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LE PRECURSEUR.
Voici, d’après toutes les nouvelles reçues, la version dont le laconisme nous
paraît le moins contestable. #
Le 24, le général Espartero a attaqué sans résultat les lignes carlistes5 mais
le 25 5 ces lignes ont été attaquées de nouveau à la baïonnette et entoncées sur
plusieurs points. Les hauteurs de Santo-Domingo ont été enlevées, et les ba-
taillons de Guipuicoa qui les défendaient ont beaucoup souüert. On élève la
perte des carlistes à 500 hommes tués et 800 prisonniers. ^
Une partie des troupes christines est entrée à Bilbao, le 25, à 4 heures de
l’après-midi; le lendemain le9 troupes y avaient fait leur entrée.
Dans la journée du 25, une colonne Christine a poursuivi l’arrière-garde
carliste jusqu’au village de Valtaran. Elle s’est emparée de 2G pièces d’artille-
rie et elle a fait 3 à 400 prisonniers.
A la suite de la défaite des carlistes devant Bilbao, les trois quarts du 2®
bataillon de Guipuzcoa ont déserté ; de nombreuse» désertions ont eu lieu dans
plusieurs bataillons.
Le brigadierjSopelana , deux commandans et une cinquantaine de soldats se
6ont noyés en passant la rivière.
Les cailistes ne nient pa9 l’entrée du général Espastero à Bilbao, mais ils
contestent la perte de leur artillerie. Des lettres du quartier-général de Duran-
go, à la date du 27, 11e parlent pas de ces évènemens ; ce silence extraordinaire
n’équivaut pas à un bulletin de victoire.
Une trineadoure arrivée hier matin auSocoa ( de Saint-Sébastien), confirme
}a défaite des carlistes. Saint-Sébastien a été illuminé.
» Narbonne , 51 décembre , à 7 heures du matin.
» Mina est mort le 24 à Barcelone. Le général Serrano y est entré, le 2G,
avec 100 hommes de cavalerie et 200 gendarmes.
» Serrador était, le 15, à Albocacer avec 400 cavaliers, et Forcadellà Rosell,
avec 5,000 hommes , Royo, avec 400 chevaux et 200 fantassins, occupait
Jtubiclos. ... .
»La municipalité de Valence est parvenue, le 20, à faire tirer la quinta. Un
détachement de cavalerie à dispersé les paysans armés. La caisse du payeur (le
laguerre était fermée, faute de fonds. 0
CADIX , 10 décembre.
Don Sanchez del Villar , doyen de la cathédrale de C.ordoue , don Tadeo Pas-
irana, chanoine de la même église , don Olalla Sanchex , avocat de Cordoue,
don Martinez Brenez, don Maroto Ferraro , don Islrias Calderon, don Celestino
Labatet don Enrique Lubet, arrêtés à Algé>.iras et sur d’autres points de l’An-
dalousie, ont été transférés dans les prisons de Cadix , où ils arrivertint le matin
du 15 , pour y être jugés d’après les ordres de la reine. El Aoticioso dit que
surtout les trois premiers , qui ont fait partie de la junte carliste de Cordoue ,
seront punis exemplairement, afin de contenir les autres traitres et venger le
sang de tant d’innoeens sacrifiés par les dénonciations et les instigations perfi-
des de ces partisans du rebelle don Car los.
PORTUGAL. ■— Lisbonne , 17 décembre.
La Reine a faitconnaître, paruneletlre datée du 10 décembre,
publiée dans le Diario , sa royale satisfaction aux commandant ,
officiers et autres individus composant l’équipage de la corvette
de guerre portugaise l’Elise, pour la coopération qu’elle a prêtée
dans les eaux d’Algésiras aux forces espagnoles contre les rebel-
les de la faction de Gornez,
— Les différentes bandes miguélistes sont battues et poursui-
vies : on ne parle plus d’expéditions ni d’escadre de l’usurpateur.
Une dépêche du gouverneur militaire des Algarves, en date du
10 décembre, porte que le reste de la bande de Remechido, qui
cherchait à se réunir à celles qui sont dans les bois de Maceria
et Zembuja , a été de nouveau battu et dispercé sur la Serra.
En même temps la garde nationale de la ville de Barca a mis en
fuite la bande qui sortait de Braja pour se réunir au rebelle
Congolfas.
AUTRICHE. — Vienne, 25 décembre.
Hier, l’ambassadeur turc a donné une fête brillanteà l’occasion
del 'anniversaire de la naissance du Sultan ; cette fête a été une
des plus belles qu’on ait vues depuis long-temps à Vienne. Le pa-
lais que l’ambassadeur loue du prince Esterbazy pour une sommo
annuelle de 12,000 florins de convention, était illuminé à l’in-
térieur et à l’extérieur par de nombreuses lampes en couleurs;
l’entrée était décorée de beaux transparens, et la foule des équi-
pages , dont la cour du palais peut en contenir seule 200, formait
une chaîne qui se prolongeait dans les rues avoisinantes. On
pourra se faire une idée de l’illumination, quand on saura quelle
avait été entreprise pour une somme de 5,000 florins de conven-
tion. La fête a commencé à 6 heures du soir, et a duré jusqu’à
2 heures de la nuit. Le prince de Metternich et plusieurs autres
hauts fonctionnaires, des officiers supérieurs et beaucoup de
dames de la noblesse ont honoré cette fête de leur présence.
L’amba6sadeur est un homme très poli et il se familiarise de
plus en plus avec le français, qu’un major de l’académie militaire
lui enseigne.
■— L’archiduchesse Thérèse a quitté Vienne pour aller rejoin-
dre son auguste époux sur les confins des états autrichiens. Les
journaux allemands ne tarissentpas sur les préparatifs qui ont été
faits. « Le trousseau de la princesse Thérèse , dit le Mercure de
Souabe , répondra par sa magnificence à la maison d’Autriche et
à l’immense richesse des domaines de l’archiduc Charles. Huit
caissons remplis des objets les plus précieux sont déjà partis pour
Naples, Par exemple, on parle de cent robes parées, de 27 man-
teaux blancs., etc. ,etc. , le tout de la plus grande beauté et du
meilleur goût. Le roi de Naples a commandé à Florence , pour
son illustre financée, un chapeau de paille de la valeur de 1,000
florins (S,600 fr.), qui doit en outre être envoyé à Paris pour
être orné de tout ce qu’il y a de plus élégant dans les parures
accessoires. « Tout cela est fort beau sans doute à 19 ans ; mais
cela suffit-il? Les personnes qui ontvu l’air de tristesse de la jeune
princesse , il y a peu de jours , à sa sortie de la cathédrale de
Saint-Etienne , n’en sont pas persuadées,
FRANCE. — Paris, 4 Janvier.
CHRONIQUE ET BRUITS DE SALON.
L’attentat..— L’instruction relative à l’attentat du 27 décem-
bre est toujours suivie avec activité; mais elle paraît prendre plus
d’extension qu’on ne le croyait.
Quelques arrestations ont eu lieu parmi les membres des so-
ciétés secrètes, dont Meunier fesait partie, puisque son nom a été
lu sur les listes trouvées chez Blanqui et Lamieussens, et qui ont
déjà joué un si grand rôle dans plusieurs autres procès politi-
ques.
Des mandats d’amener ont été lancés contre un sieur D..... et
plusieurs autres individus, à l’occasion d’un diner de plus de SO
couverts qui aurait été donné à Grenelle le 11 décembre, chez le
père de D.... Celui-ci interrogé, a répondu qu’il avait Youlu ren-
dre un dîner de noce ; mais il a été reconnu qu’il se trouvait à
cette réunion un grand nombre de personnes étrangères les unes
aux autres, et qui ne s’étaient jamais vues. Un des convives à
même déclaré y avoir été amené par un de ses amis, lequel, in-
terrogé à son tour, a dit n’ètre pas sorti de chez lui le jour de ce
dîner. Meunier, du reste, n’assistait pas à cette réunion.
Nous avons parlé en outre de l’arrestation de plusieurs ou-
vriers dans un café du faubourg Saint-Germain , opérée depuis
l’attentat. Il paraît que ces ouvriers s'étaient rencontrés tous , le
27 décembre dans la matinée, dans ce café où ils n’allaient or-
dinairement que le soir. Cette réunion à l’heure où ils travail-
lent habituellement , a encore éveillé l’attention de Injustice ,
qui continue ses recherches.
Saisie de journaux. — Le Courrier français a reçu assignation
pqurcomparaître le 7 janvier devant la cour d’assises, par voie
de citation directe, non seulement à raison de son article du §0
décembre, mais encore à [raison d’un article du 28. 11 est accusé
d’avoir excité à la désobéissance aux lois et d’avoir fait remon-
ter au roi le blâme et la responsabilité des actes de son gouver-
nement.
Sans doute le Temps et le Siècle ont reçu des citations analo-
gues.
Le Siècle annonce qu’il sera défendu par M. Odilon-Barrot ;
on dit que M, Ph. Dupin défendra le Courrier , et que le Temps
chargera un député de sa défense.
Le général Athalin. — Par son mariage célébré la semaine
dernière dans l’église St.-Roch, M.le général Athalin est devenu
l’époux de M11” Lelaudais, qu’on cite comme l’une des plus riches
héritières de la Normandie.
La Chambre. — Les bruits de dissolution sont évanouis , mais
il est certain que le ministère veut avoir une courte session. Dans
cebut, il ne laissera pas la chambre chômer un jour. Aujourd’hui,
contre l’usage qui a prévalu jusqu’à présent, de n’entrer en séance
qu’après la discussion de l’adresse , le ministère vient proposer
neuf projets de loi au nombre desquels se trouvent le budget et
une loi sur les sucres. M. Duchâtel est celui des ministres qui
fournira le plus de travaux à la chambre. La question de la ré-
duction des rentes ne doit figurer que pour mémoire. La pensée
du cabinet est à cet égard ce qu’elle était quand une manifesta-
tion de la chambre intervint déjà et força la dissolution du mi-
nistère.
Tentative de vol a la Banque.—Voici, sur le complice de la ten-
tatve de vol à la Banque de France, quelques détails que nous
croyons de nature à intéresser nos lecteurs:
Cet individu, dont le véritable nom est Dubiez , appartient ,
dit-on , à une honorable famille du Jura. U est né à Dole; il est
âgé d’une trentaine d’années , et, pendant quelque temps, il a été
employé, en qualité de commis , chez M. Besson , marchand de
vins en gros , place Royale , à Paris.
Il y a trois mois environ, Dubiez, chargé par son patron, qui
avait en lui toute confiance, de toucher un certain nombre d’ef-
fets de commerce , était accouru chez M. Besson .Tes traits bou-
leversés, et au lieu de lui remettre un porte-feuille , oùdevaient
se trouver plusieurs billets de banque , lui avait raconté que ,
passant sur le pont des Arts, et un tourbillon ayant emporté son
chapeau, il avait eu le malheur, dans le mouvement qu’il fit pour
le ressaisir au-dessus du garde-fou, au moment où le vent l’em-
portait, de laisser tomber à la rivière le porte-feuille qu’il tenait
sous le bras, et qui disparut aussitôt.... M. Besson ne fut pas dupe
d’une pareille histoire; il renvoya son commis, qui alla respirer
l’air de scs montagnes.
Un mois environ avant le crime , Dubiez revint incognito à Pa-
ris où l’attendait François Martin, l’homme de la Morgue, et
dont il partagea à la fois la chambre et le lit, rue Saint-Claude
au Marais, dans une maison appartenant à M. Jacolot, avoué à la
cour royale. Là les deux amis ne recevaient ame qui vive , dé-
pensaient fort peu de chose , et rentraient habituellement fort
avant dans la nuit , quand toutefois ils ne découchaient point.
Quand, par suite de la découverte jet de l’identité de François
Martin, une perquisition fut faite au domicile commun ( dont il
fallut enfoncer la porte, car le soir même de l’attentat, Dubiez,
prétextant une absence de quelques jours , avait cessé d’y repa-
raître), quand dernièrement une visite y fut faite, on découvrit
dans un fragment de papierayant appartenu a Dubiez , et trouvé
dans un tiroir de la commode, un peu de poudre et une balle de
pistolet du même calibre que celle que l’autopsie a fait retrouver
dans le crâne de François Martin.
Une investigation très-suivie a également eu lieu dans une pe-
tite ville de Seine-et-Oiseoù Dubiez avait occupé l’an dernier un
emploi, et c’est là, assure-t-on, et non,comme un journal l’avait
annoncé, dans la chambre, rue Saint-Claude, que l’instruction
fit une découverte importante, celle de 22 lettres écrites par Mar-
tin à Dubiez.
Quoi qu’il en soit, dès le moment où l’identité de Martin a été
connue, la justice a dù suivre la trace de Dubiez. Malheureuse-
ment plusieurs jours s’étaient écoulés depuis la perprétation du
crime, et déjà , ainsi qu’onjjle suppose, ic misérable avait eu le
temps de gagner la frontière.
On assure, du reste, que la justice attache une importance par-
ticulière à la capture de cet individu , et que déjà son extradition
aurait été autorisée pour le cas où l’on viendrait à découvrir sa
retraite.
BELGIQUE.
Bruxelles, 6 janvier.
Le conseil communal s’est assemblé hier, a liuis-clos pour la
discussion du budget. On prévoit la nécessité d’un emprunt con-
sidérable pour couvrir le déficit municipal et les dépenses votées
pour de nombreux travaux publics à exécuter cette année.
Discours de M. de Brouckère, adressé au roi, à l'occasion du
nouvel an.
« Sire,
* L’administration de la banque de Belgique saisit avec empressement l’oc-
casion de vous offrir ses hommages respectueux et l’expression de son dévoue-
meiU. Elle fait des vœux pour le bonheur de votre majesté, de la reine et du
prince votre fils.
» L’intérêt des établissemens que nous dirigeons vous est un gage certain de
notre sincérité : nous avons besoin de liberté et d’ordre, de repos politique et
d’agitation industrielle ; nous en jouissons soüs le règne de Votre Majesté.
# Nous laissons à d’autres « le soin de louer le dix-huitième siècle, et de rap-
peler l’état florissant de la Belgique sous Marie-Thérèse.» Nous, sire, nous ne
comprenons pas u la prospérité des campagnes quand les villes sont désertes»y
et jamais , en aucun temps , nous n’avons vu plus d’activité dans nos ville»
qu’aujou rd’hui.
» Aussi, le seul désir que nous puissions former , c'est que le gouvernement
de V. M. ne se laisse pas intimider par les esprits stationnaires et qu’il conti-
nue, non à exciter, ni à encourager, mais à laisser libre le développement sans
cesse croissant de notre prospérité matérielle au:dedans, et de notre influence
au-dehors ; car, sire, depuis deux ans, nous avons acquis un renom immense à
l’etranger par nos associations commerciales et industrielles. »
CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
Séanco du 4 janvier.
(Présidencejle M. Benjamin Delessert , vice-président.)
A une heure la séauce est ouverte. Le procès-verbal est adopté sans récla-
mation.
M. le président donne lecture de plusieurs lettres, par lesquelles MM. le
marquis de Larochefoucauld , d’Hunostein , Gardu , Rivet et Harnoux, s’excu-
sent de ne pouvoir assister aux premières discussions de la chambre.
L’ordre du jour, inséré ce matin duns le Moniteur , a convoqué MM. les
députés pour entendre une communication du gouvernement.
A deux heures M. Duchâtel, ministre des finances . monte à la tribune et
donne lecture d’uu projet do loi portant règlement définitif de l’exercico de
1837.
M. Duchâtel présente en outre un projet de loi relatif aux crédits supplé-
mentaires et aux annulations de crédits pour l’exercice de 183G, puis le budget
de l’année 1858.
Celle présentation est précédée d’un exposé de Feint des finances qui, d’après
ce document ministériel, sont dans une situation assez florissante pour faire
espérer de notables améliorations aux budgets de 1838 , comparativement aux
budgets qui ont précédé depuis 1850.
M. le ministre des finances , abordant dans le même exposé la question de la
réduction de la rente 5 p. ®|0 , a déclaré qu’il ne pensait pas que le moment
de cette réduction fût venu ; quant à l’impôt sur les sucres indigènes, il propose
également d’accorder un nouveau délai pendant lequel cet impôt serait rem-
placé par 3 centimes additionnels sur les patentes ce qui produirait environ
800.000 fr. et un droit supplémentaire sur les aleools qui fournirait près de
4,000,000 fr. au budget.
Les chiffres prévus pour le budget 1838 , sont : Recettes , un milliard 55
millions ; dettes. 1,037,000,000 ; excédant, 10,000,000.
M. Duchâtel termine , en soumettant à la chambre divers projets de loi rela-
tifs 1<» à un fonds de réserve pour les travaux publics ; 2° aux caisses d’épargne;
3° é la réduction des droits du sel dans les départemens de l’Est ; 4e aux pen-
sions de retraite.
A3 heures 1{2. la séance est levée. Vendredi», séance publique pour une
commun ica trnn du gouvernement.
ANVERS, 6 Janvier.
M. J. Fuchs , négociant de notre ville , vient d’être nommé con-
sul d’Oldenbourg en Belgique ; le gouvernement l’a autorisé à exer-
cer ces fonctions.
— Il résulte des prix moyens tirés des dernières mercuriales ,
d’après les dispositions de la loi du .31 juillet 1834, que les droits
d’eutrée pour le froment et pour le seigle sont fixés comme suit :
Froment, fr. 37 50 les 1,000 kilog.
Seigle, » 21 50 »
— Les journaux anglais du 3 ne contiennent aucune nouvelle
intéressante.
Les fonds espagnols ont haussé à Londres de près de quatre p. c.,
par suite de la levée du siège de Bilbao.
Le drame de La duchesse de Lavaubalière, traduit en anglais, a
été représenté sur le théâtre Àdelplii, à Londres, et y a parfaitement
réussi.
— Nous appelons l’attention de nos lecteurs sur le tableau com-
paratif des importations à Amsterdam", Rotterdam , Hambourg et
Brême, pendant l’année 1836 et les importations à Amsterdam et
Rotterdam en 1835._______________________________
Voici le discours prononcé par M. Fétis sur la tombe de M”e de
Bériol : ...
Messieurs ,
Votre cœur s’est serré à la pensée que, dan9 cette tombe ouverte sous vo»
yeux, va s’engloutir tout ce qui reste d’une illustration de notre époque, decettft
femme dont le talent immense semblait se jouer de nos émotions, et les trans*
former à son gré. Hélas ! il n’est que trop vrai, un nom à jamais grand dans Fhis*
toire, les souvenirs laissés dans votre mémoire par celle qui le portait, ce peu
de cendre, voila tout ce qui reste d’un des êtres les plu9 rares que la nature ait
formés. Déplorons, messieurs, le destin cruel qui a brisé le cours d’une si
belle vie, à peine commencée ! Déplorons une perte qui a frappé le monde en-
tier dans ses plus nobles jouissances ! Gémissons de ce qu'il n’a point été donnl
à l’artiste célèbre de vivre assez pour recueillir dans une vie douce et paisiblo
les fruits de ses efforts et de scs travaux.
S’il était besoin d’invoquer aujourd’hui quelque témoignage de l’admiration
du monde pour celle que nous pleurons, nous le trouverions, messieurs, dans
cette lutte obstinée dont vous avez été témoins , pour la possession des tristes
restes exposés à vos regards. Jamais trésor, si précieux qu’il fut, n’a été disputé
comme ces reliques. C’est un fait peut-être unique dans l’histoiro, que celui
d’un tel culte pour la mémoire d’un grand artiste. Et ne nous y trompons pas. ;
il y a là dedans plus de signification que dan9 tou9 les succès d’une brillante vie.
Dans ce siècle d’indifférence, il est si rare que le souvenir aille au-delà du cer-
cueil, même pour les célébrités !
Messieurs , on a beaucoup loué Marie de Bériot; des applaudissemens fréné-
tiques lui ont été prodigués dans l’ancien comme dans le nouveau monde; sort
existence n’a été qu’une sorte d’enivrement , qu’une série de triomphes écla-
tons ; et pourtant personne, peut-être, ne sait ce qu’il y eut de mérite, de force
d’ame et de puissance de volonté dans cette débile constitution de femme. Dès
l’aurore de sa carrière, il lui fallut vaincre des rivalités quelquefois daugereu-
»cs, supporter sans se plaindre des critiqne» injustes ou ignorantes , discerner
les avis de la science et faire taire l’orgueil humain pour en profiter. Plus tard,
lorsqu’il n’y eut plus ni rivaux , ni critiques , il y eut des succès à justifier ,
une grande renommée à soutenir , la fatigue , la maladie même, durent céder
à la nécessité d’être toujours en face despopulations avides d’entendre la femme
incomparable . et de ne point laisser refroidir leur euthousiasme. Si quelque-
foiscelle qui était l’objet de tant d’ovations, parut être au-dessous d’elle-même,
cette infériorité relative n’en était pas moins le produit d’efforts énergiques de
l’ame , pour triompher de souffrances aiguës, et là où l’effet citait moins vif ,
l’impression moins profonde, il y avait quelquefois plus d’art, plus de talent
véritable.
Le cœur d’une mère, la persévérance dévouée d’un digne et malheureux
époux ont enfin triomphe d’obstacles qui paraissaient insurmontables , et ra-
mène parmi vous les dépouilles mortelles de la fille adoptive de la Belgique.
C’est à vous qu’il est donné d’accompagner à sa dernière demeure , Marie Fé-
licité de Bériot, et de lui faire un cortège mélancolique de vos vœux, non pour
la postérité , qui lui est acquise , mais pour l’impcnétable mystère de l’éternité
Pauvre Marie! elle avait si peu vécu , et pourtant. lorsqu’elle s’éloigna pour la
dernière fois de sa nouvelle patrie, son mne était attristée par le pressentiment
qu’elle ne la reverrait plus. Fatale prévision trop bien réalisée ! Quoi, ce n’est
point un rêve douloureux ! Cette jeune femme, naguère l’orgueil des siens, le
modèle de l’artiste, l’idole du monde, cette femme n’est plus, et le bruit dé
sa mort nous parvient presqu’en même temps que celui de son départ! Ainsi
l’on a vu moissonner , a la fleur des ans . et Mozart et Raphaël , et quelques
autres encore , mais en petit nombre, que le ciel avait prédestinés à enseigné,
aux autres des voies nouvelles dans ies arts ! Trop avare de ses dons, la naturer
qui a donné à ces êtres privilégiés la puissance du genie pour se faire d’in-
comparables renommées, ne leur avait point départi la force nécessaire pour
résister quelques heures aux attaques de la mort.
Croit-on qu’elle soit douco et fleurie, comme le pense le vulgaire, cette
existence d’artiste qu’on ne st* fait qu’avec de tels efforts ? Croit-ou que , pour
recueillir incessamment ces applaudissements capricieux , toujours prêts à
chercher de nouveaux objets „ il suffise de naître avec du génie et de s’aban-
donner à de fantasques inspirations ? Quelle erreur ne serait cela ! le travail
sans relâche , l’étude qui ne cesse jamais , le but qui s’éloigne toujours , à
mesure qu’on chemine vers lui, voilà la vie du grand artiste, lel qu’était Marie.
Fille d’un homme sévère , qui n’était pas moins savant professeur que vir-
tuose distingué, il lui fallut apprendre l’art presque en naissant, employer aux
travaux pénibles des études tout le temps que d’autres donnent aux jeux dè
l’enfance , recommencer ce qui était bien pour chercher le mieux possible ,
désespoir de tout artiste de cœur , et lorsqu’enfm , âgée de moins de quinze
ans , elle vint au grand jour recueillir le fruit de tant de persévérance , il lui
fallut comprendre que ce passée pénible n’était (pie le prélude d’une vie agitée
et d’efforts pins pénibles encore. Voilà , messieurs , voilà quelle fut la vie do
Marie de Bériot pendant le peu d’années qu’il lui fut donné de passer sur cette
terre ; voilà cette existence enviée de ceux qui ne savent pas à quel prix on
achète le prestige d’un grand talent , et les biens qu’il procure.
Marie ! ombre chère ! quel est donc ce fatal destin qui a voulu que je fusse
en face de toi à toutes les époques solennelles de ta trop courte carrière, depuis
le jour où tu entras dans la vit?, jusqu’à ce moment extrême? Ami de ton père,
je t’ai vue naître; j’ai vu les joies que ta venue apportait au cœur des tiens; ces
joies n’ont pas été vaines, car tu ns surpassé tout ce qu’on attendait de toi. Elek
vce par l’art, tu vas essayer ton jeune talent sur un autre hémisphère; ce talent
est bientôt comme le vol de l’aigle ; avide de renommée, tu traveses de^ nou-
veau les mers pour venir en Europe en conquérir une qui'n’sit ju»int d'égale.
Le premier, je l’accueille; le premier, j’ariùortce pour toi dés puceès irtôuï>; et |