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pas étudié d’une façon convenable la question du chauffage et
de la ventilation.
« Cela n’est pas étonnant, parce que les jeunes architectes
surtout (1) sont peu au courant de cette question toute scienti-
fique qui, vu son importance, devrait être traitée par des spé-
cialistes.
« Quant au mérite propre (2), le jury estime qu’aucun des
deux projets n’est réalisable si on veut satisfaire aux conditions
du programme et atteindre parfaitement le but que la commis-
sion des hospices s’est proposé, mais que le n° 4 peut le plus
facilement servir de base à un nouveau projet. »
,
Chose assez bizarre, le jury place en première ligne le projet
dont il nous paraît critiquer le plus vivement la distribution,
dont l’entrée principale est reléguée dans une rue secondaire,
dans lequel on n’a pas tenu compte de l’article 6 du programme
exigeant que les bâtiments soient à l’abri des inondations, qui
comprend des dortoirs mal orientés et malsains, l’auteur
n’ayant pas prévu des caves au-dessous.
« Les constructions sont gaies, l’auteur en a exclu avec
« talent cette triste monotonie qui affecte (sic) toujours les
« grandes constructions régulières qui rappellent trop les
« fabriques. » Cela suffît. Quant aux qualités ou aux défauts
du plan ce sont là des détails indignes de l’attention de la
plupart des jurys.
A la suite du dépôt de ce rapport qui déclarait qu’aucun des
deux projets n’était réalisable, l’administration des hospices
invita les auteurs des deux projets primés à lui présenter de
nouvelles études! Etant donnée l’importancedes primes, 3,000
et 4,000 francs et les mirifiques honoraires promis par le pro-
gramme en cas d’exécution, elle pouvait s’attendre avoir décliner
cette gracieuse invitation ; mais non, les jeunes architectes seront
toujours des naïfs, les deux concurrents répondirent à son
appel.
L’auteur du projet Anno 4883 changea l’orientation, remania
ses plans sans toucher aux façades et, s’il est parvenu à atté-
nuer certains défauts signalés par le jury, à notre avis, il en a
aggravé d’autres et i! en a fait naître de nouveaux, notamment :
ceux résultant des dortoirs à trois rangées de lits ; d’un escalier
unique par dortoir, ce qui constituerait un sérieux danger en
cas d’incendie ; des réfectoires éloignés de 60 à 70 mètres des
cuisines, des galeries de service hermétiquement closes de toutes
parts devant servir en même temps, ainsi l’indiquent les plans,
de promenoir couvert pour les vieillards ; d’une unique salle de
récréation pour les deux sexes, et enfin de l’insuffisance des com-
munications à l’étage entre les divers bâtiments, ce qui forcera
les surveillants ou les religieuses à descendre et à remonter
36 marches chaque fois qu’ils voudront se rendre d’un dortoir
à l’autre; la directrice, si elle inspecte les dortoirs aussi souvent
qu’il convient, maudira plus d’une fois l'auteur de ce projet.
L’autre concurrent a amélioré les façades qui sont encore
loin d’atteindre au mérite artistique de celles de son adversaire;
il a agrandi les dortoirs du rez-de-chaussée et du premier étage
afin de supprimer ceux du deuxième étage qui présentaient de
très sérieux inconvénients; il a placé les bains au rez-de-
chaussée dans une situation plus centrale; il a isolé la salle des
morts; il a aménagé la brasserie et la buanderie selon les indi-
cations du jury, et il est arrivé ainsi à produire un plan présen-
tant toutes ou presque toutes les qualités hygiéniques, le confort
et les facilités de service désirables, plan auquel nous n’avons
à reprocher que les trop grandes saillies de la chapelle et de
la cuisine sur la cour d’honneur, ce qui nuira considérablement
à l’aspect général de cette cour, et la disposition défavorable
de quelques locaux de très minime importance.
L’administration des hospices n’a pas cru devoir rendre
publique l’exposition de ces derniers projets, et après avoir
appelé de nouveau le jury à se prononcer sur le mérite des
œuvres en présence, elle a choisi pour être exécuté, — vous
le devinez, n’est-ce pas? — le projet aux belles façades enlu-
minées, sans s’inquiéter de l’indiscutable supériorité de la
distribution intérieure de l’autre.
Ici encore, le mérite, incontestable, nous le concédons volon-
tiers, des façades l’emporte, et les qualités des plans sont relé-
guées en seconde ligne; il nous semble cependant, surtout
lorsqu’il s’agit d’un hospice, que les plans ont une importance
beaucoup plus grande que la décoration extérieure; c’est ce
qu’oublient trop souvent les jurys appelés à juger les concours
publics.
Conclusion : Concurrents à venir, assez téméraires pour vous
lancer dans les luttes artistiques où, presque toujours, tout est
réglé d’avance, faites de belles façades et ne vous inquiétez que
fort peu du plan ; si l’on tient àvous confier l’exécution du monu-
ment on l’arrangera toujours bien; c’est si facile de faire un
bon plan d’un mauvais; c’est du moins ce que prétend l’un des
membres du jury d’un de nos récents concours dont on a beau-
coup parlé.
ARCHÉOLOGIE
Mexique. — On vient de trouver dans les forêts vierges, à
4 lieues esp-gnoles de Magdalena, une pyramide mesurant à
sa base environ 4,300 mètres et s’élevant à près de 225 mè-
(4) Et même les vieux ! Tous nous sommes peu au courant de ces
questions, à cause de l’absence d’une école d’architecture dont l’ensei-
gnement soit complet et suffisant à former de vrais architectes.
(2) Propre.?
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1res de hauteur, dont le revêtement est construit en granit
appareillé et taillé avec soin.
Il est probable que cette pyramide remonte à la plus haute
antiquité et constitue le mome:’t d’une civilisation déjà avan-
cée.
La seconde période, en effet, comprend les monuments en
briques, et la troisième, ceux en gravier et en terre.
Il est donc vraisemblable qu’il s’agit d’un de ces édifices cu-
rieux élevés par les ïoltèqu ;s, auxquels on donne le nom géné-
rique de téocallis, et que couronnait le plus souvent un tem-
ple.
Le plus célèbre des monuments de ce genre est la grande
pyramide de Cholula appelée le Cerro, à propos delaquelle la
légende mexicaine rapporte la même histoire que celle de la
tour de Babel racontée par la Bible.
L’art monumental ancien des Toltèques et des Aztèques si
curieux mériterait d’être mieux connu.
France. — La commission des monuments historiques
vient de s’occuper de la question du palais des papes, à Avi-
gnon.
Ce curieux monument sert aujourd’hui de caserne et il est
exposé à des dégradations fâcheuses. Il renferme notamment
des fresques anciennes qui sont menacées de destruction.
Pour sauver ce monument, la commission des monuments
historiques a entamé des négociations avec le ministre de la
guerre, à l’effet d’obtenir qu’il soit consacré à une autre desti-
nation.
D’un autre côté les archéologues parisiens se préoccupent
vivement de la conservation des Arènes de Lutèce, que l’on a
mises au jour rue Monge.
Le Conseil municipal de Paris a bien voté l’acquisition d’un
terrain de 7,000 mètres carrés, sous lequel est enfouie une
partie des arènes ; mais il reste encore à exproprier un enclos
appartenant à la Compagnie des Omnibus et qui contient plus
de la moitié des ruines. L’éminent architecte, M. Ruprich-
Robert, chargé de diriger les fouilles, a fait déblayer la grande
entrée, longue de 3o mètres et large de 6, qui descendait vers
l’arène; les restes des murs encore debout atteignent de 3 à
4 mètres de haut. Lorsque tout sera mis à découvert et res-
tauré, les arènes seront entourées d’un square où seront placés
les chapiteaux, fûts de colonnes et débris de sculpture de l’épo-
que romaine actuellement au musée Carnavalet.
Des Femmes-Architectes
Des esprits évidemment grincheux prétendent qu’en Belgique
la profession est de jour en jour plus encombrée, que les ingé-
nieurs, les entrepreneurs, les... charcutiers même s’intitulent
architectes sans en avoir ni les aptitudes ni les connaissances.
Ils iront jusqu’à citer des ingénieurs des ponts et chaussées qui
s’occupent des questions essentiellement artistiques, des archi-
tectes provinciaux nommés parce qu’ils ont été capitaines du
génie, d’anciens agents d’assurances devenus directeurs de
travaux.
Si ce qu’ils disent est vrai, s’il y a trop d’architectes vrais
ou faux en Belgique, il est probable qu’il en est tout autrement
en Amérique ou en France. Il doit y avoir pénurie d’architectes
au nouveau monde si nous en croyons l’articulet ci-dessous
que nous avons découpé dans un journal quotidien :
« Les femmes ont fini par défoncer les portes de l’école de
médecine; les voilà maintenant en train de donner l’assaut à
l’école des beaux-arts.
« Une jeune Américaine, mistress Laure White, a été reçue
à l’école spéciale d’architecture, dirigée par M. Trélat, D’autre
part, l’on compte déjà un certain nombre de femmes dans
l’industrie du bâtiment comme directrices d’atelier, comme
chefs de maison. Les magnifiques travaux de menuiserie de la
mairie de Passy ont été exécutés parM"e L..., qui est à la tête
d’une des plus importantes maisons de Paris.
« Voilà de nouveaux horizons ouverts à l’intelligence, à
l’activité féminines. »
Après la femme artiste, la femme bas bleu, la femme avocat,
la femme médecin, la femme électeur, il manquait la femme
architecte.
Certes, il ne nous déplairait point de voir la plus belle
moitié du genre humain s’occuper de nos travaux, manier avec
la grâce qui la caractérise le crayon et le tire-ligne; seulement
son rôle s’arrêtera-t-il là? Aurons-nous le véritable plaisir de
la voir diriger les travaux, commander les ouvriers, inspecter
les constructions, monter aux échelles, franchir avec légèreté
les échafaudages branlants et à claire-voie (1)?...
Mais chut! taisons-nous... car nous allons dire des bêtises.
FAITS_ DIVERS
Le conseil communal de Liége s’est occupé, dans l’une de ses
dernières séances, du conservatoire de musique actuellement en
construction.
On a constaté, paraît-il, certaines erreurs des plans et l’in-
suffisance des fondations sur un terrain conquis récemment sur
la Meuse; de plus un grand nombre de murs n’ont pas été con-
(4) Note de la D. — Mais tout cela n’est pas nécessaire : nous connais-
sons bon nombre d’architectes qui ne montent jamais aux échelles ni
sur les échafaudages!... 11 est vrai qu’ils sont si peu au courant de ce
qui se passe en haut de leurs constructions.
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struits par assises régulières, ne se relient pas entre eux et
présentent des hors plombs considérables ; les poutrelles des
gitages ont été placées sans soins, un peu au hasard; enfin,
certains murs du rez-de-chaussée ne correspondent pas avec
ceux du sous-sol, la partie inférieure de sa façade principale j
(et quelle façade, grands dieux) est exécutée suivant d’autres
dessins que ceux approuvés par le conseil communal et joints
au procès-verbal d’adjudication !
Un joli gâchis, comme vous voyez !
A la suite de ce débat, l’architecte de la ville a donné sa
démission. Le collège échevinal vient d’en faire autant.
Nous souhaitons que la ville de Liége, si elle fait choix d’un
nouvel architecte pour continuer et achever son conservatoire
et ses autres constructions, ce qui me semble assez naturel, à
moins qu’elle ne confie cette mission à un ingénieur mécanicien,
soit plus heureuse que dans la nomination du professeur de
composition architecturale à son Académie des Beaux-Arts.
Le conseil communal de Bruxelles va faire placer sur cer-
taines places et dans certaines rues de la ville, des plaques
commémoratives destinées à rappeler les événements remar-
quables de l’histoire de Bruxelles, et à honorer la mémoire de
ses grands hommes.
Deux de ces plaques seront très prochainement installées :
l’une, place Poelaert, rappellera aux générations futures le nom
de l’illustre auteur des plans du Palais de Justice; l’autre sera
placée à la façade de l’ancien hôtel Culenbourg, rue des Petits-
Carmes, et perpétuera le souvenir du banquet des gueux, du
Compromis des nobles et de son énergique promoteur, Marnix
de Sainte-Aldegonde.
Le dessin de ces plaques a été confié à notre collègue et
ami M. J. Baes.
La construction du nouvel Observatoire, à Uccle, est en
train. Déjà les bâtiments sortent de terre. On espère que les
installations scientifiques seront terminées vers le mois de
mai 1886, de façon à pouvoir déplacer à cette date l’Observa-
toire. Le bâtiment principal, comprenant la maison du direc-
teur, 11e sera peut-être pas terminé; mais cela n’empêchera pas
le déménagement définitif des appareils de science.
On sait que l’architecte du nouvel Observatoire est M. Octave
Van Rysselberghe.
On a terminé, au marché de la Madeleine, le placement du
buste de l’architecte Cluysenaer, l’auteur des plans du marché;
il a pris la place jadis occupée par l’horloge, qui a été
transportée de l’autre côté.
Le buste, en bronze, est placé dans une sorte d’œil-de-bœuf,
sur la balustrade de la galerie. Une plaque également en
bronze, sous le socle, porte l’inscription : A Jean-Pierre Cluy-
senaer, architecte, né à Kampen (Pays-Bas), le 28 mars 4844,
mort à Saint-Gilles, le 46 février 1880.
Autriche. L’Autriche a perdu dernièrement un artiste du plus
grand mérite, l’architecte Ferstel, qui a doté la ville devienne de
plusieurs monuments remarquables. Grâce à un talent très
souple, complété par une profonde érudition, M. Ferstel a
produit des œuvres d’un style et d’un caractère bien différents,
et cependant toutes également bien réussies; il a exécuté no-
tamment : le Palais de l’archiduc Louis-Victor et le Palais
Schwarzenberg, tous deux en Renaissance italienne, la Banque
nationale, en style florentin, l'Église votive, traitée en style
ogival allemand des xiiie et xive siècles, le Laboratoire de chi-
mie habilement décoré de briques de couleurs, de terres-cuites
et de graffitli, le Musée autrichien d’art et d’industrie, et enfin
le Palais de l’université (d’une superficie de 26,000 mètres
carrés).
France. — Une proposition ayant pour but la conservation
et la restauration de la tour de Jean-sans-Peur, a été déposée
au Conseil municipal de Paris; cette tour est tout ce qui reste
de 1 ancien château du duc de Bourgogne.
La vieille chapelle du Chœur-des-Dames, placée au chevet
de l’église Saint-Pierre de Montmartre, est menacée d’une
destruction prochaine; l’intérieur du chevet est orné de deux
magnifiques colonnes monolithes de marbre vert, provenant
d’un temple de Mars.
M. E. Guillaume, architecte,est nommé professeur de théorie
de l’architecture à l’école des Beaux-Arts de Paris, en rempla-
cement de M. Lesueur, décédé.
On a mis dernièrement au jour, à Nîmes, une intéressante
mosaïque romaine.
Allemagne. —Il est grandement question de la reconstitu-
tion du château de Heidelberg, du moins pour la façade de Otto-
Henri et la Chapelle.
Italie. — Le gouvernement italien a terminé la restauration
de l’intéressant hôpital de Pistoja, dont la façade est ornée de
la célèbre frise en terre cuite émaillée de Lucca délia Robbia,
représentant les sept œuvres de miséricorde.
La direction des fouilles a trouvé au Forum romain un
quatrième piédestal érigé en l’honneur d’une vestale; cette
trouvaille démontre bien que les derniers fragments découverts
proviennent d’une maison de vestales. |