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194$. — N’SMU
ANWEKS, Dimanche 30 Décembre.
Quinzième Année.
LE PRÉCURSEUR
On a’ab.nne :
A Anvers au bureau du Précurseur,
Bourse Anglaise, N° 1040, en Belgi-
que et à l’étranger chez tous les Di-
recteurs des Postes.
Journal Politique, Commercial; Maritime et Littéraire,
30 Décembre.
AMS AU PUBLIC.
ÏÏjC» personnes qui s'abonneront an PKECIJR§EVI!|iotir
te prochaitt trimestre , recevront le journal gratuite-
ment à partir de ce jout• jusqu'au t' janvier.
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Marchande Mtelgc au 31 décembre 1940*
De la guerre, de l’armée et de la garde civique.
TROISIÈME ARTICLE.
Après les considérations que nous avons présentées,
nous aborderons l’ouvrage même de M. Brialmont. En
partageant les idées et les principes, nous ne pouvons
en quelque sorte faire autre chose qu’analyser les cha-
pitres les plus importants, et en conseiller la lecture.
Après avoir fait justice des calomnies dont l’armée a
pu être et n’a été que trop souvent l’objet; après avoir
prouvé par de nombreux exemples, de beaucoup des-
quels nous avons, tous tant que nous sommes, été té-
moins, quels services elle était appelée à rendre dans
une société bien organisée, tenant à demeurer telle;
après s’être attaché à réfuter par de solides raisons ce
qui s’est dit au sein du Congrès de la paix et à Bruxelles
et à Paris, par des hommes aux excellentes intentions
desquels on ne peut que rendre hommage, mais qui
poursuivent une chimère, en croyant réaliser le beau
rêve d’une paix générale et perpétuelle, l’auteur pose en
fait que la guerre est inévitable, comme conséquence et
consécration d'un droit qui dérive lui-même du droit de
propriété. Il cite à l'appui les paroles suivantes de Mon-
tesquieu quidit : « La vie des lïlats est comme celle des
hommes ; ceux-ci ont le droit de tuer dans le cas de
défense naturelle; celles-là, de faire la guerre pour leur
propre conservation. » Il développe très bien cette
thèse; puis, pour arriver à la même conclusion, il entre
dans un autre ordre d'idées-
« La guerre, dit-il, est le résultat naturel de l’inéga-
lité qui se manifeste sous toutes tes formes dans la na-
ture : inégalité de condition, de force et d’aptitude!
donc elle existera tant qu il y aura des grands et des
petits, des riches et des pauvres, des forts et des faibles,
des bons et des méchants, des oppresseurs et des oppri-
més, c’est à dire, tant qu'il y aura une société et des
hommes. * — La guerre aux yeux du penseur et de
l’homme d’Etat, ajoute-t-il, est un incendie moral pro-
duit par les passious humaines, comme la foudre est un
incendie physique produit par l’électricité du Ciel. Vou-
loir supprimer n’importe laquelle des deux,c’est vouloir
l’impossible.
Nous recommandons ce chapitre, qui est le 5° du vo-
lume, à l’attention des lecteurs.
Dans le 6% M.Brialmont soutient à l’aide de déductions
très logiques et de bons arguments que l'arbitrage ne
peut remplacer la guerre, comme l’ont prétendu plu-
sieurs membres des Congrès de la paix ; et il a raison.
L’arbitrage n’est que l’exception,qui se produit en cer-
taines circonstances données, comme nous en avons été
témoins, depuis vingt ans, mais la guerre est la règle
éternelle, ainsi que nous l’enseigne l’histoire de tous les
siècles et de tous les peuples.
Dans les deux suivants, l’auteur traite de la nécessité
des armées permanentes, au double point de vue de l'or-
dre intérieur ou de la paix sociale, et de la défense, en
raison de ses forces, contre une agression venant de
l’étranger.
Cette nécessité n'est que la conséquence forcée du
principe posé ci-dessus et démontré vrai par l’expérience
de tous les temps. Dès lors que la guerre est la règle
éternelle, il est clair comme le jour que l’entretien d'ar-
mées permanentes doit être une règle du même ordre,
chez les nations civilisées: — chez celles qui ne le sont
{>as, tout le monde est guerrier, en d’autres termes, tout
e monde est soldat.
Voici ce qu'écrivait à ce sujet un publiciste célèbre,
Henri Fonl’rède: « Au milieu de ces îlots agités eu sens
contraire,sur cette mer humaine sans rivages et sans
fond, d’où s’élèvent, en concert furieux, tant de millions
de voix plaintives ou irritées, ce sont de bien miséra-
rables politiques que ceux qui veulent s’en remettre de
la transformation sociale à l'instinct naturel des masses
populaires qui se heurtent. Ce sont de bien misérables
politiques que ceux qui veulent ôtera la puissance pu-
blique ses moyens armés de répression intérieure'et de
défense extérieure. Ce sont de bien misérables politi-
ques que ceux qui ne voient pas que l’intelligence mo-
rale qui prédomine, pour le bien de tout, la direction
gouvernementale des peuples,serait impuissante et vaine,
aujourd’hui plus que jamais,si on ne lui laissait en main
un moyen infaillible et prompt d’empêcher le choc des
rivalités contraires et de comprimer, dès leur naissance,
les hostilités innombrables que le progrès général ren-
contre à chaque pas dans les passions individuelles qu'il
soulève, »
Voilà près de quinze ans que s’exprimait ainsi le ré-
dacteur en chef du Mémorial Bordelais, qui s’était alors
élevé à la hauteur des feuilles les plus considérables,sous
le rapport du crédit et de 1 influence politiques. Est-ce
que les événements qui se sont produits depuis cette épo-
que , sur presque tous les points de l’Europe, ne sont pas
venus offrir cent preuves qu'tlenri Eonfrèdeavait raison
de tenir un pareil langage ? Hélas! ils n’en ont fourni
que trop, et c’est dès le lendemain que l’on voudrait af-
faiblir l’armée à tel point que la désorganisation en se-
rait la conséquence inévitable dans un temps peu éloi-
gné! — Ce serait là, dirons-nous avec ce publiciste,une
bien misérable politique.
On allègue, il est vrai, que la garde civique est là et
que l’on pourrait en substituer une partie à l'armée. —
C’est une thèsè qui n’est pas soutenable, dont nous
avons, pour notre part, fait justice déjà, et M.Brialmont
s’est vraiment donné trop de peine, lorsqu’il a, pour
combattre une telle prétention, cherché des exemples
dans tous tous les siècles et dans tous les pays. Ce qu'il
dit à ce sujet peut instruire beaucoup de gens, mais il
n’en avait pas besoin pour persuader. La garde civique
elle-même eri est la première convaincue, parce qu elle
sait que son rôle n’est nullement celui-là; elle connaît la
mesure de ses forces, tout aussi bien que celle de ses
devoirs.
Nous terminons ce travail par quelques lignes qui
nous semblent parfaitement ramener la question à son
véritable principe.
Fait» — Liberté — Progret»
« On serait, je pense, dit M. Brialmont, bien près de
s’entendre sur la nécessité d’un état militaire respecta-
ble, si l’on voulait convenir franchement :
1° Qu’une armée est aussidenle que difficile à former
que prompte et facile à désorganiser ;
2“ Qu’une armée désorganisée est, non seulement im-
puissante, mais dangereuse ;
3“ Qu’un Etat neutre désarmé ou faible va droit à
l’encontre du but de son érection, devient par consé-
quent nuisible et doit périr ;
4° Que tout peuple qui n’est pas menacé peut l’être,
comme le plus beau jourest sous la menace d’un orage;
5° Enfin, que les traités, les manifestes, les protesta-
tions amicales, et toutes ces marques d’intérêt ou d'affec-
tion que les gouvernements se prodiguent et auxquelles
certaines personnes attachent une si grande importance,
n’offrent en réalité aucune garantie. »
Il n’y a pas une de ces considérations qui ne nous
paraisse digne d’être très mûrement pesée.
Marée. — Mesures de précaution.)
Quelque rassurants que soient les renseignements que
nous sommes heureux de pouvoir publier, concernant
les craintes qu’inspiraiil’élévauon de la marée, nous ne
croyons pas inutile, pour tranquilliser les riverains de
l’Escaut et les négociants, de dire que des mesures de
précaution ont été prises, dans le cas où la-marée de la
nuit prochaine et celle de demain, annoncées comme
devant être des plus fortes, le seraient effectivement.
La commission de l'entrepôt, en son particulier, n'a
rien négligé, pour mettre à l’abri de tout événement les
marchandises placées, tant dans le hangar du petit bas-
sin que dans l’entrepôt même. Comprenant que c’était
sauvegarder les intérêts du trésor, en même temps que
ceux du commerce qui a été vivement alarmé, elle n'a
pas hésité à faire exécuter des travaux. Cette résolution
qui témoigne son zèle aura bien certainement l'appro-
bation générale et celle du gouvernement ne lui man-
quera pas. La dépense ne sera, dans tous les cas que
minime, en raison des dommages que l’on eût été ex-
posé à subir,si les accidents annoncés comme éminents,
se fussent produits : ce qui ne dépendait que de l'état
atmosphérique.
On ne peut que lui savoir gré de sa sollicitude.
Hier, le sénat a adopté le budget des voies et moyens, un
projet de loi relatif au service provisoire du caissier de l’Etat
et un projet de loi interprétatif du décret de A 791 relatif aux
délits ruraux. Le sénat a accordé deux grandes naturalisa-
tions.
La chambre a adopté hier le projet de loi accordant au
département des travaux publics un crédit provisoire do
1,323,172 francs ; un projet de loi accordant un crédit de
45,700 fr. au département des affaires étrangères, et le traité
de navigation et de commerce entre la Belgique et la France.
La chambre s’est ajournée au mardi, 15 janvier, à deux
heures.
- Fabrication des toiles dites Russias.
Le crédit supplémentaire de deux millions demandé par
le projet de loi que M. le ministre de la justice a présenté à
la Chambre dans sa séance du 20 décembre, a pour objet de
donner à la fabrication des toiles destinées à l'exportation,
tout ie développement que comporte l’extension du débouché
que ces toiles ont trouvé.
Tomme l’intention du gouvernement n’est pas du tout de
se constituer un monopole, que c’est seulement une voie
qu’il ouvre à l’industrie et au commerce, il livre à la publi-
cité tous les renseignements recueillis sur cette fabrication,
et ses résultats. Ces renseignements sont résumés dans l’ex-
posé des motifs suivants :
Messieurs,
Le travail des détenus dans les prisons a soulevé naguère des erili-
ques et des réclamations de plus d’un genre ; on l'accusait de faire
une concurrence au travail libre, de déprécier les salaires et de con-
tribuer particulièrement à.aggraver la situation des ouvriers adonnés
à l’industrie linière.
Cependant le gouvernement n’avait pas attendu c|ue ces réclama-
lions fussent portées devant les Chambres pour s'enquérir de leur
fondement et aviser aux moyens d’y faire droit, le cas échéant.
Spontanément il a réduit considérablement la quantité des fournitu-
res de toiles pour l'année, restitué à l’industrie libre quelques bran-
ches de fabrication assez importantes, telles que la confection des
brosses, des shakos, des buffleteries et des objets de passementerie
militaires.
D’un autre côlé, pour venir en aide à la situation malheureuse de la
filature à la main, H a fait des approvisionnements considérables de
fils qui lui ont été fournis par les comités industriels des deux Flan-
dres. Dans le but enfin d'ouvrir de nouvelles voies au travail natio-
nal, il a procuré toutes les facilités pour l'organisation dans les mai
sons centrait s d’ateliers d’essai. Ces ateliers ont puissamment con-
tribué à propager au dehors de nouvelles industries qui paraissent
aujourd'hui complètement naturalisées dans le royaume.
En même temps, l’administration instituait une enquête qui pût
servir à faire apprécier la nature et l'importance des industries exer-
cées dans chaque maison cenlraledeidélention, le.nombre de métiers,
la nature des débouchés, le taux des gratifications accordées aux
prisonniers comparé aux salaires des ouvriers du dehors, etc. Les ré-
sultats de celte empiète furent consignés dans un rapport pour êire
soumis à une commission nommée par arrêté royal du 22 mars 1818.
Cette commission, à la suite d'un examen approfondi des questions
qui lui avaient été posées, émit l'avis que, tout en maintenant com-
me base essentielle du travail dans les prisons, lis fournitures à
faire au département de la guerre et aux autres administrations pu-
bliques, il convenait d'aviser aux moyens de substituer, autant que
possible, aux travaux actuels, des industries nouvelles dont les pro-
duits seraient principalement destinés à l’exportation.
Conformément à cet avis, l’administration mil tout en œuvre pour
réaliser la réfor me proposée. Elle adressa un appel dans les jour-
naux aux industriels en leur faisant connaître les conditions auxquel-
les ils pourraient êire admis à occuper les bras des détenus dans les
prisons. De leur côté, les commissions préposées à la surveillance
de ces établissements s'empressèrent de prêter leur concours à l'ad-
ministration supérieure, et grâce à ces efforts combinés, quelques
ateliers se sont organisés où s’organisent en ce moment d’après les
bases posées dans le rapport du 19 avril 1848.
Envisageant la question d’un point de vue plus large encore et
plus élevé, la commission de la maison de correction de Saint-Ber-
nard, après avoir interrogé la constitution actuelle de l'industrie li-
nière en Belgique,ses défauts et ses lacunes,proposa au gouvernement
de prendre à cet égard l’initiative d'une réforme qui devait profitera
la fois au travail des prisons et au travail libre. S'étayant sur ce fait
que les fils de nos filatures étaient cotés à des prix proportionnelle-
ment plus élevés pour les numéros communs et intermédiaires que les
fils similaires anglais, la commission s’étail demandé s’il ne convenait
pas, pour rendre la lutte possible sur les marchés extérieurs,
de provoquer la modification de nos lois douanières relativement à
l’entrée des fils étrangers.Cet te mesure lui paraissait rationnelle,mais
il fallait, pour l’obtenir, qu’une démonstration pratique eût prouvé
l’exactitude des déductions théoriques qui l’avaient amenée à Cette
conclusion. Elle demanda donc au gouvernement de l’autoriser à faire
venir d’Ecosse des fils dont les droits eussent été payés et reçus par
lui, ce qui rétablissait l’équilibre, et d’en fabriquer des toiles exclusi-
vement destinées à l’exportation, de manière à ne faire aucune con-
currence à l’industrie du pays. Cet essai pouvait d'autant mieux réus-
sir, qu’une des causes de la décadence de l’industrie linière est le
défaut d'uniformité de sis produits provenant d’un manque d’orga-
nisation. Dans lesprisons.au contraire, existaient des ateliers bien
montés, une direction intelligente, un travail uniforme, et sous ce
rapport on pouvait entrer immédiatement en concurrence avec l’é-
tranger. Le fil revenant, â peu de chose près, au même prix puur le
tisserand anglais et belge, et le salaire de ce dernier étant notable-
ment inférieur, la balance se rétablissait en notre faveur.
Déterminé par ces motifs, le gonvernemenl autorisa la commission
de. Saint-Bernard à procéder à l'essai dont il s’agit. Les premiers
travaux datent du mois de mai 1848; depuis celte époque jusqu’à Ce
jour, l’entreprise grâce au zèle et à l'intelligente direction de la
commission et du directeur de rétablissement, a acquis un dévelop-
pement de plus en plus large; aujourd'hui les espérances sont deve-
nues des réalités, et une nouvelle voie semble définit ivemenl ouverte
au travail national.
Indépendamment de l’emploi du fil écossais, la com mission s’a-
dressa aux filateursdu pays, pour se procucer, si possible, des lits
semblables à ceux des (Dateurs étrangers. Afin de leur faciliter la
concurrence, elle leur proposa une augmentation de prix de 10 p c.
sur les qualités de fils à fournir. Mats celte augmentation, en ce qui
concerne les frais de fabrication . n’est en réalité que de 3 p. c. le
fret, l’assurance et la commission eraporlant 7 p. c. sur les fils ache-
tés en Ecosse.
Malgré des comblions favorables, un seul filateur répondit d’abord
à cet appel; depuis, et successivement de nouvelles offres parvinrent
à l'administration, et peu à peu les prix belges s'abaissant au niveau
des prix écossais, on est parvenu à une sorte d’égalité qui associe in-
timement les filatures du pays a i succès de l’entreprise. Actuelle-
ment. les prix moyens des fils n° 10, employés à la fabrication des
toiles Russias, non compris les droits, sont, par kilogramme !
Fr. 1 51 50 pour le fil de lin d'Ecosse ;
1 56 42 id. id. de Belgique :
1 43 38 id. d’étoupe d’Ecosse ;
1 37 21 id. id. de Belgique.
Ces prix son! calculés en y comprenant, pour les fils écossais, les
frais de commission, de fret et d’assurance dont les fils belges sont
affranchis, ce qui constitue en faveur de ces derniers la prime dont il
a été question plus haut. Enfin de compte, on voit que, s'il y a une
légère différence en plus sur les fils de lin belge, par compensation
il y a une différence correspondante en moins sur les fils d’éloupe.
Les fils indigènes sont fournis par cinq filatures aux mêmes condi-
tions. La quantité des fils à la mécanique, mise en œuvre à Saint-
Bernard, s’élève actuellement à environ 52 000 kilogrammes par
mois, chiffre correspondant au lissage de 2,000 pièces de toiles dites
/tussios d’environ 70 mètres par pièce en deux coûtions. Le fil â la
main n’ayant servi jusqu’à présent mi’à certains tissus pour des es-
sais de peu d'importance, son emploi ne peut figurer ici que pour
mémoire. Cependant il en a été employé, depuis le commencement de
l’opération , 9448 kilogrammes , représentant une valeur de fr.
22 555-66.
Les essais de fi's à la main seront continués de manière à vérifier
définitivement s'il y aurait possibilité de les combiner avec le fil à la
mécanique pour la fabrication de certaines espèces de toiles destinées
a l'exportation.
La maison de Saint-Bernard a reçu depuis le mois de mai 1848
jusqu'au l« octobre 1849 :
621 909 kil. de fil mécanique. . . . {( £upe “‘v0®'
Représentés par :
422.102.50 kilog. de fil écossais. . j I
199.806.50 kilog. de fil belge. . . . j ^upe )
L’achat de ces fils a occasionné une dépense de fr. 1,029.513 86.
Dans celle somme est comprise celle de fr. 111,497-81 représentant
la quotité des droits d’entrée. Abstraction faite de celle dernière
somme, b-s fils achetés représentent une valeur réellement déboursée
de fr. 918,016-03.
Ces fils sont manipulés et préparés à Saint-Bernard. Les ateliers
établis à cet effet ont été organisés de manière à satisfaire à tous les
besoins; pour apprécier leur importance, il suffira de dire que
les frais de fabrication de toiles, depuis le commencement de l'opé-
ration. indépendammentdu prixdesfils, se sont élevés à fr. 159,037.06.
Le crémage des fils seul a coûté fr. 65,143 44, le blanchiment fr.
5 627-05, le calandrage fr. 6,525-35, le transport fr. 6.709, etc.
Le tissage des toiles destinées à l'exportation avait d’abord étécir-
conscrit dans la maison de correction, mais les commandes n’ayant
pas tardé à déliasser les moyens de fabrication dont pouvait disposer
la commission, celle-ci n’hésita pas à proposer au gouvernement
d’associer à cette fabrication les tisserands libres des Flandres.
D’après le rapport transmis à l’appui de cette proposition, toutes
les opérations préparatoires de débouillage, de crémage, d’assortis-
sage, de bobinage, d’ourdissage, jusqu'au lissage exclusivement,
devaient continuer à se faire dans la maison de correction de Saint-
Bernard. En opérant sur des masses et à un prix de main-d’œuvre ré-
duit, on était en mesure d'obtenir une grande économie, et les opé-
rations délicates du débouillissage et du crémage étant faites sous la
surveillance d'un homme spécial, on obtenait une nuance uniforme
et on ne risquait pas de détériorer le fil, comine Cela arriverait in-
failliblement si elles devaient être exécutées par des tisserands, opé-
rant individuellement en ne connaissant pas assez la force des agents
chimiques à mettre en œuvre.
Le gouvernement s'empressera de donner son consentement à une
mesure qui devait contribuer au soulagement des tisserands flamands
en relevant les salaires qui avaient subi une baisse continue depuis
quelques années,
Dès le mois d’août 1849, le nombre des ouvriers libres occupés au
tissage pour compte de la maison de Saint-Bernard s élevait à 1,200
environ, répartis dans les communes suivantes :
D<-ynze..................... 450 Waereghem................... 60
Thielt...................... 150 Ruinbeke ................... 20
Boulera................... 150 Haeltert ................... 20
Belh m....................... 75 Alost...................... 100
Ouckene...................... 20 Courtrai.................. 60
Lendelede.................... 20 Uurnhem.................... 75
Total........... 1,200
D’après les derniers relevés, 3,689 chaînes étaient réparties entre
les divers agents associés à l'opération et la commission directrice
estimait que plus de t,500 tisserands libres étaient employés au tis-
sage des toiles pour compte de la maison de Saint-Bernard.
» Il est avéré, dit-il dans son rapport du 15 novembre, qu'un tisse-
» rand ordinaire, travaillant assidûment et sans s’appliquer à d'jti-
» 1res travaux, petit finir une pièce de toile russias en une semaine.
• Il y a même des tisserands qui font une pièce en quatre et cinq
• jours, mais ceux-là forment l’exception. »
Kous payons mainlenant'f r. 7-25 par pièce,plus fr. 0-75 pour l’en-
tretien des rots et lames, ce qui fait ensemble 8 francs. La personne
ijui est chargée de faire travailler relient 1 franc par pièce pour frais
desurveillance et de responsabilité de la matière première qui lui est
confiée, ainsi que les 75 centimes pour l'entretien des rots et lames si
elle les fournit au tisserand.sinon cette dernière indemnilé est payée à
l’ouvrier. Ainsi un tiss<rand reçoit pour tissage d’une pièce de toile
de 76 yards, fr. 6-25. Nous avons payé pendant les neuf premiers
mois de cetle année fr. 54 030-76, pour salaires aux ouvriers qui tra-
vaillent au dehors.
D’après nos prévisions, nous comptons que le travail que nous
pourrons leur procurer pendant les mois d'hiver sera le double de ce
lui des mois d’été. Si nous parvenons à faire lisser par les ouvriers
libres 25,000 pièces (50,000 coupons) pendant l’année prochaine, no-
tre fabrication répandra dans le pays pour !c lissage seul, 200,000 fr.
qui, en définitive, viendront, moins la part qui est retenue pour frais
de surveillance, en déduction des secours de toute nature que le gou
vernement, les communes et les bureaux de bienfaisance accordenl
aux ouvriers nécessiteux Outre ce bienfait, il y a encore les effets
moraux qui résultent de l'occupai ion du travailleur.
Parmi les résultats de l’opération dont nous venons d'indiquer les
bases, on peut citer les suivants :
1» La solution du problème qui consiste à employer utilement les
bras des prisonniers sans faire concurrence à l’industrie libre a fait
un progrès important. Si tous les détenus tisserands des maisons ccn
traies ne travaillent pas encore pour l’exportation, c’est que l'admi
nistralion, dans le but de venir en aide à la situation des tisserands
des Flandres, les a spontanément associés aux bénéfices de son en-
treprise.
2» Des indications précieuses ont été données pour la réorganisa-
tion de l’industrie linière belge; on a acquis la preuve de l’utilité
d'une direction large et intelligente et de l'avantage de centraliser
autant que possible, les manipulations qui précèdent le tissage. Dans
les commencements, la maison de Saint-Bernard pour répondre au
désir de ses correspondants et faciliter le placement de ses produits,
avait dû se résigner à y apposer une marque étrangère; mais du
moment que la bonté des toiles sorties de sa fabrique a été reconnue,
lis expéditeurs ont exigé eux mêmes l'apposition d’une marque spé-
ciale qui servit à constater leur origine véritable.
AlMneasat par Trlmeatre.
Pour A avers................fr. 12 50
» la province franc déport. » 15
> la France,l’Angleterre et
la Hollande. . . . a 15
Insertions 25 c.1 la 1 igné. Réclames 50.
Celte marque légitimas des Flandres contribuera sans doute à ré-
habiliter sur tes marchés coloniaux et particulièrement à la Havane,
les toiles flamandes qui y étaient tombées dans un véritable discrédit.
L'administration doit insister sur celle condition essentielle au
progrès et à la consolidation des relations qui viennent d’éire si heu-
reusement rétablies avec les pays étrangers : la loyauté la plus stricte
dans l'exécution des fournitures peut seule commander la confiance
des acheteurs. Aujourd’hui la maison de Saint-Bernard c-pi die di-
rectement aux colonies des quantités importantes de produits pour
compte de maisons d Europe qui n’ont pu les apprécici que sur échan-
tillons. On comprend que si ces expéditions laissent a désirer tant
sous le rapport de la qualité des toiles que sous celui de l'uniformité
des assortiments, les plaintes qui ne pourraient manquer de surgir
porteraient une atteinte profonde et peut-être irréparable à l'entre-
prise... A ce point de vue, il est à désirer, dans l'intérêt général, que
l’administration, tout en favorisant la participation de l’industrie !itire
aux bénéfices de celle entreprise,continue néanmoins son œuvre pour
servir en quelque sorte de guide, de régulateur, et de cunlrôle aux
opérations similaires des fabricants particuliers
5» Grâce aux essais qui ont été faits, nous avons l’espoir d’intro-
duire et de naturaliser en Belgique, la fabrication de nouveaux gen-
res de 1 issus liniers, susceptibles d’un grand débouché. Dès l'année
prochaine, la commission qui avait limité jusqu’ici ses opérations aux
tuiles dites Russias. a pris des mesures pour livrer à l'exportation
des toiles connues sous le nom de Listados.Osoabruck.Coletas,Gantes,
cl Brabantes rayés.
D’assez Importantes commandes de ces divers tissus sont déjà par-
venues.! la maison de Sl-Bernard. et les nouveaux crédits demandés
pour 1819 et 1850 sont eu partie destinés à subvenir aux frais de leur
fabrication.
4» En associant les ouvriers libres au tissage pour l’export dion,
l'administration contribue à propager l’emploi des bonnes méthodes
et des perfectionnements qui seuls peuvent ranimer l’industrie li-
nière et lui imprimer un nouvel élan.
D'après les renseignements qui lui sont parvenus, l’usage de la
navette volante se répand incessamment; les toiles qui laissaient d’a-
bord à désirer sont aujourd’hui généralement satisfaisantes et le tis-
sage proprement dit atteint déjà un degré assez haut de perfection-
nement pour pouvoir lutter avec avantage avec le tissage à l’étran-
ger.
De même qu’en Angleterre, les femmes et les enf ants commencent
se mettre au métier. Bécemmenl un journal des Flandres, !’ƒ/»-
partial de Bruges, signalait ce fait à l’attention publique : « L’ate-
• lier de .bendelede s’occupe delà confection des toiles diles Rus-
» siat, et emploi uniquement au tissage, des garçons de 12 à 15 ans
i qui, avant leur entrée à l'atelier, se livraient presque tous au va-
* gaboudage. Nous savons qu’il y a des enfants de 14 à 15 ans qui,
» par leur zélé el les progrès, sont parvenus à être les soutiens de
• ieuis familles.»Ce atelier travaille pour la maison de Sl-Bernard et
les produits sont généralement satisfaisants.
5» L'emploi des ouvriers flamands par la maison de Saint-Bernard
produit en général un excellent effet moral, et il a déjà eu pour con-
séquence de relever le salaire des tisserands.
Les fabricants ne peuvent plus les faire travailler pour 30 à 40 cen-
times par jour, alors que les ouvriers occupés par la commission de
l’établissement gagnent de 80 centimes à 1 franc. C’est ainsi que lu
concurrence même sur une petite échelle, a toujours un résultat utile;
dans cetle circonstance elle mettra, il faut du moins l’espérer, un ter-
me à une exploitation qui devait empirer de plus en plus la situation
des ouvriers liniers.
On a encore eu à combattre un usage presque généralement intro-
duit, et qui a considérablement contribué à aggraver la position des
ouvriers. Il s’agit du payement des salaires en nature. Lorsqu’un tis-
serand rapporte sa pièce de toile et demande sa rémunération qui se
monte par exemple à 6 francs, on lui donne 25 ou 50 centimes en nu-
méraire, et le reste en pain, en beurre, en objets d habillement ou
de chaussure, dont souvent il n’a pas besoin el qu’on lui porte en
compte à un taux usuraire. Son salaire, qui, par suite de la crise ré-
gnant encore dans l’industrie linière, est déjà très atténué, subit par
ce procédé une réduction équivalente à ptusd’un tiers La commission
de Saint-Bernard a eu . dans les commencements, beaucoup de
peine, à supprimer cet abus. Ce n’a été qu’en se montrant inexorable
sur la condition du payement en arg'-nt qu’elle est parvenue à y met-
tre un terme. Celle condition est aujourd'hui strictement observée et
elle ne tardera pas sans doute à faire loi pour tous les fabricants et
entrepreneurs particuliers.
6* L’administration en prenant la résolution de faire usage de fils
étrangers, à défaut de pouvoir se procurer en Belgique des fils simi-
laires à des conditions suffisamment favorables, loin de nuire à la
filature indigène, lui a au contraire apporté un utile stimulant en
lui ouvrant la voie d’importants débouchés.
Voici comment s’exprimait à cet égard la commission delà maison
de Saint B rnard dans un rapport du tl mai L848 : » La mesure que
» nous avons proposée (la confection des toiles Russias avec du fil
» mécanique), ne froisserait pis les intérêts de nos fi aleurs ; au
» contraire, plus la consommation du pays sera grande, plus la de-
» mande de fil sera considérable, plus ils auront de chance de déve-
» lopper leur production, d’agrandir leurs établissements et de ni-
• veter ia différence qui peut encore exister entre nos filatures et
» I s filatures britanniques.
» Due consommation considérable de fil anglais prouverait aux
• (Dateurs belges qu’il y a pour eux une belle conquête industrielle
» à faire, et les déterminerait à tenter des efforts pour améliorer les
» produits de leur fabrication. Probablement alors parviendront-ils à
» produire au même prix que l’Angleterre, il est à espérer aussi
» que l.i production ayant une tendance naturelle à se rapprocher
» de la consommation, que celle extension de l’emploi des fils à la
• mécanique engagera les filaleurs anglais à s’établir en Belgique
» où ils pourront produire plus économiquement, s’affranchir des
» frais de transport el de commission et trouver un débouché assuré.
» Il est incontestable qu’il y alitait plus d’avantages pour le pays
• si les toiles exportées étaient fabriquées avec du fil indigène ; mais
» malheureusement la condition sine quà non de l’exportation est la
» bon marché des produits, et c’est précisément parce, que nos toiles
» tissées avec du fil du pays reviennent trop cher que. nous u’expor-
• tons pas et que les Anglais nous oïl enlevé nos anciens débouchés,
» Quanti on ne peut avoir le plus il faut savoir se contenter du moins,
• Si nous ne sommes pas en position de nous approprier le bénéfice
» de la filature, emparons-nous au moins de celui du tissage. Ne
> nous préoccupons pas des avantages que peut retirer l'étranger de
» la mesure proposée, ce n'est pas là une raison d’y renoncer pourvu
» que nous y ayons notre part, el lâchons de la rendre la plus gran-
t de possible. Le lissage est d’ailleurs aujourd'hui la principale in-
t dostrie des Fiandres, c’est celle des chefs de famille, el l'exporta-
• lion des toiles dans les pays d’outre mer peut lui donner un tel
• développement que l’on serait dans le cas d’employer les femmes
» et les enfants à la fabrication d’étoffes légères on de tissus grossiers,
» tels que toiles à sacs et d’emballage. »
Depuis la date de ce rapport, les filaleurs belges ont réfléchi, et
comme nous l’avons vu, ils se sont mis peu à peu en mesure de satis-
faire aux conditions équitables qui leur avait été posées; aussi la
commission, dans son rapport du 15 novembre dernier, écrit-elle
que si elle ne revient plus sur la question des prix des fils indigènes
comparés aux prix des fils étrangers, c’est qu’elle considère celte af-
faire comme désormais .‘tors de discussion u Noos avons, ajoute-t elle
» fait un appel à toutes les filatures mécaniques du pays pour connai-
» Ire leurs offres et les conditions des fournitures qu’elles voudraient
• nous faire pour nos besoins de 1850 Ce n’est qu’après avoir défi-
» nilivement contracté avec elles, el dans le cas seulement où elles
» ne pourraient accepter la totalité de nos commandes,que nous nuits
« adresserions à l’étranger pour le complément qui nous serait né-
» cessaire ? »
Constituée sur les bases que nous venons d'indiquer, l’industrie
nouvelle dont la maison de, Saint-Bernard est devenue le centre et le
principal moteur, a toujours, depuis son origine, été en progressant.
D’après les renseignements communiqués à la Chambre des Repré-
sentants dans sa séance du 27 avril 1849, à l’appui d’une demande de
crédit supplémentaire pour alimenter les ateliers destinés à la fabri-
cation des Russias, il avait été vendu pour l’exportation, pendant les
derniers mois de 1848 et les deux premiers mois de 1849, 950 pièces
de 70 mètres, soit 1,900 coupons de 75 à 38 yards de longueur. Au lr
novembre suivant, l’exportation totale s’élevait à 16 651 pièces re-
présentant une somme de fr. 471.603 10, et donnant un bénéfice net
de fr. 49,928 93 Dans son rapport, à l’appui du compte sommaire
qu’elle a transmis au gouvernement, de ses opérations jusqu’à cetle
époque, la commission de Saint-Bernard s’exprime en ccs termes :
« Le développement que prennent nos opérations prouve suffisam-
• ment que toutes nos prévisions se réalisent, et nous nous bornons à
» dire que notre fabrication est déjà assurée pour l’année prochaine
> et dans une proportion au moins trois fois aussi forte, et en tous
» les genres de toiles, que pendant la campagne que nous finissons. >
Dans cet état de choses el vis à-vis d’un succès aussi prompt et
aussi complet, on a soulevé la question de savoir s’il ne convenait
pas de remettre celle industrie aux mains des particuliers ou du
moins de les admettre à participer à ses bénéfices
Consultée à ce sujet, la commission de Saint-Bernard a émis l’o-
pinion, « que l’opération tentée dans les prisons ne pouvait être |