Full text |
1879.
N° 12.
5e ANNEE.
ABONNEMENTS
S’adresser rue de la Pompe, 3
BRUXELLES
L'ÉMULATION
ANNONCES & RÉCLAMES
A FORFAIT
S'adresser rue de la Pompe, ô
BRUXELLES
PUBLICATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
ADMINISTRATION
Boulevard du Hainaut, 74
Bruxelles
D'ARCHITECTURERE
DIRECTION —RÉDACTION
Rue des Quatre-Bras, 5
Bruxelles
DE BELGIQUE
-déposé- BUREAUX : RUE DE LA POMPE, 3, BRUXELLES _déposé-
—79—
Bruxelles, Décembre 1879.
Le Dessin architectural. — Correspondance. — L'École
modèle. — Œuvres publiés.
Le Dessin architectural
Mon honorable contradicteur Timbra trouvera
peut-être que je m’étends bien longuement sur le
sujet qui nous sépare, et mes lecteurs seront proba-
blement de son avis.
Cependant, je n’aurai plus à m’occuper de cela
dans l’avenir, et il faut, cette fois pour toutes, que
j’expose complétement mon opinion quant au dessin
architectural ; mes appréciations, dans l’avenir,
n’en seront que mieux comprises, et la polémique
soulevée par un avis, émis aussi brièvement que
ceux que l’on met entre parenthèses, le sera, je
l’espère, d’une façon un peu plus courtoise.
J’ai dit ce que je pensais du dessin architectural
en général ; j’ai dit aussi, en éclairant le sujet de
quelques faits connus, admis, ce que je craignais
du dessin lavé et ombré.
Il me reste à parler du dessin au trait rehaussé
d’ombres et de piqués à l’encre noire, obtenus au
moyen du tire-ligne et de la plume.
Ce dessin, qui est très-usité dans quelques écoles
belges d’architecture, surtout à l’Académie royale
des Beaux-Arts d’Anvers et à l’école de Saint-Luc,
donne d’excellents résultats et, à certain point de
vue, semble même être le dessin le plus architec-
tural.
Je ne crois pas nécessaire de décrire tous les
effets que l’on peut obtenir par le dessin au trait
noir, rehaussé d’indications au trait à l’encre pâle,
et d’ombres obtenues au moyen de grisés simples ou
croisés.
Dans ce dessin, on est amené à pousser plus loin
le souci delà forme, de l’harmonie des proportions,
de la vérité des reliefs, avant et arrière-corps, qui
constituent ce que l’on peut appeler le modelé
architectural.
R existe encore une manière qui consiste à rele-
ver de quelques teintes d’encre de Chine, très-
sobre, un dessin rendu par un trait ferme et correct.
Elle est employée quelque peu en France où, quoi
quon dise, il y a encore d’heureuses exceptions au
dessin de chic.
Ces diverses manières de dessin, qui consistent à
n’employer que l’encre de Chine en traits et teintes
combinés, ne sont pas moins attrayantes, au point
de vue de l’aspect des rendus, que la manière des
teintes et du coloris. On pourrait les comparer à la
gravure dans ses diverses applications, et surtout
aux eaux-fortes, qui donnent de si admirables
résultats au point de vue du sentiment artis-
tique.
On sait que, par l’eau-forte, l’artiste graveur
arrive à rendre jusqu’aux plus délicates harmonies
des tons, même dans leur plus extrême dégrada-
tion; que les contrastes de tons clairs et de tons
noirs n’y ont pas l’aspect dur que nous offrent
d'autres manières, telles que la gravure sur bois ou
sur pierre.
Et, tout compte fait, le dessin architectural
n’est-il pas, dans bien des cas, ce que la gravure
est au tableau qu’il reproduit?
Que l'on n’attende pas du dessin architectural de
fixer, de faire pressentir même, d’une façon exacte,
les impressions que produira l’oeuvre exécutée. Cela
n est possible, à peine, qu’au moyen du dessin
perspectif; le dessin géométral, quelle que soit la
manière du rendu, malgré les couleurs harmonisées,
— 80 —
les effets et les oppositions, ne sera jamais qu’une
convention, résultats d’hypothèses aussi conven-
tionnelles.
Le dessin perspectif seul, au point de vue du
rendu, est donc susceptible du travail qui vise à
l’effet; or, je ne crois pas que personne pense autre-
ment, dans le dessin rendu ce n’est pas à un effet
de dessin que l’artiste veut arriver, mais il s’efforce,
par le dessin, à faire comprendre son oeuvre à
ceux dont il doit réclamer l’approbation; il veut
donc en rendre l’effet ou l’impression.
★
* H-
Je crois inutile de développer plus encore toute
cette théorie et en reviens au début de cette discus-
sion. Je confirme donc que je ne suis pas absolu-
ment, exclusivement antipathique au dessin au
lavis.
Je dirai plus. R faut laisser à chacun sa manière
de dessiner, à la condition cependant que le dessin
soit sincère, que, dès lors, il soit sobre, car c’est
la seule façon de le rendre intelligible à tous.
R faut que l’architecte s’occupe ardemment des
formes et des proportions; qu’il arrive à posséder
entièrement tout ce qui fait la langue architecturale,
c’est-à-dire cet ensemble de principes qui préside à
la composition et forme, en quelque sorte, la syn-
taxe de son art.
Qn’il sache, par l’étude des monuments de l’anti-
quité et du moyen âge, donner à ses œuvres de la
grandeur et de la poésie, de l’élégance et du pitto-
resque.
Mais que ce soit son œuvre qui possède ces
grandes qualités, qu’il sache vouloir les y mettre
parce qu'il a su se les approprier; qu’il songe moins
à donner à l’image qu’il présentera au public le
charme du dessin et du coloris, qu’à donner à cette
image le véritable aspect de l’édifice rêvé; qu’en
un mot, son dessin soit comme un écho, comme
ces reflets de la mémoire, lorsque celle-ci a con-
servé une forte impression d’une œuvre vraiment
belle.
Alors il fera œuvre d’architecte et cela ne l’empê-
chera pas de faire de beaux dessins.
★
Y *
Je ne m’en prends qu’au dessin appelé vulgaire-
ment de chic, dessin d’à-peu-prês, inadmissible en
architecture, où le détail modifie l’élément, où les
éléments complètent l’ensemble et en font l'expres-
sion architecturale.
Je m’en prends surtout à ce dessin comparable à
telle pièce de vers qui n’appartient à la poésie que
par la forme rimée, où la césure est bien observée,
la rime riche, les assemblages de mots harmonieux
ou sonores, mais que n’anime point la vivacité
de l’esprit et la chaleur du sentiment ou de la
passion.
Comme on peut faire des vers sans arriver à la
poésie, on fait du dessin architectural sans faire de
l’architecture.
Et, malheureusement, celui qui se laisse aller à
ce goût, à cette facilité d’imagier, nous fait perdre,
le plus souvent, les fruits que l’on était en droit
d’attendre de précieuses aptitudes, d’une véritable
vocation. E. A.
CORRESPONDANCE
Bruxelles, le 5 janvier 1880.
Monsieur E. A.,
J’ai remarqué avec surprise que vous n’avez pas cru devoir
insérer dans l'Émulation ma lettre telle que je vous l’avais
envoyée. Vous l’avez agrémentée de points d’interrogation,
de points d’exclamation et de nombreux soulignés qui ne se
trouvaient pas dans l’original, où je n’avais relevé que les
— 81 —
seuls termes empruntés à votre article. Je ne saisis pas le
motif de ce procédé ; je doute qu’il soit approuvé par un seul
de vos lecteurs, et je me réserve de vous prouver plus loin
qu’il est quelquefois bon de ne pas se montrer trop sévère
pour les autres.
La surprise que j’ai éprouvée ne m’a pas empêché de lire
avec attention la réponse que vous me faites, et j’ai remarqué,
une fois de plus, que lorsque vous voulez faire rire aux
dépens d’autrui, vous réussissez à merveille.
Votre esprit, qui consiste pour le quart d’heure à me
donner un nouveau qualifleatif chaque fois que vous me
nommez, me désigne tour à tour sous les noms d humble,
timide, mystérieux, très-honoré, vaillant et prolifique Lmbra.
Moi, violette (c’est vous qui le dites), je finis, d’adjectit en
adjectif, par être comparé au lapin. Prolifique Umbra ! Voilà
une apostrophe adressée bien à propos et qui, du coup,
anéantit tous mes arguments.
Vous ne vous contentez pas de me plaisanter, Mr E. A.;
vous me donnez encore une leçon. Je vous remercie de votre
générosité, et je trouve, comme vous, que quelqu’un qui
commet la colossale bévue d'écrire « la signature » au lieu de
“ le signataire », est un être incapable de raisonner saine-
ment et avec lequel on est trop bon de vouloir discuter.
Cependant, je m’étonne que, venant de me reprendre, vous
ne vous soyez pas surveillé un peu plus vous-même et que
votre zèle vous ait entraîné à dire des choses que certes vous
ne pensez pas.
Aussi, le dernier des nombreux adjectifs dont je suis qua-
lifié , m’a fortement intrigué. Vous m’appelez prolifique
Umbra.
Prolifique ! moi? Mais qu'en savez-vous et comment osez-
vous employer une expression aussi risquée? Les nombreux
dictionnaires que j’ai ouverts sont bien d’accord sur le sens
à attribuer à ce mot et l’explique ainsi : » Prolifique, qui a
la vertu ou la faculté d’engendrer; exemple : le lapin est pro-
lifique. » Est-ce cela que vous avez voulu dire? Je ne le pense
pas, et je suppose plutôt que vous croyiez dire prolixe, qui
parle ou écrit trop longuement.
L’erreur est évidemment pardonnable, et je ne doute nulle-
ment que vous ne connaissiez le mot. Votre bienveillance
habituelle seule vous aura engagé à signaler aux lecteurs la
paille de ma lettre, avant de songer à toucher à la poutre de
votre article ; mais j’ai le droit de supposer que, si vos six
adjoints de la commission n'ont pas corrigé le mot sur
l’épreuve, c'est qu’ils ont voulu jouer un tour à celui qui est
si impitoyable pour les fautes d’autrui.
Les quelques personnes qui ont lu le texte n° 10 s’étonne-
ront, Mr E. A., de me voir répondre une seconde fois à un de
vos articles; elles se demanderont pourquoi, de gaieté de
cœur, je viens m’offrir en holocauste dans l'Émulation. J’ai
tort, je l’avoue; je n’aurais pas dû écrire une première fois,
mais je croyais alors, comme je crois encore maintenant,
que l'Émulation ne compromettrait pas sa dignité en insé-
rant des lettres qui, pour n’ètre pas rédigées aussi bien que
vos articles, Mr E. A , ne sont pas complètement dépourvues
de bon sens et de valeur.
J’ai repris la plume aujourd’hui, afin de bien faire con-
stater par les lecteurs de l'Émulation, la façon réellement
hospitalière dont vous recevez les gens assez simples pour
croire que votre journal est une tribune accessible à tous, et
où toutes les opinions sont non-seulement admises, mais sur-
tout respectées.
Ma lettre ne contenait, à votre adresse, aucun terme mal-
sonnant, aucune phrase dont on pût se froisser; vous ne m en
avez pas moins traité avec un air de supériorité et de dédain.
Pour moi, l’expérience est concluante, et je me félicite de
m’être abrité derrière un pseudonyme, car ma signature
vous aurait probablement engagé à changer un peu le ton
gouailleur de votre réponse. Elle eût, je crois, été moins
naturelle.
Vous me trouverez, sans doute, de nouveau prolixe; mais,
je vous le promets, c’est pour la dernière fois, et en remer-
ciant la commission du journal de 1'hospitalité quelle ma
accordée, je vous prie de croire, Mr E. A., que notre dis-
cussion aigre-douce n’a rien changé aux sentiments que j’ai
pour vous. Umbra.
Mon adversaire (plus de qualificatif, n’est-ce
pas?), mon adversaire triomphe! Je l’ai dit proli- |