Full text |
1848. - W. 9.
ANVERS, Mercredi t Janvier
(Onzième Année.)
H
O» >
A Anvers au bureau du Précur-
seur, bourse Anglaise, N» 1040;
en Belgique et à l’étranger chez
tousles Directeur» des Postes.
JOURNAL POLITIQUE, COMMERCIAL, MARITIME ET LITTERAIRE.
PAIX. — LIBERTE. — PHtteltËS.
Ji.Mti.mml iHmmlr.,
Pour Anvers, 15t'r.;pour la pro-
vince 18 fr.; pourl'étranger ,t>.
Insertions 25 centimes la Ife^e.;
Héclaines 50 » l^i ,
Etat de la Marine Belge.
lîSFU'ËACE DES WKOSTS HIFI F St E A T IELS.
A COWES.
9 janvier.
« EL ACHE
Nous publions aujourd’hui et nous adressons aux abonnés du
Précurseur le tableau delà marine belge au 1erjanvier 1816. La
loi du 21 juil'et 1844, celle loi qui devait développer notre ma-
rine, de manière à exciter l’admiration du monde entier, sui-
vant les pronostics de quelques Mathieu Lansberg, a-t-elle eu
cette heureuse influence ? A-t-elle produit la moindre chose
qui puisse nous Cuire espérer en elle? Hélas ! non, et nous
avons été, à notre grand regret, meilleurs prophètes que l’abbé
de Foere, lorsque nous avons soutenu que les droits différen-
tiels nuiraient à notre commerce, sans enrichir notre marine.
La preuve que notre marine ne s’est pas enrichie, sous le ré-
gime des droits différentiels, se trouve dans le tableau même
que nous soumettons an public.
I* Il y a dix huit mois que la loi protectrice du 21 juillet a été
établie. Le propre des lois de ce genre, lorsqu'elles sont réelle-
ment protectrices, est d’exciter tout de suite l’esprit d’enlrepri-
ses, de donner de l’audace aux plus timides, de pousser les
plus prudents à des tentatives aventureuses. Nous en avons
cent exemples depuis quelques années.
La loi du 21 juillet a-t-elle eu cet effet? A-t-elle excité l’es-
prit d’entreprises? A-t-elle déterminé les capitalistes et les
armateurs à faire construire un grand nombre de bâtiments en
Belgique? A-t-elle inspiré plus de crédit ei valu meilleur ac-
ceuil à notre pavillon? A-t-elle rendu notre marine quelque
peu plus puissante? Pendant cette épreuve de dix-huit mois,
I assez longue cependant pour qu’il y ait au moins signe de vie,
ya-l-ileu le moindre indice d'une influence favorable? Non.
L’esprit d’entreprises est demeuré ce qu’il était, et la marine
belge s’est plutôt appauvrie qu’elle ne s’est enrichie.
Elle se composait de 132 navires, au i°r janvier 1845. Elle
n’en compte plus que 151 aujourd’hui.
Quatre navires seulement ont été lancés en 1843. Trois sont
de petit tonnage Cinq ont été naturalisés. 11 en a été démoli
six, et trois se sont perdus, en y comprennant le Constant,
oui figurait comme existant encore, dans le tableau de 1844 et
dont la perte n’a été connue qu’en 1845. Nous possédons donc
un navire de moins qu’il y a un an, et peut-être existe-t-il des
sinistres ignorés !
Ainsi, l’eflicacité des droits différentiels n’a pas même été
assez grande pour compenser les pertes qu’a essuyées notre
marine, sous lp rapport du nombre des navi res ; elle ne l’a pas
été plus, sous le rapport du tonnage.
Voilà les heureux fruits de la loi du 21 juillet 1844! On n’a
cependant rien épargné pour qu’elle produisît tout ce qu’elle
pouvait produire. On l’a interprétée de manière à ce qu’elle
rendit tout ce qu elle pouvait rendre, tordue de façon à en tirer
tout ce que l’on pouvait en tirer, puisque l’on a poussé la pré-
| tention protectrice jusqu’à ravir aux navires étrangers affrétés
pour compte de négociants belges, le droit de relâcher à Cowes,
d’y prendre des ordres ou de les y attendre,—droitque le légis-
lateur avait accordé, moyennant certaines conditions à remplir.
On portait évidemment ainsi un très grand préjudice au
commerce belge, qui, vérification faite de tous les bâtiments
nationaux dont le nom figure dans noire tableau, n’a pas à son
service quarante vaisseaux aptes à la navigation transatlanti-
que ; on lui nuisait donc, sans enrichir la marine belge, comme
nous le disions au commencement de cet article, comme au
reste nous l’avons toujours soutenu.
Sera-ce un enseignement pour ceux qui ont tant prôné et
provoqué l'institution des droits différentiels? Oui, s’ils sont
FEUIIXETON.
LAPALICE.
Il est des jours où la raison humaine, épuisée par un trop long
exercice, semble abandonner tont-à-coup le cerveau le mieux organisé,
et laisser, pour ainsi dire, un temple ouvert à la folie. C’est dans un
de ces jours d’inexplicable gaîté, que le grave et religieux Bernard de
la Monnoye ; l’auteur des Noëls bourguignons et le traducteur delà
Glose de Sainte-Tliérèse. imagina de personnifier la vérilé niaise dans
sa complainte sur la vie et la mort de Lapalice ; il s’inquiéta peu de
savoir s’il faisait ou non un acte de mauvais citoyen, en attachant la
popularité ridicule à un nom qui ne devrait réveiller en nous que des
souvenirs d’héroïsme et de vertus militaires.
Nos petits enfants, grâce aux leçons d’histoire que leur donnent les
nourrices pour les endormir dans le berceau, n’ignorent pas que le
fameux Lapalice est mort en perdant la vie, et qu’il n’aurait pas eu son
pareil s’il eût été seul au monde ; mais à cela près de quelques révéla-
tions historiques, tout aussi importantes que celles-ci, touchant les
faits et gestes du sieur de Lapalice, la Monnoyea cru devoir garder un
scrupuleux silence sur d’autres événements qui ont singulièrement
aidé, cependant, à la célébrité de son héros. Sans doute on est bien
aise de savoir qu’il ne pouvait se résoudre à charger ses pistolets lors-
qu’il n’avait pas de poudre; que lorsqu’il écrivait en vers il n’écrivait
pas en prose, et que jamais, lorsqu’il buvait, il ne disait une parole.
Ce sont autant de détails précieux sur les hubiludes et le carac-
tère de ce grand homme : le poète ne devait pas les omettre, mais
nous pensons que Lapalice eût encore de meilleurs droits à l’ad-
miration des hommes, et c’est pour mettre ces droits en lumière,
que nous développerons quelques-uns des couplets do chansonnier
biographe Nous allons donc essayer de remplir des lacunesqo’on
rencontre à chaque pas dans l’œuvre de la Monnoye : il est bon d’être
gai; mais il est beau d’être exact, surtout quand il s'agit d’un homme
qui, depuis trois siècles, a pris rang parmi tes héros dont la France,
s’honore le plus.
Messieurs, vous plaît-il d’ouïr.
L’air du fameux Lapalice?
Il pourra vous réjouir...
Pourvu qu’il vous divertisse.
C’est après cette proposition, à la fois hardie et gentiment formulée,
que notre historien commence son récit. Mais, d'abord, ne devait-il
pas dire : Lapalice s»; nommait aussi Jacques II de Chabannes ; il était
noble de race, car son aïeul un autre Jacques de Chabannas, après
avoir vaillamment défendu Castillan contre Jean Talbot, l’Achille des
Anglais, mourut de ses blessures au siège de celte ville, qui, le 17 juil-
let 1533. coûta la vie à son illustre ennemi ? 11 était noble de race, ce
Jacques II de Chabannes, avons-nous dit. ; on peut ajouter qu’il était
noble de cœur; Charles VIII lui dut, en partie, la conquête de Naples,
et Louis XII celle du duché de Milan.
Lapalice eut peu de bien
Pour soutenir sa naissance ;
intelligents et de bonne foi. Ils doivent aujourd’hui voir clair,
ou ils sont condamnés à demeurer perpétuellement aveugles.
Leurs illusions, s'ils en ont eu, doivent être complètement dis-
sipées. Ce doit, dans tous les cas, en être un pour le gouver-
nement, à qui il n’est pas permis de fermer les yeux, pour ne
pas voir ce qui est évident et de ne pas reconnaître combien
sont stériles les droits différentiels, combien sont funestes pour
le commerce et pour l’industrie belges la plupart des mesures
qui en dérivent, notamment les entraves mises à la relâche à
Cowes. Son devoir est de les faire disparaître dès demain.
| Vu fart. 2 de la loi du 19 juin 1845. et les rapports ultérieurs de nc?5
i ministres susmensionnés, du 4 janvier 1846, n°* 3/5, confidentiels ;
Avons arrêté et arrêtons :
Art. 1. Les marchandises désignées ci-dessous importées, soit direc-
tement, soit en passant en transit sur un territoire étranger, de pays
où les marchandises venant des Pays-Bas, sont soumises à des droits
plus forts qu’à leur introduction d’antres contrées, sont assujetties à
un droit plus élevé, de la manière suivante :
les 100 liv.
ad valorem,,
les 100 liv.
Mesures Régressives prises par la Hollande.
Le Journal de La Haye publie un arrêté royal que nous re-
produisons aujourd'hui. Cet arrêté constitue une espèce de
déclaration de guerre douanière. Le gouvernement hollandais
a pris la résolution d’élever les droits à l’entrée d’un assez
grand nombre d’objets. On en verra plus loin la nomenclature.
Un des prétextes de cette mesure serait, parait-il, la décision
qu’a prise le Gouvernement belge d’élever, de fr. 9-99 à fr. 11-50
le droit d’entrée pour les cafés hollandais, jusqu’au 51 juil-
let 1846.
C’est là une mauvaise raison, attendu que la Hollande n’a
jamais pu prétendre que le privilège si aveuglément accordé
par M. Nothomb pût être perpétuel, pût même s’étendre au-
delà du 21 juillet 1846, qui était le terme fatal assigné par la
loi, en allongeant complaisamment la courroie dans toute son
élasticité. Ce privilège aurait même dû lui être retiré depuis
longtemps, si te ministère belge eut obéi strictement à la loi ;
s’il ne l’a pas fait, c’est probablement parce qu’il espérait
qu’on lui en saurait gré, et que ce serait le moyen de mener
plus facilement à bonne fin les négociations commerciales, an-
noncées dès le principe. C’est encore à celle même cause qu’il
faut sans aucun doute attribuer le privilège, modifié il est vrai,
mais privilège réel néanmoins qu’il lui a accordé, indûemcnt
selon nous, jusqu’au 31 juillet prochain, lorsqu'il a assimilé les
arrivages des entrepôts d’Amsterdam et de Rotterdam aux
importations faites directement des pays de provenance, sous
pavillon étranger, lorsqu’il n’a exigé que fr. 11-50, pouvant
exiger beaucoup davantage La Hollande aurait dû se montrer
très satisfaite d une condition pareille, et son procédé n’aura
l’approbation d’aucun homme impartial et juste.
11 nous étonne, mais ne nous effraie nullement, et il indique
à notre gouvernement la ligne de conduite qu’il doit suivre,
s’il a de l’intelligence et de l’énergie. Nous sommes loin de le
pousser à des mesures extrêmes ; nous voulons au contraire
qu’il ait, de son côté, les bons procédés en même temps que le
droit, mais c’est bien le moins qu'en présence des faits sembla-
bles, il soumette la Hollande au droit commun, et qu’il lui re-
tire sans le moindre retard les faveurs dont elle jouit. Ce n’est
pas de l’hostilité ; ce n’est que de l’équité.
Ausnienldtion coitiütioBineîIe des* droits d’entrée et
de sortie de plusieurs articles.
Le Bulletin des Lois contient l’arrêté royal suivant, du 5 janvier.
Nous. GUILLAUME II, etc. ,
Vu le rapport de nos ministres des finances et des affaires étrangères
du 31 décembre 1845. n™ 639/1185 ;
Ayant pris en considération que la législation de quelques Etats
dans lesquels il est perçu sur tes marchandises un droit différentiel à
l’entrée, suivant les lieux de leur provenance ou de l’endroit d’où se
fait l’expédition , et dans lesquels Etats l’exportation des subsistances
alimentaires est prohibée, porte préjudice au coinmerceetà l’industrie
des Pays-Bas ;
Voulant protéger, par des mesures analogues les intérêts des Pays-
Bas contre un pareil système de perception de droits d’entrée et de "
prohibition d’exportation ;
fl. 1 55
1 45
4 25
12 p. c.
fl. 1 65
20 -
4 75
8 p. c.
12 p. c.
fl. 2 50
31 p. c. "
fl. 13 50
8 —
16 —
4 —
I tjt P- c.
55 cents.
1.75 »
5 • 50 »
75 c.
38
5.50
c.
Cendres dite potasse et perlasse,
» vedasse,
Amandes,
Munitions de guerre (fusils et pistolets),
Rotings,
Livres, »
Cacao, »
Cassia lignea, cassia xœrra et canelle de Chine, ad valorem.
Machines pour fabrique et à vapeur, »
Spiritueux, par hectolitre,
Gingembre (sec). ad valorem,
» _ (confil), par 100 liv.
Verre à vitres, t uiles de verre (vitres dépolies y com-
pris), »
» coloriés, avec arabesques ou figures, »
» cristallerie, unie, non-colorié et non tail-
lée, »
» dorée, coloriée, cannelée, taillée ou figu-
rée, »
» bouteilles, les 100 bout.
Crins, ad valorem.
Résine et goudron, les 100 liv.
Chanvre non regayé, »
» régayé, »
Chapeaux de feutre, la pièce,
» Feutres pour chapeaux et toute autre es-
pèce de chapeaux : les chapeaux de
paille et les chapeaux montés pour fem-
mes exceptés, »
Miel, les 100 liv.
Cornes ou bouts de cornes, non compris les cornes de pois-
sons de mer, ad valorem. 3 1/2 p. c.
Bois de teinture, non scié, ad valorem. 10 p. c.
» Fernambouc, les 100 liv. 2 50
» de toute autre espèce, ad valorem. 6 p.
Peaix, Peaux et cuirs, toute espèce de peaux non prépa-
parées non spécialement tarifées , soit vertes,
salées ou sèches, ad valorem. 2i/î p.
» Peaux tannées et préparées non spécialement
» tarifées, les 100 liv.
» Ouvrages de sellerie, de cordonnerie, de mallete-
rie et toute autre espèce d ouvrages de cuir, non
spécialement tarifés , comme aussi les cuirs
dorés, ad valorem.
Foule de fer en gueuse on en masses, y compris
les pièces ou masses de fer destinés à servir de lest
(schuitjes) minerai de fer; fer en barres, verges et
carillons,fer feuillard,lôle et rails pour les chemins
de feç. ad valorem.
Ouvrages et ustensiles de fer coulé, forgé, battu
ou laminé, y compris les ancres et la quincaillerie
de fer ad volorem.
les 190 liv.
.. la liv.
Canelle de Ceylan et de Java. la liv.
Coton en laine importé par mer, can.et rivières, les 100 liv.
» » » par lerre, «
Habillements. Soit neufs, soit portés, en tant que ce ne
soit pas des chiffons, ad valorem.
Café. les 100 liv.
Houille, sans distinct, de pavill.. houille menue, les 10 ras.
» houille grosse sans distinct, de pavill., les 1000 liv.
Raisins de corinthe, les 100 liv.
Plomb. Brut en blocs ou barres, ainsi que vieux plomb,
les 100 liv.
Tisses, toiles et étoffes, de colon et de toute autre espèce,
non spécialement tarifés (les étoffes de soie ex-
ceptées), écrus, blancs, blanchis, gommés, cirés,
teints ou imprimés; passementerie, rubans, den-
telles et tulles, bas, bonnets, gants, chaussons,
culottes, caleçons et pantalons et toute autre
espèce de vêtements de coton, de laine, de poil,
de crin ou de lit, tricotés, soit à la main, soit au
métier, ad valorem.
fl. 15
Fer,
12
p. c.
Clous
Indigo
6 p. c.
12 p. c.
fl. 3
6 1/2 c.
II. t
12
fl.
fl.
fl.
fl.
c.
25
50
11. 0 70
12
p. c.
Mais il ne manqua de rien
Dès qu’il fut dans l’abondance.
Abondance de gloire, abondance d’honneur, bien acquis sur les
champs de bataille, voilà sans doute ce que voulait dire le poète. Il dut
se trouver riche en effet notre Lapalice, quelle que fût son ambition,
quand trois souverains, qui porteront tour à tour la main de justice de
sa i il t Louis, le revêtirent successivement des titres de maréchal de
France, de gouverneur de Bourdonnais, de l’Auvergnp, du Forez et du
Lyonnais; il était riche encore de l’estime des ennemis qui, danste
combat, dirigaient sur lui leurs balles, voulant disaient-ils, abattre l’un
des plus puissants bras de l’armée ; il était riche aussi de l’amour des
soldats, qu’il nourrissait de ses propres épargnes, quand le pain venait
à manquer par l’infidélité des trésoriers de l’Etat.
Il connaissait tous les jeux
Qu’on joue à l’Académie,
Fil n’était pas malheureux
Tant qu’il gagnait la partie.
Les parties qu’il gagna sont toutes fidèlement consignées dans l’his-
toire ; on les nomma : Marignan, ce terrible combat de qui le vieux ma-
réchal de Trivulce disait : « Tous tes autres ne sont que des jeux d’en-
fant ; » Fontarabie, cette clé de l’Espagne, que François lr portait à la
pointe de son épée, la Bicoque, où Lautrec laissa son honneur et Lapa-
lice une longue trace de son sang généreux : Marseille enfin, promise
par la trahison aux armes de Charles-Quinl, Marseille qui, s’endormant
un soir espagnole, se réveilla française encore le lendemain, parce
qu’un grand capitaine, Chabannes,' pénétra dans ses murs, et effaça,
à force de courage, la honte, dont la défection de Bourbon avait flétri
le nom de gentilhomme français.
I*rêt à fournir sa carrière,
Il parut devant le roi ;
Il n’était donc pas derrière.
Yoici à peu près en quels termes il parla au roi François Ier :
« Vous avez hâte de combattre : Su e, ne vaudrait-il pas mieux être
certain de vaincre ? Notre sang est à vous, mais vous êtes à la France,
et vous lui devez compte de vos entreprises contre les ennemis de
l’Etal. A Dieu ne plaise que je veuille faire la leçon au roi, mon maître,
mais aussi que Dieu l'éclaire lorsqu'il va jouer sa couronne peut-être
contre le hasard d’une bataille qui ne peut manquer d’élre funeste.
L’armée, affaiblie par les renions envoyés du côiéde Naples, attend de-
puis bien dejoursque vous acceptiez la trêve offerte parGharles-Quint
et conseillée par le t ape de Rome l.à, derrière ces solides murailles,
sont Launoy et Pescau eavecl’élite de leurs troupes; ici vous n'av ez que
des pauvres soldats peu nombreux et se mourant défailli. Là, derricreces
murailles, il y a Antoine de Lève, homme de génie et de ressource, qui
11’a jamais été vaincu, mais qui peut t’être sans que t’empire perde autre
chose qu’un homme ; ici, il y a un fils de France qui ne peut risquer sa
vie sans que le royaume risque en même temps de perdre son. roi. La
partie n’est pas égale. Sire : signez la trêve, et. Dieu aidant, nous nous
retrouverons un autre jour devant cette place, avec assez de forces
pour soutenir notre bon droit. »
François 1> fut sourd à ce conseil. Il tira l’épée, mais pour la rendre,
le soir même de ce jour, au brave Lannoy, qui la reçut à genoux des
mains de son royal prisonnier. C’était te matin de la bataille de Pavie
que Lapalice parlait ainsi au successeur de Louis XII.
Il fut par un triste sort.
Blessé d’une main cruelle ;
On croit, puisqu’il en est mort,
Que la plaie était mortelle.
Sorti avec une poignée de braves du fort qu’il défendait contre une
armée espagnole. Lapalice avait vu tomber autour de lui tous ceux
que son exemple venait d’entraîner tpi combat. Nul moyen de retraite
ne lui restait, et déjà couvert de blessures , il ne maniait plus qu’avec
peine l’épée qui. jadis, lui ouvrit les portes de Itavenue et de Navarre.
Cependant il avise un pan de muraille qui puisse le soutenir durant le
choc de l’ennemi, il s’y accule comme fait le sanglier d -vaut le toit de
sa bauge, et là, bien décidé à mourir glorieusement comme, il a vécu,
il appelle contre lui, par son intrépide défense, un grand nombre d’as-
saillants; car c’est trop peu de quelques hommes pour le vaincre. A
chaque mouvement de son épée . il étend un ennemi à ses pieds , les
fers de lance se croisent et le menacent ; il les écarte de sa main en-
sanglantée , et de sa main armée il plonge son épée jusqu’au cœur
de ses adversaires nombreux II se bâtit ainsi un rempart, d’homme i
entre lui et son rempart de pierres. Un seul brave avec lui, et Lapalice
sera sauvé. Mais il est seul, mais son bras s’affaiblit, mais le sang de :e>
veines s’épuise : « Demande grâce! « lui crie-t-on. Il va répondre par
le dernier effort du courage, quand un soldat espagnol franchissant la
barrière humaine, lui détache un vigoureux coup de pique sur le cvà-
ne, qui lui brise les os, et le fait tomber expirant.
Regretté de ses soldats,
Il mourut digne d’envie,
Et le jour de son Lrépas
Fut le dernier de sa vie.
Quelques copistes infidèles ont écrit : 0 Un quart d’heure avant sa
mort, il était encore en vie. >> Nous adopterons cette dernière leçon, "
bien que fautive, parce qu’elle nous conduit naturellement à dire com-
ment il employa ce dernier quart d’heure que Dieu lui laissa sans doute,
pour qu’il put dignement achever cette existence déjà si bien remplie.
Alors, dit un historien, Lapalice est traîné à demi-mort dans la tente
du général ennemi; celui ci le menace de le faire pendre par le bour-
reau de l’armée s’il n’oblige à l'instant les assiégés à livrer le fort.
» Qu’on me porte aux pieds des remparts, » dit Lapalice d’une voix
mourante. Deux soldats chargent sur leurs épaules le maréchal vaincu
et bientôt ils sont devant la forteresse vainement assiégée. Lapalice fit
Rappeler son lieutenant : il se nommait Cornon. » Ami. lui dit-il, vous
savez en quel état est la citadelle ? » Cornon. ému de voir son général
en si piteuse situation, 11e put répondre que par un léger signe de tête.
« Il 11’est pas l’heure de pleurer, continue le grand homme : il faut 111e
dire si vous avez l’espoir de tenir jusqu’à l’arrivée do duc de Nemours.
Oui, nous tiendrons, 11e dût-il venir que dans un mois, répond
alors d'une voix ferme le lieutenant de Lapalice
— Bien! bien! » ajoute celui-ci ; alors, se tournant vers le général
espagnol, il iui dit : « Faites de moi ce qu’il vous plaira : que mou àma
soit à Dieu, les nôtres feront leur devoir,... •> et pois il mourut.
Micbee Masso». |