Full text |
(Sf. 361.)
ANVERS , Jeudi
«$ tap
& ®
1NECÆMJB1UG £636.
{ Qusitrièiftie Année.
•onvoispf|
. 45 m i
: matin.
4h Ióm.|
i «tii.ct
h. 30 ru.J
S i:i OSTM
8 h. duj
:8 b.
, capitfiiii
( Ce oavif
i zinc, cci
rcrs.
lAYIBESl
ïRISAfl
SiLY-
’LE. - Ij
Schillo'l
plutôt si f
lar les gil
:e llartun
(1244) f
LE. -Il
lims, poil
si ja navl
les glacé®
d’Anvcrf
1245)
Ige AllaI
ït.
(1246! I
ifilge
niment. |
1254)
ine Leiiê
hner, pol
lise* p01l
pour les|
non à i
lesquels ii|
(1205) |
Fredcri
rtir ince
teveen ofl
1204)
ibourgot)
incessani
(1192)
IBS.
UENÔT
:1e, nu»
35 7;S
-2 02' A
3» 1-1 '
OKf S’ABORJïffE
A Am ers, au Bureau du
IPrécurseur, rue des Pâ-
Igots N° 1095.OÙ se trouve
lune boite aux lettres et où
I doivent s’adresser tous les
lavis.
En Belgique et àl'étran-
p«r, chez tous les direc»
[leurs des postes.
A Paris, à l’OIÏice-Cor-
Irespondance de Lepelle-
[tier-Bourgoin et comp.e,
[rue Noire-Dame-des-Vic.
| dires N° 18.
JOURNAL POLITIQUE, COMMERCIAL, MARITIME ET LITTÉRAIRE.
PAIX.
mes ass.
PKOGKÈ3.
ABCjWïWXÎHEN’T
Par \n......... 60 f(
» 6 mois...... 30
» 3 » 15
POUB LA BELGIQUE.
Par 3 mois..... 18 fr,
POUR L’ÉTRANGER.
Par 3 mois....... 30 fr*
AHfKOJlïÇÏS,
25 centimes la ligne.
Laquatrième page, con-
sacrée aux annonces est
affichée à la bourse d’An-
vers et à, la bourse des
principales villes de com-
merce.
3 h.30d(|
H i ti. 5 ml
b. du mslï
h. 05 ni.|
3 h. 15m.|
1). 15
u m. étal
rtfcrl
y adressa
(1196)
27 Décembre.
A sa«*s Abonnés.
Nous ne pouvons pas comprendre dans quel but,
dans quelles intentions, on cherche à répandre et à
accréditer le bruit que la propriété du Précurseur
serait à la veille de passer en d'autres mains. Jusqu'ici,
nous nous étions bornés à contredire verbalement ce
bruit, sans y attacher beaucoup d’importance ; mais
Aujourd’hui que nous allons voir se compliquer en-
core les circonstances déjà si difficiles dans ^quelles
nous nous trouvons,il doit importer au Commerce, au
pays entier, de savoir que le Précurseur n’a pas
changé de propriétaire, et qu’il n'en changera jamais,
tant que la mission qu'il s’est imposée ne sera pas com-
plètement remplie, et celte mission continuera à être
remplie avec conscience, nous osons le certifier.
Ce n’est pas lorsque ses principes sont parvenus à
être appréciés et à triompher, que le Précurseur
changera de langage, parce que ce langage est devenu
dangereux à côté de celui que tiennent des hommes
qui, sous le masque de l’intérêt général, sous le ver-
nis des idées les plus généreuses, cachent des vues
étroites, un égoïsme et une ambition démesurés.
Que le Commerce se tranquillise! le Précurseur
n'abandonnera pas son poste, et il ne cessera pas d’être
ce qu’il a toujours été jusqu’à ce moment: ANVER-
S0IS, COMMERCIAL et PACIFiQUE, quand même,
en dépit de toutes les opinions, en dépit de tous les
partis, en dépit de toutes les circonstances.
Nous continuerons à préconiser la paix et l’ordre
comme les premiers besoins de l’industrie. Et nous
continuerons à opposer, aux antagonistes de la paix,
les malheurs qui accompagnent toujours le fléau de
la guerre, et le malaise qui en est la suite, et, fidèle à
noire devise, nous répéterons à satiété : sans la paix
point de travail, point de commerce, point de progrès.
Tout en faisant des vœux pour la paix, loin de nous
l’idée d’en vouloir une qui ne fut pas honorable; mais
elle le sera toujours, honorable, du moment qu’on
verra la Belgique prèle à se défendre avec courage et
à subir les conséquences d’une guerre qu’elle n’aurait
pas provoquée elle-même :
Si vis pacem, para bellam.
Ne nous laissons pas influencer par cette partie de
la presse, à laquelle, par habitude, nous donnons la
dénomination de Belge, mais qui en réalité est plutôt
l’interprète et l’écho de celte portion de la France qui
pense que la Belgique ne peut appartenir qu’à ce vaste
et magnifique empire qui s’étend du Rhin aux Pyré-
nées; à cette portion de la France qui n’a qu’un seul
désir, celui d’entendre le premier coup de canon qui
doit venir un jour rompre l’équilibre européen, parce
quelle nous entrevoit déjà comme la plus douce des
conquêtes, parce quelle sait très bien que celte con-
quête est déjà faite par le souvenir et par les sympa-
thies; parce qu’elle sait très bien aussi que cette con-
quête s’accomplirait par des embrassements fraternels.
Mais il faut avant tout calculer les conséquences de
Feuiilcioii dit Précurseur.
Par une soirée du mois d'avril, quelques bourgeoises de
Versailles jouaient aux caries dans une petite salle située au
rez-de-chaussée d’une maisonnette obscure, perdue et comme
Écrasée an milieu des riches hôtels qui l'entouraient. L’appar-
tement où était réunie la compagnie, parmi laquelle nous
allons introduire le lecteur, était meublé d’une manière sim-
ple et propre, qui annonçait une médiocrité humble et rési-
gnée: les lambris étaient couverts de panneaux de bois de
chêne qui encadraient des portraits de famille peints au pas-
tel, naïvement exécutés, rouges et blancs, sans ombre, sans
perspective ; des fauteuils et des chaises en joncs.une bergère
en vieux point, une table à jouer en drap vert râpé et un pe-
tit buffet appelé encoignure ; tels étaient les meubles de ce
modeste salon. ,
Les fenêtres avalent des rideaux de serge verte, et la porte
était cachée sous une portière de même étoffe j sur la che-
minée de pierre peinte en marbrure s'étalait une petite pen-
dule de Boule.dont un amourhydropique soutenait le cadran,
puis deux vases de faïence bleue, pleins de roses et d’œillets.
Ces fleurs étaient une rareté pour ia saison ; aussi les voisines
de mademoiselle Martèse , propriétaire de la petite maison ,
lui en firent-elles compliment en entrant chez elle pour faire
leur partie accoutumée, o Ces fleurs ont été envoyées à ma
nièce par le duc D’Alban, » répondit mademoiselle Martèse,
d’un air orgueilleusement satisfait : puis elle engagea les
bourgeoises à s'asseoir autour de la table verte où les cartes
étaient déjà étalées.
Avant de répondre à son invitation, on voulut savoir com-
ment le duc d’Alban avait envoyé ces fleurs. « Il nous a ren-
contrées ce matin dans le parc, répondit mademoiselle Mar-
tèse : il a demandé à Hélène la permission de venir nous
voir ; j'ai répondu que nous serions bien flallées d’un pareil
honneur, et ce soir son laquais, en m’annonçant sa visite,m'a
remis ces fleurs pour ma nièce. » Après celte explication,les
vieilles femmès se mirent à jouer, mais ce ne fut pas avec
cette absorption ardente qui les consumait chaque soir lors-
qu'elles avaientles cartes en main ; leur esprit était troublé
Par une double passion, le jeu et la curiosité- Mademoiselle
Martèse elle-même, joueuse à jouer sou père, sa mère et son
éternité, était distraite par mille petites préoccupations; elle
regardait autour d’elle pour voir si nul atome de poussière ne
restait surfes meubles qu elle avait époussetés avec tant de
•oin; elle se levait pour attiser le feu afin que M. le duc ne trou-
ce qu’on a l’intention de faire, et malheureusement on
ne les calcule pas! ce serait peut-être une guerre de
vingt cinq ans à recommencer ! et pendant ces vingt-
cinq années que deviendrait l’industrie ? Que devien-
drait le commerce ? Que deviendraient les hautes
destinées commerciales de la ville d’Anvers, de la
Belgique ?
QUESTION DES CÉRÉALES.
RAPPORT DE LA SECTION CENTRALE SUR LE PROJET
UE LOI.
Nous avons fait connaître les dispositions d’un pro-
jet de loi, dont le but serait de modifier temporaire-
ment la loi du 31 juillet 1834, et de permettre jusqu’au
15 août de l'année prochaine la libre importation des
grains. Nous re ardions ces dispositions comme in-
suffisantes , et nous avons dit pour quels motifs nous
eussions désiré qu’au lieu d'un demi remède apporté
au mal, on fût tout de suite sorti d'un système vicieux.
Cependant ce projet de loi a été renvoyé à l'examen
des sections; la section centrale vient de faire son
rapport, et, si les mesures quelle propose venaient à
être adoptées par la chambre, M. le ministre des
finances aurait pris un soin parfaitement inutile , en
cherchant à mettre le pays à l’abri delà disette. Voici
en effet quel est le projet présenté par la section cen-
trale :
Art. 1. A compter de la promulgation de la présente
loi, celle du 51 juillet 1854 sera temporairement mo-
difiée, et ses dispositions contraires remplacées par les
dispositions suivantes :
Art. 2. Les grains et farines de froment et de seigle
seront admis à l’importation en franchise de tous droits
dédouané, aussi long-temps que le prix des mercuriales
établies en conformité de la loi du 51 juillet 1854 ne
descendra pas à 18 francs et au-dessous pour le fro-
ment, et à 15 francs et au-dessous pour le seigle.
Néanmoins, les grains et farines importés en fran-
chise de droit seront soumis à un droit de balance de
80 centimes par 1,000 kilogrammes.
Art. 5. Les mêmes grains et farines de froment et de
seigle resteront prohibés à la sortie pendant tout le
temps où les prix s’élèveront par hectolitre à 22 francs
et au-dessus pour le froment, et à 13 francs et au-des-
sus pour le seigle.
La sortie des pommes de terres et de leur farine est
également prohibée.
Art. 4. Le droit d’entrée suri’orge et les féveroles est
réduit à 4 francs par 1,000 kilogrammes, et le droit de
balance à la sortie est fixé à 80 centimes.
Art. 8. Au 18 août prochain, la présente loi cessera
ses effets, et ialoi du31 juillet 1834 reprendra ses effets
dans toutes ses dispositions.
Si la section centrale, en fixant à 18 francs au lieu
de 20, la condition de la libre entrée du froment, pense
avoir assez fait, elle est dans une étrange erreur. Ce
n’est pas dans le chiffre plus ou moins élevé des prix
régulateurs que le mal réside,c’est dans le système lui-
même ; et la preuve que là est le siège dù mal, c’est
celte hausse effrayante des grains, qui est venue se
vât pas l'atmosphère de l'appartemer.t trop froide: elle appelait
sa niéce.âqui elle avait recommandé de mettre ses plus beaux
atours, et qui ne serait paslà, pensait-elle, à l’arrivée du duc
d’Alban. AinsiId partie allait tièdement.lorsque le rideaude la
porte se souleva et qu’Hélènc apparut. C'était une jeune fille
de dix-huit ans, pleine de modestie et de droiture de cœur ;
ces deux qualités se peignaient sur son visage, qui était vrai-
ment d'une céleste beaulé. Ses traits étaient fins et réguliers,
et ses grands yeux noirsexprimaienl la sérénité et la candeur.
Son teint transparent et rose avait un éclat qui ressortait sous
sa brune chevelure, dont les boucles ombrageaient son front,
son col et ses épaules nues. Hélène n’avait aucun ornement
dans l’esprit, mais son ame supérieure devinait tout ce qui
était grand et beau. Ainsi, elle joignait à des sentiments de
délicatesse et de fierté, qui étaient innés en elle, le senliment
des arts et de la poésie, qu’elie aimait aussi par un noble in-
stinct. La jeune fille, pour satisfaire une espérance secrète
qui lui souriait, plus encore que pour obéir aux ordres de sa
tante, avait mis ce soir-là ses habits de fête ; elle avait une
robe de toile perse à fleurs roses, flottante jusqu’à terre : le
corsage à pointe qui dessinait sa jolie taille, et les manches
plates qui cachaient jusqu'au coude son bras charmant,
étaient ornés de nœuds de taffetas rose. Mademoiselle
Martèse, après avoir arrangé ses grandes lunettes à mon-
tures d’argent, jeta un regard satisfait sur sa nièce: « C’est
bien, Hélène, et maintenant je dois t’apprendre l'hon-
neur que nous fait le duc d’Alban ; nous aurons sa visite
ce soir , il me l’a fait annoncer par son domestique en
t’envoyant ces fleurs. --Oh! ce n’est pas lui que j'attendais, »
dit involontairement la jeune fille: puis, se penchant à l’oreillè
de mademoiselle Martèse: « Vous savez, ma tante, que Jo-
seph doit venir : ne craignez-vous pas qu’il soit mécontent de
la présence du duc? Il nous a toujours dit qu’il n'aimait pas
les grands seigneurs. — Eh ! que m importent les sentiments
de ce petit maître d’école? dit d’un ton important la vieille
fille; jeune et belle comme tu l’es, crains-tu de manquer de
maris, et la protection de M. le duc ne vaut-elle pas mieux
pour toi que l’amour de ce savant sans fortune ? » La jeune
fille rougit, et, ne voulant pas prolonger celte conversation
que pouvaient entendre les amies de sa tante, elle prit un
ouvrage de broderie et fut s’asseoir tristement au coindu feu,
Hélène avait eu pour parents de petits marchands dé mer-
cerie établis à Versailles, qui étaient morts depuis long temps.
Mademoiselle Martèse, sœur de son père, l’avait recueillie
ainsi que sa mince fortune ; elle l’aimait par habitude et
comme ajoutant à son aisance ; tous les sentiments de ia
vieille fille se résumaient dans un désir do bien-être qui faisait
tourner chaque affection et chaque penchant de son cœur à
produire , alors que de l’aveu de tout le monde, les
récoltes avaient été suffisantes pour alimenter le pays.
Mais que serait-ce doncsideuxou trois années stériles
venaient à se succéder ! où en serait-on réduit? ce
n’est pas dans un commerce accidentel que l'on trou-
verait un refuge assuré; ce ne pourrait être que dans
un commerce établi sur une échelle à la fois bien dé-
veloppée et durable. Or, il y a une condition sans la-
quelle le commerce ne peut acquérir de développement
et ne peut avoir une portée durable. Cette condition,
c’est précisément la stabilité de la base, sur laquelle il
doit asseoir ses opérations.
Peut-il y avoir stabilité, lorsque, conformément à
la loi actuelle, les négociants ne sauraient établir leurs
calculs sur plus de quinze jours? Peut-il y avoir sta-
bilité, lorsque les grams peuvent être assujettis à su-
bir, en deux mois, quatre grandes conditions différen-
tes? il peut arriver, en effet, que, pendant quinze
jours, les grains vaillent vingt francs, et que l'entrée
en soit libre, que, pendant les quinze jours suivants,
ils ne vaillent que dix-neuf francs, soixante-quinze
centimes, et qu ils aient à supporter un droit de fr.
S7 50; et qu’enfin, de degré en degré, ils descendent
jusqu’à la prohibition. De semblables variations se-
raient un obstacle insurmontable pour tout commerce;
à plus forte raison en sont-elles un de cette nature
pour le commerce des grains, pour qui le laps de temps
accordé à la spéculation est presque toujours une con-
dition essentielle. Et, qu’on le remarque bien, il suf-
firait de la coalition de quelques grands propriétaires,
pour faire naître et se reproduire à propos ces varia-
tions, pour troubler ainsi toutes les opérations du
commerce, et pour faire peser sur les masses le plus
dur des monopoles, alors que les temps seraient diffi-
ciles.
D’après cela, que la libre entrée des grains ait lieu
à 18 ou à 20 francs, c’est une chose qui n importe pas
le moins du monde, dès l’instant où l’on maintient
le système d’échelle, dès l’instant où il suffit que l’on
fasse fléchir de quelques centimes le prix des céréales,
pour arrêter toutes les spéculations. Le projet de la
section centrale est donc tout aussi vicieux que la loi
même de 1834. et puisque l’on sent aujourd'hui la
nécessité de modifier celte loi, pour peu que l’on soit
conséquent, et que l’on veuille apporter une modifica-
tion efficace, on se gardera certainement bien d’ad-
mettre le projet de la section centrale. L’admettre, ce
serait en réalité ne rien changer, et c’est, nous l’espé-
rons du moins, ce que la chambre ne voudra pas en
présence des besoins qu’endure le pays.
ALLEMAGNE.
On écrit de Coblence , le 16 décembre , à la Gazette
d'Augsbpurg : Depuis quinze jours , une plus grande
activité règne ici dans les bureaux du commandant-
général ; on attend beaucoup de troupes des provinces
orientales. Les garnisons d’Aix-la-Chapelle, de Trêves,
de Cologne et de Bonn , vont être renforcées ; un corps
d’armée va être concentré immédiatement sur les fron-
tières de la Belgique. Celte nouvelle est positive , et
l'égoïsme. La laideur avait sauvé du vice la jeunesse de ma-
demoiselle Martèse : sans cette vertueuse laideur elle aurait
été fort corrompue, car elle avait une passion et un défaut qui
entraînent tes femmes du peuple dans des voies immondes,
elle était joueuse et gourmande. Grâce à ses difformités phy-
siques. ses autres vices étaient restés en germe : mais il était
à craindre qu'elle lesgreffât sur sa nièce, cette jeune fille si
belle et si pure, que tous les jeunes seigneurs de la cour con-
voitaient , et que le duc d’Alban avait particulièrement
remarquée.
Un petit coup frappé à la porte fit tressaillir Hélène; elle
□'avait pas reconnu le bruit dçs pas de celui qu’elle attendait,
et cependant elle espéra Une voisine courut ouvrir, puis elle
revint triomphante annoncer le duc d'Alban. Dans sa famille
le duc d’Alban avait cinquante ans, à la cour on lui en don-
nait quarante, pour la foule il n’en avait que trente.
A vingt ans il avait été le compagnon de débauche de
Louis XV, et cela dura pendant toule la vie du roi. Le peuple
savait de lui des histoires scandaleuses : mais lorsqu’il renou-
vela les mêmes méfaits trente ans plus lard, en voyant pass' r
le due d'Alban frais et dispos, on disait : C'est le fils de celui
qui rivait sous Louis XD. En effet, il était impossible d'ima-
giner que cet homme avait cinquante ans ; la poudre le ser-
vait merveilleusement pour dissimuler ses cheveux gris, et
son teint était si vermeil , son front si peu ridé , sa taille si
droite et si svelte encore , que lorsqu'il était paré c’était en
vérité un charmant cavalier. Ce soir-lâ il avait mis beaucoup
de recherche et de coquetterie dans sa toilette ; jamais tête
ne fut neigée par une poudre plus fine et plus odorante ; il
s’en élevait une vapeur de parfums qui l’entourait comme
d’une aureole ; mademoiselle Martèse ie prit pour un demi-
dieu sous son habit de velours brodé d'or.
En entrant il tendit la main a la vieille fille, sourit graeieu-
senicnl à ses compagnes de jeu, et fil à Hélène un salut de
cour, il fut aimable et populaire, il fanatisa pour lui la com-
pagnie ; Hélène seule, sans empressement pour M. le duc ,
resla froide et immobile. Un nouveau coup frappé à la porte
vint la lirer de sa rêverie: elle se précipita pour ouvrir. Ah 1
celte fois c'était bien lui ; elle avait reconnu le bruit de ses
pas. « Monsieur Joseph! «dit-elle à sa iantc d’une voix ti-
mide. La vieille fille salua dédaigneusement par un signe de
tête le jeune homme qui entrait avec Hélène, et sans lui
avoir adressé une parole elle continua sa conversation avec
M. le duc.
Cependant celui qu’elle recevait inspirait un sympaihique
intérêt à tous ceux qui le voyaient; son vaste front inondé de
cheveux bruns révélait son génie, tous ses traits élaient ex-
pressifs, et ses yeux bleus peignaient à la fois ta mélancolie
j’espère pouvoir vous donner un de ces jours quelques
détails à ce sujet.
— 0° écrit du Rhin, le 18 décembre, à la Gazette
d’Augsbourg : 11 parait hors de tout doute que l’on a en
vue la formation d’un corps d’armée sur les frontières
belges, pour garantir les droits de la confédération re-
connus par la conférence de Londres. Le pjeiileur
moyen pour cela serait d’occuper comme il en est ques-
tion le Limbourg et la partie hollandaise du Luxem-
bourg. Cela parait même la seule manière possible de
vider le différend fiollando-belge. La Belgique ne rendra
jamais volontairement les provinces qui se sont jointes
à^elle, qui ont partagé son sort depuis huit ans et qui
n ont pas été les moins zélées toutes les fois que la con-
solidation de la nationalité belge a exigé une démonstra-
tion. La Belgique ne se démembrera pas, degàiléde
cœur, de ses propres mains, parce qu’une note diplo-
matique lui en aura poliment imposé l’obligation. SJais
elle peut, sans que son honneur en souffre, céder aux
forces superieures et à l’armée d’une grande puissance
européenne venant occuper le territoire cédé ; elle peut
en tout honneur renoncer à des droits sur ce qu’elle ne
possède plus et abandonner à la Hollande ce que les amis
de la Hollande ont déjà en leur pouvoir.
Berlin , 16 décembre. — Les bruits de la mise sur
pied de guerre de deux corps d’armée prussiens sur
les frontières de la Belgique circulent depuis plusieurs
jours à notre bourse, sans faire fléchir le cours de nos
fonds nationaux.
Du 20 décembre.— D parait qu’il est arrivé de Paris,
il y a quelques jours, une note très importante et qui
est empreinte des sentiments les plus pacifiques. On
considère l’affaire hollando-belge comme terminée sous
le rapport des 24 articles, qui seront mis à exécution
dès le commencement de l’année prochaine. Le diffé-
rend avec le pape parait aussi prendre une tournure fa-
vorable.
ESPAGNE.
(Correspondance particulière.)
Les journaux de Madrid ne sont pas encore arrivés aujour*
d’hui à Paris. On apprend de la fronlière que les courriers
partis de Madrid les 16 et 17 décembre, n'ayant pu arriver à
Sarragosse, ont manqué pendant deux jours. Tout fait présu-
mer que Cabrera, dont nos lettres de Sarragosse nous appren-
nent ia présence à Calarnocha, lieu situé entre Terne et Da-
roca. aura dû se porter eu avant vers Calataynd et intercep-
ter les communications.
FRANCE. — Paris, 25 décembre.
CHRONIQUE ET BRUITS BB SAUON.
ts princesse marte. — Ou écrit de Pise, du 14 dé-
cembre : Le duc Alexandre de Wurlemberg el S. A. R.
sa femme sont arrivés, à petites journées, de Paris à
Pise; ils sont descendus à l’hôtel d'Ussuro. Le grand-
duc de Toscane a misa la disposition du duc de Wur-
temberg son petit palais nouvellement construit à .côté
de l’ancien château : ce palais est dans la plus belle si-
tuation sur les bords du Lungo-Arno, du côté du Midi.
Le duc a provisoirement remercié le grand-duc de cette
attention délicate. On dit que la princesseMarie était
très satisfaisante à son arrivée, mais on espère que la
douceur de notre climat exercera une influence bien-
faisante sur la santé de cette princesse distinguée.
et l’ardeur de son ame; on comprenait que la pensée et la
souffrance avaient vieilli ce noble visage, qu'un reflet de tris-
tesse voilait toujours. Lejeune homme était vêtu d un simple
habit de drap sombre, sur lequel le col de sa chemise reiom-
bait en place de fraise. Il s'avança à côté d'Hélène, el ils fu-
rent s’asseoir tous deux auprès du feu. où ils restèrent quel-
ques instants causant à voix basse. Lejeune homme paraissait
irrité; Hélène lui disait de douces paroles pour le calme!-. Le
duc d’Alban vint les interrompre en adressant à Hélène quel-
ques galanteries banales; puis ayant rencontré lè regard
sévère el haineux que lui jela le jeune homme, il fit un
mouvement de surprise ; mais se remettant aussitôt :
« Ah! vous voilà, mon jeune ami ? je ne vous ai pas ren-
contré depuis six mois chez l'archevêque de Beaumont. Com-
ment va la muse satirique ? faites-vous toujours des vers ?...
— Toujours, monsieur le duc, et si facilement que. depuis
que je suis entré ici. j’ai lerminé le portrait d’un genlilhom-
me que vous reconnaîtrez peul-êlre. Ecoulez! « Et alors, la
têle haule et regardant le duc on faee comme un juge re-
garde le criminel, il récita avec véhémence les vers suivants:
L’Etat volé paya ses amours printanières,
L’Etal jusqu’à sa mort paîra ses adultères.
Tous les jours dans V ersail le, en habit du matin.
Monsieur promène à pied son ennui libertin ;
Car ce voluplueux, à ses vices fidèle,
Cherche pour chaque jour une amante nouvelle;
La fille d’un bourgeois a frappé sa grandeur;
Il jette le mouchoir à sa jeune pudeur.
Volez, et que cet or, de mes feux interprète.
Coure avec ces bijoux marchander sa défaite ;
Qu’un la séduise I
«Rient bien.» dit le duc en affectant une insouciante
gaîté. « Impertinent I » murmura la vieille fille. Hélène seule
lui jeta un regard plein de reconnaissance el d'amour; mais
le jeune homme n’y répondit pas. Il souffrait, il se leva pour
sortir. Hélène ie suivit, malgré l'injonction de sa tante.
«Pourquoi partez-vous ? s’écria-t-elle aussitôt que la por-
tière fut retombée sur eux; Joseph, vous me faites bien mal
en me quittant ainsi; cl moi, que vous ai je fait? — M. le duc
me remplacera, répondu le jeune tomme d’un air sombre.
— Oh ! vous êtes cruel ! — Ne vous êtes-vous pal paréo
pour lui ? — Pour lui I oh! non I pour vous, Joseph, que je
□'avais pas vu depuis deux jours. Lorsque ma tante m'a dit de
mettre mes plus beaux habits, j'ai élé heureuse d’obéir.
Sar je pensais que vous viendriez et que vous me trouveriez
mieux ainsi ; mais j’ignorais alors la visite do cet homme,
— Dites-vous vrai, Hélènol — Vous ai-je jamais menti ,
4
1
B
2
tl |