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Lundi
Trente-septième année. — Numéro 8.
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3® cl., 3.45, 4.50 5-50.7E. 1®,2® et3« cl., 8.25,8.45, '10 E. 1®, 2“et3e cl.,p. Brux.) — Lierre 5.55,
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cron, Tournai et Lille 5.55,9.50,12.35, 3.45, 4.50 E. 1®, 2® et 3® cl. - Calais 5.55,12.35, 3.45 E.
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5.55.9.15 E. I«,2°et3«ci., 9.50,12.35,4.50. — Allemagne, départ 6 h., levée de la bolto 5.J5
matin : départ 4.50, boite 4.15 soir : départ 10 h., boite 9.15 soir.
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vers a 7.35 h., 10.20matin. 3.37. (6.15 soir vers Roosendaal. Breda et Moerdyk.)
P. A. DELA MONTAGNE
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Charleroi, Châfeliuoau,Vireux,Givet, Charleville, Reims, Paris, Namnr.Arlon, Luxembourg,
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Anvers, 7.00 h., 1. — De Hamme pour Anvers, 8.00 h. — De Doel pour Anvers,
7 h. matin.
8 Janvier 1871
A.ger»isî t
iiou.ande.M.’H. Nijgh & Van Dit
May, a hr fferdam, et toas-ies Di
recteurs de postes du royaume.
i‘vins, Havas, Lafitte, Bur/una
et Cie, Place de la Bourse, 8.
Londres, Delizy Davies et Cie, 1,
Cecil Street, Strand, et A. Maurice
13, Tavwtock Row, Covent Gar-
den.
Insertions.
Annonces la petite ligne de vingt
cinq lettres..........fr.0.25
Réclames (Undujourn.) lalig.» 0.75
Faits divers....... » . 1.50
Rubrique Anvers.... • » 2.50
Les annonces sont mesurées
au lignométre. Les titrés se paient
d’après l’espace qu’ils occupent.
RÉSUMÉ POLITIQUE.
Les élections complémentaires qui ont eu lieu en
France hier et dont les principaux résultats sont
connus, constituent un nouveau triomphé pour les
républicains, un nouvel appui pour leur cause que
les intrigues des radicaux tendaient à compromettre
et dont le parti conservateur dans ses diverses nuan-
ces, monarchiste, ultramontain, bonapartiste etc.,
espérait provoquer habilement le renversement.
Dans beaucoup de localités, c’est le parti répu-
blicain modéré, convaincu, qui l’emporte.
L’élection de Paris fait sensation.
Comme nous l’avions espéré, prévu, le nom de M.
Yautrain a réuni, malgré de nombreuses abstentions,
un nombre de voix de beaucoup supérieur à celui de
son concurrent radical, M. Victor Hugo. Il a été élu
par 121,000 suffrages contre 93,400 obtenus par le cé-
lèbre poète.
Ce résultat est un argument de plus, un argument
éloquent, que pourra invoquer M. Thiers pour récla-
mer le transfert à Paris du siège de l’Assemblée Na-
tionale.
Il faut espérer également que les mesures de ri-
gueur et de défiance à l’égard de Paris seront enfin
levées. •
L’élection de M. Vautrain, avec le caractère1 fran-
chement républicain qui s’y attache, est en effet une
garantie d’ordre ajoutée au sincère respect de la li-
berté. L’honorabi’lité personnelle de M. Vautrain et
l’estime dont il est entouré, contribuent à rendre des
plus heureux le choix de la population parisienne.
Ce choix était dicté par tant de considérations
sérieuses que l'on ne comprend même pas les absten-
tions qui se sont produites.
Tout le Paris commençant a voté pour M. Vautrain,
et même dans les sections éloignées du centre, où gé-
néralement le radicalisme dominait exclusivement,
son nom a obtenu quelque succès.
Répétons le : cette élection estd’un bon augure; tout
le monde le sent et le dit, et c’est en vain que l’on ob-
jecterait que M. Vautrain fut mêlé activement aux
affaires de la Commune ; en y participant, il y repré-
senta ce que le mouvement pouvait avoir, dans le prin-
cipe, de sérieux et de légitime, et il n’a pas été moins
respecté après la lutte civile qu’auparavant.
En Allemagne, les commissions du conseil fédéral,
au sujet de l’unification du droit civil, du droit pénai
et de l’organisation judiciaire, à laquelle le parlement
était rallié à une forte majorité, viennent de publier
leur rapport à l’appui de la manière de voir négative
qu’elles ont exprimée, en se basant sur les difficultés
constitutionnelles qui en pourraient résulter et sur le
désir de ne pas diminuer l’autorité de chaque Etat en
matière judiciaire.
Le rapport toutefois énonce que la solution restera
réservée à l’avenir, d’où l’on peut conclure que c’est
plutôt une question d’opportunité qqe de principe, que
la majorité a entendu résoudre.
Les arguments de la minorité sont, en effet, d’une
logique et d’une puissance telles, qu’il sera difficile de
ne pas les admettre dans un avenir assez prochain.
L’imiflcation juridique serait une mesure dont les
avantages sont si saisissants, qu’il n’est pas douteux
que ce grand progrès s’accomplira.
La semaine militaire, de Berlin, ditdar.s sa revue
de 1871 :
- La réorganisation de l’armée, quant à son but principal,
peut-être considérée comme terminée.
» Malgré les pertes immenses et les nombreuses détério-
rations de toute espèce que notre matériel de guerre a eu
à subir, l’armée serait déjà, dès à présent, en état d’entrer
en campagne comme si elle allait à la parade... L’infanterie
sera bientôt pourvue de son nouvel armement, considéra-
blement revu, augmenté et corrigé; toutes les mesures
sont prises pour qu’en un espace de temps, relativement
court, l’armée soit mise en possession du fusil nouveau
modèle qui est à la veille d’être définitivement adopté..»
Nous apprenons, d’autre part, que le bataillon des
chemins de fer est déjà formé en Allemagne ; il se
compose de 4 compagnies.
11 aura pour tâche, en campagne, la construction et
l’exploitation des chemins de fer, et il doit être exercé
dans ce but. Vraisemblablement aussi on se propose
d’acquérir pour les consacrer à cet exercice, certains
tronçons de voie ferrée. «
Il avait été question, ces jours derniers à Madrid.de
la retraite de M. Sagasta, sérieusement malade. Le
maréchal Topete était déjà désigné pour remplir l’in-
térim de la présidence et M. Colmenarès aurait géré
intérimairement l'intérieur.
L’état dèM. Sagasta s’étant amélioré, tonte modifi-
cation est ajournée. Les Cortès sont convoquées pour
le 22 janvier.
Plusieurs journaux madrilènes confirment le bruit
que le maréchal Espartero refuse d’accepter la dignité
de prince de Vergara.
I^a Discussion, journal hebdomadaire de Bruxelles,
consacre à la mémoire de M. De Facqz, un article qui
sera lu avec intérêt. Le voici ;
“ La Belgique vient de pe rdre un de ses plus émi-
nents citoyens. Les hommes qui savent attirer à eux
tous les respects et toutes les sympathies par la seule
pureté de leur caractère, par la simplicité de leur vie
et la loyauté de leurs convictions,sont trop rares pour
que l’on ne s’incline pas devant leurs cendres.
“ M. Eugène Defacqz avait pris part à tous les évé-
nements mémorables qui ont agité la Belgique ; il
avait été membre du Congrès national de 1830; l’élé-
vation de son caractère 1 avait désigné naturellement
àla présidence dujCongrèslibèral de 1846; la profondeur
de sa science l’avait fait parvenir à la première pré-
sidence de la cour suprême et pourtant ces honneurs
mérités n’avaient pu lui faire perdre ni cette modestie
qui allait jusqu’à la timidité, ni ce goût de la retraite
et de l'étude, signe éclatant cie la virilité de son âme !
- Après avoir rempli dans la politique un rôle actif
et fécond, il s’était dans ses dernières années éloigné
de l’arène politique, et consacrait ce qui lui restait de
sonactivite affaiblie par la souffrance, à approfondir
la science juridique et à ramasser les matériaux d’un
ouvrage complet sur l’ancien Droit belge, que la mort
a malheureusement interrompu.
- Depuis un an, il savait qu’il était irrémédiable-
ment perdu, et cette pensée ne lui a rien enlevé ni de
sa sérénité fii de son enjouement. 11 causait tranquil-
lement avec ses amis intimes de sa mort prochaine,
Indiquait sa volonté d’éviter toute manifest ation offi-
cielle à ses funérailles, et quand on lui demandait ce
que pouvait lui faire l’expression de l’opinion publique,
alors qu’il ne serait plus, il secouait la tête et disait en
souriant.; « Je fie sais, mais S'aime mieux pas de ma-
nifestation. -
• On 11e saurait croire les précautions qu’il apprises
pour que ses intentions fussent respectées, et pour
être certain de mourir en homme ne relevant que de
sa conscience. Dès le mois de décembre 1860, il écrit
une déclaration par laquelle il recommande à sa gou-
vernante et à ses amis, s’il devient malade, de ne lais-
ser entrer un prêtre dans la maison, sous quelque pré-
toxle que ce soit.
« Dans son testament, il renouvelle expressément
son désir de n’avoir à son enterrement ni francs-ma-
Qons, ni soldats, ni prêtres, et comme il arrive aux
Mourants de perdre conscience de leurs actes , il
recommande formellement, à son exécuteur testamen-
taire d’obéir aux instructions contenues dans son tes-
tament, si même il les désavouait par geste ou par
parole sur son lit de mort.
” Et son inébranlable fermeté a d’autant plus de
grandeur quand on la rapproche de sa bonté pour
tous, de sa bienveillance pour les opinions contraires
à ia sienne, bienveillance qui le faisait courir, le so .
à la recherche du curé, pour une servante pieuse qui
se mourait chez lui.
» Et tel il était dans les moindres circonstances de
la vie, tel on le retrouvait dans les crises politiques où
les caractères s’affirment et se fortifient. Inébranlable
dans ses convictions, tolérant pour les convictions
d’autrui.
» Oui, c’était un noble et illustre vieillard qu’Eugène
Defacqz ; c’était un de ces vrais citoyens dont la race
disparaît de plus en plus, et dont le souvenir devrait
rester à tout jamais dansles cœurs belges, pour leur
apprendre que ce qui fait l’autorité et la force d’un
homme de parti, ce n’est point la morgue politique,
l’exclusivisme étroit et l'intolérance mesquine, mais
l'amour ardent du bien public, une foi honnête et sin-
cère et un esprit assez large et assez élevé pour ne
pas voir dans chaque dissident un adversaire, qu’il
faut repousser comme un ennemi mortel 1 »
De l'organisation judiciaire.
La question de l’organisation judiciaire étant do
nouveau à l’ordre du jour, notamment dans les Pays-
Bas, nous publions aujourd’hui le premier chapitre
d’une étude que M. Odifon Barrot vient de soumettre
à l’Académie des sciences morales et politiques de
France et qui traite de la matière à un point de vue
très élevé :
Ce livre fait suite à celui que j’ai déjà publié sur la dé-
centralisation administrative, il en est le complément, car
on a vainement séparé en théorie la justice de l’adminis-
tration ; elles se touchent par tant de points qu’il est im-
possible de réglementer Tune sans être conduit nécessai-
rement à réformer l’autre ; ces deux réformes procèdent
d’ailleurs du môme principe, celui de la souveraineté na-
tionale et tendent au même but, fonder la liberté et la sé-
curité sur le respect de tous les droits.
Pour l’une comme pour l’autre, il faut partir de cette
vérité, aujourd’hui généralement reconnue, que, plus les
nations s’éclairent et avancent en civilisation et plus la
part de gouvernement qu’elles délèguent au pouvoir cen-
tral est restreint ; plus est grande, par contre, celle qu’el-
les se réservent pour l’exercer elles-mêmes.
A quoi se réduirait la souveraineté d’une nation qui n’au-
rait retenu ni le droit de s’administrer, ni celui de se juger?
tout au plus au droit de changer deimaitre à volonté.Cette
nation aurait beau inscrire dans toutes ses constitutions,
graver sur tous ses monuments le principe de la souverai-
neté, elle n’en posséderait que la formule, elle en aurait
aliéné les attributs les plus essentiels.
Or, c’est cette souveraineté réelle qu’il s’agit de restituer
au pays. Ce que j’ai fait dans ce sens pour les choses de
l’administration, je vais le tenter pour la justice. Je pro-
pose de rendre aux citoyens tout ce qui, dans l’œuvre de la
justice, peut aussi bien être accompli par des personnes
privées que par les délégués du pouvoir. Telle est l’idée
fondamentale de ce travail que j’ai l’honneur de soumettre
à l’Académie, et pour lequel je sollicite d’autant plus son
indulgence que certains de ses précédents me font craindre
que mes idees ne soient pas complètement d’accord avec
celles qui ont déjà plusieurs fois prévalu dans son sein.
Deux conditions m’ont toujours paru indispensables pour
fonder un gouvernement libre, la spontanéité.des citoyens
et le sentiment de leur responsabilité. La spontanéité,c’est
une plus large.participation des'administrés à la gestion
de leurs affaires qui doit la produire- ; je vois avec bon-
heur que l’impulsion est donnée et que les esprits sérieux
et vraiment libéraux travaillent dans ce sens. Quanta la
responsabilité, c'est-à-dire à la conscience que chacun a
de son droit et du respect qu’il doit porter à celui d’autrui,
on ne peut l’obtenir qu’autant que le droit lui-même est
fortement garanti ; car on peut être assuré d’avance que
là, où le droit, n’est pas suffisamment garanti, il est méprisé
et., par conséquent, incessamment violé.
C est ce qui nous arrive en France ; dans aucun autre
pays, le respect de la loi n’est plus généralement professé
dans les mots et plus outrageusement violé dans les choses.
Qu’on parcoure les annales de notre histoire moderne,
on y verra presque à chaque pas la violence se substituant
au droit. Peuples et gouvernements, c’est, à qui violera le
plus la légalité. Tantôt c’est une assemblée qui accuse,
juge, condamne le roi dont elle avait solennellement jure
l’inviolabilité ; puis c’est le chef de l’Etat qui, à son tour,
■viole à main armée les droits de la représentation natio-
nale qu’il était chargé de défendre. Un jour, c’est l’armée
qui sert, d’instrument à un coup d’Etat contre le peuple;
une autrefois, c’est le peuple qui se lève contre l’armée
elle-même, et c’est ainsi que de coups d’Etat en coups
d’Etat, de revanche en revanche, notre société a passé
près d’un siècle entier au milieu de convulsions successi-
ves, sans pouvoir rien fonder de durable.
-> 11 y a, disait Royer-Collard dans son langage si élevé,
une grande école d'immoralité ouverte depuis cinquante
ans parmi nous ; cette école, c’est la succession de victoires
toujours glorifiées qu’a remportées en France la force sur
le droit. Repassez-les ; elle se nomment -. 6, 8 et 9 août, 21
janvier, 18 brumaire, etc. »
Depuis le jour où ce jugement sévère, mais trop mérité,
a été porté sur notre pays, que de dates sinistres à ajouter
à celles que ce grand citoyen signalait déjà : 24 février 1848,
2 décembre 1851, 4 septembre 1870, et, hier encore, c’était
une formidable insurrection qui menaçait jusqu’à l’exis-
tence de la société tout entière.
Ainsi le mal se continue ; il est même en progrès, caries
attentats se renouvellent plus fréquemment, se consom-
ment avec plus de facilité et produisent des conséquences
de plus en plus fatales.
Il est bien temps de s’arrêter dans cette voie, au bout
de laquelle seraient le marasme et la mort.
Ne craignons donc pas d’aller jusqu’à la racine de ce mal,
nui est devenu en quelque sorte organique chez nous, et
d’employer les remèdes les plus héroïques pour l’extirper.
Et, puisqu’ainsi que tout le monde le reconnaît, c’est le
mépris du droit qui a produit ces catastrophes,employons
ce que nous «avons d’énergie à restaurer dans notre pays
le respect du droit, et surtout à le faire pénétrer profondé-
ment dans nos mœurs.
Sans doute, pour obtenir un si grand résultat il ne suffira
pas de faire subir à notre ordre judiciaire une réforme
quelque profonde qu’elle soit; il faudra encore y employer
le concours de toutes les forces morales de la'societc • le
sentiment religieux réveillé, réchauffé au souffle de la
liberté; une éducation publique mieux dirigée, l’autorité
du père de famille fortifiée, la prédication incessante des
bonnes doctrines par tous les honnêtes gens, les bons
exemptes qu’ils donneront à leurs concitoyens, et surtout
l’impulsion donnée dans ce sens par les grands pouvoirs de
l’Etat: ce sont là autant d’auxiliaires indispensables dans
une aussi grande œuvre;mais si nous réussissons à constituer
une magistrature a'Ssez élevée, assez forte pour résister à
tous les entraînements de quelque part qu’ils viennent, une
magistrature, enfin, formant une véritable institution digne
de ce nôm, nous aurons fait un grand pas vers le but que
nous voulons atteindre.
Je le dis avec tristesse, nous sommes bien éloignés d’un
tel état de choses. N'avons-nous pas vu, au lendemain de
chacune de 110s révolutions, 110s magistrats, protecteurs du
droit, assiste! impassibles à la violation flagrante des lois !
De nos jours, deux coups d’Etat se sont succédé à de courts
intervalles : en 1848 et 1851, l’un populaire, l’autre autori-
taire, et cependant tous deux ont été acceptés et accl.amés
par les mêmes magistrats. De pareils exemples, on en con-
viendra, ne sont, pas de nature à fonder dans un pays le
culte du droit et surtout à relever la dignité de la magis-
trature. " ,
Je crains que le sentiment qui m'inspire cette conduite
ne soit pas partagé par le public, qui la considère, «au con-
traire, comme la chose la plus simple. Ne faut-il pas, dit-
on, que la justice suive son cours; elle n’admet n«as d’in-
forrégne; ae ce qu’elle ti'averse les révolutions en les
adoptant, alors que les autres pouvoirs s’écroulent autour
d’elle,-il no faut y voir qu’un témoignage éclatant do sa
force indestructible.
Pour moi, cet argument m’a paru toujours plus spécieux
que fondé, 11 ne faut pas confondre, en effet, la justice prise
abstractivement, avec ceux qui sont chargés momentané*
ment do la rendre. La justice, sans aucun doute, ne souffre
pas d’interrègne, mais le juge peut descendre % son siège
et se retirer, sans que la justice cesse de fonctionner; les
gouvernements nouveaux saurontbien y pourvoir.
Cette conduite de notre magistraturo'doit être attribuée
plutôt au vice d'e l’institution qu’à la défaillance des carac-
tères. ""
Dans tin sentiment de défiance qui pouvait s’expliquer au
lendemain de la destruct ion des parlements, mais qui n’est
de nos jours qu’un anaefiropisme et un nomsens, le légis-
lateur a eu grand soin d’interdire à Injustice ordinaire toute
immixtion quelconque dans les choses de l’administration
et'pour sanctionner cette interdiction, non-seul ement, a créé
une pénalité sévère, mais il a donné au gouvernement
l’arme des conflits. On peut dire que, grâce a cette organi-
sation la justice est placée en dehors des institutions dont
elle devrait être le principal ressort .
Est-il étonnant, dès lors, que des juges assistent impas-
sibles, sinon indifférents, à la chute clés institutions aux-
quelles la loi les a rendus en quelque sorte étrangers ?
Que si, au contraire, nous établissons, entre les institu-
tions du pays et les hommes chargés de garantir l’observa-
tion des lois, la solidarité qui existe chez d’autres peuples,
alors, au lieu de se vanter de survivre à ces institutions,
les magistrats se feront un honneur de tomber avec elles.
La solidité des gouvernements, ainsi que la considération
des tribunaux, ne pourront qu’y gagner.
Oirlit dans le Journal des Débats :
Plusieurs feuilles religieuses donnent le texte d’une
pétition contre la loi de l’instruction primaire adres-
sée à l’Assemblée nationale et émanant des arche-
vêques de Rouen et de Rennes et des évèqués leurs
suffr-agants. Les mêmes feuilles publient une circulaire
de l’évêque du Puy à son clergé pour l’inviter à re-
cueillir des signatures pour une pétition dans lemême
sens. La formule de cette pétition a été rédigée par un
comité catholique établi à Paris, et l’évêque du Puy
la recommande comme ‘«très-sage et très-modérée.«fl
est visible que le parti ultramontain organise en cemo-
ment contre l’instruction obligatoire une campagne
semblable à celle qu’il avait organisée il y a quelques
mois en faveur du pouvoir temporel. La Chambre eut
le bon esprit de comprendre qu’il n’y avait pas un in-
térêt de premier ordre pour la’France à se lancer dans
les aventures politiques au sortir d’une guerre avec la
Prusse, et elle se contenta de renvoyer les pétitions
épiscopales au ministre des affaires étrangères.
C’était beaucoup, c’était même trop. Nous espérons
que le clergé ne sera pas plus heureux dans sa cam-
pagne contre l’instruction obligatoire. La pétition dont
nous avons le texte sous les yeux n’est, à proprement
parler, qu’une violente diatribe contre la loi présentée
par le gouvernement. C’est le discours que M. de
Bonnechose aurait prononcé dans un cas pareil au
Sénat, dans le temps où il y avait un Sénat et où M.
de Bopnechose prononçait à la tribune ces paroles
mémorables : *« Mon clergé est comme un régiment;
je lui dis de marcher, et il faut qu’il marche! •>
L’épiscopat semble toujours, chez nous, partir de ce
principe qu’il y a en France une religion d’Etat, et que
par conséquent il n’y a de bonnes lois civiles que celles
qu’il inspire lui-même, ou qui du moins sont à sa con-
venance.
L'Etoile belge annonce que la convention signée entre
les representant.? des sociétés foncières Langrand-Dumon-
ceau et les curateurs anglais et belges de celles tombées en
faillite d’une part et un consortium allemand, d’autre
part, assurerait aux lettres de gage du Crédit foncier et
industriel le remboursement au pair avec le simple aban-
don des intéréts, aux lettres de gage de l’Agricole un divi-
dende de 80 p. e. et à celles de l'International une réparti-
tion de 70p. e. ,
Les souscripteurs d’actions aux diverses sociétés seraient
dispensés de tout versement et mis à couvert de toutes ré-
clamations.
On dit la convention en ce moment soumise à l'approba-
tion du tribunal de commerce de Bruxelles, et l’on espère
qu’elle ne se fera pas attendre.
Commerce, marine, etc.
On nous demande si la retenue actuellement prélevée
par la ville de Paris sur ses coupons d’obligations, dont
elle effectue le payement, est opérée en vertu des pres-
criptions de la loi sur le timbre des quittances.
Cette retenue est faite par application de l’article 9 de la
loi de septembre 1S71 qui soumet à une taxe annuelle et
obligatoire de 15 centimes 0/o de la valeur des titres (soit
avec le double décime 18 centimes 0/o) les obligations au
porteur des départements, des communes et du Crédit fon-
cier qui avaient été jusqu'à ce jour exemptes de l’impôt
sur les valeurs mobilières, créé par la loi du 23 juin 1867.
Pour la perception de ce droit, une retenue doit être faite
sur le montant des coupons au moment du payement.
Les titulaires dç certificats nominatifs d’obligations ne
sont pas soumis à cette retenue.
Iis n’ont de droit à payer que dans le cas de transmission.
Le droit est alors de 50 centimes 0/0, soit avec le double
décime, 60 centimes 0/0.
Mais tant que les obligations restent déposées en leur
nom, ils continuent à recevoir le montant intégral des
coupons.
NOUVELLES ÉTRANGÈRES
ETATS-UNIS.
UNE CANDIDATURE A LA PRÉSIDENCE.
En Grèce, autrefois, il n’était pas donné à tout le
monde d’aller à Corinthe; mais en Amérique, White
house, la maison blanche de Washington, où prend
sa résidence le chef de la République pendant l’exer-
cice de sa haute magistrature, ouvre ses portes à tout
le monde sans qu’il soit besoin d’avoir une cravate
blanche, des gants jaunes et des bottes vernies pour
aller presser la main du président. M. Thiers est un
peu plus difficile à Versailles, quoiqu’il n’habite pas le
palais duRoi-Soleil; c’est M. Feuillet de Conciles, l’in-
troducteur des ambassadeurs de Napoléon III, et
même, croyons-nous, de Louis-Philippe, qui annonçait
les visiteurs du jour de l’an.
C’est que les Etats-Unis sont le véritable sol de la
démocratie.- là, il n’y a ni princes ni grands seigneurs,
et les «affaires de la République n’en vont pas plus mal
pour avoir eu àla première place de la République un
homme, comme Abrahan Lincoln, qui avait commencé
par être bûcheron, débardeur, épicier, maître d’école,
avocat, législateur. Il avait le merite de connaître à
fond toutes les couches sociales de l’Amérique ; aussi
il s’est trouvé à la hauteur de la tâcht qu’il avait à
remplir : sauver l’Union américaine, en extirpant la
plaie honteuse qui la gangrenait, l’institution de l’es-
clavage.
A Lincoln,! l’ex-bûcheron, a succédé Andrew John-
ston, l’ex-tailleur d’habits, dont le mérite était bien
médiocre, qui ne sut pas résister à l’enivrement de sa
position, et faillit rallumer la guerre civile par des
velléités de coups d’Etat, qu’heureusement il n’eut pas
le courage de mettre à exécution. Du reste, il n’était
pas le produit direct de l’élection ; il n’était que prési-
dent du Sénat, et c’est par le crime de l’acteur Bootli,
le meurtrier du grand Lincoln, renommé président,
que Johnston était arrivé à la présidence, dont il
n’était pas digne.
A l’expiration de son exercice, Ulysse Grant, le vain-
queur de la rébellion, fut porté au pouvoir suprême,
en récompense de ses glorieux services. Homme de
guerre incomparable, il déposa son épée en prenant le
pouvoir politique et n’a plus eu d’autre désir que d’être
le premier serviteur de la loi, et le gardien sévère de
la Constitution, et des principes républicains.
Aux élections qui vont avoir lieu, Grant réunira,
tout le fait croire, la grande majorité des suffrages,
tous les radicaux et un bon nombre deconservateurs,
les plus sincères, les plus éclairés.
Il y aura d’autres candidatures, notamment celle
de Benjamin Butler, l’ancien attorney, l’ancien pro-
consul de la Nouvelle-Orléans, où il a rétabli l’ordre
avec une verge de fer ; ses prétentions militairesn’ont
jamais été couronnées de succès, mais c’est un poli-
tique ardent, habile et dangereux.
Puis le célèbre J «âmes Fi.sk junior,1 l’amiral, le cola*
nel, le prince dés banquisies, des manieurs d’or et de
papier-monnaie, le souverain du ring, l’oracle de
Wall-Street, de la boursicoterie yankee. C’est l’homme
le plus étonnant du Nouveau-Monde par son audace,
ses coups et ses succès de spéculation en tous genres.
Le fameux Barnum n’a été qu’un Gavroche auprès de
ce Titan de la réclame et de la prime.
Jim.Fisk,commeonTappelleordinairement, est lefils
de ses œuvres: il a vu le jouret commencé sa carrière
à Brattlebore, Vermont-New-E:igland, c’est-à-dire
que c’est un Yankee pur-sang. Il a reçu de l’instruc-
tion, puisqu’il n’y a pas de si pauvre village des Etats-
Unis, dont la seconde construction, après la chapelle,
ne soit l’ëcole; il a été simple peddlar, portant sur son
épaule la balle de marchandises qu’il allait offrir à ses
clients le long des rives du Connecticut. Il prit bientôt
un chariot traîné par une haridelle ; deux ans plus
tard, il faisait circuler deux magnifiques fourgons,
attelés de quatre chevaux dont les harnais étaient
plaqués d'argent; sonpôreet ses frères servaient de co-
chers et de postillons. Il tomba de cette splendeur
roulante et il entra en qualité de commis de rayon
chez des marchands de nouveautés à Boston, il avait
triste figure derrière son comptoir, quand la guerre
civile éclata.
Il conseilla àses patrons d’acheter toutes les vieilles
couvertures et les étoffés de laine disponibles chargé
de l’opération il s’en acquitta avec tant d’activité et
d’intelligence que la maison réalisa d’énormes profits
qui s’augmentèrent encore par l’achat et l’exploitation
ne filatures. Il était devenu associé ; mais il ne pou-
vait rester dans une position secondaire, et comme il
était très gênant, on le laissa partir sans regret avec
une part considérable de bénéfices. Il s’établit pour
son compte, mais voulutjaller trop vite comme avec
ses wagons à quatre chevaux : il ht une nouvelle cul-
bute. Il s’en alla à New-York et entra chez un broker
de Wall Street : il avait trouvé son élément véritable ;
il donna pleine carrière à son génie de spéculation; à
l’aide de son carnet, de son crayon, il réalisa en peu
de mois des différences fabu'.enses. Son élan était irré-
sistible : il touchait à tout, tout se changeait en or
entre ses mains en doublant, triplant de valeur, stocks
de marchandises de toute nature, terrains, maisons,
navires, lignes Je Dateaux à vapeur.de cheminsde fer.
Il prend en masse, tout ce qui se trouve à vendre
sur le marché; il s’intitule amiral parce qu’il a une
flotte de steamers à ses ordres; colonel, parce qu’il
commande un régiment de 4,000 volontaires parfaite-
ment équipés et armés, pris dans ses bureaux, ses
comptoirs, ses docks et ateliers. Il possède la majorité
des actions de l’Erié et de la grande ligne allant à
Chicago et à San-Francisco ; il fait donc la hausse et
la baisse à son gré ; il prétend qu’il tient à sa solde
tous les juges de l'Etat de New-York, et ce qui auto-
rise à le croire, c’est qu’il gagne tous ses procès de la
manière la plus scandaleuse. — Il a acheté l’Académie
de musique et le grand opéra d’Astor House qu’il a mis
sur un pied de splendeur inouï. Ses bureaux sont d'un
luxe oriental, et au-dessus, dans de vastes salons,
table ouverte jour et nuit avec des raffinements
culinaires inconnus de Lucullus et d’Apjcius, grands
et petits violons, bayadères des Indes, aimées du
Caire, ballérines de Séville, premiers sujets de la
rue Lepelletier. C’est un contédesMille et une Nuits.
Dans son cabinet il a sousla main des fils pourcorres-
pondre avec toutes les lignes télégraphiques de l’Union
et avec les deux câbles transatlantiques. Ses vaisseaux
à vapeur ont livré une bataille navale à ceux de la
Compagnie du commodore Vanderbitt ; deux batail-
lons de son régiment du railway de l’Erié, ont soutenu
un combat sur les locomotives aux trains du chemin
de fer de l’Atlantic. Parexemple, l’amiral et le colonel
n’ont pas fait brillante figure dans ces deux occasions.
Jim Fisk a mis bas prudemment uniforme et in-
signes de grade, et a pris la fuite en simple vareuse
pour trouver refuge dans les délices d’Aston-House.
Un jour il lui a pris fantaisie d’accaparer tout l’en-
caisse monnaie du trésor public, il a cru qu’il suffisait
pour cela d’acheter le président, mais Grant, malgré
son ignorance en pareils tripotages, au premier aperçu
de ces manœuvres, donna au secrétaire des finances
un ordre aussi prompt qu’énergique qui mit en échec
et à deux doigts de sa ruine le roi du Ring, par une
perte sèche de quelques centaines de millions.
Voilà le concurrent qui se propose de disputer les
suffrages pour la présidence au héros qui a fait tomber
tant de forteresses, gagné tant de batailles, vaincu les
plus habiles généraux de la Confédération, mis fin à la
plus terrible des guerres civiles, et qui, pendant les
quatre années de pouvoir politique qu’il acheva d’ac-
complir, n’a jamais mis sa volonté personnelle au-
dessus de l’autorité du Congrès et de l’application
sçrupuleuse des lois. Nous ne croyons pas que le César
de Saint-Wall-street et de la spéculation américaine
monte jamais au Capitale de Washington, ets’il fallait
en croire certaines rumeurs, il serait peut-être près
de la roche tarpéienne si son portefeuille est bourré de
valeurs qui ne sont pas toute de bon aloi, ni même de
parfaite légalité. (La Cloché.)
ITALIE.
On écrit de Rome, 2 janvier, au Temps •
i.e nouvel an a rome. — Le télégraphe vous «aura eer’
tainement donné une idée générale, et à peu près suffisante,
des incidents du nouvel an ; je vous envoie cependant quel-
ques mots sur ce sujet.
Le saint-père a été un pett indisposé à la suite des récep-
tions de Noël et de sa fête onomastique, la Saint-Jean-
Evangéliste. Le 30, on a eu un peu d’inquiétude ; mais, de-
puis le 31, il va de mieux en mieux. .
Toutefois, on a pu alléguer, pour la forme, cette légère
indisposition de Pie IX, lorsqu’hier matin l» janvier, se
sont présentés au Vatican les c, voyés de Victor-Emma-
nuel, le général Pralormo et le marquis Corsini Lajatieo,
chargés de présenter les souhaits de Sa Majesté à Sa Sain-
teté. Le cardinal Antonelli a reçu ces envoyés avec la plus
parfaite courtoisie diplomatique. Il les a chargés de remer-
cier Sa Majesté, et, ajoute-t-on, de lui présenter ses propres
respects ou obséquiosités (ossequii.)
Le monde papalin était assez ému des bruits relatifs à
cette démarche royale. Il se demandait de quels termes
exprès s’était servi le cardinal. On n’arrivait pas à s’en-
tendre sur la nature et la portée des mots employés.
J’ai remarqué, en cette circoiîstance, qu’une démarche
bienveillante de roi, quel qu’il soit, produit toujours par
elle-même une impression intrinsèquement favorable. On
n’osait pas précisément trouver malhabile cette démarche
du chef de la maison de Savoie. C’est, d’ailleurs, une mai-
son qui a toujours été si pieuse! On ajoutait que le roi
avait personnellement de la piété. Le dimanche 31 dé-
cembre et le lundi lr janvier, Victor-Emmanuel avait as-
sisté à la messe à l’église nationale piémontaise du Saint-
Suaire, près Saint-André délia Valle. On voyait bien dans
tout cela un roi qui respecte la religion.
Mais, dans ces mêmes récits papaiins, quelqu’un sur qui
le cœur humain se vengeait un peu tlej no pouvoir nous
parler du maitre, c’était l’un des grands dignitaires de la
cour, à savoir le prince Doria, prince romain rallié, grand
maitre du palais. Le prince Doria, lui aussi, avait voulu
rendre hommage «an St-Père.Le matin du nouvel an,il était
allé s’incrire au Vatican. On disait que l’antichambre sa-
crée avait cru voir arriver l’hérésiarque Arinus.qu’elle s’é-
tait montrée stupéfaite, et que le Pape lui-même, voyant
ce nom sur la liste des visiteurs, avait eu un mouvement
d’indignation.
Dans ces récits que m’ont fait des amis du Vatican, j’ai
également discerne de vives moqueries contre les dames
romaines de la princesse Marguerite. La princesse Mar-
guerite elfe-même et le prince Humbert, comme leur
auguste père, sont visiblement mis à l’abri des com-
mentaires malveillants. Eux aussi assistent pieusement
à la messe du Saint-Suaire, Viotor-Emmaniiel entend la
messe à qeqf heures du matin dans cet oratoire, dont
, les portes restent closes ; à dix heures et demie, c’est
I la messe des princes royaux, à portes ouvertes, au milieu
| d’une foule curieuse, sympathique et admirative. Donc, il
n’y a pas moyen de médire de ces princes. Mais les dames
1 c’est biôn différent ! EtcetteduchessedeRignano, née Doria !
Et cette princesse Pallavicini ! Et cette marquise Lavaggi !
Cette dernière , surtout, était critiquée par les dames
du parti papalin. On trouvait à redire sur la toilette qu’elle
portait dans la grande réception des corps de l’Etat chez
la princesse Marguerite, entourée de ses liuitou dix dames
d honneur, de compagnie et d'atours. On trouvait que
la traîne de la robe de la marquise Lavaggi était décidé-
ment excessive de forme et trop accentuée d’intention.
Ç était une traino (dis-je bien ?) en faille rose brodée de
blanches marguerites. Il m’a semblé que le sens de ces cri-
tiques, c’était que la belle marquise Lavaggi, qu’on a tant
aimee et louée jadis dans toute la société romaine, avait
une traîne un peu trop complimenteuse, disons lo mot,
presque flagorneuse, à cause de ces fleurs parlantes. Qu’en
dites-vous ? et que nous voilà loin du morose absolu !
Le roi n’a rien dit de spécial dans les réceptions d’hier.
Il espère la continuation de la bonne harmonie entre tous
les grands corps jde l’Etat. Cet accord a puissamment con-
tribue a faire lTtalie. Il contribuera maintenant à la con-
server et à la consolider.
Hier soir, grand diner de cent couverts au QuirinaL Le
roi était d’une gaieté rayonnante, et la princesse Margue-
rite pleine de grâce et d’aménité.
Aux abords du festin, on remarquait l’éelatante faction
de ces gardes superbes, dont le corps, de 70 à 80 hommes
seulement, a été formé, il y a quelques années, pour le ser-
vice du roi. Ce sont les plus beaux hommes, choisis entre
des milliers de sujets de ce pays où la plante humaine
pousse si richement, dit le poète. Ils sont vêtus avec une
vraie magnificence : panaches, cuirasse dorée, culotte de
peau de daim, bottes à l'écuyère, etc. Ces gardes excitent
l’admiration universelle et par leur taille et par leur uni-
forme.
Voilà pour les deux cours du Vatican et du Quirinal.
Quant à la ville, elle a présenté le spectacle particulier
d’une grève de cochers. Pas l’ombre de voitures publiques
en un si grand jour. Il paraît que le motif de cette grève est
un règlement trop détaillé de la municipalité, qui exige
que les cochers n aient pas subi de condamnation ; qu'ils
restent à des places fixes; qu’ils adoptent le ohapeau-tube,
etc., bref, beaucoup de tendance française, hélas! à prodi-
guer les réglementations. Le cocher de fiacre n’est pas
nécessairement une sorte de personne particulière dans la
société commerciale. On.me dit qu’à Londres, à New-York,
la municipalité ne demande pas plus de certificats de vie
et mœurs aux cochers de fiacre qu’aux banquiers, agents
de change et fondateurs de sociétés d'actionnaires.
Le nouvel an romain est marqué par un petit usage pœ
pulaire que je note en passant. Au dîner, tout le monde
mange son plat de lentilles, « afin d’avoir beaucoup d’ar-
gent dans 1 année. ■» Mon cuisinier m’agravement expliqué
cela.
Je viens de chercher dans les Fastes d’Ovide si cet usage
est antique. Ovide parle de tout,de Janus au double visage,
de tribunaux qui restent ouverts le premier jour du mois
de ce dieu, des vœux qu’on échange, des consuls nouveaux
qu’on installe, de Germanicus, etc. 11 ne dit rien des len-
tilles. Mais laissez-moi imiter la prière d’Ovide à Janus :
« O dieu à double visage, toi qui. Sans tourner la tête, vois
ce que nul autre dieu ne peut voir, montre-toi propice, en
cetté nouvelle année, aux chefs dont l’active sollicitude
doit établir le repos dans mon pays ! Dexter ades duci-
bus ! » a. erdan.
FRANCE.
La dernière séance de l’Assemblée nationale a été
consacrés presque tout entière aux pétitions; elle a
faillijaboutir à un véritable orage parlementaire.
Un membre de i’extrème droite, bien connu par ses
excentricités, M. de Lorgeril, a souvent excité les
mprmures de la gauche ; il s’agissait d’un rapport très
consciencieux sur une pétition demandant le rétablis-
sement de M. le comte de Chambord sur le trône de
France. L’honorable rapporteur a pu sp faire pardon-
ner ses éloges très motivés de l’ancienne monarchie ;
mais il a soulevé une véritable tempête quand il a voulu
parler de la République provisoire.
Le Siècle dit à ce sujet :
“ M. de Lorgeril, déjà très-avantageusement connu
comme paladin de la royauté légitime, n’a pas vonlu
laisser passer le jour des Rois sans faire une petite
manifestation. Ce n’est pas sa faute, si la représenta-
tion qu’il a donnée à la tribune a tourné à la bouffonne-
rie. Rien de comique n’entrait dans la pensée de M. de
Lorgeril, mais le flot des pétitions l’a entraîné, M. de
Lorgeril s'est embrouille dans. les épithètes par les-
quelles il entendait accentuer la fragilité de la Répu-
blique, et les députés de la droite ont dû eux-mêmes
achever ce rapporteur intempestif et compromettant,
en criant! “ Leroi boit! •> alors que M. de Lorgeril,
plus altéré que persuasif, portait le verre d’eau sucrée
à ses lèvres monarchiques. Le roi a bu et est retourné
à sa place.
- Quand on professe, comme nous, un certain respect
pour le droit de pétition, on éprouve de la peine à voir
monter à la tribune des rapporteurs comme M. de Lor-
geril. On sait d’avance qne les vœux des pétition-
naires ne sont pas autre chose qii’un thème sur lequel
le rapporteur va broder des variations sur la monar-
chie du droit divin, sur le comte de Chambord, sur les
temps bénis de la Restauration, et sur les torrents de
félicité oui se répandraient à travers la France, si
l'enfant du miracle était élefé au trône. M. de Lorgeril
n'a pas manqué de chanter cette romance.
» Plusieurs pétitionnaires voudraient le rétablisse-
ment de la monarchie héréditaire et le couronnement
de Henri de Bourbon comme roi de France.
’> Voilà le thème. M. de Lorgeril se jette dans des
considérations assorties ; néanmoins la commission
propose l’ordre du jour. C’est triste, 011 en a la mort
dans lame; l’ordre du jour est voté. Mais le malin
rapporteur va se rattraper. Quelle aubaine ! Un péti-
tionnaire invite l’Assemblée à rétablir la royauté hé-
réditaire en proclamant le comte de Paris comme roi
des Français. .
” Belle occasion pour le rapporteur de déclarer,
qu'en effet, la République 11’est que provisoire, d’après
les termes de la proposition Rivet. Assertion maté-
riellement fausse, ainsi qu’on l’a fait observer à M. de
Lorgeril ; mais M. de Lorgeril' et ■ ses amis sont trop
heureux de passionner la discussion, et ils insistent
sur l’epithète provisoire avec la plus noble ardeur.
Président provisoire, république provisoire... “ Il n’y a
de provisoire que votre présence ici, « s’écrie M. Ës-
cargnel en se tournant indigné vers la droite.
•’ C'est, en effet, le seul provisoire auquel la majo-
rité ne pense pas. L’incident de la séance, ces discus-
sions soulevées à tout propos par la droite, ce parti
pris d’empêcher l’essai loyal de la République, ce be-
soin qu’éprouvent les monarchistes d’empêcher la
France de goûter enfin un peu de tranquillité, ces
scènes violentes qui sont une honte, tandis que les
Prussiens occupent encore notre territoire, tout cela
ne dit-il pas que nous ne pouvons rien attendre de
sérieux de cette majorité et qu’il y a désormais en tre
elle et le pays un écart très-dangereux pour la paix
publique ? '
>> On remarquera que la plupart de ces agitateurs qui
veulent s’éterniser dans leur mandat ont été repoussés
par leurs électeurs lorsqu’ils se sont présentés pour
les conseils généraux.
» A l’heure qu’il est, la plupart de ces chevaliers-
violents de la monarchie ne représentent qn’eux-
mêmes ; le pays les a repoussés, le pays les repousse-
rait demain, s ils venaient briguer ses suffrages. Otï
donc puisent-ils tant d’audace, et que nous veulent-
ils avec leurs menaces ? Quand on parle avec cette
assurance, il faudrait au moins parler au nom de
quelqu’un et ne pas s’exposer au reproche de marcher
sur les brisées de l'illustre chevalier de la Manche. -
On écrit de Versailles, 6 janvier, au Journal des
Débats :
<« La commission du budget-est venue faire aujourd’hui
une déclaration importante.
» Dans le cours de la séance, M. Benoist-d’Azy a présenté
un rapport constatant que la commission nonTmée par l’As-
semblée avait donné la préférence, après un examen ap-
profondi, à une proposition de M. Casimir Pérfor établis-
I sant un incomè-tax moins général cfue \'*¥ft»nc-taxe
DUS XELLES.Oj-pce de Publicité, rue
de la Madeleine, 46.
iss
:• - |