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1874-1875
N° 3.
lre ANNÉE,
ABONNEMENTS :
Bruxelles......fr. 25-00
Province et Étranger, fr. 28-00 (le part en sus.)
DIRECTION :
Rue Cans, 22, Ixelles.
L’ÉMULATION
PUBLICATION MENSUELLE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE
D’ARCHITECTURE
DE BELGIQUE
ANNONCES ET RÉCLAMES
A FORFAIT.
S’adresser tue des Palais, 166
SCHAERBEEK.
RÉDACTION :
Rue des Quatre-Bras, 5, Bruxelles.
SOMMAIRE :
PLANCHES.
TEXTE.
No 9. Projet de maisonnette de garde, par M. H. Beyaert.
A propos du musée populaire. J. B. — Nos planches. — L’Exposition N° 10. Concours triennal d’Anvers 1870. Projet de station, par M. Bilmeyer. Façade.
des Arts Industries oux Halles Centrales. E. A. — Faits divers. No 11. Concours de Jemappes. Projet de maison communale, par M. Dumorticr. Plans.
No 12. Presbytère de l’église du Finistère à Bruxelles. Façade vers le Boulevard Central.
— Bibliographie. — Bordereaux de prix : Toitures et Zincs. _ Architecte M. Almain-Dehasse.
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Bruxelles, le 1er novembre 1874.
A PROPOS DU MUSÉE POPULAIRE.
Il y a quelques mois, un industriel, un savant, ou
plutôt un artiste, conçut le projet d’un Musée popu-
laire. Nous avons nommé M. Buls, le savant confé-
rencier, qui exprima pour la première fois cette idée
dans la Revue de Belgique.
Ce projet, aussi habilement décrit que sagement
pensé, fut tour à tour examiné et approuvé par la
plupart des organes de la presse.
Naturellement l’idée émise, on se hâta de l’enterrer,
et à cette heure, il n’est pas plus question du Musée
populaire que de la comète de l’an XI. Et c’est regret-
table. Il ne nous appartient pas d’examiner la ques-
tion sous toutes ses faces, mais nous ne doutons pas
que toutes les branches de l’activité humaine ne trou-
vent dans la réalisation d’un pareil projet des avan-
tages nombreux, et qu’un progrès marquant en soit la
conséquence.
Mais, pour ce qui nous concerne,ou plutôt en ce qui
concerne le progrès do notre art, il est certain qu’un
Musée, ainsi conçu, produirait les meilleurs résultats.
Il est à noter tout d’abord, que l’Architecture
n’étant en somme, comme tout art, du reste, que l’ex-
pression des besoins et des tendances d’une époque
chez un peuple, il importe autant de former le goût et
lejugement du public que celui des artistes eux-mêmes.
Et ceci est tellement vrai, que si vous admettez un
peuple connaisseur en matière d’art, un peuple plein
de bon sens, d’intelligence et de bon goût, quelles
chances de succès pourraient avoir de prétendus ar-
tistes qui n’auraient ni bon sens, ni intelligence, ni
goût?
Prenons l’exemple des Grecs et voyez ce que
dit l’illustre auteur du Dictionnaire de l’Architecture,
M. Viollet-le-Duc, dans ses entretiens.
Les Grecs, dit-il, aux bonnes époques de l’art,
étaient un peuple éclairé, raisonneur, plein de goût,
aimant les choses belles, et détestant le faux luxe ; et
il cite ces paroles d’un célèbre artiste au sujet d’une
œuvre médiocre : “ N’ayant pu faire sa statue belle,
il l’a faite riche, “ montrant ainsi son dédain pour tout
ce qui n’emprunte pas à l’art, au goût, sa beauté. Que
dirait aujourd’hui ce puriste, s’il venait à voir nos
monuments ? Et cependant, ces œuvres, dont le sque-
lette est souvent un non-sens, dont la richesse n’est
qu’un luxe d’emprunt et de mauvais goût, sont l’objet
de l’admiration de nos Mécènes contemporains. Au
contraire, les œuvres mûries, simples, bien raisonnées,
passent inaperçues. Et vous croyez que ce concert de
louanges unanimes données à l’œuvre vulgaire n’est
pas de nature à dérouter le jeune artiste, dont les
convictions ne sont pas encore formées ?
Et ce dédain pour l’œuvre de goût, sincère et sim-
ple, ne croyez-vous pas qu’il soit profondément démo-
ralisateur ? On parle sans cesse de décadence, on vou-
drait voir un style né de l'époque ; mais qui soutiendra
les œuvres pures, qui défendra les œuvres originales
mais de bon goût, et qui les jugera telles?
Donnez-nous des juges d’abord et le grand juge ici,
c’est tout le monde. Vous voyez bien qu’il faut former
le goût du public.
On m’objectera peut-être, que rien ne prouve qu’aux
autres époques le peuple avait le sens artistique. Une
semblable discussion mènerait loin ; mais on pourrait
remarquer qu’il en fût ainsi en Grèce, que l’art romain
n’a vécu en somme que des débris et des traditions de
l’art grec, et que les consuls et les préfets d’alors,
excellents administrateurs, savaient clairement ce qu’ils
voulaient et traçaient d’excellents programmes ; si
l’édifice répondait à ces besoins, c’était tout ce qu’ils
demandaient, abandonnant l’artiste à lui-même lors-
qu’il s’agissait de la décoration ; et remarquez, que
c’est surtout par l’excellence de ses dispositions et de
sa construction que l’art romain est remarquable, et
que le décor est bientôt tombé dans la surcharge pour
arriver à la décadence.
Qui nierait le sentiment artistique du peuple au
moyen-âge ; tout au moins à partir de la seconde
moitié du treizième siècle ; l’étonnante diversité des
motifs de la décoration est là qui atteste que chaque
ouvrier était un artiste ; un monument du moyen-âge
n’était pas l’œuvre d’un homme, c’était l’œuvre d’une
génération. Et du reste, si à certaines époques où le
pouvoir autoritaire dirigeait tout, le peuple était privé
du sens artistique, on ne peut méconnaître, ou que les
hommes qui dirigeaient ce mouvement avaient eux ce
sentiment très-développé, ou s’ils avaient le goût obli-
téré, que l’art en a reçu des atteintes cruelles et est
tombé dans de mauvaises voies. Aujourd’hui que c’est
la masse qui règne, qui fait, qui veut, qui pense, il
faut rationnellement que cette masse agissante ait la
compétence voulue, sous peine de voir échouer tous
les efforts des artistes. Mais revenons à ceux-ci.
La création d’un Musée populaire fournira à nos
jeunes architectes, aux élèves d’aujourd’hui, bien des
enseignements précieux. Tout le monde ne peut pas
voyager, aller voir ces merveilles de l’art, ces modèles
de raisonnement et de bon goût, fruit de civilisations
éteintes.
Pensez-vous qu’il soit possible de rester froid de-
vant ces chefs-d’œuvre et que l’impression produite
par eux, ne soit pas de nature à exercer une profonde
influence sur le goût des jeunes gens qui se destinent
à l’étude de l’architecture ?
Il se peut que l’avenir nous réserve une déception,
mais il me semble, que s’il était donné à nos jeunes
artistes et au public de voir des modèles réduits, mais
soigneusement faits des principaux monuments de la
Grèce et de la Rome antique, et les plus remarqua-
bles créations du moyen-âge et de la Renaissance,
un pareil spectacle serait cent fois plus instructif que
l'étude approfondie des piteux exemples qu’ils ont au-
jourd’hui sous les yeux. Joignez-y quelques fragments
exceptionnellement beaux, et cette exposition rétroac-
tive pourra leur rendre les plus grands services.
Et quel parti un homme habile et savant, comme
M. Buls, par exemple, ne pourrait-il pas tirer de ces
représentations artistiques et scientifiques ?
A l’aide du décor, de la lumière électrique, etc., de
toutes les ressources optiques dont on dispose aujour-
d’hui l’on pourrait évoquer devant nos yeux charmés et
surpris les merveilles si poétiques de l’acropole d’A-
thènes, les splendeurs du Forum,de Pompeï ou de Tra-
jan ; et tant d’autres spectacles, qui ne seraient pas
seulements récréatifs mais instructifs au plus haut
point, et seraient de nature à faire revivre en nous
cette flamme qui s’en va s’éteignant de jour en jour
sous les étreintes de la froide spéculation et de l’indif-
férence publique : la poésie, sans laquelle il n’y a pas
d’œuvre belle ou puissante.
Enfin, c’est parce que nous gardons un grand espoir
sur ce projet, que nous élevons à notre tour notre
humble voix pour féliciter M. Buls de sa courageuse
initiative, et l’engager à y persévérer.
Et pour finir, nous émettons le vœu qu’on mette au
plutôt cette idée féconde en pratique, et nous prions
tous ceux qui s’intéressent, à quelque titre que ce soit,
aux arts et aux sciences, de se joindre à nous pour en
réclamer la prompte réalisation.
J.B.
NOS PLANCHES.
C’est encore à la bienveillance de M. l’architecte
Beyaert que nous devons notre 9e planche : elle donne
un projet de maisonnette de garde. Nos lecteurs re-
marqueront l’habileté de la disposition imaginée par
l’auteur, disposition qui permettrait de surveiller sans
cesse et de tous côtés l’espace environnant les habita-
tions, et qui a donné à l’artiste la solution du pro-
blème qu’il s’était posé : la diversité des façades.
Architecture de beaucoup de caractère et d’effet
pittoresque.
Notre planche 10 donne la façade principale du
projet de station présenté par M. Bilmeyer au con-
cours triennal d’Anvers 1870. Cette planche fait
suite au plan que nous avons donné dans notre second
numéro.
Notre 11e planche a pour objet le concours ouvert
par l’administration communale de Jemappes (Hai-
naut) pour la construction d’une maison communale.
Nous donnons par cette planche les plans à divers
niveaux du projet présenté par M. Dumortier, cou-
ronné mais non exécuté.
Par notre 12e planche nous offrons à nos lecteurs
l’élévation vers le Boulevard Central du presbytère de
l’église du Finistère à Bruxelles. M. l’architecte Al-
main-Dehasse a traité cette façade en Renaissance,
dite « Flamande ; „ il a obtenu un ensemble remar-
quable : la porte surmontée d’un œil de bœuf est surtout
intéressante comme masse ; l’artiste s’est bien pénétré
du caractère du « style flamand. „ |