE DE 1879.
L’Académie demandait un Projet de fontaine
monumentale destinée à décorer le fond d'une place
publique.
Huit projets ont été présentés, ce qui paraît assez
satisfaisant. Nous n’avons guère plus à (lire quant
aux mérites de ces oeuvres, et nous nous voyons for-
cés de déclarer ce concours relativement faible.
Tout d’abord, les concurrents, ou n’ont pas com-
pris le programme, ou en sont complètement sortis ;
aucune de ces études ne peut, à juste titre, être
présentée comme projet de Fontaine monumentale.
Cela étant dit, et faisant comme les concurrents,
abstraction complète du programme imposé, nous
ne nous occuperons plus que du mérite personnel
de chacune des études.
Le projet qui a pour devise : Ne t'attend qu’à toi-
même, est une jolie composition de style classique,
grec, rendue par un dessin au lavis très-élégant.
Malheureusement, la donnée générale nous rap-
pelle d’une façon trop évidente la célèbre Lanterne
de Demosthène, motif déjà tant employé, même
dans la composition de. monuments funéraires.
*
* *
Belgica, telle est la devise d’une étude qui, au
premier aspect, paraît être le projet d’un pont cou-
vert d’une galerie, avec avant-corps. Composition
assez faible, d’un sentiment hybride, où nous con-
statons des fautes de proportions qui ont pour
conséquence un manque absolu d’unité.
■¥■ Y
Encore un projet absolument classique d’inten-
tions ; de sentiment très-sévère, froid et maigre
d’éléments, bien que nous y trouvions quelques qua-
lités dans la composition.
H R pour devise : A réthuse ; l’auteur de ce projet
nous paraît en avoir été l’Alphée.
Une devise philosophique : La civilisation est la
fontaine da progrès, marquant un projet de compo-
sition assez originale. Cette étude a dès qualités au
point de vue de l’ensemble, mais son style est un
peu lâché.
Y *
S'il cessait un seul instant Le veiller sur eux
tous les éléments seraient bientôt confondus, a dit
(I’Eole, un poète de l’antiquité. Le projet dont nous
parlons a cette devise, Eole; son dessin est dur, les
teintes (encre de Chine) trop fortes, et, ma foi, les
éléments sont passablement confondus. En y regar-
dant de plus près, on reconnaît cependant des
détails très-heureux de composition : L’ensemble a
du caractère et de l’originalité, mais quelques élé-
ments, notamment l’acrotère, sont lourds.
Que dire de Patria et libertas!
Encore une devise philosophique : L’argent tue
lart. Ce projet n’est pas suffisamment travaillé; il
est maigre de composition et d’éléments, et l’allure
générale revêt ce caractère sec et quelque peu froid
des constructions métalliques.
Voici Patna. L’auteur de ce projet a obtenu
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un prix d’encouragement, ci : cinq cents francs. C’est,
à coup sûr, l’étude qui possède le plus de qualités
au point de vue de la composition et le plus travaillé
(on peut en juger d’ailleurs par le nombre et la
dimension des châssis).
L’auteur a eu la bonne idée de joindre aux des-
sins géométraux, une vue perspective ; ce que l’on
devrait réclamer dans tous les concours.
Le dessin est un peu faible, son coloris manque
de pureté et d’harmonie. Nous ajouterons pourfinir
que, dans ce Projet de fontaine monumentale, il y
a un arc de triomphe (avant-corps principal), placé
là avec autant d’à-propos qu’il y en aurait à orner
d’une tour avec mâchi coulis l’avant-corps d’un
théâtre.
L’école d’art industriel
Au moment où le gouvernement semble vouloir
mettre à exécution une idée émise et longuement
discutée depuis onzeans, nous avons voulu relire ce
qui s’est dit au Congrès de l’enseignement des arts
du dessin de septembre-octobre 1878.
Au point de vue de l’art industriel, le Congrès a
rencontré diverses questions très-importantes, parmi
lesquelles celle qui, semble-t-il, préoccupe aujour-
d’hui le gouvernement ; nous l’énoncerons : Con-
vient-il d’ériger, en vue des besoins de l’industrie, un
enseignement du dessin, différent en quelque sorte
de celui que réclame l’art proprement dit ! et nous
reproduirons ici le discours prononcé par le secré-
taire général, M. J. Rousseau, aujourd’hui direc-
teur des Beaux-Arts :
Si j’ai demandé la parole sur la deuxième question, ce n’est
pas pour rouvrir la discussion d’hier. On peut la regarder
comme épuisée après les développements si remarquables où
sont entrés quelques-uns d'entre vous, d’artistes devenus
orateurs. Ils ont fait voir tout ce qu’il y a de force et de
clarté dans la vraie science et d’éloquence réelle dans la vraie
conviction; je regrette que l’un d’eux, M. De Taeye, ne soit
pas ici pour entendre mes félicitations. Rien à ajouter à ce
qu’ils ont si bien dit. Aussi ne voudrais-je qu’une chose :
tirer de cette brillante discussion les conclusions qui s’en dé-
gagent, — essayer de préciser et de résumer par des proposi-
tions formelles quelques-unes des idées auxquelles vous avez
si légitimement applaudi.
J’ai, du reste, moi-même souvent soutenu ces thèses sur un
autre terrain. Je suis heureux d’avoir à y revenir ici et sur-
tout de les avoir vu confirmer avec une autorité si éclatante.
M. Slingeneyer vous a dit que toute forme relève de l’art,
et que dès lors les applications de l’art à l’industrie doivent
rentrer forcément dans renseignement académique. M. De
Taeye pense de même, lui qui a insisté si fortement sur tout
ce qui pouvait élargir cet enseignement, fortifier la raison,
meubler l’imagination, élever l’esprit des artistes, et par suite
augmenter la portée et l’influence sociale des arts.
Je ne puis tout d’abord qu’adhérer hautement à ces idées.
Et non-seulement je crois avec ces messieurs que l’art indus-
triel doit faire partie de l’enseignement académique ; mais je
voudrais qu’il fût une des branches accessoires de l’enseigne-
ment supérieur.
Je n’examine pas à quel cours spécial il devrait être adjoint,
dans quelles conditions il devrait se donner. Il n’appartient
qu’à vous, hommes pratiques, de trancher ces questions
d’exécution. Mais les applications de l’art à l’industrie con-
stituent pour moi une étude d’une importance capitale et
qui ne serait pas indigne d’être enseignée à nos peintres
d histoire, concurremment avec les études supérieures de
littérature et d’esthétique.
Je m’explique. Pourquoi, de nos jours, a-t-on donné tant
de développement à l’étude de l’art industriel? Pourquoi ces
écoles spéciales, ouvertes de tous côtés? L’honorable ministre
qui a pris l’initiative de cette grande entreprise, — j’ai
nommé M. Rogier, — était hier encore ici, témoignant
par sa présence de l’intérêt qu’il porte et que tout le monde
doit à ces questions d'art qui sont des questions natio-
nales dans le pays de Rubens ; sa modestie seule, en le
retenant aux derniers rangs de cette assemblée, l’a dérobé à
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nos applaudissements. Pourquoi, je le répète, cette large ex-
pansion donnée à l’art industriel d’un bout de l’Europe à
l’autre ? C’est qu’on s’est rendu compte de la portée immense
de cet art éminemment populaire, qui s'imprimera sur toutes
choses, qui entrera partout avec le meuble, le vase, le vête-
ment, et qui est le moyen le plus puissant que vous possédiez
pour faire pénétrer dans toutes les classes le sens et le goût
du beau, en faisant du beau l’inséparable compagnon de l’utile
et du nécessaire.
Eh bien, c’est l’importance même de cet enseignement,
dans ses résultats, qui me porte à désirer qu’il prenne sa
source le plus haut possible.
Vos écoles industrielles, c’est bien. Elles vous fourniront
d’excellents ouvriers. Mais l’ouvrier ordinaire n’est qu’un
instrument reproducteur. Qui inventera? Qui fournira les
modèles ? L’artiste. Conclusion naturelle : Si vous voulez que
cet art prospère et grandisse, ayez de beaux modèles, et,
pour cela, ne les demandez qu’à de vrais artistes.
Ce travail leur sera-t-il difficile? Seront-ils lents à former?
Je ne le crois pas.
Il faudrait d’énormes efforts à l’ouvrier —■ avec l’éducation
forcément très-rudimentaire qui lui est donnée — et à moins
de dispositions exceptionnelles — pour s’élever à la compré-
hension des grandes idées qui constituent l'art et qui échap-
pent à tant d’esprits même cultivés. Il pourra tourner, sculpter
parfaitement un meuble et rester longtemps incapable de le
composer, d’inventer un type, de comprendre les questions
de rhythme, de style, etc.
Au rebours, l’artiste qui saura faire jaillir de son cerveau
une figure de pied en cap, ne sera jamais embarrassé, je crois,
de dessiner un fauteuil, un vase, une torchère, et cela par
cette raison proverbiale que “ qui peut le plus peut le moins. »
A ce cours supplémentaire donné à nos peintres d'histoire,
je vois plus d’un avantage : 1° Si la peinture ne leur réussit
pas, ils trouveront un refuge immédiat dans l’industrie;
2° S’ils restent peintres, on leur aura donné, en fait de meu-
bles, de costumes, d’accessoires de tout genre, une série de
connaissances que le peintre actuel possède rarement, bien
que la nécessité lui en soit démontrée à tout moment; 3° Enfin,
ne sera-ce rien que d’avoir assuré à cet art industriel, dont le
développement intéresse tant la diffusion de l’art proprement
dit, une direction plus ferme, plus élevée, et éclairée désor-
mais par une éducation complète, de toutes les lumières du
goût et du savoir?
Du reste, l’histoire est là pour trancher cette question alors
même que le simple raisonnement n’y suffirait pas. Consul-
tez-la. Remontez aux siècles où l’industrie a revêtu les formes
les plus belles et les plus artistiques. Vous verrez que ce sont
alors les artistes qui l'inspirent et qui l’alimentent, qui lui
tracent sa voie, qui lui donnent ses modèles.
Au xvie siècle, ce ne sont pas seulement Ghirlandajo et
Benvenuto Celliui qui sont orfèvres en même temps que pein-
tres ou sculpteurs ; Albert Durer nous montre aussi, dans son
œuvre, toute une série d'études d’orfèvrerie. Enée Vico, l’élève
de Marc-Antoine, publie un livre de vases qui sont de vrais
modèles d’invention gracieuse et originale. Lucca délia Rob-
bia, le grand sculpteur, fait des faïences en Italie, tandis que
Bernard Palissy exploite ses émaux en France. Jean Goujon
vient en aide aux typographes et ne dédaigne pas de dessiner
des lettres ornées pour une nouvelle traduction de Vitruve.—
Une industrie qui exerce particulièrement alors le talent de
tous les artistes, c’est celle des fêtes publiques, abandonnées
aujourd’hui à de vulgaires entrepreneurs qui n’y trouvent
qu’un motif à lampions et à fusées. On voit André del Sarto
dessiner des chars et des arcs de triomphe pour la réception
de Léon X; Albert Durer en fait autant pour le triomphe de
Maximilien; Rubens en fera autant plus tard pour l’inaugu-
ration de l’archiduc Ferdinand ; ces fêtes publiques sont vrai-
ment des fêtes pour l’art : peintres, sculpteurs, architectes,
tous descendent dans la rue ce jour là, travaillent, inventent
en plein air, et l’on se figure l’effet électrique de ces luttes
livrées sous les yeux de la foule, prête à applaudir le vain-
queur. — Vous voyez se continuer, pendant trois siècles, cette
intervention des vrais artistes dans les moindres ouvrages de
l’industrie. Vredeman de Vriese, notre compatriote, qui était
à la fois sculpteur, architecte et poète, fait un livre de meu-
bles qui resteront des types de combinaisons ingénieuses et
pittoresques. Audrouet Ducerceau, le grand architecte, com-
pose plus tard une série de scènes charmantes pour fonds de |