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fique, alors qu’il se contenterait si bien d’être pro-
lixe!
Eh bien! c’est de bonne guerre, mais c’est trop
insister, c’est surtout trop appuyer, pour que nous
ne nous disions tous, mes très-nonorés lecteurs et
moi : « qui veut trop prouver ne prouve rien. «
Mais, timbra, puisque vous faites, à nouveau,
allusion à ma bienveillance habituelle, je n’insis-
terai pas et cesserai de donner l’occasion de se ser-
vir en holocauste à quelqu’un qui, comme vous
dites si élégamment, s’est tait d’aussi étranges illu-
sions quant à la rédaction de notre chère Emula-
tion.
Umbra, tout le monde sera de votre avis, l’Emu-
lation n’est guère hospitalière, et tous ceux qui ont
pris à charge le rude labeur de la diriger sont des
gens sans foi, des tyrans au petit pied.
L’Emulation n’est pas une tribune accessible à
tous, et lorsqu’elle dit cela, elle ne fait que tendre
un piège aux naïfs qui veulent bien encore condes-
cendre jusqu’à discuter avec elle.
L'Emulation est aussi, Umbra :
... Comme une île escarpée et sans bords!
On n’y peut plus rentrer quand on en est dehors.
C’est sans doute pour toutes ces raisons, et après
une première expérience, qu’il vous convient de
revenir à la charge, et de plus belle.
C’est pour cela, sans doute, que vous poussez,
jusqu’à y consacrer peut-être un temps précieux,
l’abnégation, le désintéressement, le dévouement
aux principes du bien.
Sans vous douter, semble-t-il, qu’il n’est rien
d’aussi prolifique que votre prolixité.
* Y
J’aime à croire, très-honoré contradicteur, que
vous n’avez pas relu votre première lettre; si vous
l’aviez relue, vous ne vous étonneriez point du ton
gouailleur de ma réponse (pour autant que j’aie
pris un malin plaisir à vous railler, ce que je crois
être excessif).
Je n’insisterai point, Umbra. Mais je m’arrêterai
sur le dernier paragraphe de votre lettre, celui qui
précède l’expression des sentiments que vous éprou-
vez et qui n’ont point changé, dites-vous, senti-
ments auxquels les nôtres font, très-honoré corres-
pondant, un très-sincère écho.
Vous vous dites heureux de vous être abrité sous
un pseudonyme, car, dites-vous, votre signature
m’aurait engagé a changer un peu le ton gouail-
leur....., etc.
Si ces quelques lignes ne se trouvaient à la fin
d’une lettre dont l’aspect général m’incite à croire
qu’il vous pressait d’en avoir fini, je vous répon-
drais, Monsieur, que vous nous connaissez peu ou
bien mal.
Nous avons l’habitude, à l'Emulation, de savoir
ce que nous voulons, et nous nous sommes imposé
(quoi de plus naturel, n’est-ce pas?) d’être absolu-
ment, strictement sincères.
Je ne vous connais point, Monsieur; mais s’il
m’était donné de vous connaître, et cela m’honore-
rait peut-être, je vous répondrais, à vous, agressif,
absolument comme je l’ai fait à cette place.
E. A.
L’ÉCOLE MODÈLE
Aujourd’hui que l’école est le champ de bataille des partis,
il nous a paru utile d’attirer l’attention de nos lecteurs sur
une institution remarquable à plus d’un point de vue.
Si l’Ecole modèle était simplement un institut privé, comme
il s'en est fondé un si grand nombre dans notre pays, grâce à
la liberté d’enseignement, nous n’aurions pas à en parler ici.
Mais il n’en est rien. Elle a été fondée par une puissante
association, à la fois politique et pédagogique, dans un but
absolument désintéressé, et elle est la réalisation, incomplète
encore, des aspirations généreuses de cette Ligue de l'Ensei-
gnement, qui, depuis seize ans, a toujours marché à la tète
du progrès.
Après avoir lutté, pendant une douzaine d’années, en
faveur de la réforme radicale de la loi de 1842, la Ligue de
l'Enseignement crut, et avec raison, qu’il était temps de
passer de la théorie à la pratique, de la parole à l’action, et
que, comme le philosophe grec, il fallait prouver le mouve-
ment en marchant. Elle décida de fonder une école primaire
qui serait absolument neutre au point de vue religieux et
dans laquelle on se proposait d’appliquer largement les prin-
cipes de l’enseignement intuitif. Nous ne nous occuperons,
dans cet article, que de la partie purement matérielle de
l’institution fondée par la Ligue.
M. Hendrickx fut chargé de l’élaboration des plans de
l’école. C’était encore une œuvre difficile. Il fallait créer un
type conforme aux principes de l’hygiène et de la pédagogie.
L’architecture scolaire était fort étudiée à cette époque.
Généralement, les écoles publiques avaient été bâties sans
qu’on tînt bien compte des exigences spèciales des établisse-
ments de ce genre.
M. Hendrickx réussit à éviter les défauts dans lesquels on
était tombé jusqu’ici, et son œuvre peut être citée parmi les
meilleures de l’espèce. C’est ainsi qu’en ont jugé d’ailleurs les
jurys d’Expositions de Philadelphie, Vienne et Paris,
et le jury de l’Exposition d’hygiène et de sauvetage de
Bruxelles, qui ont décerné à l’Ecole modèle les plus hautes
distinctions.
L’École modèle est située à Bruxelles, boulevard du Hai-
naut, 80.
Elle se compose d’un corps de bâtiment dont la façade
donne sur le boulevard et de deux ailes renfermant les classes.
Celles-ci prennent jour sur les cours de récréation et sont
mises ainsi à l’abri des bruits de la rue.
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L’une des cours donne accès au gymnase, l’autre au musée
scolaire.
Le visiteur qui pénètre dans l’école entre d’abord dans un
vestibule de 3m50 de largeur, qui sert à la sortie des élèves.
A gauche se trouve la loge du concierge, à sa droite une
salle d’attente pour les parents qui viennent chercher leurs
enfants.
Il franchit une porte vitrée destinée à empêcher les cou-
rants d’air de pénétrer dans le préau, et aperçoit alors à
gauche une salle dans laquelle les élèves déposent leur déjeu-
ner, à droite l’escalier qui conduit au bureau du directeur,
au premier étage.
Cet étage renferme, en outre, une vaste salle de dessin qui
occupe toute la largeur de la façade et la bibliothèque des
professeurs.
Le deuxième étage sert d’habitation au directeur.
L’espace laissé libre entre les deux ailes qui renferment
les classes est couvert d’un toit en partie vitré et sert de
préau.
Toutes les classes s’ouvrent sur ce préau, celles du rez-de-
chaussée de plam-pied, celles de l’étage sur un balcon ou
galerie qui en fait le tour ; le directeur, de son cabinet, a vue
sur les portes de toutes les classes.
Ce préau sert de lieu de récréation les jours de pluie, de
salle pour les exercices tactiques, de lieu de répétition pour
le chant d’ensemble.
Il mesure 400 mètres carrés, soit un mètre carré par
élève.
Les porte-manteaux des élèves sont placés dans le préau
et sur la galerie, le long de chaque classe ; le préau est soumis
à une ventilation active.
Le maximum d’élèves admis dans une classe est de 33.
L’école compte 12 classes, elle peut donc recevoir 400
élèves.
Dimensions d’une classe : 8m70 de longueur, 6m40 de lar-
geur, 5m40 de hauteur; soit lœG8 carrés par élève et 9mll
cubes par élève.
Les fenêtres sont percées dans un des longs côtés ; dans
toutes les classes le jour frappe la gauche des élèves.
La surface vitrée est le cinquième de la surface du plan-
cher.
Les tablettes des fenêtres sont à lm55 du sol.
Tous les angles de. la classe sont arrondis pour éviter les
cantonnements d’air vicié.
La porte d’entrée, à un seul vantail, est placée du côté de
l’estrade du professeur.
Des tableaux noirs forment lambris autour de la classe; ils
sont destinés aux exercices simultanés des élèves.
Un grand tableau noir, à trois volets mobiles, sert aux
démonstrations du professeur.
La chaire est placée à côté du tableau, vers la gauche des
élèves.
Des tableaux et des cartes sont suspendus aux murs.
Chaque élève a un pupitre isolé, modèle combiné des types
Künze, Lenoir et Leibreich, proportionné à sa taille.
Chaque pupitre porte un numéro qui indique la taille de
l’élève auquel il est destiné. La taille des élèves est mesurée
deux fois par an.
Les classes sont chauffées, deux à deux, par un calorifère,
système du docteur Casse, placé dans le préau. Depuis peu ce
système a été remplacé par les calorifères de M. Mouly. Ce
calorifère amène l’air chaud dans la partie supérieure de la
classe par une valve dont l’ouverture peut être réglée par
une crémaillère et produit une ventilation active à l’aide de
quatre aspirateurs placés près du plancher, dans les angles
de la classe.
Une température moyenne de 14° à 16° peut ainsi être
maintenue dans les classes.
Les fenêtres s’ouvrent largement, à guillotine, de manière
à permettre l’entrée d’une grande quantité d’air lorsqu’on
veut opérer la ventilation complète de la classe.
La cour sud a 598 m. c. de superficie, la cour nord
574.75 m. c. de superficie, soit 1172 m. c., ou 2.93 mètres
carrés par élève.
Une bande de 2 mètres de largeur a été réservée, dans la
cour sud, à des cultures qui servent à l’enseignement, et
25 arbres d’espèces différentes y ont été plantés. Chaque arbre
porte une étiquette qui donne son nom en français et en
flamand, ainsi qu’un petit planisphère indiquant son aire de
dispersion.
Les urinoirs et les latrines sont disposés dans chaque cour
à raison d’un siège d’aisances par 25 élèves et d’un urinoir par
15 élèves. Ils sont divisés par des compartiments ; les latrines
sont munies de portes laissant les pieds et la tête visible. Le
système à évent a été employé. Une lance permet un lavage
périodique.
Le gymnase (I) se compose d’une grande salle ayant 27m40
de longueur sur 19m50 de largeur.
Un vestiaire et une salle de lavabos y sont annexés.
L’école sera ultérieurement complétée. Dans la cour sud
on bâtira encore une salle de musique, disposée de façon à
pouvoir servir de salle de projection à l’aide de la lumière
oxhydrique et une salle pour les professeurs.
Le musée scolaire aura une superficie de 2,055 mètres et
deux étages.
Il renfermera, pour le service de l’école, 8 grandes salles
dans lesquelles seront disposés les collections et les objets de
démonstration pour : 1° l’histoire naturelle ; 2" le travail de
la terre, 3° du bois, 4° des métaux, 5° des tissus; 6° un labo-
ratoire de physique ; 7° un laboratoire de chimie ; 8° une
salle de projections et un vaste préau pour les machines.
En dehors de ces salles destinées au service exclusif de
l’École, ce musée renfermera encore un amphithéâtre pour
les cours publics, pouvant contenir 400 auditeurs, une
salle de conférences, deux salles pour une bibliothèque popu-
laire.
Ce musée sera construit aux frais de la ville de Bruxelles
qui l’emploiera pour les élèves de ses écoles communales.
La construction de l’École a coûté 235,000 francs (sans ses
annexes).
Le terrain a été cédé par la ville de Bruxelles moyennant
un loyer annuel de 5,000 francs.
La construction du gymnase a coûté 60,000 francs.
Toutes les dépenses ont été couvertes à l’aide de souscrip-
tions recueillies par la Ligue de l'Enseignement et surtout
par le Denier des Écoles.
(i) Le gymnase est la propriété d’une Société civile; il a été construit par
M. Quétin. architecte à Bruxelles.
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Telle est, en quelques lignes, la disposition générale de
l’Ecole modèle. Bien qu’elle soit située sur le boulevard du
Hainaut, où la circulation des voitures est très-active, les
bruits du dehors ne viennent pas déranger les classes, parce
qu’elles sont placées en arrière et que leurs fenêtres sont
tournées vers les cours.
Quelques personnes sont d’avis qu’un préau central n’est
pas hygiénique, le renouvellement de l’air ne pouvant s’y
produire dans de bonnes conditions. Ce n’est pas le cas
à l’Ecole modèle. Les auvents placés près de la toiture
vitrée, les couloirs allant vers les cours, le vestibule d’entrée,
entretiennent une large ventilation. Même nous ne conseille-
rions pas de placer en face l’un de l’autre les deux
couloirs allant dans les cours : ils provoquent des courants
d’air que l’on eût évités en les plaçant aux extrémités de la
diagonale du préau.
Mais le préau central a des avantages sérieux : il facilite
la surveillance générale de l’école; aucun élève ne peut
entrer dans une classe ni en sortir, sans être vu par uue per-
sonne se trouvant au rez-de-chaussée ou à l’étage. Les entrées
et les sorties se font sans désordre par cette vaste salle, où
400 élèves peuvent manœuvrer à l’aise.
Nous signalerons quelques détails qui ne nous paraissent
pas heureux. Le vestibule est trop étroit. Dans une école, il
faut que le couloir de sortie soit large, de manière à rendre
la circulation facile. Le parloir est trop exigu. Nous préférons
la disposition, pour ces deux parties, du collège communal
de Verviers.
Il eût mieux valu placer dans le souterrain les fourneaux
des calorifères. Le préau étant une salle de récréation, il faut
en écarter tout ce qui peut présenter quelque danger pour les
élèves.
La cage d’escalier conduisant aux appartements du second
étage est trop vaste : il y a là un espace très-grand perdu sans
utilité.
Lors de la construction de l’école, on avait établi les
urinoirs et les latrines dans le fond du préau. Depuis, on les
a déplacés : ils se trouvent actuellement dans les cours,
en plein air. On avait bientôt constaté que les uns et
les autres dégagent toujours une odeur peu agréable et très-
malsaine, quels que soient les soins que l’on mette à les entre-
tenir.
La façade vers le boulevard revêt le caractère de simplicité
et de sévérité nécessaire à un édifice de ce genre ; sans être
absolument conçue dans le style des xie, xne et xme siècles,
elle appartient, par la plupart de ses éléments, à la tradition
romane.
Les grandes fenêtres du premier étage marquent la grande
salle de dessin ; les colonnettes avec leurs chapiteaux à
crochets qui décorent les fenêtres du second étage, et le cou-
ronnement central, forment un ensemble qui, malgré la diver-
sité d’origine de ses parties, n’a rien de heurté.
On pourrait peut-être reprocher le manque de mouvement,
de saillie dans cette façade.
Les façades des classes, qui donnent sur les deux cours, au
nord et au sud, indiquent aussi la destination de cette partie
de l’édifice : de larges fenêtres, dont l’appui est à l’"60 du
plancher, marqué lui-même à l’extérieur par des ancrages
ornés, accusent bien les salles d’école.
Ces façades, construites en moellons de Schaerbeek, avec
de simples encadrements de briques aux fenêtres, sont très-
économiques et ne manquent point de caractère.
Les charpentes en fer du préau, ainsi que la partie
métallique de la galerie, révèlent chez l’auteur de cet édifice
une connaissance entière de l’art de la ferronnerie et com-
plètent cette œuvre remarquable qui fait honneur à M. l'ar-
chitecte E. Hendrickx. s. D.
ŒUVRES PUBLIÉES
HOTEL POUR EXPOSITIONS ET VENTES D’OB-
JETS D’ART ET DE CURIOSITÉ. — Concours trien-
nal de l'Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles.
— Projet couronné. —Architecte J. Baes. (PL 32 à 34.)
Bon plan : distribution simple et ingénieuse. Façade de
genre classico-Louis XVI, dont le sentiment général est
rehaussé par une note fantaisiste et élégante qui nuit quelque
peu au caractère.
L’ensemble a de l'unité. Quelques éléments sont trop élan-
cés de proportion.
MAISON D'HABITATION A BRUXELLES. — Ar-
chitecte V. Jamaer. (PI. 35 à 39),
La distribution intérieure répond parfaitement à toutes les
exigences du confort; les salles, vastes et élevées, remplissent
toutes les conditions exigées par l’hygiène. Jusqu’aux moin-
dres détails d’installation, tout a été prévu et étudié.
La façade, construite en matériaux apparents, est d’un
beau caractère; son style est sobre, plein de robur, et la
loge, d’un dessin plein de fantaisie et non dépourvu d’élé-
gance, ajoute au caractère de l’ensemble.
ÉCOLE MODÈLE A BRUXELLES. — Architecte
E. Hendrickx. (PI. 40 à 44.)
Nous renvoyons nos lecteurs à l’étude ci-après.
HOTEL A ANVERS. — Architecte O. Van Ryssel-
berghe. (PI. 45 à 48.)
Nous avions remarqué, à l’une de nos expositions trien-
nales, cette jolie composition de l’un de nos jeunes archi-
tectes, l’un des lauréats des concours de Rome de 1875 et 1879.
Distribution intérieure amenant un plan d’un aspect un
peu décousu, mais où l’on reconnaît la préoccupation de cer-
tains effets voulus. Au rez-de-chaussée sont les services. Au
premier étage, les grands appartements. Au deuxième étage,
les chambres et leurs annexes.
La façade est d’un beau caractère, les éléments, les
masses en sont largement traités, et on y reconnaît le senti-
ment de grandeur et la noblesse de caractère de l’art clas-
sique. La porte seule est d’un dessin quelque peu heurté.
TOMBEAU A LAEKEN (BRUXELLES). — Archi-
tecte F. LauREYS. (PL 49.)
Le savant professeur d’architecture (composition) de l’Aea-
cadémie royale des Beaux-Arts de Bruxelles a bien voulu
nous communiquer les dessins de cette tombe remarquable
par le style et le caractère. Ce monument est, sans contredit,
l’un des plus beaux parmi les magnifiques tombeaux qui font
du cimetière de Laeken le Père Lachaise bruxellois. |