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1875-1876
N° 2.
2e ANNÈE.
ABONNEMENTS
Belgique......fr. 25-00
Étranger......fr. 28-00 (le port en sus.)
DIRECTION :
Rue Cans, 22, Ixelles.
L’ÉMULATION
PUBLICATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
D’ARCHITECTURE
— DÉPOSÉ —-
DE BELGIQUE
— DÉPOSÉ —
ANNONCES ET RÉCLAMES
A FORFAIT.
S’adresser rue des Palais. 193
SCHAERBEEK.
RÉDACTION :
Rue des Quatre-Bras, 5, Bruxelles.
— 13 —
— 14 —
— 15 —
Bruxelles, le 1er octobre 1875.
SOMMAIRE: Les concours en Belgique (Suite). — Administration des hospices
civils d’Anvers. Programme de concours pour la construction
d un hospice et de deux orphelinats.
LES CONCOURS EN BELGIQUE.
(suite)
Tous ceux qui s’intéressent quelque peu à l’art archi-
tectural de notre pays, et qui par conséquent suivent
les expositions d’architecture, et les expositions des
concours en particulier, ont dû remarquer le peu
d’habileté que déploient d’habitude la plupart de nos
architectes, et surtout les jeunes architectes, au point
de vue du dessin, du rendu, comme on dit en terme
du métier.
Loin de progresser, nous reculons à ce point de
vue, et nous sommes surtout d’une infériorité indiscu-
table vis-à-vis de nos voisins les Français, dont les
projets se présentent aux yeux ravis des spectateurs,
embellis de tout le charme d’une exécution magistrale
parfois, souvent élégante, mais jamais lâchée.
Mais ce n’est pas seulement par leur habileté de
dessin que nos voisins et surtout nos voisins d’outre-
Quiévrain nous dépassent, c’est aussi par leur instruc-
tion, par leurs connaissances archéologiques et techni-
ques, par leur grande facilité de conception, par la
sûreté de leur faire. Les projets de nos nationaux,
même de ceux qui possèdent un talent réel, pèchent
souvent par un manque d’harmonie regrettable, des
inexpériences, des maladresses, qui sentent la diffi-
culté que leurs auteurs éprouvent à combiner ce tout
qu’on nomme un monument, une oeuvre architecturale.
L’on sent, en voyant les travaux des artistes fran-
çais, l’influence d’un enseignement sérieux, bien or-
ganisé et de maîtres dont les recherches, les études,
le goût distingué sert de phare à cette jeunesse intel-
ligente, qui les respecte, s’inspire de leurs exem-
ples, de leurs leçons, et conserve précieusement les
bonnes, les saines traditions de ces maîtres de l’art.
Certes en France, comme partout d’ailleurs, il y a des
fruits secs, des gens de mauvais goût ; mais ceux dont
les dispositions sont sérieuses ne manquent pas d’oc-
casion de s’instruire, de progresser. Les leçons et les
conseils viennent pour ainsi dire à eux, les trouver et
les diriger dans ces études ardues de l’art architectural,
où sans pilote on a neuf chances sur dix de s’égarer,
de sombrer même.
Tandis que nos jeunes gens,—je parle de ceux qui
travaillent sérieusement, — marchent à tâtons, dans
une espèce de demi-jour gros de méprises, sans guide,
faisant leur éducation artistique par eux-mêmes, au
hasard des rencontres, s’éprennent qui d’un style, qui
d un autre, sans savoir pourquoi, sans le faire passer
au creuset d’une discussion ou d’un examen appro-
fondi, et ils finissent le plus souvent par suivre, bons
ou mauvais, les errements du patron chez lequel
ils travaillent. Et voilà comment, chez nous, on en-
tend former un artiste.
Il est merveilleux, inouï, qu’avec un pareil système
nous ayons encore des architectes de talent en Belgi-
que, et il n’est pas douteux pour nous qu’il faut que
cet art, beau et noble entre tous, ait de bien fervents
adeptes pour qu’il résiste au régime qui lui est fait.
Certainement nos Académies des Beaux-arts et nos
écoles de dessin sont d’excellents instruments de vul-
garisation pour les beaux-arts, il en est qui sont bien
organisées et dirigées par des hommes capables et
pleins de bon vouloir, mais il me suffira de dire que
l’ouvrier charpentier et l’architecte y reçoivent la
même instruction pour avoir dit qu’au point de vue de
l’architecture, ces établissements ne répondent pas au
but.
Le remède c’est la création d’une école spéciale
d’architecture, pour les seuls jeunes gens qui s’y
destinent. Je sais qu’on me présentera une masse d’ob-
jections toutes meilleures les unes que les autres, mais
il me serait facile de démontrer qu’on peut avec un
peu de bonne volonté surmonter bien des obstacles,
obvier à beaucoup d’inconvénients, et que, au surplus,
il s’agit avant tout, de faire sortir de l’ornière, fût-ce
même au prix de quelques sacrifices, un art dont les
destinées sont compromises ou tout au moins amoin-
driès.
Mais cette question nous entraînerait trop loin, et
demanderait plutôt une étude spéciale que nous nous
proposons au surplus d’entreprendre l’un de ces jours;
nous nous résumerons donc avant de reprendre la
question mère d’où nous sommes partis.
Les écoles de dessin et académies des Beaux-Arts
qui n’ont que des cours du soir, formeraient les ou-
vriers (section d’architecture) et donneraient les cours
préparatoires aux jeunes élèves architectes.
L’école spéciale prendrait ces élèves architectes et
leur ferait compléter leurs études.
Il va sans dire que des cours spéciaux de dessin
au lavis, paysage, figure, ornement, perspective,
mathématiques, statique, mécanique, construction,
archéologie, esthétique et composition y seraient
donnés. Un cours spécial d’architecture moyen-âge y
serait institué. Des collections de dessins, plâtres,
modèles, etc., formeraient un petit musée annexé à l’é-
tablissement. Les élèves subiraient un examen d’ad-
mission, et dans l’avenir les seuls élèves sortis avec
un diplôme de cette école seraient admis à professer
l’architecture.
Avant de clôre cette explication déjà bien longue,
je dois cependant rencontrer une objection qu’on ne
manquera pas de me faire, c’est que les jeunes gens
privés de fortune ne pourront plus devenir architectes.
Sans compter que c’est un grand tort d’admettre à
l’exercice de notre profession, des personnes sans
instruction, je ferai observer que rien n’empêche qu’on
n’établisse un nombre de bourses suffisant pour
permettre aux élèves méritants et pauvres des acadé-
mies et écoles de dessin d’aller y achever leurs études,
ce qui tournerait à l’avantage de tous, car les jeunes
gens pauvres, sans instruction et sans dispositions,
n ont aucun avantage à embrasser notre carrière, bien
au contraire. Il vaut mieux alors pour eux rester de bons
ouvriers, que de devenir de misérables architectes.
Je ferai remarquer également qu’on n’a jamais op-
posé cet argument au sujet de la médecine, ni du
droit, ni même du génie civil et militaire, et qu’il
est matériellement impossible à un fils d’artisans
d arriver à devenir médecin ; ces études sont même
déjà onéreuses pour les bourgeois, et il n’est plus discu-
table aujourd’hui que la somme des connaissances que
doit posséder un bon architecte est au moins équiva-
lente à celle des avocats et des ingénieurs, si elle
n’est pas plus forte. Cela dit, revenons à nos moutons,
ou plutôt à nos concours.
De la situation que nous venons de décrire, il ré-
sulte que, malgré des qualités sérieuses, les archi-
tectes belges et plus particulièrement les jeunes, ont
et auront longtemps encore, c'est un aveu que nous
devons faire, bien du mal à rivaliser avec les archi-
tectes étrangers. Nous demandons donc :
1° Que les travaux d’essence administrative, sauf
des cas exceptionnels à déterminer, soient mis au con-
cours; de telle sorte que le concours devienne la règle,
les travaux confiés, l’exception.
2° Que ces concours soient, jusqu’à nouvel ordre,
accessibles seulement aux architectes belges, ou aux
étrangers habitant depuis 2 ans au moins la Belgique.
3° Si quelque monument ou autre travail, ayant un
caractère international venait à s’élever en Belgique,
le concours serait international.
4° Lorsqu’un édifice, ou une restauration d’une im-
portance capitale au point de vue artistique, ne pour-
rait être mis au concours, ou que le concours n’aurait
pas donné de résultat satisfaisant, les architectes
seraient admis à élire deux ou trois candidats, pour
être présentés à l’agréation du gouvernement ou de
l’administration intéressée.
Ceci dans le but de ne pas priver le pays des pro-
ductions remarquables que l’on serait en droit d’atten-
dre des artistes les plus éminents du pays, qui croi-
raient peut-être en dessous de leur dignité, après avoir
fait leurs preuves, de prendre part aux concours que
l’Etat instituerait. Les concurrents étant choisis par
les architectes eux-mêmes, l’Etat serait assuré d’avoir
confié les travaux aux plus dignes, aux plus capables;
de plus cette mesure serait de nature à faire revivre
un peu plus l’esprit de corps qui, nous a-t-on dit, fait
quelque peu défaut parmi les architectes.
Examinons maintenant la question de la rédaction
des programmes, des emplacements, de la formation
et du jugement du jury, de l’exposition des œuvres
présentées, etc.
Voici un document qui traite de la matière, et que
nous devons à l’obligeance de M. Klevisch, l’un de
nos confrères allemands, aujourd’hui à Bruxelles.
Règles qui devraient régir les concours publics,
ADOPTÉES PAR LA FÉDÉRATION DES SOCIÉTÉS
DARCHITECTES ET D’INGÉNIEURS ALLEMANDS.
« Les concours publics sont, de nos jours, le meil-
leur moyen de traiter publiquement les grands tra-
vaux et les grandes entreprises Ils servent autant les
intérêts des constructeurs, que ceux des architectes.
Les avantages consistent :
Dans la variété des conceptions ;
Dans l’éclosion de talents remarquables ;
Dans la diminution du favoritisme et dans l’ex-
clusion de tout monopole ;
Dans le renouvellement de l’intérêt général pour
les travaux publics ;
Dans l’émulation qui surgit parmi les concurrents.
Pour donner aux constructeurs d’une part, et aux
architectes d’autre part, une garantie d’impartialité
pour le succès d’un concours public, il est nécessaire
d’adopter les principes suivants :
1 Parmi les membres du jury les hommes du mé-
tier doivent être en majorité ;
2 Les juges devront être désignés dans le pro-
gramme ; ils doivent l’avoir approuvé et avoir déclaré
vouloir accepter les fonctions qui leur sont confiées ;
3 Leur acceptation implique l’obligation de renon-
cer à toute participation directe ou indirecte dans la
confection des projets ;
4 Le programme ne doit pas exiger plus que ce
qui est strictement nécessaire en dessins ou calculs
pour faire bien comprendre le projet de distribution
et de construction (1). L’échelle des dessins doit être
prescrite.
5 Le programme doit dire clairement s’il est indis-
pensable que les projets soient exécutables pour une
certaine somme, en sorte que tous les projets qui
dépassent la somme fixée soient exclus rigoureu-
sement du concours ; ou bien que la somme indiquée
n’est qu’approximative ; dans ce cas, il est expressé-
ment réservé aux architectes une liberté plus grande.
6 En général l’exclusion d’un projet ne peut avoir
lieu que :
a par suite d’un retard dans l’envoi du projet ;
b par suite d’un écart essentiel du programme.
7 Pour autant qu’il y ait des projets sérieux, les
primes doivent être données en toute circonstance aux
meilleurs ;
(1) Ne pas exiger par exemple des plans de combles à l’échelle de
0,02 par mètre et.des détails de menuiserie, etc. etc., comme cela n’arrive
que trop souvent. (Voir le programme ci-contre de concours ouverts à
Anvers.) |