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L’Exposition nationale des Arts
industriels.
Organiser une exposition des produits artistiques de l’In-
dustrie belge était certes une fort belle idée : c’était un moyen
de donner un grand essor, une impulsion entraînante à nos
industriels ; mais c’était aussi une idée hardie, sinon auda-
cieuse de l’organiser dans les circonstances qui ont vu naître
l’Exposition des Halles centrales.
En effet, pour arriver au but qu’elle s’était proposé d’attein-
dre, la Commission organisatrice n’avait aucun subside à sa
disposition ; elle a fait appel aux industriels, ceux-ci y ont
répondu avec l’empressement que le brillant succès de l’Expo-
sition nous permet d’affirmer.
Une autre circonstance pouvait également nuire au succès :
c’est le peu de temps qui a séparé l’idée de sa mise à exécu-
tion, temps fort court, qui n’eût pas permis aux exposants de
préparer, de concevoir expressément pour l’exposition projetée
des objets de leurs industries respectives ; c’est donc, en quel-
que sorte, une exposition improvisée que nous avons eu le
plaisir de visiter et c’est bien l’industrie nationale que nous
avons à apprécier.
Depuis l’Exposition universelle de Paris en 1867 et l’Exposi-
tion de Vienne, qui cependant ne peut être comparée à la pre-
mière lorsqu’il s’agit de mettre en parallèle les produits indus-
triels des peuples, il ne nous a guère été donné d’apprécier les
produits de l’Industrie belge, de nous rendre compte de ses
efforts, de ses progrès ; ses progrès sont considérables, voilà
l’impression qui nous reste de notre visite aux Halles.
Déjà, lors de l’Exposition universelle de Paris ( 1851 ),
M. Laborde, membre de l’Institut et rapporteur du 30e groupe,
constatait que toutes les nations qui avaient exposé avaient
pu se rendre compte des causes de la suprématie de la
France dans les arts industriels : la Belgique était de ce nom-
bre. Elle aussi a compris que c’est à l’application des beaux-
arts, du style, de la science du dessin à l’industrie que l’on
devait attribuer cette supériorité.
Ne faisant que débuter dans cette voie, nos industriels
avaient fatalement à suivre la trace de leurs confrères fran-
çais ; c’est là la cause de cette similitude que l’on constate
aujourd’hui entre nos produits et ceux de nos voisins du Midi;
toutefois, nous protesterons contre cette allégation que nous
copions ces derniers, mise en avant par bon nombre de repré-
sentants de la presse. Nos produits sont peut-être similaires
aux leurs, mais il peut être établi une différence; entraînés
par le courant artistique-industriel français, nos compatriotes
ont cherché, naturellement, à faire comme eux et aussi bien
qu'eux, première étape indispensable pour en arriver à taire
mieux.
Ils ont compris, ils se sont pénétrés de la tendance; mais
ayant à leur disposition les moyens d’exécution, c’est à des ar-
ticles nationaux qu’ils ont demandé l’aide de leur imagination,
de leur sentiment artistique. Aussi est-il facile de reconnaître
à l’Exposition des Halles les produits de l’Industrie française
(car il en est) de ceux émanés de notre tempérament, de notre
façon de comprendre l’application de l’art à l’industrie.
Quoi qu’on en dise, nous n’avons rien à emprunter à nos voi-
sins, nous pouvons faire comme eux, de l’art industriel; mais
à ceux qui nous reprochent d’imiter nos rivaux étrangers nous
répondrons que l’on ne nous demande donc pas « le genre pa-
risien. »
Le Beau et le Goût qu’Aristote place en tête de son sys-
tème philosophique, ne sont plus aujourd’hui le monopole
d’une nation privilégiée ; il sont accessibles à toutes les na-
tions, tous les peuples les possèdent, à un degré plus ou moins
élevé il est vrai; mais tous semblent, inconsciemment peut être,
se rappeler cette définition de Platon : « le Beau est la com-
plète convenance des moyens relativement à leur fin. »
Si à cette définition nous ajoutons celle de l’Industrie donnée
par M. Barlet, professeur à l’Athénée royal de Liége, dans son
intéressante brochure traitant de l’Union des Beaux-Arts à
l’Industrie, définition que nous copions. « L’Industrie, dans
la véritable acception du mot, est l’ensemble de tous les tra-
vaux qui contribuent à la satisfaction desbesoins de l’homme,
c’est la réunion de toutes ses facilités actives mises au
service de ses besoins, » nous aurons une définition exacte de
ce que l’on entend par « Art Industriel. » Que nos compa-
triotes se pénètrent bien de cette définition, et ils nous donne-
ront à l’Exposition universelle de Bruxelles, prochaine espé-
rons-nous, la preuve plus évidente qu’ils peuvent faire aussi
bien que les autres nations.
Cette définition des arts industriels n’était certes pas fort
bien connue lorsqu’il s’est agi de recevoir les objets destinés
a l’Exposition des Halles ; en effet, à côté des produits de l’In-
dustrie, nous en rencontrons qui sont vraiment et purement
artistiques, qui appartiennent aux Beaux-Arts et qui dans
l’esprit de leurs auteurs ne sont nullement industriels, nous en
sommes convaincus. En revanche il en est d’autres qui n’ont
absolument rien d’artistique, qui sont purement et exclusive-
ment des produits industriels.
Nos lecteurs ne nous sauront.pas mauvais gré, nous l’espé-
rons, de ne citer personne : peut-être ont ils fait la même ré-
flexion qus nous ? d’ailleurs, devant l’empressement et les
excellentes intentions des exposants nous ne pouvons qu’expri-
mer toute notre satisfaction.
Parmi tous les produits exposés aux Halles, nous examine-
rons surtout ceux qui ont quelques rapports avec l’Industrie
du Bâtiment, tels que les pierres, — les parquets, — la dé-
coration intérieure, — l’ameublement, — la marbrerie, — la
vitrerie, etc., etc.
MATÉRIAUX PIERREUX ET PIERRE ARTIFICIELLE.
Différentes espèces de matériaux pierreux ou imitant la
pierre sont exposées aux Halles ; nous citerons : la pierre
de Gobertange, dont M. Brassine nous donne des échan-
tillons dans un pinacle et une fenêtre gothiques. Cette pierre
que l’on emploie à la reconstruction de nos édifices est connue
pour sa densité et sa résistance à la gelée ; son poids spécifi-
que est 2.500 kilog. Elle donne un petit appareil. M. Bras-
sine, représentant des carrières, habite chaussée de Charleroi
à Saint-Gilles.
Le Grès allemand du Grand-Duché du Luxembourg,
des carrières de la Sure, offre une grande variété de tons,
et doit se prêter fort bien aux maçonneries polychromes,
il en est de gris-blancs, verdâtres, jaunâtres, violets et rouges.
Cette pierre est dure, son grain est serré et tout parsemé de
petits points blancs. Sa densité varie, selon les espèces, de
2200 à 2650 kilog. Sa résistance à la compression est de 400 à
600 kilog. par centimètre, son banc a une hauteur de 0.30 à 0.80
pour les grès blancs, de 1.00 à 1.50 pour les grès de Reis-
dorf (blanc et jaune) et de 1.00 à 1.50 (grès de Girst-Hinckel).
La longueur des plus beaux blocs est de 3 à 6 mètres. Ces
pierres reviennent à 56 et 72 francs le mètre cube, par blocs
équarris et ébauchés rendus à Bruxelles. L’administration des
carrières de la Sure (Place de Louvain) expose divers objets
artistiques parmi lesquels une mignonne reproduction en
pierre rouge de la Porta-Nigra, de Trèves. — Ces objets in-
diquent ce que l’on peut obtenir avec ces matériaux.
Le Grès Rausomme, matière composée assez semblable aux
carreaux de ciment comprimé, qui permet la fabrication de
grandes pièces d’architecture et de sculpture décorative. La
Compagnie anonyme du Grès Rausomme, qui est représen-
tée par son directeur-gérant M. Delpierre, rue de Ribeau-
court 57, à Molenbeek-lez-Bruxelles, expose des modèles de
vases (qui ne sont pas très-heureux), des spécimens de balus-
trades; mais sa pièce capitale est une façade complète de
pavillon qui exécutée en pierre bleue eût coûté trois fois au-
tant et en pierre blanche tendre, deux fois autant qu’elle ne
coûte construite en Grès Rausomne.
Une autre espèce de pierre artificielle vient se placer ici :
les carrelages mosaïques, parmi lesquels nous en avons remar-
qué de réellement très-beaux. Nous citerons les pavements de
M. Picha, de Gand (dépôts et agences : à Bruxelles, quai de
Mariemont, 110, et à Anvers, rue Rouge, 15). Parmi les pave-
ments exposés par ce fabricant il est à remarquer surtout une
rosace formée d’un grand nombre de carreaux et par consé-
quent ayant de fortes dimensions (environ un carré de 1.50
de côté), dont le dessin d’un beau caractère grec, et les cou-
leurs variées et bien harmonisées forment un superbe motif
pour centre de pavement.
Il y aussi un coin de pavement rectangulaire d’un dessin
byzantino-roman également beau de couleur.
M. Vanderasten expose aussi une collection de carreaux pour
ce genre de pavement; toutefois, la matière étant aussi bonne
que celles des carrelages de M. Picha, le dessin est froid et
les couleurs ne sont pas heureuses.
Les carrelages de MM. Lampe et Cie semblables à ceux de
M. Vanderasten sont mieux cependant.
Lampe et Cie, à Antoing (Hainaut).
Les pierres artificielles de la Compagnie des Marbres Ma-
rezzo (rue Montoyer, à Bruxelles) sont de splendides produits.
Toutes les espèces de marbres, les plus belles, les plus riches,
y sont imitées à la perfection. La Compagnie fabrique des
dalles pour revêtements et pour pavements, des moulures
pour lambris, des cheminées complètes, des socles, etc., etc.
Ces marbres artificiels sont très-durs, sont polis comme le
marbre même et conservent leur éclat.
Comme pavement mosaïque nous avons encore à citer le
plus important, le plus beau et le plus riche : les mosaïques
vénitiennes de M. Bernardin, l’auteur du beau pavement de la
Bourse de commerce de Bruxelles, que tous nos lecteurs con-
naissent. Entr’autres spécimens de mosaïque nous citerons un
superbe panneau pour entrée de vestibule avec le Salve des
maisons pompeïennes.
La mosaïque vénitienne, composée de petits cubes de marbre
posés jointivement et classés par nuances, donne de superbes
dessins. Ceux exposés par M. Bernardin (rue du Cardinal, 58,
Bruxelles) font honneur à leur auteur qui, du reste, a une répu-
tation établie pour ce genre de travaux.
La mosaïque proprement dite nous amène tout naturelle-
ment à parler des marbres. — Nous avons à citer les envois de
MM. Puissant frères, qui exposent une colonne composée de
marbres divers provenant de leurs carrières de Merbes-le-
Château (Hainaut). Le fût monolithe de cette colonne est sur-
tout remarquable : c’est un superbe bloc de rouge belge. Cette
colonne, d’ordre ionique, porte un vase, style Louis XVI,
d’une forme gracieuse, correct de dessin et d’une belle exécui
tion.
M. Boucneau (rue Verte, 140, à Schaerbeek) expose sans
contredit les plus beaux spécimens de notre marbrerie natio-
nale qui a une réputation européenne, l’on pourrait même
dire universelle. M. Boucneau ne travaille pas seulement pour
le continent européen. — Parmi les splendides produits de cet
exposant, dont nous aurons encore à parler quand nous exami-
nerons la décoration intérieure, nous avons remarqué surtout,
confine matière, deux superbes colonnes, de mêmes dimen-
sions que celles de M. Puissant, mais dont les fûts sont en
marbre provenant des carrières de l’exposant, situées à Waul-
sort, près Dinant, marbre auquel on a donné le nom de brèche
d’Herculanum. Ce marbre semble être formé d’une grande
variété d’éclats de marbres divers réunis et soudés par de bril-
lants cristallins. Les tons divers sont très-beaux et l’ensemble
des couleurs plaît.
M. Boucneau nous donne encore un échantillon de ce beau
marbre, assemblé avec d’autres, dans un ensemble de panneaux
et pilastre, destiné à la décoration.
Nous reprendrons maintenant tous les objets que nous n’a-
vons examinés qu’au point de vue de la matière ; pour certains
d’entre eux c’est à ce seul point de vue qu’ils ont été envoyés
à l’Exposition des Arts Industriels.
Nous avons cité d’abord la pierre de Gobertange.
Cette pierre se trouve représentée aux Halles dans une fe-
nêtre ogivale et un pinacle gothique (3e époque).
Ces deux objets, d’un beau style, bien dessinés et exécutés
avec soin quant aux moulures et aux chardons et choux sculp-
tés,sont d’un bel ensemble l’un et l’autre. Mais nous avons une
observation à faire quant à l’appareil, qui ne rappelle nulle-
ment ni la logique des maîtres de l’œuvre des 13e et 14e siècle,
ni leur talent de constructeurs. Ces joints horizontaux font
avec les arêtes formant les pans du pinacle, des angles aigus
qu’il est facile d’éviter et qui ne peuvent être employés sous
peine de voir les pierres éclater, s’épauffrer à ces extrémités
effilées.
II est vrai que la pierre étant de petit appareil cela est
peut-être difficile à éviter, cependant cela se peut.
(A continuer.) E. A.
FAITS DIVERS.
M. le ministre de l’intérieur vient d’inaugurer l’Ecole
normale de Fragnées dont la construction et l’ameu-
blement sont terminés depuis peu. A cette occasion il
a remis à l’architecte, M. Dujardin, de Liége, la croix
de chevalier de l’ordre de Léopold et MM. Hansen
et Monseur, membres correspondants de la Société
centrale d’architecture, ont reçu du ministre la mé-
daille industrielle, pour la part qu’ils ont prise à la
conduite des travaux et à l’exécution de l œuvre re-
marquable de M. Dujardin, œuvre que nous espérons
faire connaître à nos lecteurs.
BIBLIOGRAPHIE.
La construction des prisons cellulaires a attiré l’at-
tention des gouvernements et de plusieurs savants.
M. Stevens, inspecteur des prisons, a fait paraître,
édité par M. Muquardt, un ouvrage dans lequel il
traite de cette question avec toute l’autorité d’un spé-
cialiste. Cet ouvrage est très-intéressant et contient
d’excellents renseignements, très-utiles aux architectes
qui ont à étudier ce genre de construction.
Nous annonçons également la publication d’un nou-
vel ouvrage d’architecture : l’Architecture moderne à
Vienne. Cet ouvrage comprendra douze livraisons à
10 francs ; les livraisons paraîtront tous les deux mois.
BORDEREAU DE PRIX.
NOVEMBRE
TOITURES PRIX
Max. Min.
1 en tuiles bleues de Boom M. car. 2.10 1.00
2 » rouges » » 2.00 1.80
3 » bleues ou rouges forme Hollandaise » 3.50 3.00
4 Faîtières bleues M. cou. 1.75 1.50
5 » ornées » 3.20 2.75
6 » vernies » 2.80 2.25
7 en tuiles ornées, syst. Josson M. car. 3.00 2.60
8 Faitières ornées » M. cou. 2.80 2.50
9 en Ardoises de Fumay (sans la volige) 5.50 4.90
10 » d’Herbeumont » 5.00 4.40
---------------------Z IN C S------------------
11 en zinc pour gouttières et plateformes unies
N» 16 M. car. 9.00 8. 25
12 * , » . 14 » 7.00 6.50
13 en zinc à tasseaux (non compris les tasseaux)
Grandes feuilles N° 14 » 7 80 7 20
14 » » » » .» » 12 » 6.40 6.00
15 » » Petites feuilles » 14 » 8.00 7.50
16 » » » » » 12 » 60.60 6.20
17 » » » » » »
18 Zinc ondulé » 14 * 9.00 8.40
19 Zinc à losanges, petits losanges de
0.28 à 0.45 de coté No 8 » 6.50 5 60
20 » » » » » » 8.00 7.00
21 » » » » » » 9.20 8.20
22 gr. losanges de 0.45 à 0.75 de cote » 10 » 5.80 5.30
23 » » » » » 12 » 7.25 6.50
24 » » 13 7.50 7.20
25 Zinc écaille de poisson » 10 » 7 50 7.00
26 » » » » 12 » 9.30 8.50
27 » » » 13 » 10.20 9.30
28 Tuyaux de descente de 0 12 de diamètre 2.75 2.25
09 » 0.10 » 2.50 2.00
30 » 0.08 » 2.25 1.75
31 » 0.06 » 1,75 1.50
— 16 —
— 17 —
— 18 — |