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L’ÉULATION.
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vant à votre art de ses plus précieux adeptes, tandis qu’elle
prive votre société de ses plus sincères défenseurs.
Louons la mémoire de ces vaillants hommes qui surent
vous donner leur appui et défendre avec vous la juste cause
de l’affranchissement de l’art architectural.
Plusieurs membres de votre société se sont particulière-
ment distingués cette année,
C’est ainsi que M. Dumortier a été promu au grade de che-
valier de l’ordre de Léopold ;
M. César Daly a été favorisé par l’octroi de la médaille de
la Reine d’Angleterre décernée par le « Royal Institute of
British Architects. »
M. Jamaer a été nommé membre de la Commission Royale
des Monuments, tandis que M. Acker était nommé membre
correspondant de la même Commission.
M. Jean Baes a obtenu la médaille d’or à l’exposition de
Munich.
M. Saintenoy a été nommé architecte de S. A. R. Msr le
Comte de Flandre, officier d’académie et professeur à l’Aca-
démie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles.
M. Horta a été nommé professeur d’architecture à l’univer-
sité libre de Bruxelles; M. De Becker a été élu conseiller pro-
vincial.
MM. Jacobs, Van Arenberg et Van Beesen ont été classés
Ier, 2e et 3e au concours pour maisons ouvrières ouvert par le
bureau de bienfaisance de Laeken.
MM. Anciaux et Van Beesen ont été classés 2eau concours
ouvert par la Société des Architectes anversois.
MM. Hankar et Horta ont été classés Ier et 2e au concours
pour le monument Van Duyse, à Termonde,
Chaque année, Messieurs, plusieurs d’entre vous se distin-
guent particulièrement et l’honneur mérité dont ils sont l’ob-
jet rejaillit sur votre société et en relève le prestige.
Mais si des distinctions honorifiques récompensent certains
de vos membres de leur labeur en dehors de votre cercle,
elles ne consacrent point l’abnégation et le dévouement avec
lesquels vous apportez vos efforts pour faire triompher votre
cause et assurer l’avenir de votre société.
Vous assistez nombreux aux assemblées mensuelles pour
discuter les questions capitales dont dépend souvent l’avenir
de l’architecture.
Et parmi celles-ci, je citerai d’abord la question du con-
cours de Rome. Ce concours, dont le titre pompeux semblait
décerner au lauréat, un diplôme de grand maître en l’art de
bâtir, vous avez voulu le réorganiser complètement, car,
comme toute vieille institution, il n’était point en rapport
avec les mœurs actuelles, ni avec l’enseignement donné dans
les écoles d’art.
Vous avez, en 1892, voté provisoirement en section d’art et
d’archéologie la suppression du concours de Rome, en le
remplaçant par des bourses de voyage. Vous avez supprimé
l’examen technique tant que dans les écoles d’art on n’enseigne
pas les matières demandées aux concurrents.
M. Franz De Vestel, votre président, vous a lu un rapport
très détaillé à ce sujet à l’assemblée annuelle dernière, et des
membres de province ont demandé de pouvoir étudier la
question de façon à ce qu’ils puissent émettre des vœux avant
le vote définitif par l’assemblée de votre société.
Ces vœux vous seront transmis à la réunion générale du
11 décembre prochain, et vous aurez sous peu à voter défini-
tivement au sujet de cette question si importante au point de
vue des études architecturales.
(A suivre.)
ARCHÉOLOGIE
L’HOPITAL DE LESSINES
LA DERNIÈRE RECONSTRUCTION
Reconstruit partiellement à différentes époques, l’hôpital
de Lessines, dont la création remonte à 1243, a été trans-
formé la dernière fois au xviie siècle.
Le bâtiment principal, une énorme bâtisse séparée des
dépendances par la Dendre, est couronné de pignons en gra-
dins et panaché de culminantes cheminées silhouettées sur les
toitures aiguës de l’édifice. La patine violacée des briques riva-
lise de finesse dans cette construction ventrue avec la délicate
tonalité des pierres bleues formant l’encadrement des fenêtres.
Une petite porte donne accès à cette monumentale et pai-
sible maison dont le porche débouche sur un cloître gothique.
Cette petite galerie quadrilatérale, d’un caractère architectural
très pur et très élégant, cerne de toutes parts un antique jar-
din tapi autour d’un puits, abrité sous un vaste auvent.
Il se dégage de ce milieu monacal une impression d’intimité
et de recueillement d’une rare intensité. J’essayais de déchif-
frer l’année gravée dans une des clefs de voûte, lorsqu’un
groupe qui cadrait d’une façon saisissante avec ce décor
moyenâgeux frappa mon attention : sous les arcades ogivales
du cloître, inondé d’une lumière argentine, s’avançait une
religieuse paralytique, véhiculée dans une chaise roulante
par une de ses compagnes.
La vétusté et la manie des transformations accomplissant
leur œuvre de dévastation, il ne reste plus, je pense, aucun ves-
tige de l’édifice du xiiie siècle dans les constructions actuelles.
UN COIN A PEINDRE
- Parmi les vieilles curiosités de cet antique monument, j’ai
remarqué une porte sculptée dans un bois superbe d’une
blancheur et d’un éclat ivoirin : le vasistas formé de colon-
nettes torses, décorées de chapiteaux délicieux; les panneaux
de cet ouvrage de maîtrise sont sculptés avec une allure déco-
rative dont la triomphante franchise est un indice irrécusable
d’authenticité.
Située dans un des angles du cloître, cette porte presti-
gieuse, encadrée de voûtes ogivales, fournirait un sujet de
tableau tout parfumé d’ancienneté aux peintres d’intérieur.
LE RÉFECTOIRE-MUSÉE
Le réfectoire des religieuses présente également une phy-
sionomie bien intéressante. Cette salle, dont le style dominant
ne remonte pas au delà de la fin du xviiie siècle, est très sobre
de décoration sculptée.
Le plafond et les lambris en chêne vernis à outrance enca-
drent de grandes peintures qui font tout le tour de la salle.
Ces tableaux qui représentent les différentes phases de la
passion du Christ, ont été offerts au couvent-hôpital par les
religieuses dont les portraits sont retracés au premier plan.
Le manteau de la cheminée monumentale profilée au fond
du réfectoire est décoré d’un vaste panneau d’une valeur
picturale un peu supérieure à celle des autres peintures. Ce
tableau religieux de grande envergure représente au premier
plan le portrait d’un ancien bourgmestre d’Ogy — une loca-
lité voisine •— et ceux de sa femme et de ses deux filles, ces
dernières dans le costume des sœurs de Saint-Augustin.
Ce réfectoire-musée doit fournir un cadre très piquant aux
assemblées dinatoires des religieuses qui se tiennent dans
cette salle toute luisante de vernis, parée de tous les prestiges
de la palette.
Le couvert était mis, une nappe éblouissante recouvrait la
table en fer à cheval, et des parfums de viande rissolées et de
compotes s’exhalaient du guichet de l’office.
Dans quelques instants les sœurs de l’hôpital allaient défiler
par la petite porte basse dissimulée dans le lambris. J’aurais
voulu assister à ce décoratif spectacle, mais je me gardai d’en
demander l’autorisation à mon obligeant guide, la trottinante
prieure : j’avais appris que jamais un homme non tonsuré
n’était entré au réfectoire pendant les repas. Je sortis en
notant cette maxime imprimée sur la porte et qui me paraît
être plutôt un conseil... utile à la bonne digestion :
L’âme profite dans le silence...
MOBILIER DE STYLE
Le cloître du rez-de-chaussée est surmonté d’une galerie
qui communique avec les locaux du premier étage.
Eclairé par les minuscules carreaux d’antan, ce couloir
chaulé et plafonné d’épaisses solives enfumées est décoré de
six armoires en chêne, sortes de bahuts élevés sur quatre
pieds et dont la composition ornementale est remplie de
caractère et d’originalité.
Les panneaux de ces meubles typiques, ainsi que toute
l’ornementation qui concourt à leur physionomie, offrent un
des plus beaux échantillons que j’ai vus des merveilleuses
sculptures sur bois exécutées au moyen-âge. Cette étonnante
série de meubles de style serait évidemment l’héritage le plus
précieux qui aurait été légué au couvent-hôpital par les occu-
pants d’autrefois, si cet établissement ne possédait des archives
de la plus haute curiosité.
LES ARCHIVES DE L’HOPITAL
Les vélins et les parchemins historiques conservés à l’hô-
pital de Lessines fourniraient évidemment le plus intéressant
sujet d’étude aux érudits de l’école des chartes. Ces manuscrits
aux tons d’ivoire, sur lesquels tranchent joliment les grands
cachets en cire et les rubans effilochés qui les retiennent, évo-
quent dans ce lieu, par leur aspect, leur style, la forme des
lettres, tout un monde d’ancienneté. On s’attend à voir appa-
raître à quelque porte du manoir un riche seigneur du moyen
âge, monté sur un lourd destrier tout caparaçonné, suivi de
ses gens d’armes et précédé d’un héraut sonnant une fanfare.
J’ai remarqué dans le tas de parchemins une missive de
Marie-Thérèse, « par la grâce de Dieu impératrice douairière
des Romains, reine de Hongrie »... — les titres de cette sou-
veraine remplissent toute une page — ayant trait à un pâturage
que ses « chères et bien-aimées, les prieures et les religieuses
de l’hôpital de Notre-Dame de Lessines », avaient manifesté
l’intention d’acquérir.
Le cachet en cire qui est annexé à cette lettre est grand
comme la main; il est fondu dans une boîte en métal. Ce sceau
géant qui retrace le portrait de Marie-Thérèse assise sur son
trône a des préciosités d’exécution ravissantes.
On conçoit tout le charme que les spécialistes éprouve-
raient dans la contemplation de ces raretés.
UNE FERME DU MOYEN AGE
Les salles de l’hôpital et leur mobilier ne diffèrent en rien
des installations similaires existant en province. Cet établis-
sement créé il y a six cent cinquante ans renferme encore une
autre curiosité archéologique : une ferme dont la construction
parfaitement conservée décèle son origine moyenâgeuse.
La lourde tour carrée qui occupe le milieu de ce curieux
bâtiment rappelle la robuste silhouette des clochers romans.
La partie supérieure de cette tour est occupée par un pigeon-
nier dont l’installation est très différente de celle adoptée par
les colombophiles modernes.
Telles sont les notes que j’ai cru intéressant de soumettre à
nos lecteurs. Qu’il me soit permis de remercier M. le bourg-
mestre Scaillet, qui a consenti à me guider dans ma visite à
travers les souvenirs d’antan accumulés dans l'antique et
mystique hôpital de Lessines.
(La Réforme.) Champal. |